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Marée humaine dans Paris – Et ensuite ?

Le temps du travail en profondeur commence :

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Une deuxième fois, des centaines de milliers de gens ont manifesté dans Paris leur opposition argumentée à la loi Taubira.

Une deuxième fois, les ministres ont snobé les gens. François Mitterrand avait pris au sérieux la marée humaine de 1984 ? Mais ensuite la démocratie classique a cédé la place à la post-démocratie : une machine au service du libéralisme économique, politique et culturel, système indissociable et formidablement efficace. Face à lui on peut réunir des foules énormes sans être pris en considération : un million de gens, c'est peanuts comparé à une poignée de servants du système... Il faut lire Michéa afin de  comprendre pourquoi le mariage gay fait partie du libéralisme culturel, indissociable du libéralisme économique.

La question qui se pose maintenant est : par où continuer ?

L'UMP avait misé gros sur la manif ; elle espère prendre son bénéfice – en captant les voix de ceux des manifestants d'aujourd'hui qui ne votaient pas déjà à droite. Encore faudrait-il savoir s'ils étaient nombreux dans le rassemblement.

L'extrême droite fait le même calcul... (Le FN calcule en termes électoraux. Les exclus du FN calculent en termes de "récupération" pour piéger un certain nombre de cathos, apeurés par l'orage et prêts à s'abriter chez la sorcière comme leurs aïeux des années 1930).

Ce n'est évidemment ni avec l'UMP, ni avec l'extrême droite, qu'un phénomène nouveau peut naître. C'est sur d'autres bases, avec une autre profondeur de champ.

Le phénomène nouveau naîtra, non "de" ces immenses (donc éphémères) rallyes de masse, mais "à partir" d'eux. Plus précisément : à partir du plus grand nombre possible de ceux qui se sont mobilisés dans tout le pays pour les réussir, avec une énergie significative.

Signficative de quoi ? D'une intuition qui se propage : beaucoup sentent que le problème est la forme de société que nous subissons. Il faut leur proposer, dans tout le pays, des rencontres pour étudier réellement [1] ce problème qui est le seul décisif, donc le seul urgent : il faut étudier le système pour savoir ce qu'il est, comment le combattre et par quoi le remplacer.

Comment réaliser ces rencontres ? En parlant de leur nécessité. Autour de nous. À tous. Dès maintenant.

Le temps du travail en profondeur commence. Ce n'est pas le contraire de l'action.

 

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[1] Michéa : « Dans la mesure où le relativisme moral constitue la clé de voûte idéologique du libéralisme culturel, celui-ci se présente logiquement comme le seul complément philosophique susceptible de justifier dans son intégralité le mouvement historique qui porte sans cesse le marché capitaliste à envahir toutes les sphères de l'existence humaine, y compris les plus intimes. »

 

 

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Face à la ”dissociété”, la marche des Veilleurs

et cette réflexion de Jacques Généreux :

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La "dissociété" est une société qui réprime ou mutile le désir d'être avec, pour imposer la domination du désir d'être soi. Du coup, dans la dissociété, la "dissociation personnelle" de chaque dissocié l'amène à ne plus supporter le "vivre-ensemble" qu'avec des personnes semblables à lui-même

 Jacques Généreux, La Dissociété, Points-Seuil 2008.

 

Pour changer quoi que ce soit dans la société de 2013, il faut comprendre que la "dissociation personnelle" est le produit du modèle économique imposé : le stade totalitaire du libéralisme, décrit sous divers angles par Michéa, Cavanaugh, Schooyans etc. L'hyper-individualisme (consumériste) est le comportement prescrit par l'utopie économique libérale, devenue mondiale et poussée au paroxysme. Et si l'on étudie le programme LGBT [*] on constate qu'une réforme comme la loi Taubira s'inscrit ouvertement dans la logique avancée du libéralisme : dissoudre toutes les normes, tout réduire à l'individu et au moment présent, "ne plus supporter le vivre-ensemble qu'avec des personnes semblables à soi-même" !

Se proclamer libéral et MPT serait donc un non-sens, et il faudra le proclamer dans les universités d'été - malgré les récupérateurs politico-économiques qui viendront y oeuvrer. Chassons le libéral de notre tête ! C'est l'heure de se réveiller !

 

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[*] Lire attentivement notre note du 07/04 2013 sur le redoutable colloque de l'EHESSici

 

 

 

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Sévérité d'Yves Calvi envers la classe politique

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L'expert médiatique "profile" nos élus : 

 


Le patron de C'dans l'air répondant à TV magazine :

 

<< La parole de l'autre... Que dire de la scène politique aujourd'hui ?

YC – Que ça n'évolue pas bien. Nos responsables politiques ne se rendent pas compte du fossé qui s'est creusé entre eux et les Français. Outre cet art de la langue de bois totalement systématisé, ils vont sur un plateau comme ils vont chez le coiffeur, ils postent un tweet comme ils donnent une interview d'une heure sans travail de préparation. Ils ne se rendent plus compte du caractère exceptionnel de l'exercice. C'est une grosse erreur ! >>

 

Calvi a raison en gros. Mais il pourrait s'interroger sur la cause de l'irresponsabilité de la classe politique, que l'on appelle depuis vingt ans "politico-médiatique"... Sauf un petit nombre d'émissions intelligentes, les règles de fonctionnement des grandes chaînes privilégient le bref, le superficiel et l'anecdotique : chose que les élus ont comprise depuis longtemps. D'autre part, les élus sont subjugués par ces mêmes grandes chaînes devenues, croient-ils, le centre nerveux de la société ("le cerveau de la démocratie", disait un rédacteur en chef)... Ce processus implique évidemment la complicité – et le faible niveau culturel – de la classe politique, plus proche des milieux d'affaires que de l'Université ; mais les élus croient que ce sont les médias qui motivent l'électeur ! Donc le moteur du processus se situe du côté des plus grands médias. Or ceux-ci ne sont que l'un des outils de la sphère financière... On ne peut considérer le système 'politiques-médias' sans remonter à la cause, qui est la machinerie globale. Sur ce thème, Yves Calvi pourrait faire un plateau où il inviterait Jean-Claude Michéa.


 

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75 % des sondés dénoncent la ”faillite” des institutions

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Leçon du sondage Elabe :  désormais les Français voient que la classe politique a abandonné... le politique. C'est un point de bascule et la suite sera sans doute intéressante :

 

Sondage Elabe : 91 % des Français interrogés se disent inquiets d’affrontements entre groupes sociaux. Une majorité massive juge que le drame sanglant de Crépol est tout autre chose qu’une simple rixe (78 %) ; 78 % aussi disent que la sécurité des personnes et des biens s’est dégradée depuis plusieurs années.

Au-delà du problème des bandes de banlieues – et de la contre-violence naissante de bandes hostiles aux "immigrés” –, ces indices pointent vers ce que 75 % des sondés appellent “une faillite générale” du régalien : par exemple, 87 % jugent que la magistrature est “laxiste”. Constatant l’impuissance des institutions devant le délitement de la société, l’opinion en conclut qu’elles ne protègent plus le bien commun. Résultat : 66 % des interrogés estiment qu’aujourd’hui “ce qui divise les Français devient plus fort que ce qui les rassemble”.

Qu’est-ce qui “rassemblait” les Français depuis des siècles ? L’Etat. Ce ne fut pas une histoire facile. Ni souvent équitable... Mais puisque la République (après la Couronne) s’est chargée de l’intérêt général, le moins qu’on puisse attendre de ses mandataires actuels est qu’ils essaient de remplir cette tâche.

Est-ce le cas ? Non, depuis des décennies. Et encore moins depuis que les présidences de la seconde Cinquième ont déserté le politique pour se mettre au service de “l’extension du domaine du capital” (Michéa) et de son sous-produit, le consumérisme généralisé en marketing des comportements et religion des “nouveaux droits”. Ce système fabrique une anarchie des Moi-sans-limites éventuellement violents (demandez aux maires !), et cet égotisme se substitue à la vie en société. Le consumérisme et les communautarismes éliminent les normes et les idéaux communs ; M. Macron appelle ça : “émanciper”. Et quand la notion d’appartenance civique – droits et devoirs – est abandonnée au profit de “valeurs” venues du marketing et tendanciellement conflictuelles, rien d’étonnant à ce que “ce qui divise les Français” devienne plus fort que “ce qui les rassemble” ! C’est le résultat d’une trahison de dirigeants qui n’ont plus idée de la res publica. Aujourd’hui les sondages s’en rendent compte. Attendons la suite.

 

 

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30/11/2023 | Lien permanent

Gautier Bès (les Veilleurs) : ”Ce qui nous unit, avec nos différences, à tous les autres mouvements de révolte : de Sao

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Entretien avec l'un des principaux animateurs

des Veilleurs :

...par Henrik Lindell (La Vie, 16/07) :

A 24 ans, Gaultier Bès est un des principaux animateurs des Veilleurs. Cet agrégé de lettres est chargé d'organiser la marche cet été qui partira de Bordeaux le 10 août et rejoindra Paris le 31 août. Ce Lyonnais explique ici les fondements de son engagement.

Qu'est-ce qui vous a amené à participer aux Veilleurs ?

J'ai participé à la mobilisation contre le mariage pour tous à Lyon, notamment à la marche solidaire du 17 novembre dernier. En mars, face à l'obstination et au refus du gouvernement de tout débat, alors que la question divisait toujours profondément le pays, il y avait des tentations de radicalisation. Que devions-nous faire ? Nous avons été marqués par la première veillée non violente à Paris sur les Invalides. Du coup, nous avons fait la même chose à Lyon, sur le mode Gandhi, en silence. Puis, je me suis déplacé pour la deuxième veillée à Paris en avril. Je me suis fait remarquer en lisant un texte de Gramsci : « Je hais les indifférents », de 1917. Il est devenu un texte de référence pour nous.

Etes-vous ou avez-vous été engagé politiquement ?

Non, je n'ai jamais milité pour aucun parti politique et ce n'est pas non plus dans mes projets. [...] Ce qui me plaît chez les Veilleurs, c'est la volonté de dépasser les slogans, la polémique stérile et médiatique. Nous voulons vraiment dépasser la logique des partis.

En luttant contre le mariage pour tous ?

Oui, nous nous opposons au mariage pour tous et à toutes ses conséquences. Il s'agit d'une transformation d'une institution fondamentale par l'Etat de manière autoritaire et qui, sur le plan philosophique, est illégitime.
Mais cette mobilisation révèle d'autres choses. Elle montre qu'il y a un décalage considérable entre les citoyens de base et leur soi-disant représentants politiques. En face, la mobilisation qui naît n'est pas fondée sur le cynisme, mais sur l'espérance. On peut travailler à la paix, à la justice, autrement que par la magouille. Surtout, nous sommes contre la simplification à outrance du réel. On ne veut plus de la pensée binaire, réflexe, de l'empire du bien et de l'empire du mal. Ainsi, face aux tenants du progrès et de l'égalité pour tous, il y aurait les égoïstes, les infâmes, les réactionnaires et les homophobes. On en arrive à des absurdités : l'homosexuel qui s'oppose à la loi Taubira est traité d'homophobe...

Parce que la réalité est plus complexe ?

Oui. Nous voulons penser la complexité du réel. Tous ceux qui s'engagent ne sont pas des petits-bourgeois mariés qui ont trois enfants : dans les manifestations contre le mariage pour tous, il y avait énormément d'enfants de divorcés et de familles recomposées.[...] On essaie aussi de comprendre ce qui nous unit avec nos différences à tous les autres mouvements de révolte : de Sao Paulo à Occupy Wall Street, en passant par Notre-Dame-des-Landes.

Mais dans ces mouvements-là, beaucoup de gens sont favorables au mariage gay...

Certes. Mais le mariage pour tous participe d'une logique libérale-libertaire bien décrite par le philosophe Jean-Claude Michéa et l'essayiste Patrice de Plunkett. J'y vois la perte du sens du réel, une forme de l'hybris. Cela se manifeste dans les champs politique, économique, social, écologique, etc. De fait, certains s'opposent à la finance virtuelle. D'autres luttent contre les dégâts environnementaux. Il faut prendre connaissance de ces convergences. Il y a des logiques communes.

Lesquelles ?

Je suis frappé par le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Tous les investissements dans les grands travaux sont gelés... Tout, sauf l'aéroport. Parallèlement, le gouvernement abandonne des promesses comme la taxation de 75 % sur les revenus et la renégociation du traité européen. Il abandonne tout sauf la proposition 31 sur le mariage. Je résume : le gouvernement impose un aéroport sur une surface agricole. On change la définition pluriséculaire du mariage. Dans les deux cas, il y a une réaction populaire et pacifique.
Du coup, nous allons rencontrer des militants de Notre-Dame-des-Landes lors de notre marche en août. Personnellement, je suis proche des décroissants à Lyon.

Comment en arrive-t-on à avoir un tel engagement pour une question sociétale que beaucoup jugent anodine au regard des enjeux économiques et sociaux des Français ?

La question du mariage n'est pas anodine. Il est nécessaire qu'il y ait des couples féconds et stables, afin d'assurer l'équilibre générationnel. Je comprends que certains soient surpris qu'il y ait une mobilisation importante pour un enjeu qui ne préoccupe pas tous les Français au quotidien. Il est vrai aussi que la précarisation progresse et il faut s'en préoccuper.
Chez les Veilleurs, on veut in fine proposer une alternative pour que le plus faible, le plus vulnérable, le plus fragile soit celui qui nous préoccupe au premier plan, non celui qui a le plus d'argent, qui influe le plus et qui est le plus médiatique. La prise de conscience de l'orphelin que l'on va priver de liens de filiation cohérente et la prise de conscience du travailleur pauvre qui ne peut plus se soigner pourront aller de pair.
Mais pour moi il y a une différence entre les questions de filiation et les enjeux économiques. Il n'est pas bon – en principe - de priver délibérément un enfant de son père et de sa mère. Il y a là un clivage fondamental. Pour lutter contre la crise économique ou le chômage – et il faut le faire ! – il y a plusieurs solutions légitimes différentes. C'est en tout cas ce que dit la doctrine sociale de l'Eglise.

Que dire à ceux qui vous considèrent comme un mouvement catholique ?

Que nous ne sommes pas un mouvement catholique, ou religieux en général ! On ne prie pas lors de nos veillées. Nous avons une vision de l'homme que l'on trouve dans toutes les traditions. D'ailleurs, lors de nos veillées, on lit parfois des textes d'auteurs communistes. Nous sommes d'accord avec eux sur certains points. On veut reconquérir l'espace public. Donc, on ne défend pas « les valeurs catholiques ». Personnellement, je suis humaniste. Je ne suis ni communautariste, ni individualiste. Je me soucie du bien commun. [...]

Le clivage gauche-droite existe-t-il pour vous ?

Il n'a plus aucun sens pour moi. Ce clivage est profondément archaïque. Le gouvernement a voulu recréer ce clivage artificiellement, mais les Français n'en veulent pas. Comme disait Bossuet, « Dieu se rit des hommes qui chérissent les causes dont ils déplorent les effets ». [...]

Seriez-vous allé dans un cercle de silence ?

Je ne l'ai pas fait, mais je respecte ceux qui le font. Les sans-papiers sont victimes de la dé-régularisation et du déracinement. Il faut les aider pour qu'ils ne soient pas réduits à se déplacer ainsi. Mais sur le fond du problème, je pense que les frontières sont une protection et je ne pense pas qu'un monde sans frontières soit souhaitable.

Veiller, qu'est-ce que c'est pour vous ?

C'est se rendre attentif à ce qui n'est pas spectaculaire, mais est tu, profond, négligé. La veille, c'est la présence dans la nuit, l'attention à la fragilité. D'où l'utilisation de petites bougies et de lanternes. Comme le dit souvent Madeleine Bazin, une des animatrices des Veilleurs, on veut rappeler qu'« on a existé avant d'apparaître ».
Le phénomène de la Gay Pride est aux antipodes de ce que nous faisons. Eux, ils veulent rendre visible une fierté informe. Nous n'avons rien à proclamer. Nous sommes en quête et nous nous mettons à l'écoute de textes, d'une tradition et d'une réflexion.

Vous serez professeur de français à partir de la rentrée prochaine dans un lycée public. Quels sont vos auteurs préférés ?

Je suis très éclectique. Mais mon auteur préféré est Bernanos. Et j'aime aussi Péguy. Ces auteurs-là acceptent le doute et la remise en cause. Ils cherchent aussi la cohérence personnelle dans ce qu'ils font.
Sur le plan des idées, je peux lire le philosophe Jean-Claude Michéa. Et j'aime bien les journaux d'enquête Fakir et La Décroissance. Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier un auteur comme Chantal Delsol.
Bien entendu, tous les veilleurs ne lisent pas Michéa comme moi...

 

 

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Crise européenne : les gesticulations continuent

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...esquivant

   le problème

   essentiel :




Sommet européen cette semaine : « le sommet de la dernière chance », proclament (une fois de plus) les médias.

La dernière chance avant quoi ?

Avant l'éclatement de la zone euro ? Cette éventualité était prévue de longue date par les économistes lucides, compte tenu de la facticité de l'échafaudage.

Quant aux « agences de notation », leur concurrence réciproque les transforme en cochers de l'Ankou. L'une d'elles (S&P) annonce maintenant la « mise sous surveillance » de tous les pays de la zone euro... En fait il ne s'agit pas de « surveiller » quoi que ce soit, mais de renchérir sur les agences rivales quitte à déclencher la catastrophe : et tout se passe comme si c'était le but, S&P ayant choisi (pour lancer sa prophétie auto-réalisatrice) la semaine du « sommet de la dernière chance ».

Et pourquoi renchérir ? Par intérêt de boutique à très courte vue ! S&P doit faire plus fort que Fitch ou Moody's, et réciproquement. Par ailleurs S&P « surréagit après les mises en cause concernant son comportement lors des subprimes : elle avait été accusée d'être trop laxiste. Elle est aussi très sensible à son image à l'égard des investisseurs chinois, qui sont très critiques vis-à-vis des Occidentaux. » (Norbert Gaillard, docteur en économie et spécialiste des agences, Libération 7/12).

Surenchérissant dans leur propre intérêt de boutiques, ces officines privées terrorisent désormais les Etats : c'est la logique de la dérégulation ultra-libérale, délire prédateur dont on devra sortir par la force des choses. C'est-à-dire après la catastrophe annoncée. [*]

Mais on ne doit pas s'en tenir à incriminer « les prédateurs privés » (vulgate antilibérale) ni « les dépenses des Etats » (vulgate libérale). Les prédateurs et les Etats sont engrenés, les uns comme les autres, dans un système intrinsèquement pervers dont nous sommes tous – vous et moi – partie prenante. « Cette crise n'est pas uniquement une crise financière, une crise des 'subprimes' ou une crise de la dette. C'est aussi une crise des limites et une crise énergétique, c'est-à-dire de ce que peut supporter le monde pour satisfaire notre soif de croissance. […] Que ce soit collectivement ou individuellement, nous avons vécu au dessus de nos moyens  » : il va falloir remettre en cause le 'consommer encore et toujours plus ', accepter « un mouvement inéluctable de réduction du niveau de vie des pays les plus riches tels que le nôtre ». J'approuve cet avis de Denis Cheynet dans le numéro de décembre de La Décroissance.

 

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[*] Evidence que refusent de comprendre les libéraux, qu'ils soient de gauche, de droite ou d'extrême droite : « Le libéralisme est structuré comme un ruban de Möbius. Il présente toujours deux faces apparemment distinctes et opposées (une face 'de gauche' et une face 'de droite'). Mais dans la pratique ces deux faces n'offrent aucune solution de continuité. Le fait que cette continuité puisse encore échapper à bien des partisans du dogme prouve seulement leur incohérence théorique ou leur schizophrénie. » (Jean-Claude Michéa, Le libéralisme comme philosophie de l'illimité : in La Décroissance, décembre 2011).

 

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Mariage de Montpellier, etc

Ne nous trompons pas de combat :

  

Aller applaudir les mariés de Montpellier, comme le suggère Barjot, serait une complaisance.

Aller les huer serait un cadeau à M. Valls, qui souhaite proclamer la République en danger. Les droits LGBT sont en effet devenus (à eux seuls) "la République", voire la totalité de la question politique et sociale. Comment est-on venu à un tel ratatinement des enjeux ?

La réponse est donnée par plusieurs auteurs non-conformistes, dont Michéa. Elle réside dans le processus de vidage du politique au profit du business, depuis le putsch ultralibéral des années 1990. Ayant renoncé à assurer le bien commun, le politique est devenu une agence du bien-être des individus et des groupes d'affinités pulsionnelles (ces dernières étant rebaptisées "identités" ou "cultures"). Cette agence marche du même pas que tout le reste du marketing. Elle agit au nom de la satisfaction de tous les segments de consommateurs ; satisfaction rebaptisée "tolérance", puisque tous les segments doivent être satisfaits quelle que soit leur revendication. Le marketing – consommation de masse – est notre horizon, réputé indépassable ; il est le bain amniotique ou nous vivons nuit et jour. Donc toute protestation d'un segment du public contre la revendication d'un autre segment, est déclarée "intolérance" et c'est un délit "très grave", disent les médias  commerciaux et le ministère de l'Intérieur. Les protestataires sont alors disqualifiés, déclarés suspects, et surtout incompris d'une grande partie de leurs contemporains – qui ont accepté et intériorisé la mentalité de marketing ci-dessus décrite. Expliquer à ceux-là ce qui est en cause devient difficile.

Sauf quand la libéralisation croissante (donc l'emprise croissante de l'individualisme égotiste) atteint le vital, comme la roulette du dentiste atteint le nerf...

C'est ce qui s'est passé avec la loi Taubira. D'où le surgissement d'une masse de protestataires, si imposante que les officiels – élus, pubards, médias – se sont réfugiés dans le déni et/ou la diabolisation.

Mais ce mouvement de masse va s'évaporer s'il n'est pas réinvesti en courant profond et intelligent : ce qui passe par l'analyse du processus général dont le mouvement a dénoncé un effet particulier.

L'heure n'est pas à l'activisme, quoi que dise le "Printemps français". Ni à la complaisance, quoi que dise Barjot. Elle est à la structuration et à la diffusion d'une pensée stratégique, qui aille à la racine et s'ouvre à toutes les réalités (et à toutes les alliances). C'est seulement à cette condition qu'un phénomène social et civique nouveau pourra naître.

En attendant, beware of the dwarfs, prenez garde aux nains ! On est pris d'un rire incrédule quand on lit dans la presse d'hier que le mouvement de masse va faire naître "une nouvelle génération UMP"...

 

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Le monde délirant du libéralisme

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« Un juge de l'Arizona a refusé, le 29 mars, de prononcer le divorce d'un Américain au motif qu'il ne peut prouver qu'il était un homme lors de son mariage...

 

 

 

...L'histoire est ubuesque. Thomas Beatie, né femme, décide de prendre de la testostérone pour devenir un homme. En 2002, il subit une double mastectomie tout en conservant son appareil reproductif. Il change alors d'état-civil. C'est donc en tant qu'homme qu'il se marie en 2003. Mais après son mariage, sa femme ne pouvant avoir d'enfant, il donne naissance à trois enfants. Pour le juge, il n'était donc pas réellement un homme au moment de ses noces. L'Arizona ne reconnaissant pas les mariages entre personnes du même sexe, il ne peut donc pas divorcer. »

 

Cet écho est paru dans M, le magazine du Monde (6/04), écho du libéralisme culturel LGBT. Il en ressort :

1. qu'aujourd'hui une femme gardant « son appareil reproductif » peut néanmoins obtenir de devenir un homme à l'état-civil, la notion d'identité sexuée ayant disparu face aux exigences du consommateur de fantasmes (« le client a tous les droits ») ;

2. que le « droit à l'enfant » passe par l'adultère ;

3. qu'un doute s'installe : y avait-il adultère, si le mariage était invalide au point de ne pas permettre le divorce ? ;

4. que la dissolution de l'identité sexuée permet d'être « homme dans sa tête » mais femme au dessous du nombril, et sans contradiction grâce à la théorie queer ;

5. que le cas Beatie, après avoir fait gagner de l'argent aux chirurgiens (et avant de leur en faire gagner plus pour achever la transformation), va faire gagner des montagnes de dollars aux cabinets d'avocats spécialisés dans le trans ! Et que c'est à ce genre de choses (entre autres) que fait allusion le PDG de Goldman-Sachs quand il dit que les nouvelles moeurs sont du good business ;

6. que peut-être ce sont les manifestations de conservatives à tricorne qui ont empêché provisoirement le libéralisme d'instaurer le mariage gay dans l'Arizona, mais que les autres délires sont déjà institutionnalisés dans cet Etat, et que les conservatives feraient bien de se demander quel sorte de système économique ils défendent à coups de we the people et autres carabistouilles sur les droits absolus et imprescriptibles ;

7. et à ce propos citons Jean-Claude Michéa (Les mystères de la gauche) : « La seule chose qui importe, c'est de parvenir à s'entendre, une fois pour toutes, sur une critique qui ne se contente plus de dénoncer rituellement certains effets du libéralisme économique tout en travaillant simultanément à amplifier les effets du libéralisme culturel, qui n'en constitue que le versant psychologique et idéologique. »

 

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06/04/2013 | Lien permanent

La phrase du jour

...est de la romancière Camille Laurens* :

  

<< ...L'hystérie croissante par laquelle nous dénions à l'autre, au profit de notre propre reflet fantasmé, le statut d'être réel...  >>

 

Bon diagnostic auquel il ne manque qu'une identification des causes ! L'individu d'aujourd'hui a peur de qui ne lui ressemble pas : il appelle ça une quête d'identité, mais c'est l'aboutissement individuel du phénomène de la foule solitaire annon dès 1950 par le sociologue David Riesman dans son Anatomie de la société moderne. Cette société est pulvérisée par le modèle économique libéral, selon la célèbre formule de Mme Thatcher : « Il n'y a que l'individu et le marché ; entre les deux je ne vois rien que l'on puisse appeler société... ». Rendant tout instable, exigeant toujours plus d'un salarié qu'il rend de plus en plus précaire, le marché déboussole l'individu – et l'isole des autres en lui répétant (psychologie d'hypermarché) qu'il doit n'être « que lui-même ».

C'est ainsi que la société est devenue dissociété, expliquait l'économiste Jacques Généreux (1) : «  La dissociété est une société qui réprime ou mutile le désir d'être “avec”, pour imposer la domination du désir d'être “soi”. Du coup, dans la dissociété, la dissociation personnelle de chaque dissocié l'amène à ne plus supporter le vivre-ensemble qu'avec des personnes semblables à lui-même... » Et si cela va « croissant », comme dit Camille Laurens, c'est que la « croissance » est l'engrenage de notre système.

Car cette « dissociation personnelle », qui explique une grande partie des troubles contemporains, est l'un des produits du modèle économique imposé (et de son formatage des comportements) : l'ultralibéralisme qualifié de « totalitaire » par des analystes venus de tous les points cardinaux, athées comme Jean-Claude Michéa ou Michel Onfraycatholiques comme Michel Schooyans ou William Cavanaugh... Dissoudre les structures communes et permanentes de la société, tout réduire à l'individu et à l'instant présent, ne supporter que les « personnes semblables à soi-même » : c'est la doxa de l'ultralibéralisme.

Face à ce solipsisme mortel, le pape François appelle à un soulèvement de la vie : « Nous devons créer avec notre foi une culture de la rencontre, de l'amitié, une culture où nous trouvons nos frères, où nous pouvons parler avec ceux qui ne pensent pas comme nous, avec ceux qui ont une autre foi. Ils ont tous quelque chose en commun avec nous : ils sont l'image de Dieu... » (2)

Ces thèmes notamment sont développés dans mon livre Face à l'idole Argent - La révolution du pape François, qui paraît le 5 novembre chez Artège.

 

* Le Monde des livres, 23/10.

 

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1. La Dissociété, Points Essais 2008.

2. Veillée de Pentecôte 2013.

 

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Mediapart déguise M. Fillon en ”ennemi du système”

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Le débat politique vire ainsi au guignol : 

 

 

Une période politique malsaine irrite les humeurs. Les pires humeurs sont celles qui s'habillent en raisonnements : on les appelle sophismes.

Un exemple en est donné par l'article publié le 4/02 chez MEDIAPART, sous le titre : "L'assassinat politique de François Fillon".  On le lira ici : https://blogs.mediapart.fr/regisdesmarais/blog/040217/lassassinat-politique-de-francois-fillon. L'auteur affirme que M. Fillon est la bête noire du système économique et financier, et  il construit à l'appui tout un échafaudage de prémisses et de déductions pour réduire à rien l'affaire des salaires familiaux.  Cependant l'échafaudage est fragile.

Que certains aient exploité l'affaire des salaires familiaux pour "assassiner politiquement" M. Fillon, c'est visible et le coup ne vient pas seulement de la gauche.

Mais cet "assassinat" n'est pas le produit du "système" économique et financier, comme l'affirme étrangement MEDIAPART ! En quoi M. Fillon serait-il l'ennemi du système économique et financier alors que son programme est thatchérien ?  En quoi sa "volonté de sortir le pays d'une situation d'endettement", et les moyens qu'il veut imposer, seraient-ils en rupture avec les dogmes du système [*] qui a asservi l'Etat aux marchés financiers ? 

Et qu'en pense le peuple français ? Une forte majorité de sondés désapprouvent les salaires familiaux de M. Fillon. Mais une forte majorité désapprouvaient déjà, en décembre, les projets de M. Fillon en matière de santé : projets dictés par l'assureur ultralibéral Castries (pressenti à l'époque comme futur ministre de l'Economie et des Finances)... C'est le volet anti-social de son programme qui a provoqué la première fracture entre M. Fillon et les citoyens. La seconde fracture a été provoquée par la comparaison entre ce volet anti-social et ce que l'on apprenait sur les salaires de la famille Fillon. L'opinion française ne réagirait pas aussi massivement à cette affaire si M. Fillon n'avait pas commencé par se poser en apôtre de l'austérité pour tous.

Comprenons bien la réalité populaire. Le chômeur, ou les parents dont les enfants n'arrivent pas à trouver d'emploi, se fichent que Mme Fillon (que chacun plaint) ait vraiment travaillé, ou un peu, ou en pointillés, ou pas du tout ;  ou que les jeunes Fillon aient été avocats ou pas encore ! Le problème est que M. Fillon s'est comporté comme le reste de la classe politique, et que les "gens d'en bas" comme dit Michéa (les "dégagistes" comme dit Mélenchon) ne reconnaissent plus aux membres de cette classe le droit de leur infliger une austérité qu'ils ne s'appliquent pas à eux-mêmes.

Mais l'article de MEDIAPART méprise l'opinion publique. Il la croit manipulée, et même manipulable au point de croire MEDIAPART affirmant que l'ennemi du système libéral est... l'un des deux candidats les plus libéraux. Ce genre de contorsions mentales est dans l'air du temps ; on voit même, depuis le début de cette affaire, des "populistes" de droite donner tort aux réactions du peuple, ce qui en dit long sur leur degré de sincérité.  

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[*]  lire à ce sujet Benjamin Lemoine : L'ordre de la dette, la Découverte.

 

 

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