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23/10/2015

La phrase du jour

...est de la romancière Camille Laurens* :


  

<< ...L'hystérie croissante par laquelle nous dénions à l'autre, au profit de notre propre reflet fantasmé, le statut d'être réel...  >>

 

Bon diagnostic auquel il ne manque qu'une identification des causes ! L'individu d'aujourd'hui a peur de qui ne lui ressemble pas : il appelle ça une quête d'identité, mais c'est l'aboutissement individuel du phénomène de la foule solitaire annon dès 1950 par le sociologue David Riesman dans son Anatomie de la société moderne. Cette société est pulvérisée par le modèle économique libéral, selon la célèbre formule de Mme Thatcher : « Il n'y a que l'individu et le marché ; entre les deux je ne vois rien que l'on puisse appeler société... ». Rendant tout instable, exigeant toujours plus d'un salarié qu'il rend de plus en plus précaire, le marché déboussole l'individu – et l'isole des autres en lui répétant (psychologie d'hypermarché) qu'il doit n'être « que lui-même ».

C'est ainsi que la société est devenue dissociété, expliquait l'économiste Jacques Généreux (1) : «  La dissociété est une société qui réprime ou mutile le désir d'être “avec”, pour imposer la domination du désir d'être “soi”. Du coup, dans la dissociété, la dissociation personnelle de chaque dissocié l'amène à ne plus supporter le vivre-ensemble qu'avec des personnes semblables à lui-même... » Et si cela va « croissant », comme dit Camille Laurens, c'est que la « croissance » est l'engrenage de notre système.

Car cette « dissociation personnelle », qui explique une grande partie des troubles contemporains, est l'un des produits du modèle économique imposé (et de son formatage des comportements) : l'ultralibéralisme qualifié de « totalitaire » par des analystes venus de tous les points cardinaux, athées comme Jean-Claude Michéa ou Michel Onfraycatholiques comme Michel Schooyans ou William Cavanaugh... Dissoudre les structures communes et permanentes de la société, tout réduire à l'individu et à l'instant présent, ne supporter que les « personnes semblables à soi-même » : c'est la doxa de l'ultralibéralisme.

Face à ce solipsisme mortel, le pape François appelle à un soulèvement de la vie : « Nous devons créer avec notre foi une culture de la rencontre, de l'amitié, une culture où nous trouvons nos frères, où nous pouvons parler avec ceux qui ne pensent pas comme nous, avec ceux qui ont une autre foi. Ils ont tous quelque chose en commun avec nous : ils sont l'image de Dieu... » (2)

Ces thèmes notamment sont développés dans mon livre Face à l'idole Argent - La révolution du pape François, qui paraît le 5 novembre chez Artège.

 

* Le Monde des livres, 23/10.

 

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1. La Dissociété, Points Essais 2008.

2. Veillée de Pentecôte 2013.

 

Commentaires

UN FURIEUX

> Une culture où nous pouvons parler avec ceux qui ne pensent pas comme nous... Oui da, 100% d accord! J ai envie de vs inviter a joindre l acte a la parole!!! Je n ai vu que le contraire chez vs. L anateme le dispute à la haine de celui qui ne pense justement pas (systématiquement) comme vs sur ce blogue. Il est encore temps de changer me direz vous...

Olivier


[ PP à Olivier
- On voit que vous ne lisez pas habituellement notre blog.
- Vous voyez de la "haine" là où il n'y a que sérieux désaccord avec vos opinions (celles de certains cercles).
- Il faudra pourtant vous y faire : le catholicisme n'est pas un club de conformisme sociologique.
Il n'est pas une succursale de la droite et des climato-négationnistes. (Cette information s'adresse aussi à MM. Zemmour, Gotti-Tedeschi, Billot etc)
- Je discute très volontiers avec les contradicteurs, pas avec les rabâcheurs de slogans. Ils ont leurs sites-clubs ; notre blog n'est pas là pour fournir une caisse de résonance supplémentaire à la désinformation de droite (ou de gauche).
- Quant à changer, je vous y invite : et je vous suggère de lire l'encyclique. ]

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Écrit par : Olivier / | 23/10/2015

LIVRE

> Est-ce que votre prochain livre sortira aussi en version numérique ? (Pdf ou Epub), car le précédent ne l'a pas été ... or je suis une adepte de la lecture numérique.
En tout cas, merci pour votre blog que je suis tous les jours.

J.A.


[ PP à JA
- Merci de votre attention !
- A ma connaissance, il n'est pas prévu de version numérique pour 'Face à l'idole Argent'. ]

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Écrit par : Jeannine Antoine / | 24/10/2015

LASCH

> Aux auteurs que je me réjouis de vous voir citer comme critiques de l'ultralibéralisme, j'ajouterais très volontiers Christopher Lasch (1932-1994), que justement Jean-Claude Michéa, qui lui doit beaucoup, a fait connaître en France.
De Lasch, "La culture du narcissime" et "La révolte des élites" me semblent parfaitement indispensables pour comprendre notre époque. (Ces deux ouvrages existent dans la collection de poche "Champs").
______

Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 25/10/2015

DISSOCIÉtÉ

> "Dissociété". Ce mot, je l'ai déja lu autour de 1980, peut-être même avant. malheureusement sans être capable de vous donner l'auteur. Peut-être bien Thomas Molnar. C'était dans un mensuel tradi ou même intégriste, format livre de poche, qui publiait côte à côte des réflexions très justes voire prémonitoires (la preuve) sur notre société et des positions lefèvristes ennuyeuses.

PH

[ PP à H - Non, pas Molnar : Marcel De Corte. Mais le concept n'avait chez lui aucune dimension économique.]

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Écrit par : Pierre Huet / | 26/10/2015

Les commentaires sont fermés.