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12/04/2024

'Dignitas infinita' : Rome face aux dérives de l'Occident

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Le nouveau document romain montre l'inviolabilité de la dignité et la permanence de la nature humaine, malgré le pilonnage de propagande de l'idéologie occidentale anti-nature. Au passage, Dignitas infinita réfute les surenchères "sociétales" actuelles : transsexualisme, gender, euthanasie, GPA, avortement etc. Une bonne boussole pour les catholiques loyaux envers le Magistère :


 

John Henry Newman disait : “Le cœur de chaque chrétien devrait représenter en miniature l’Eglise catholique, puisque le même Esprit fait de l’Eglise tout entière aussi bien que de chacun le temple de Dieu” (1Corinthiens 3,16). Et “tant que les chrétiens ne rechercheront pas l’unité et la paix intérieures en leur propre cœur, jamais l’Eglise elle-même ne sera dans la paix et l’unité au sein de ce monde qui les entoure…”

C’est le cas aujourd’hui. Le “désordre lamentable” que Newman redoutait pour l’Eglise est sous nos yeux dans l’hémisphère nord : une partie des milieux catholiques se laissent phagocyter par l’ultralibéralisme “sociétal” (les “nouvelles valeurs” des sociétés riches). Des pans entiers du catholicisme allemand, par exemple, croient devoir s’aligner sur les campagnes idéologiques actuelles contre la nature humaine – pourtant incompatibles avec le sens chrétien de la vie. Comment cet aveuglement est-il possible ? Réponse dans le document Dignitas infinita de la Doctrine de la foi, paru le 2 avril sous l’autorité du pape François. [1]

Très équilibré, ancré dans les enseignements de Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et François, ce document mûri pendant cinq ans est une synthèse de la pensée catholique sur la permanence de la dignité humaine face aux pressions du monde actuel. C’est un texte positif pour encourager les fidèles à assumer leurs responsabilités dans la cohérence : le catholique cherchant son unité d’âme, comme dit Newman, ne peut applaudir le Magistère sur certains points tout en lui tournant le dos sur certains autres.

Mais ce document équilibré n’esquive pas “le moment historique complexe que nous vivons, afin qu’au milieu de tant de préoccupations et d’angoisses, nous ne nous égarions pas, ni ne nous exposions à des souffrances plus déchirantes et plus profondes”. Dignitas infinita traite donc des troubles nés de la campagne idéologique occidentale contre la nature humaine. Il ne cache pas que ces troubles peuvent aveugler aussi des catholiques.  Si aveuglement il y a, explique-t-il, c’est qu’aujourd’hui “de fréquentes confusions se produisent dans l’utilisation du concept de dignité”. La dignité “n'est pas accordée à la personne par d'autres êtres humains, sur la base de certains dons et qualités, de sorte qu'elle pourrait éventuellement être retirée” ; elle n’est pas “conférée a posteriori ” mais “intrinsèque à la personne”. Tous les humains possèdent donc la même dignité intrinsèque, “qu’ils soient ou non capables de l’exprimer de manière adéquate” : d’autant plus que dans la foi chrétienne, la dignité humaine présente dès ici-bas culmine avec “la vocation de l’homme à communier avec Dieu” dans l’éternité.

La pensée catholique sur la dignité humaine est incompatible avec les déconstructions idéologiques à la mode en Occident – qui sont un retour, par exemple, à la coutume païenne de faire dépendre du bon plaisir du pater familias la reconnaissance (ou non) de l’humanité du nouveau-né : “[La reconnaissance de la dignité de toute personne humaine] ne peut en aucun cas dépendre du jugement sur la capacité d'une personne à comprendre et à agir librement. Sinon, la dignité ne serait pas en tant que telle inhérente à la personne, indépendante de son conditionnement et donc digne d'un respect inconditionnel. Ce n'est qu'en reconnaissant à l'être humain une dignité intrinsèque, qui ne peut jamais être perdue, qu'il est possible de garantir à cette qualité un fondement inviolable et sûr. Sans référence ontologique, la reconnaissance de la dignité humaine serait à la merci d'évaluations différentes et arbitraires. La seule condition pour pouvoir parler de dignité en soi inhérente à la personne est donc son appartenance à l'espèce humaine, de sorte que « les droits de la personne sont les droits de l'homme »."

La défense de la dignité humaine repose sur des exigences constitutives de la nature humaine, qui ne dépendent ni de l'arbitraire individuel ni de la reconnaissance sociale” : la pensée catholique contredit l’idéologie occidentale de notre temps.  Le document résume le problème avec netteté :“Le concept de dignité humaine est utilisé abusivement pour justifier une multiplication arbitraire de nouveaux droits, dont beaucoup sont souvent en conflit avec ceux qui ont été définis à l'origine et qui sont fréquemment mis en conflit avec le droit fondamental à la vie, comme si la capacité d'exprimer et de réaliser chaque préférence individuelle ou chaque désir subjectif devait être garantie. La ‘dignité’ est alors identifiée à une liberté isolée et individualiste, qui prétend imposer comme ‘droits’, garantis et financés par la collectivité, certains désirs et penchants subjectifs.” Notre société fabrique ainsi “la perspective réductrice d'une liberté autoréférentielle et individualiste, qui prétend créer ses propres valeurs sans tenir compte des normes objectives du bien et de la relation avec les autres êtres vivants. De plus en plus, le risque existe de limiter la dignité humaine à la capacité de décider discrétionnairement de soi-même et de son propre destin, indépendamment de celui des autres, sans tenir compte de son appartenance à la communauté humaine”.

Cette vision, “dissociale” parce qu’elle aboutirait à disloquer toute société, produit des métastases dans tous les domaines. Dignitas infinita en examine plusieurs :

L’avortement (devenu valeur n° 1 de la République française) : “Un être humain est toujours sacré et inviolable, dans n’importe quelle situation et en toute phase de son développement… Si cette conviction disparaît, il ne reste plus de fondements solides et permanents pour la défense des droits humains, qui seraient toujours sujets aux convenances contingentes des puissants du moment…”

La GPA : “L'enfant a le droit, en vertu de sa dignité inaliénable, d'avoir une origine pleinement humaine et non artificielle, et de recevoir le don d'une vie qui manifeste en même temps la dignité de celui qui la donne et de celui qui la reçoit. La reconnaissance de la dignité de la personne humaine implique également la reconnaissance de la dignité de l'union conjugale et de la procréation humaine dans toutes leurs dimensions. Dans ce sens, le désir légitime d'avoir un enfant ne peut pas être transformé en un 'droit à l'enfant' qui ne respecte pas la dignité de l'enfant lui-même en tant que destinataire du don gratuit de la vie… La pratique de la maternité de substitution porte atteinte, en même temps, à la propre dignité de la femme qui y est contrainte ou qui décide librement de s'y soumettre. Avec une telle pratique, la femme se détache de l'enfant qui grandit en elle et devient un simple moyen asservi au profit ou au désir arbitraire d'autrui.”

L’euthanasie et le suicide assisté : “Il n'y a pas de conditions sans lesquelles la vie humaine cesse d'être digne et peut donc être supprimée : « La vie a la même dignité et la même valeur pour tous : le respect de la vie de l'autre est le même que celui que l'on doit à sa propre existence ». Aider la personne suicidaire à mettre fin à ses jours est donc une atteinte objective à la dignité de la personne qui le demande, même s'il s'agit de réaliser son souhait : « Nous devons accompagner les personnes jusqu'à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser aucune forme de suicide. Je rappelle que le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés. En effet, la vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée. Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens ou les croyants…” 

L’idéologie du “genre” : “Le respect de son propre corps et de celui d'autrui est essentiel face à la prolifération et à la revendication de nouveaux droits avancés par la théorie du genre. Cette idéologie  laisse envisager une société sans différence de sexe et sape la base anthropologique de la famille. Aussi est-il inacceptable que « certaines idéologies de ce type, qui prétendent répondre à des aspirations parfois compréhensibles, veulent s’imposer comme une pensée unique qui détermine même l’éducation des enfants. Il ne faut pas ignorer que “le sexe biologique (‘sex’) et le rôle socioculturel du sexe (‘gender’), peuvent être distingués, mais non séparés” ». Par conséquent, toutes les tentatives visant à masquer la référence à la différence sexuelle inéliminable entre l'homme et la femme doivent être rejetées…”

Le transsexualisme : “Le corps humain participe à la dignité de la personne, dans la mesure où il est doté de significations personnelles, en particulier dans sa condition sexuée… Toute intervention de changement de sexe risque, en règle générale, de menacer la dignité unique qu'une personne a reçue dès le moment de la conception.”

La violence numérique : “Le monde numérique est aussi un espace de solitude, de manipulation, d’exploitation et de violence, jusqu’au cas extrême du dark web. Les médias numériques peuvent exposer au risque de dépendance, d’isolement et de perte progressive de contact avec la réalité concrète, entravant ainsi le développement d’authentiques relations interpersonnelles. De nouvelles formes de violence se diffusent à travers les ‘social media’, comme le cyber- bizutage ; le web est aussi un canal de diffusion de la pornographie et d’exploitation des personnes à des fins sexuelles ou par le biais des jeux de hasard”. Et c'est ainsi que, là où les possibilités de connexion se multiplient, il arrive paradoxalement que chacun se retrouve de plus en plus isolé et démuni de relations interpersonnelles : « Dans la communication numérique, on veut tout montrer et chaque personne devient l’objet de regards qui fouinent, déshabillent et divulguent, souvent de manière anonyme. Le respect de l’autre a volé en éclats, et ainsi, en même temps que je le déplace, l’ignore et le tiens à distance, je peux sans aucune pudeur envahir sa vie de bout en bout ».

J’arrête ici ce survol des aperçus dont Dignitas infinita est riche, et je souligne à nouveau que ce document est autant un encouragement à l’ouverture aux autres qu’une mise en garde au sujet de la dissociété occidentale. Il faut l’étudier attentivement. Ma dernière observation : la portée de ce plaidoyer pour l’intangible dignité humaine est authentiquement universelle, conformément à la vocation bimillénaire de l’Eglise catholique. Alors que le prétendu “universalisme” affiché par l’Elysée sous Emmanuel Macron est rejeté par la moitié de la planète : elle voit en lui un idiotisme de pays riches mais psychiquement exténués, qui errent parmi des fantasmes. Un monde atlantique hagard…

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[1]   Pour lire Dignitas infinita :  https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_ddf_doc_20240402_dignitas-infinita_fr.html .

 

 

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Commentaires

UN DOCUMENT MAJEUR

> Magistral.
Un document majeur : la dignité humaine est au coeur du message que le Christ nous a révélé. C'est sans doute l'un des points clés du kérygme.
Pourvu qu'il reçoive l'écho qu'il se doit dans sa diffusion, qui risque pourtant de moins porter alors que l'Eglise est encore empêtrée dans les scandales d'abus. Je ne sais pas si "Dignitas infinita" l'évoque, mais les idées forces qui vous soulignez sont aussi un rappel que ceux qui ont la charge de guider le peuple de Dieu ont une responsabilité primordiale. Celle de respecter la dignité des fidèles.
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Écrit par : Renaud Voyer / | 13/04/2024

LE LIRE

> Merci beaucoup pour ce billet ! Je vais m'empresser de lire ce document avec beaucoup d'intérêt.
Bien fraternellement !
Louis
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Écrit par : Louis Le Mée / | 13/04/2024

CULTURE DE MORT

> Le rejet actuel de la logique et de la raison vient du rejet du Logos, essentiel dans la pensée chrétienne, et s'accompagne naturellement du rejet de l'amour de la vie. Nous sommes pleinement dans la "culture de mort" dont parlait Jean-Paul II. Emmanuel Todd le rejoint aujourd'hui en disant que "L'état zéro de la religion a conduit l'Union européenne au suicide".
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Écrit par : Albert / | 14/04/2024

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