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Le libéralisme n'est pas l'économie : c'est... une religion

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“Je crois fondamentalement dans le marché, mais nous devons admettre qu’il ne fonctionne pas” :  cette phrase extraordinaire a été prononcée le 18 novembre par Timothy D. Cook, successeur de Steve Jobs au poste de directeur général d’Apple…

 

► Chaque mot de sa phrase mérite examen. Elle pose que le marché est “fondamentalement” objet de foi : Tim Cook croit dans le marché” tout-puissant (comme le Credo dit : “I believe in God the Father Almighty”) ; attitude propre à la religion, non à l’analyse économique. Le libéralisme n'est pas une science, c'est un culte... Mais Tim Cook constate aussi que le marché “ne fonctionne pas”. En conclura-t-il, comme les théologiens chrétiens, que la toute-puissance de ce dieu Marché – comme celle du Père (almighty) au sein de la Trinité –  s’exprime non en termes de fonctionnel utilitaire mais de don gratuit ?  Impossible, puisque le dieu Marché est celui de l’échange vénal !  Première impasse.

Deuxième impasse : c’est précisément dans le domaine de l’échange vénal, son exclusif domaine, que ce dieu objet de foi – le Marché – “ne fonctionne pas” selon Tim Cook. Du coup, la foi de ce patron dans le Marché paraît vouée à l’avis méprisant du prophète (1 Samuel 12 :21) sur les idoles :   “Ces choses de néant…”

Le patron d’Apple a en effet de quoi s’inquiéter. Sur les marchés, les valeurs technologiques étaient en déroute au début de la semaine ; Apple a perdu un quart de sa valeur depuis le 3 octobre ; Tim Cook constate que les ventes d’iPhone piétinent et que la croissance a des limites, ce qui est une contradiction intenable – le concept néolibéral de Croissance impliquant que celle-ci soit illimitée.

Pour sa défense, il dira que sa phrase parle d’un dysfonctionnement du Marché non pas en général, mais en ce qui concerne les seuls GAFA. Mauvais argument. Car les GAFA étaient justement le stade suprême du néobéralisme ! Le business du virtuel numérique – censé croître de façon désormais illimitée – devait démoder l’économie réelle et ses limites : c’est en cela qu’il implémentait une disruption, comme on dit chez les commerciaux de La République en marche [*]. Or c'est cette utopie, censée résumer l'avenir, qui flageole devant les affres boursières d’Apple, d’Amazon (moins 27% depuis le début septembre), de Facebook  (moins 40% depuis juillet) et d’Alphabet-Google (moins 1/5e), les quatre GAFA cumulant une perte de 979 milliards de dollars... On ne peut plus seriner aux citoyens que des réalités comme le chômage, ou l’asphyxie des villes moyennes, ne sont que transition vers un bonheur omniconnecté garanti par l’admirable puissance de géants d’outre-Atlantique, auxquels l’Elysée déroule des tapis rouges.

Pour nous chrétiens, c’est l’occasion de se souvenir des paroles concrètes et radicales de Jésus contre Mammon, et de prendre au sérieux ce que l’Eglise (notamment par les papes successifs) dit de l’idole Argent :  en particulier Laudato Si', quand elle parle du mirage du tout-technologie.

 

 

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[*]  En utilisant “implémenter” dans tous les domaines, les commerciaux participent activement à la dislocation de la langue française par l’invasion du globish. L’Académie française résiste et rectifie : “Le nom anglais implement signifie « outil, ustensile », et le verbe to implement, « rendre effectif » et « augmenter ». Ce verbe a pris deux autres sens dans le domaine de l’informatique. Il signifie, en parlant d’un logiciel, « l’installer en réalisant les adaptations nécessaires à son fonctionnement ». On le traduit dans ce cas par implanter (implanter un logiciel). Il signifie d’autre part « effectuer l’ensemble des opérations informatiques qui permettent de définir un projet et de le réaliser ». On le traduit alors par implémenter (implémenter un système d’exploitation). On se gardera de confondre ces deux verbes dans le domaine informatique, et l’on évitera surtout, dans la langue courante, d’user du terme implémenter pour des réalités ne relevant pas de ce domaine.” (Académie-française.fr, 7/05/2013).

 

 

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”Management désincarné” : l'algorithme chef d'entreprise

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Loin des slogans libéraux de la "disruption créative" (voir nos notes précédentes), le livre de Marie-Anne Dujarier, sociologue du travail au Cnam-CNRS, décrit l'inhumain en chantier dans les grandes entreprises aujourd'hui :

 

Le Management désincarné, une enquête de Marie-Anne Dujarier (La Découverte) :  

<< Des salariés ont pris une importance inédite dans l’encadrement du travail aujourd’hui. Consultants ou cadres de grandes organisations, Marie-Anne Dujarier les appelle les « planneurs », car ils sont mandatés pour améliorer la performance des entreprises et des services publics au moyen de plans abstraits, élaborés bien loin de ceux et de ce qu’ils encadrent. Spécialisés en méthodes, ressources humaines, contrôle de gestion, stratégie, systèmes d’information, marketing, finances, conduite du changement, ils diffusent et adaptent des dispositifs standardisés qui ordonnent aux autres travailleurs ce qu’ils doivent faire, comment et pourquoi. Management par objectifs, benchmarking, évaluation, lean management, systèmes informatiques, etc. cadrent ainsi l’activité quotidienne des travailleurs. Ces dispositifs instaurent un management désincarné que les salariés opérationnels jugent maladroit, voire « inhumain ». D’après leur expérience, il nuit autant à leur santé qu’à la qualité des produits et à la performance économique. Étonnamment, les planneurs et les dirigeants constatent eux aussi que cet encadrement joint trop souvent l’inutile au désagréable. Comment comprendre alors son succès ? Dans ce livre issu d’une longue recherche empirique, la sociologue Marie-Anne Dujarier analyse en détail le travail des faiseurs et diffuseurs de ces dispositifs, régulièrement accusés par les autres salariés de « planer » loin du travail réel. Elle montre qu’ils doivent accomplir une mission qui peut sembler impossible et dépourvue de sens, et explique comment ils y parviennent malgré tout, et avec zèle... >>  

 

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Cette présentation du livre de Marie-Anne Dujarier (à droite sur la photo)  converge avec l'analyse, dans notre blog et dans Cathos, écolos, mêmes combats*, de la prise du pouvoir par l'algorithme qui détruit le social.  Ce processus vise à évincer de la vie économique – privé et public – tout ce qui n'est pas la stricte logique financière. Autrement dit : "optimiser la performance" et "augmenter la valeur" en réduisant les coûts.  Paramétré ainsi, l'algorithme impose ses "solutions" et l'on aboutit à ce que décrit ce livre : "payés à concevoir le travail sur ordinateur, loin de ce qu'ils encadrent" », les planneurs émettent des "dispositifs" à base de "techniques managériales" qui assujettissent le travail humain à des normes abstraites, toujours plus exigeantes. C'est un engrenage.  

Le job des planneurs, explique** Marie-Anne Dujarier, est de "diffuser" ces "dispositifs" définis sur ordinateur par algorithme : ce qui implique, disent-ils eux-mêmes, un "sale boulot" envers les salariés. 

Quant à ce que produit la grande entreprise (biens ou services), c'est destiné aux masses : et "la massification induit la standardisation. Plus c'est gros, plus on instaure des produits et des services typiques, avec des manières typiques d'y arriver. Cela implique un conflit permanent avec la situation réelle, toujours singulière..."  Faire la guerre aux réalités est un point commun entre ce qui se passe dans l'économie et ce qui se passe dans la politique : les deux processus ont en effet une même origine, le sans-limites, norme fondamentale du libéralisme. 

L'impact de ce "management désincarné" sur le travail humain, c'est de lui faire perdre son sens et de le rendre invivable. Le salarié "ne travaille plus que pour les chiffres". La qualité de son travail en souffre. La satisfaction du client aussi. Les planneurs ont pour compétence l'algorithme et le paramétrage selon les techniques de rentabilisation à la mode : pour ce genre de poste, explique la sociologue, "l'inexpérience des dimensions matérielles, sociales et existentielles du travail devient une compétence". Les planneurs imposent des "dispositifs" ; ce sont des logiciels avec lesquels on ne peut pas négocier. Ils encadrent tout "et vous disent quoi faire, comment faire... Vous êtes alors dans un rapport social sans relation, caractéristique du management par les dispositifs".

Autre remarque intéressante de la sociologue : l'esprit de ce système est le TINA (There Is No Alternative) de Margaret Thatcher. Même si un planneur constate les nuisances sociales ou environnementales de ce qu'il contribue à faire produire, la structure est plus forte que lui et il fera son métier. Pire : il le fera avec zèle. "Les planneurs sont fiers de travailler beaucoup : il s'agit d'une norme professionnelle revendiquée. Ils s'en expliquent en disant qu'ils sont 'pris au jeu'. Ils suggèrent alors qu'ils ont un rapport ludique à leur travail... Modéliser des flux, écrire des procédures logiques, dessiner des démarches exhaustives ou combiner des concepts sur fond d'urgence, s'apparente aux jeux de logique (échecs, dames, Rubik's Cube, citent-ils par exemple)..." Ils vivent leur job, non comme un tout ayant un sens, mais comme "une succession de parties" réussies ou ratées. Vivant ainsi dans le technique et le discontinu, ils ne se posent pas la question du sens.

Et l'idée ne les effleure pas de voir l'entreprise comme une communauté de travail. Au contraire (et je suggère à mon ami Koz d'examiner cet aspect du problème, en relation avec l'uberisation) : "les planneurs vivent dans une logique concurrentielle : il faut 'battre' des scores contre soi-même et contre les autres, compétition vécue comme un jeu au sein d'un espace social restreint." Et "qu'ils perdent ou qu'ils gagnent, les conséquences sont minimes sur leur carrière et leur existence" : ce sont des nomades professionnels, attachés à aucune entreprise en particulier. Et l'entreprise uberisée ne veut surtout s'attacher personne, puisque l'externalisation, le turn-over et l'éphémère sont la norme du capitalisme tardif.*** 

Ici je m'adresse aux catholiques français soucieux des "problèmes de société". Nous devons impérativement ouvrir les yeux sur ce que devient la vie économique réelle, et cesser de nous bercer de la rengaine de "l'éthique en entreprise" : car la notion d'entreprise est vouée à se dissoudre, sous l'impact des nouvelles normes managériales (produites par la financiarisation de l'économie) ; et les fameuses relations humaines (à quoi se réduit le devoir chrétien selon les catholiques libéraux) se dissolvent, sous l'effet des "rapports sociaux sans relation" installés par les dispositifs que décrit Marie-Anne Dujarier. Cette double dissolution nous oblige à faire face à un système déshumanisant, à l'analyser, et à constater qu'il est le stade suprême du libéralisme économique que la bourgeoisie catholique prenait pour l'ordre naturel. Il va falloir lire avec attention Laudato si, et Evangelii Gaudium, et Caritas in Veritate, et Centesimus Annus : tous les papes nous ont avertis et mis en garde, tous nous ont appelés à ouvrir les yeux sur ce système et sa "culture de mort" déshumanisante. Pourquoi sommes-nous restés sourds si longtemps ?

 

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* éd. Peuple libre, 2015).  

** Libération, 13/06.

*** C'est ce que la nouvelle idéologie sociétale appelle "la valeur mobilité" : et elle s'applique non seulement au job, mais à la vie intime de l'individu. Les "réformes sociétales" libérales-libertaires sont, elles aussi, des produits du capitalisme tardif ! Y voir du "socialisme" serait une naïveté. 

 

 

 

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Il n'y aura pas de ”guerre civile religieuse” en France [2]

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Les catholiques croyants sont unanimes :

 

Un spectre hante plusieurs journaux : « Les attentats risquent de renforcer l'idée d'une France exclusivement chrétienne » [1]. D'où la question - apparemment anxieuse - posée par Libé à Philippe Portier, historien, sociologue et directeur d'études à l'EPHE [2] : «L'événement tragique de Saint-Etienne-du-Rouvray n'est-il pas en train d'aviver le débat sur les "racines chrétiennes de la France" ? »

Philippe Portier répond avec des précisions et des nuances. Elles ne satisferont pas le politiquement correct, qui veut que la France soit au bord d'une "guerre civile des religions"  - et que ce soit par la faute exclusive des religions, bien entendu.

Elles ne satisferaient pas non plus  (s'ils lisaient Libération) nos athées pieux, qui sont - quant à eux - au bord de souhaiter un contre-djihad identitaire... O crux ave, spes celtica !

Que dit Philippe Portier ? extraits :

1.  Le thème de la guerre chrétiens-musulmans est un pur produit de l'islamisme et de clivages socio-confessionnels n'existant qu'au Levant : «La littérature de Daech est dans l'essentialisation... Ses idéologues parlent de "croisés", notion dans laquelle ils incluent ceux-là même qui se revendiqueraient athées.»

2. « En essentialisant l'adversaire, [Daech] en fait l'ennemi "occidental, chrétien et libéral". » Or ce triple label  - "occidental-chrétien-libéral" -  est accepté et endossé par nos athées pieux (justifiant ainsi la rhétorique d'islamistes qu'ils prétendent combattre)... alors qu'il s'agit d'un double oxymore : le christianisme réel est en effet de moins en moins occidental, et l'Eglise réelle fait les plus graves réserves sur le libéralisme.

3. « Dans le discours politique, la thématique des "racines chrétiennes" est apparue depuis une vingtaine d'années. Surtout à droite... Même Alain Juppé [...] écrit : "Nous sommes chrétiens, pourquoi devrions-nous en avoir honte ?" »  Apparaître aujourd'hui dans le discours politique veut dire (pour une "thématique") perdre toute signification. On sait ce que valent les paroles de M. Juppé, qui demandait quasiment (en 2009) des mesures contre Benoît XVI... Le "christianisme" vu par la classe politique n'est pas le christianisme : c'est un autre nom du vague nuage des "valeurs de la République", de plus en plus mouvantes et indéfinissables [3] ; un "christianisme" sans raison d'être puisque sans le Christ ressuscité. Quand un politique dit : "racines chrétiennes", c'est seulement pour rassurer une fraction (déboussolée) de son électorat ! Ainsi M. Sarkozy, immortel auteur du "ça coûte pas cher" ; ou M. Hollande, qui s'est retrouvé l'autre soir à la cathédrale de Paris comme Paul Reynaud (et tous ses ministres) en mai 1940.

4. « Le pape François parle avec beaucoup de modération des "racines chrétiennes" de l'Europe. Il considère que plusieurs cultures ont fait le Vieux Continent...»  Premier pape non-européen moderne, Jorge Bergoglio a l'esprit libre et regarde en face la réalité, qui est la situation très minoritaire des chrétiens croyants en France et en Europe : situation qui devrait faire de nous les missionnaires de la nouvelle évangélisation, et non les gardiens (armés) d'un cénotaphe.

 

L'Eglise en France - évêques, prêtres, laïcs - rejette unanimement toute idée de "guerre des religions". Nul ne peut l'ignorer. Ceux qui rêvent d'un contre-djihad "catholique" sont donc en rupture avec l'Eglise, même s'ils empruntent le labarum de Constantin au magasin des accessoires ! D'autant qu'ils couvrent d'insultes [4] le pape et les évêques sur les réseaux sociaux...

Les médias ne nous épargnent pas la perspective d'un "Breivik français". On n'en voit pas trace pour le moment. Mais si ce désastreux personnage devait venir, indiquons d'avance qu'il ne viendrait pas du monde catholique croyant. Dès les lendemains du massacre de 2011 en Norvège, l'enquête établissait que son auteur vomissait l'Eglise et n'avait de "chrétien" que la croix templière qui lui servait de croix gammée (cas-limite de piratage de symbole)... Si demain un attentat était commis en France contre les musulmans, les catholiques se lèveraient en bloc pour dire : "Pas en notre nom !"

 

ps - Tout serait clair si les athées pieux avaient le courage de naviguer sous leur vrai pavillon au lieu d'usurper celui du catholicisme. Leur invocation des "racines chrétiennes" - pour les opposer à "l'islam" - n'est dans leur esprit qu'un angle pour s'en prendre aux immigrés. Cette posture pseudo-religieuse ne camoufle-t-elle pas, en fait, la nostalgie d'une homogénéité ethnique disparue ? Si c'est le cas (et pour le vérifier il suffit de fréquenter les réseaux sociaux), il y a là une contradiction explosive. Car l'ethnicisme et le christianisme catholique sont incompatibles. Comme le rappelait Vatican II citant la tradition de l'Eglise, "l'unique peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens... Tous les fidèles dispersés à travers le monde sont, dans l'Esprit Saint, en communion avec les autres et, de la sorte, celui qui réside à Rome sait que ceux des Indes sont pour lui un membre." Car "la catholicité de l'Eglise intègre toutes les composantes de l'humanité..." (Michel Sales, Le corps de l'Eglise, Communio-Fayard 1989). Les athées pieux ne veulent pas se l'avouer. En revanche, d'autres ethnocentriques ont assumé cette évidence et rompu avec l'Eglise : ils sont cohérents.

 

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[1]  titre de Libération, 28/07.

[2]  auteur de  L'Etat et les religions en France  (Presses universitaires de Rennes, 2016).

[3]  Lorsque Philippe Portier affirme que face au risque de conflit le seul "dénominateur commun" de la société réside dans "les valeurs républicaines", il ne fournit pas une solution. Il souligne un problème... En effet, les "valeurs républicaines", déjà floues en elles-mêmes, sont en proie depuis quelques années à une série de mutations sous l'effet d'une double pression : interne (les idéologies de la déconstruction) et externe (la formidable pression de la disruption économiciste et technolâtrique, qui disloque toute structure sociale).

[4]  Certains (les seniors), depuis quarante ans. D'autres, les juniors, depuis 2014.

 

 

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Trois textes qui situent le véritable esprit du christianisme

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"Pénétrer le coeur de Dieu" :

 

 

Nous examinions dans la note d'avant-hier une pièce à conviction de l'athéisme pieux (le "catholicisme non chrétien"). Nous constations que la caractéristique de cette fausse cathophilie est de rejeter [*] l'élément proprement catholique, c'est-à-dire chrétien : la foi en la personne du Christ... D'où l'inanité du reproche fait au pape, coupable d'enseigner ce qui est le coeur du christianisme catholique ! Confrontées les unes aux autres par Hans Urs von Balthasar (citations en italiques), les trois lectures de la messe de ce dimanche montrent ce coeur :

 

Genèse 18, 20-32  (Abraham prie Dieu d'épargner la ville)

" L'intercession d'Abraham pour la ville [**] est le premier grand exemple et reste le modèle de la prière de demande. Elle est aussi humble qu'insistante. Elle progresse à petit pas... La demande ne peut finalement pas être exaucée, parce que même dix justes font défaut [dans la ville] ; pourtant le récit ne peut être compris que comme une incitation pour les croyants à pénétrer dans le coeur de Dieu aussi loin qu'il le faut pour que la compassion qui est en Lui commence à se répandre... Quand Dieu s'engage dans une alliance avec les hommes, Il veut se comporter comme un partenaire et non comme un despote... L'homme qui se tient dans l'alliance avec Dieu a reçu de Dieu pouvoir sur le coeur divin."

 

Sur Luc 11,1-13  (Jésus enseigne le Notre Père aux disciples)

" Avec Dieu le nécessaire est la constance dans la demande, la recherche, les coups frappés à la porte... Dieu ne dort pas, Il est prêt à donner l'Esprit Saint à ceux qui le demandent, mais Il ne gaspille pas ses dons les plus précieux à ceux qui ne les désirent pas, ou ne les demandent qu'avec tiédeur et négligence. Ce que Dieu donne, c'est son propre amour ardent, et celui-ci ne peut être reçu que par ceux qui en ont une vraie faim. Demander à Dieu des choses que par sa nature Il ne peut pas donner est absurde, mais toute prière qui correspond à sa volonté, Il l'exauce infailliblement, voire sur le champ, même si nous ne le remarquons pas dans notre temps éphémère..."

 

Sur Colossiens 2,12-14 ("Dieu vous a donné la vie avec le Christ")

" En Jésus-Christ s'établit entre Dieu, Seigneur de l'alliance, et nous, ses partenaires, une relation immédiate qui a balayé tous les obstacles (nos péchés, le billet de la dette qui nous accablait). La croix du Christ en est le moyen, elle a "détruit le mur de séparation" (Ephésiens 2,14) : ainsi les enfants peuvent demander au Père ce dont ils ont besoin".

 

 

Voilà le véritable "esprit du christianisme" !

Ce ne sont pas - ou pas seulement - les interprétations projetées sur lui par des intellectuels non-chrétiens bien intentionnés, tels Stiegler et Nancy en  annexe d'un livre paru en juin (Dans la disruption, comment ne pas devenir fou ?, éd. Les Liens qui libèrent) - et dont nous parlerons bientôt.

Ce ne sont surtout pas  les mirages des athées de droite à la Maffesoli...

 

 

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[*]  rejeter, non ignorer. L'agnostique (qui se croit incapable de chercher Dieu) n'est pas un athée.. L'athéisme peut être conceptuel : nier la possibilité de l'existence de Dieu (posture fréquente à gauche). Il peut être pratique : penser et agir comme si l'on niait cette possibilité (posture fréquente à droite, qu'il s'agisse d' "identitaires", de libéraux ou des deux à la fois).

[**] C'est Sodome, dont les habitants commettent "de grands péchés" parce qu'ils sont "méchants" (Gn 13,13). Contrairement à l'idée forgée tardivement, le passage sur la colère divine (Gn 18, 20-32 ; 19, 12-29) ne réduit pas ces "péchés" à des questions sexuelles. Les Pères de l'Eglise ont suivi Ezéchiel invectivant les péchés de Jérusalem (Ez 16, 44-50) : "Voici quel était le crime de Sodome, ta soeur : elle et ses filles [les cités annexes] étaient devenues orgueilleuses parce qu'elles vivaient dans l'abondance et dans une tranquille insouciance. Elles n'ont pas secouru les pauvres et les malheureux. Elles sont devenues hautaines et se sont mises à commettre sous mes yeux des actes abominables" (sans précision)... L'archéologie des moeurs explique l'atttude menaçante (Gn 19,5)  de "tous les habitants de Sodome" par leur mentalité agressive menant à transgresser la tradition antique d'hospitalité ; non par une homosexualité improbablement partagée par "tous". Dans le récit de la Genèse, cette transgression d'hospitalité est d'autant plus grave qu'elle touche Dieu, les trois étrangers étant des anges... Dans le même sens qu'Ezéchiel, Jésus déclare (Luc 17, 28-29) à propos de Sodome  : "C'est encore ce qui est arrivé au temps de Loth : les gens mangeaient, buvaient, achetaient, vendaient, plantaient, bâtissaient. Mais le jour où Loth sortit de Sodome, une pluie de feu et de soufre tomba du ciel et les fit tous périr..."  En Matthieu 10,5, Jésus compare deux refus d'hospitalité (l'attitude des villages n'accueillant pas les disciples, et l'attitude des habitants de Sodome) et déclare : "au jour du jugement, les villes de Sodome et de Gomorrhe seront traitées avec moins de rigueur que les habitants de ces lieux-là."  Notons enfin que Gn 19 invite ses lecteurs à ne pas se polariser sur la colère divine contre les habitants de Sodome. C'est le récit devenu proverbial : lors de leur fuite hors de Sodome, la femme de Loth est "changée en statue de sel" pour avoir "regardé derrière elle" (Gn 12,29)  le spectacle de la catastrophe détruisant la ville. Car l'essentiel est ailleurs.

 

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Trump remplace l'establishment ”progressiste” par... l'establishment obscurantiste

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Pour s'en rendre compte, il suffit de cesser de fantasmer à son sujet. Regardons simplement ce qu'il fait  (et qui est derrière lui) :

 

 

[ Constat dédié aux trumpophiles de la France-bien-élevée]

 

Emission télé sur Trump, quelques jours avant le 8 novembre. L'animatrice Barbara Walters demande aux rejetons : "Votre père a-t-il un enfant préféré ?" Ils répondent : "Ivanka !"  [*]. Commentaire de l'historienne Laure Murat, professeur à l'université de Californie : "C'est comme ça chez les Trump : il y a toujours un winner  - et pléthore de losers et autres maillons faibles subséquents..."  "C'est à ces détails qu'on saisit un changement de régime", souligne l'historienne : "Ce à quoi on assiste aujourd'hui, c'est au remplacement de l'establishment - politique, institutionnel, traditionnel tant décrié de Washington et de ladite élite corrompue - par "l'Organisation" [**], soit une vaste privatisation des Etats-Unis, dont les épisodes semblent inspirés de Game of Thrones et House of Cards. Donald Trump est le metteur en scène et l'acteur principal de cette nouvelle série..." (Libération, 22/12).

Trump a bâti sa campagne sur la promesse de balayer "l'establishment". Des mots ! "words, words, words" (Hamlet, acte 2)... Maintenant voilà les actes. Trump balaie l'establishment progressiste, mais pour lui substituer un establishment obscurantiste. Avant d'être investie - tardivement - sur la personne de Trump, cette entreprise avait été préméditée et préparée de longue date par deux clans de multimilliardaires :  les caricaturaux frères Koch, et les Mercer père et fille.

Les industriels Charles et David Koch (81 et 76 ans) sont les fils du fondateur de la John Birch Society, qui accusait Eisenhower d'être "un agent du complot communiste". Fortune cumulée des deux frères Koch : 86 milliards de dollars. Revenu annuel de Koch Industries  : 115 milliards de dollars. Selon Le Temps de Lausanne, "ce conglomérat d’une multitude de sociétés actives dans les secteurs du pétrole et charbon, du textile, des engrais et des composants électroniques est la deuxième plus grande entreprise privée du pays". Les activités de leur groupe étant particulièrement nuisibles à l'environnement, les frères Koch investissent des millions dans : 1. la désinformation climato-négationniste ; 2. la dérive obscurantiste (notamment écolophobe) du parti républicain. Disciples de l'idéologue ultralibéral Hayek, les Koch sont des libertariens, permissifs dans les moeurs (p.ex. pro-mariage gay) mais acharnés contre la régulation financière-commerciale et la protection de l'environnement.  Ils ont les moyens de leur stratégie : formater dans ce sens le Congrès. Depuis 2002, leur réseau (la "Pieuvre Koch" : "Kochtopus", caricature ci-dessus) finance 76 % des organisations républicaines... Ils ont ainsi aplani le terrain sur lequel Trump a déployé son Blitzkrieg. Les discrets frères Koch n'avaient pas d'affinités avec "Donald le hurleur", mais ne cachaient pas leur intention de soutenir celui des candidats républicains qui s'imposerait à la fin : d'où la désignation comme vice-président de l'utralibéral libre-échangiste Pence, satellite des Koch. Qui se félicitent maintenant au vu du futur gouvernement...

Mais il y a aussi le patron du plus puissant hedge fund des USA : le septuagénaire  Robert Mercer, classé par le Washington Post  au nombre des super-riches "les plus influents en politique". Avec sa fille Rebekah (femme "la plus puissante" du mouvement conservative [*] selon le site Politico), Mercer a mis des millions au service de l'aile obscurantiste des républicains (à travers la Mercer Family Foundation). Après avoir financé le même genre de réseaux que les Koch, les Mercer ont financé massivement Trump à partir du printemps 2016. C'est Mercer, principal actionnaire de l'imprécateur médiatique Bannon, qui a casé celui-ci auprès de Trump... (Ainsi Bannon est proche d'un hedge fund en dépit de son auréole de "politically incorrect" aux yeux de naïfs "réacs" français, qui l'attendent comme le Messie - lui et l'antenne de son Breitbart News bientôt ouverte à Paris !). Selon la journaliste du New Yorker Jane Mayer, tout l'effort des Mercer vise à obtenir via Trump l'abolition de la législation financière :  "notamment en ce qui concerne les hedge funds, lesquels ont fait leur fortune". 

A partir de ces faits réels, Jane Mayer croit pouvoir dire qu'à l'ère Trump "notre démocratie se transforme en oligarchie". Ses confrères encore plus réalistes diront que c'était fait depuis longtemps ; mais il y a l'évolution et même la disruption (notre note d'hier) que je signalais : l'oligarchie des milliardaires progressistes recule au profit d'une oligarchie de milliardaires obscurantistes. Reste que les milliardaires sont au pouvoir plus que jamais.  Un changement est bien en train de s'opérer à Washington : ce n'est pas celui que M.Trump avait paru promettre.

 

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[1] Laure Murat : "Dans la famille, la battante, l'étoile, c'est la blonde Ivanka, ex-mannequin et femme d'affaires avisée, mieux articulée qu'un moteur de course et amie intime de Chelsea Clinton. Il faut la voir répondre aux interviews, Ivanka. Un robot, pas une hésitation, toujours prête et souriante, elle trace sans efforts et ne cille pas. Le président élu l'a d'ailleurs dit à qui voulait l'entendre : 'Si elle n'était pas ma fille, je sortirais avec elle...' ('I would date her') - comprendre, en langage trumpien : 'je l'attraperais par la chatte'. Ça vous choque ? Ne soyez donc pas si politiquement correct."

[2]  "Lorsque ses enfants parlent de la Trump Organization, raison sociale de l'entreprise familiale, ils disent seulement : 'The Organization'. Comme on dit : 'The Donald'." (id.)

[3]  Ce terme est un faux ami, comme disaient autrefois les profs d'anglais. "Conservative" aux USA n'a pas le sens de "conservateur"  (en français d'avant le globish). Le conservative américain est un tenant du pur libéralisme économique, système dont la logique de profit est de tout déstabiliser en permanence : donc de ne rien "conserver". Marx l'en félicitait dans son Manifeste de 1848... D'après la presse américaine, le hedge fund de Mercer (Renaissance) fut "le pionnier du trading algorithmique" : Attila de la finance mondiale.

 

 

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"Would Trump have lied ?"

 

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Ce n’est pas seulement “une question d’époque”…

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Trente ans après, l’effacement des normes (en tous domaines sauf désormais la pédophilie) est toujours la doxa parisienne :

 

Il y a de l’idéologie dans tout ce sordide : et en dépit des changements de look, c’est la même depuis cinquante ans ! C’est toujours l’idéologie globale de la "déconstruction", du sans-limite, de l’individualisme narcissique et des “normes à effacer”. Elle a pris le pouvoir après 1990 et le garde aujourd’hui – au prix de quelques mues : par exemple elle a cessé d’inclure la pédophilie, sous la pression du public qui fait de cette question le seul tabou… alors que les autres “tabous” (paternité, maternité, filiation etc) sont brisés par l’engrenage sociétal du libéralisme, dont l’idéologie des nouvelles moeurs est l’accompagnatrice.

D’où maintenant la gêne, risible, des commentateurs parisiens de l’affaire Matzneff. Témoin Libération qui bat sa coulpe ce matin : son directeur reconnaît que le journal publiait jusque dans les années 1980 des textes “révoltants” (dit-il) en faveur de la pédophilie. Il en indique les causes, mais assure qu’elles sont périmées : “Culture libertaire dirigée contre les préjugés et les interdits de l’ancienne société…” “Esprit répandu à l’époque qui tendait à dénoncer toute réminiscence de l’ordre moral…” “Il était entendu dans certains cercles que toute loi, toute norme, renvoyait à l’exercice d’un pouvoir oppressif, omniprésent et diffus […] au profit de la domination multiforme qui structurait la société capitaliste…”

Faisons observer à cet éditorialiste deux choses :

l’idée que l’ordre moral (le “patriarcat”, dirait Mme De Haas) vienne du “capitalisme” n’a nullement disparu : elle est toujours à la mode dans l’aile gauche du #MeToo – en dépit du fait que cette idée aurait fait crouler de rire le vieux Marx ;

en 2019 l’effacement de “toute norme” est toujours d’actualité : c’est la stratégie revendiquée par le LGBTQ+ libéral-libertaire ! (Voir les interventions Eribon-Borillo-Fassin au colloque de l’IRIS à l’EHESS [1] en avril 2013 : ce qui montre le lien étroit entre le LGBTQ+ et le néolibéralisme sociétal au pouvoir dans tout l’Occident)…

Ce dernier point fragilise le raisonnement de l’éditorialiste quand il dit que son journal a changé de ligne : “ ‘Libération’ se recommande désormais de la logique des droits humains, appuis solides des démocraties qui prescrivent l’égalité des dignités et s’étendent, par là même, aux enfants…” Si leur “dignité” est aussi bien garantie que celle des personnels hospitaliers ou des salariés de Whirlpool, les enfants seront en danger. Et si “les démocraties” n’ont d’autre “appui solide” que des “droits humains” instables, mal fondés et toujours mouvants dans le monde néolibéral, ce sont les citoyens qui seront en danger.

On voit aussi la fragilité des excuses invoquées en 2019 par les personnalités parisiennes qui jadis encensaient Gabriel Matzneff... Ainsi Bernard Pivot : “Dans les années 1970 et 1980, la littérature passait avant la morale ; aujourd’hui la morale passe avant la littérature…” Comme si (dans tous les domaines sauf la pédophilie) “aujourd’hui” ne poursuivait pas le chantier d’arasement des normes ouvert en 1970 et 1980 ! Et comme si la triade Barthes-Sartre-Beauvoir, qui pétitionnait en 1975 pour la pédophilie, n’était pas toujours l’objet en 2019 d’une révérence automatique en tant qu’Olympe de la pensée…

“La notion de majorité sexuelle est instaurée pour la première fois en 1832, à 11 ans. Elle sera progressivement augmentée à 15 ans en 1945”, souligne à juste titre l’historienne Virginie Girod. Elle oublie de dire que le courant post-68, inventeur de la disruption, a rejeté justement “l’ancien monde” (en tant qu'ancien) dans tous les domaines : notamment celui des lois et des moeurs… Renverser les “frontières d’âge” faisait partie de cette idéologie de “rupture” qui n’allait plus cesser de croître, dans une spectaculaire continuité du combat pour… la discontinuité. C’est ainsi, dit le sociologue Pierre Verdrager, que “le journal de Matzneff est à la pédophilie ce que les carottes glaciaires sont à la climatologie”.

L’affaire Matzneff n’a donc pas fini de faire des dégâts dans le paysage parisien, et de la gauche à la droite ! En 1990 encore, sur France 3, Philippe Sollers traitait de “connasse” la journaliste canadienne Denise Bombardier parce qu’elle avait osé attaquer Matzneff (invité pour la cinquième fois chez Pivot) sur sa pédophilie… En 1999, Pierre Marcelle, ancien trotskiste tombé – comme tant d’autres – dans une gauche réduite au libéralisme des mœurs, traitait rétrospectivement Mme Bombardier de “torquemadesque” et l’assimilait à “Christine Boutin”... Mais à la même époque, Matzneff était aussi la coqueluche de milieux moins corrects : il était régulièrement invité à Radio Courtoisie et célébré dans la presse de droite, non comme abuseur d’enfants mais comme bel écrivain orthodoxe ! L’iconostase leur cachait la pédophilie.

Sur une photo de 1986, le jeune et brillant Gabriel pose dans son bureau. Au mur, derrière lui : une grande photo pédopornographique ; une photo de Nietzsche ; une  photo de Dostoïevski [2]. A ses petites amantes le grand auteur apprenait le Notre Père en russe, révèle Vanessa Springora !  Dandysme et imposture… Matzneff était un cas-limite.

Mais n’oublions pas le contexte.

 

 __________ 

[1] voir nos notes ici : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2014/01/31/gbt-et-universite-la-question-qui-n-existe-pas-selon-vincent-5286622.html#more

[2] Manque apparemment une photo de Montherlant, dont Matzneff avait dispersé les cendres à Rome sur le Forum en 1972 (d'où le dessin du Canard enchaîné : "Docteur, il y a là un M. Matzneff qui a une poussière dans l'oeil...") La biographie de Montherlant par Pierre Sipriot le montre en pédophile associé à Roger Peyrefitte.

 

 

 

Denise Bombardier

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Insultée par Sollers pour avoir attaqué la pédophilie de Matzneff

 

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Le manifeste Macron n'impressionne pas grand-monde...

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...le reste de l'Europe ayant déjà entendu ce langage (sans aucun effet) chez Nicolas Sarkozy et François Hollande !  Exemples :

 

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Tribune de Macron :

<< …Nous devons assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois... >>

Sarkozy, discours de Villepinte (11 mars 2012) :

<< La France exigera que désormais les PME européennes aient une part des marchés publics qui leur soit réservée>>

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Hollande, tribune au Monde (8 mai 2014) :

<< …Il y a une vision minimale, commerciale, “apolitique” de l’Europe, qui ne voit qu’en elle qu’un marché, qu’un espace monétaire sans gouvernance, qu’une somme de règles, et fait de l’Union une entité sans âme et sans autre projet que celui d’accueillir les candidats qui frappent à sa porte… A cette Europe de la dilution, j’oppose une Europe de la volonté…>>

Tribune de Macron :

<< …L’Europe est devenue aux yeux des citoyens un marché sans âme. Or l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui unissent…>>

Sarkozy, discours de Villepinte :

<< …Il n’y a pas que le droit du commerce, il n’y a pas que le commerce…>>

 

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 Sarkozy, tribune au Point (21 mai 2014) :

<< …C’est une évidence qu’il faut suspendre immédiatement Schengen 1 et le remplacer par un Schengen 2 auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu’après avoir préalablement adopté une même politique d’immigration…>>

Tribune de Macron :

<< ...La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen : tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus…>>

 

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 Tribune de Macron :

<< …Dans cette Europe, les peuples auront vraiment repris le contrôle de leur destin ; dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place…>>

Sarkozy, discours de Villepinte :

<< …L’Europe doit reprendre son destin en main sinon elle risque la dislocation… >>

  

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Hollande au Monde :

<< ...Nous en observons encore aujourd’hui la menace, aux confins de l’Ukraine et de la Russie. Alors répétons cette évidence fondatrice : l’Europe, c’est la paix>>

Tribune de Macron :

<< … L’Europe est un succès historique : la réconciliation d’un continent dévasté, dans un projet inédit de paix, de prospérité et de liberté. Ne l’oublions jamais. Et ce projet continue à nous protéger aujourd’hui…>>

Sarkozy au Point :

<< …Vouloir la destruction de l’Europe, c’est mettre en péril la paix sur le continent européen… Ceux qui proposent ce chemin oublient les leçons de l’histoire…>>

 

 

►  Ces rapprochements sont faits ce matin par de mauvais esprits. Deux leçons s'en dégagent :

1. Les trois présidents français, tiraillés tous les trois (chacun à sa manière) entre l'incantation et les dures réalités, ont tous les trois fini par feindre d'injecter une dose de réalité dans leur discours officiel ; il s'agissait d'apaiser les électeurs français mécontents. Mais il s'agissait aussi de "ne surtout pas se brouiller avec l'Allemagne", comme dit le lumineux Aurélien Taché (phare de l'analyse politique et pure player de la Macronie). Quand il dit – chez Ardisson, en décembre 2018 – que la France doit montrer sa bonne volonté aux Allemands en abandonnant son siège au Conseil de sécurité de l'ONU, le député Taché parle comme beaucoup des commerciaux en folie qui constituent le bloc LREM au Palais-Bourbon. Quand M. Macron et les siens répètent que "l'Europe" empêche les pays européens de se faire la guerre  – idée absurde [*] –, quand ils martèlent que "l'Europe-a-produit-la-paix" (alors que c'est la guerre froide qui a produit l'Europe), ils montrent que leur univers mental est en retard de cinquante ans. Voilà la véritable nature du macronisme : cette Grande Disruption du Nouveau Siècle ressemble, au vocabulaire près, à la rhétorique de M. Lecanuet au début du troisième tiers du siècle dernier... M. Taché, son parti et son président sont vieux dans leur tête, comme on disait en 68.

2. Comme MM. Sarkozy et Hollande, M. Macron fait des moulinets européens avec un sabre de bois. Les dirigeants des pays de l'UE ne veulent pas de ces "idées françaises" : Europe-destin, Europe-géographie, Europe-puissance, préférence européenne, etc... Les uns veulent une Europe simple plate-forme du libre-échange ; ils ne s'excitent que pour défendre la concurrence pure et parfaite. Les autres (le groupe de Visegrad) partagent ce dogme libéral, mais y ajoutent un habillage prétendument souverainiste et réellement xénophobe qui plaît à leur électorat – et indigne Bruxelles. Que devient là-dedans le manifeste Macron de cette semaine ?  Si peu que rien, dans l'esprit de nos partenaires. Mais M. Macron s'en fiche très certainement, car ce manifeste est à usage franco-français : il doit redonner une stature à l'ex-Jupiter et lui permettre de gagner (sur le plan interne) les élections européennes de mai. C'est là-dessus qu'il compte pour renflouer son quinquennat après l'avarie de cet hiver. Parions que tout le monde le sait à Berlin, à Rome, et naturellement à Bruxelles, où est la machinerie centrale à laquelle Macron l'Européen ne saurait échapper.

__________

[*]  L'Europe c'est la paix ?  Non seulement elle n'a pas su empêcher l'éclatement de la Yougoslavie et la guerre subséquente, mais elle a laissé l'Allemagne les favoriser.  Et que dire des ventes d'armes lourdes françaises et allemandes à l'Arabie saoudite, par exemple, qui ravage le Yémen et prépare quasi-ouvertement un conflit avec l'Iran ? Conflit n'ayant ren à voir avec les intérêts européens ?

 

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Philippe Le Guillou : de Gaulle dans l'âme

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1970-2020… Bref mais intense, ce livre est une évocation spirituelle et politique de Charles de Gaulle sous l’angle de sa vie intérieure, liée aux paysages de Colombey :

Le 31 décembre 1968, Charles de Gaulle présente ses voeux aux Français. “Ce texte est admirable de clairvoyance”, écrit Philippe Le Guillou : “De Gaulle y perçoit pleinement le malaise de la modernité, l’origine même de la crise de mai qui l’a laissé bien seul face aux «fanatiques de la destruction», aux «doctrinaires de la négation», aux “spécialistes de la démagogie». Il capte nettement ce qu’il appelle «l’origine de ce trouble» : en l’occurrence «le sentiment attristant qu’éprouvent les hommes d’à présent d’être saisis et entraînés par un engrenage économique et social sur lequel ils n’ont point de prise et qui fait d’eux des instruments»”. De Gaulle quant à lui pensait, et disait, que la politique doit se faire non sur les marchés boursiers mais conduite par l’Etat, chargé du bien commun. Il sentait au même moment monter la trahison dans son propre parti et dans une fraction de son gouvernement : souhaité par le marais pseudo-gaulliste, puis opéré sous Giscard, le sabordage de l’esprit gaullien allait transférer la réalité du pouvoir aux banques, puis aux multinationales, pour aboutir aux quinquennats de l’affaissement : Chirac-Sarkozy-Hollande-Macron… (le deuxième et le quatrième de ces présidents enrobant cela d’une frénésie de postures creuses).

C’est l’arrière-plan du très beau livre de Philippe Le Guillou paru chez Salvator : Colombey, l’autre colline inspirée1.   Fervent du Général et féru de Malraux depuis sa jeunesse, fréquent pèlerin de la Boisserie, Le Guillou est porté (comme l’était son ami l’écrivain jungien Michel Cazenave) par une vision épique de l’ère gaullienne et de son chef. De celui-ci il écrit : “C’était le monarque de mon enfance, un personnage d’une stature écrasante et mythique. Je l’aime autant que je chéris les mots aventure et destin”.  Pour évoquer aujourd’hui le Général, Le Guillou choisit le prisme de la Boisserie et de l’austère terroir de Colombey, paysage spirituel de De Gaulle depuis l’achat de la maison en 1934 : c’est là pendant 36 ans, écrit-il, que son héros “prend une distance salutaire, s’isole et se retire en lui, au lieu du mystère le plus épais, le plus intact de son être, à la source d’où sourd cette force sans équivalent qui l’a fait se jeter dans la mêlée avec une incroyable hauteur”.

Ce livre peint l’ensemble du destin du Général de façon poignante – notamment à propos de son amour pour Anne, l’enfant trisomique – mais il est aimanté par le de Gaulle des derniers mois : “celui qui s’est dégagé du temps et de l’action, ou à qui une caste méprisable a signifié son congé ; l’homme porté à la méditation, à la remémoration, et qui trouve dans l’environnement naturel, la verdure, le pourtour boisé, les horizons bleutés et sans limites, un compagnonnage stimulant et fécond…” – “Colombey est un lieu pour le grand air, pour les assauts des rafales et des tempêtes, un lieu pour l’esprit, l’inspiration, les méditations de haut vol, les promenades et les marches sur les crêtes, à l’air libre et vif, dans le lit du vent.” C’est à la Boisserie – maison de vie bien réglée, simple et sobre, dans son bureau de la tour octogonale – que le Général écrivit son œuvre : face à la fenêtre ouvrant sur l’infini des collines et des forêts.

En Charles de Gaulle, Le Guillou s’attache à célébrer l’écrivain. En de Gaulle écrivain (encore plus qu’en de Gaulle homme d’action), il voit un pontifex : un faiseur de ponts, qui voulait enjamber nos hiatus, ruptures et amnésies pour ramener les Français à la France comme unité de destin à travers les siècles. Renouer une continuité ? Ce projet, déjà non-conformiste à la veille des années 1950, paraissait étrange dès la première décennie 1960. Il semble devenu inaudible en 2020, âge où le slogan officiel est devenu la disruption. D’où cette évidence : dans sa “conception quasi-sacerdotale du pouvoir”, le Général est inimitable aujourd’hui – et nos politiciens se réclamant tous de lui ressemblent à un chœur d’escrocs jouant les vertus. Le Guillou constate que “le régime politique actuel tient plus du système entrepreneurial que de l’archétype gaulliste”, et que la France est en passe de devenir “un minable département placé sous l’égide du gouvernement financier mondial”. Il ajoute ailleurs : “Le Général, intègre et désintéressé, méfiant face à l’argent et à ceux qu’il fascine, servait l’Etat et ne se servait pas de lui, il détestait les avides et les dispendieux pour qui le pouvoir n’est qu’un marchepied ou un tremplin…” Qu’aurait-il pensé de ceux qui visent un portefeuille pour utiliser ensuite leur carnet d’adresses dans une multinationale (de préférence américaine) ? Or c’est la norme nouvelle, à Paris et à Bruxelles et de la gauche à la droite…

Une autre raison de lire ce livre : son écriture poétique et forte. Ces 177 pages foisonnent en choses vues émouvantes : l’église de Colombey, l’écrin de verdure de la Boisserie et ses horizons lointains, les forêts après la pluie, les funérailles très simples du Général devant une foule accourue du monde entier, l’émouvante intelligence du Mémorial sur la colline avec sa croix de Lorraine immense…  Dans son bureau à Paris l’auteur a la photo2 magistrale du Général en 1943 à bord d’une vedette lance-torpilles des FNFL : en ciré, jumelles en main, sous un ciel immense et clair. En 1806 à Iéna, Hegel, ayant croisé dans la Schloßgasse Napoléon suivi de son état-major, le qualifia d’“âme du monde à cheval” dans une lettre à son ami Niethammer ; en 2020, Le Guillou dit de Charles de Gaulle qu’il est de la race des “personnages qui entreprennent de rétablir une magistrature spirituelle et de raviver le surnaturel sur les cimes de leur pays”.

 

Philippe Le Guillou : Colombey – L’autre colline inspirée, Salvator.

 

 

I  Allusion au livre de Barrès (1913) La colline inspirée, roman consacré au site de Sion en Meurthe-et-Moselle et qui s’ouvrait sur la phrase : “Il est des lieux où souffle l’esprit”. L’auteur de Colombey me permettra de trouver peu d’échos entre l’esprit de son livre et celui, trouble, du roman de Barrès. L’enracinement est une chose, le culte de l’obscur en est une autre..

2. Elle est aussi dans mon bureau…

 

 

 

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Un livre à lire d'urgence pour les catholiques français (2)

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...et pas seulement eux ! Mais eux en priorité, parce qu'en France une partie des catholiques restent le "milieu d'opinion" le plus réticent, sourd aux appels des papes depuis trente ans :

 

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Dans l'excellent livre de Mahaut et Johannes Herrmann, le chapitre 3 met le doigt où ça fait mal : l'étrange refus d'une partie des catholiques français envers les appels de l'Eglise à  la responsabilité environnementale.

Ce refus se décline selon toute la gamme bien-pensante. La plupart se contentent d'esquiver le devoir catholique de cohérence et de loyauté (prescrit par Jean-Paul II dans Christifideles laici), quitte à affirmer  - on me l'a souvent lancé - que ce devoir serait du "caporalisme"... D'autres traitent l'écologie intégrale du pape comme "un effet de mode" à dédaigner. Certains y voient même une hérésie, puisque l'écologie est, au choix, "le culte de la déesse Gaïa" ou "la nouvelle forme du communisme" !

Toutes ces nobles allégations dissimulent un prosaïque réflexe de milieu social. Au sein de la bourgeoisie, une arrière-garde (se disant "libérale conservatrice") rejette toute analyse environnementale parce que ça lui paraît venir de "la gauche", et parce que cette analyse met en cause le capitalisme libéral... Les libéraux-conservateurs ignorent que la gauche ne se soucie pas plus d'écologie que la droite. Ils ignorent aussi que le libéralisme économique exclut de conserver quoi que ce soit, sa nature étant d'abolir tout ce qui n'est pas marchandise ! Mais on ne peut pas expliquer ça à cette arrière-garde de la bourgeoisie française rivée au parfum d'un vase vide : ses rites d'antan, qu'elle nomme "valeurs". [1]

Ce rejet de la pensée sociale catholique par un milieu, est donc une question de milieu plus qu'une question catholique. Mais le milieu - une certaine bourgeoisie -  pèse lourd dans les diocèses du fait de l'évaporation du catholicisme populaire...

C'est ce qui explique, face au ravage environnemental, "le déni et la faiblesse des réactions catholiques"  que constatent pour leur part les Herrmann.

Leur chapitre III rend justice aux nombreuses initiatives écologiques catholiques dans le monde. Mais il souligne que les catholiques allemands et anglais - travaillant depuis quinze ans (avec d'autres courants chrétiens) à la protection de la biodiversité - sont "bien plus conscients des enjeux que leurs coreligionnaires français". D'où vient le retard de ces derniers ?  J'ai indiqué ci-dessus l'un des éléments de réponse : le rôle du réflexe de milieu social...

Les Herrmann soulignent quant à eux le rôle de l'absence d'information objective. Comme la moyenne de leurs compatriotes, nombre de catholiques français ignorent que la biodiversité est vitale et qu'il s'agit de bien plus que de "bonté envers les animaux". Comme les autres électeurs de droite, les catholiques français (votant à droite en majorité) prennent les écologues pour des "militants politisés" (de gauche). Erreur plus perverse : beaucoup de catholiques de droite se donnent des airs populistes en accusant l'écologie d'être "un luxe de bobos des pays riches" ; ils ignorent - ou veulent ignorer -  l'impact de la déforestation et des événements climatiques extrêmes sur les peuples pauvres de la zone planétaire intertropicale, ou les luttes menées, aux côtés de ces peuples, par leurs évêques et par des religieux (jésuites au premier rang) contre les projets ravageurs et pour une agriculture bio durable... Les pages du livre consacrées à ces questions, ainsi qu'aux idées fausses sur les animaux aujourd'hui, seront découvertes avec gratitude par ceux - ils sont légion - auxquels de tels problèmes restaient étrangers.

Ce qui est troublant, c'est que tant de catholiques français n'aient pas l'air de remarquer que leurs diocèses mettent de plus en plus l'accent sur les problèmes en question. Et cela en lien étroit avec la foi et la théologie !

Certes les grands médias n'en parlent pas (ils préfèreraient une Eglise enfermée dans les dossiers sexuels), et les Herrmann rappellent le jour scandaleux d'août 2015 où une armée de journalistes parisiens se bousculèrent à la Sainte-Baume autour d'une réunion de 70 personnes [2] alors qu'à Saint-Etienne, 2500 personnes étaient réunies pour trois jours aux Assises chrétiennes de l'écologie... devant la seule presse locale.

Car l'Eglise parle du drame écologique, avec force et clarté, et chaque catholique français devrait être au courant ! Le chapitre IV du livre montre la convergence entre "l'Evangile de la Création" - comme dit le pape dans Laudato Si' - et la science des écologues. D'où les pages lumineuses dans lesquelles les Hermann croisent les deux visions, scientifique et théologique, et montrent comment "nous sommes à la fois membres du Corps mystique du Christ, appelés à vivre de relations avec nos frères au sein de notre espèce, et membres de chair du règne animal et de la biosphère, avec les relations de dépendance que cela implique". L'anthropologie chrétienne ne fait pas l'impasse sur cette réalité - "pas plus que sur aucune autre" -, et la responsabilité de la créature humaine envers le reste de la création (confiée aux humains par le Créateur) fait partie de la doctrine sociale - "qui fait partie de la théologie morale", soulignait saint Jean-Paul II.

Il en ressort un "que faire" (et un "comment être") : "Emerveillement ; louange pour les beautés de la Création ; connaissance aussi de l'utilité des écosystèmes ; refus de nous idolâtrer nous-mêmes ; approche systémique. Voilà notre boîte à outils..." Parcourant "la tradition judéo-chrétienne de la Bible au Moyen-Âge" (chapitre IV), les auteurs bousculent les idées reçues. Relisant - sans lunettes déformantes - la doctrine sociale de l'Eglise (chapitre V), ils mettent à leur tour en lumière la notion théologique moderne de "structures de péché" - celle dont les libéraux conservateurs ne veulent pas entendre parler parce qu'elle leur paraît subversive... Le sixième et dernier chapitre appelle à l'action : "accumuler les connaissances", " convertir son regard", "agir de son côté", "rejoindre ceux qui s'engagent". Sans oublier que le système économique doit être "changé en profondeur".

"Nous qui voulons protéger la vie, protégeons-la dans toutes ses dimensions", concluent Mahaut et Johannes Herrmann. Notre première réponse à cet appel sera de faire acheter leur livre !

 

LA VIE OUBLIÉE

éd. Première partie, coll. La limite, 157 p., 10 €

 

 

__________

[1] Plus lucidement libérale que l'arrière-garde, l'avant-garde de la bourgeoisie pense finance globale et disruption. Elle ne s'encombre pas d'illusions "conservatrices". Avant-garde et arrière-garde coexistent souvent au sein des mêmes cousinages.

[2]  Non-événement : la présence de Mme Maréchal parmi trois invités politiques à un débat diocésain tenu à la Sainte-Baume  Débat où d'ailleurs l'animateur catholique lui fit passer un mauvais quart d'heure ; ce qui ne fut, bien sûr, relaté par aucun média.

 

 

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Une affaire symptomatique : Uber et Macron

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Après le scandale McKinsey, le scandale Uber ! Quand le ministre de l'Économie en 2015 parraine et soutient l'intrusion dérégulatrice de multinationales américaines en territoire français :

Une enquête de presse internationale intitulée Uber files établit notamment qu’Emmanuel Macron, ministre de l’Economie sous François Hollande, a soutenu l’implantation d’Uber sur le territoire français (2014-2016), y compris durant la période où la firme californienne de VTC maintenait son service UberPop en France bien qu’il soit illégal. De nombreuses voix politiques et sociales – élus, ministres, syndicats – s’élevaient contre Uber ; mais la firme, ses méthodes et son idéologie ultralibérale avaient un allié secret au sein du gouvernement : Macron lui-même. À l’insu de ses collègues, de Matignon et de l’Elysée, le maître de Bercy menait sa politique personnelle : accélérer l’américanisation de la société française en contournant le droit pour “émanciper la croissance”. (En clair : déréguler le marché).

Beaucoup de boulot à venir, mais on va bientôt danser… Meeting méga top avec Emmanuel Macron ce matin”, constate le 1er octobre 2014 Mark McGann, lobbyiste en chef d’Uber pour l’Europe, sortant d’une réunion confidentielle à Bercy. Trois autres managers d’Uber avaient pris part à cette réunion : le très controversé Travis Kalanick, fondateur de la firme, son vice-président David Plouffe (ancien conseiller d’Obama), et Pierre-Dimitri Gore-Coty, directeur d’Uber en Europe de l’Ouest.

 Ce qui allait en résulter, explique Le Monde (10/07), était un partenariat étroit et secret entre Uber et le ministre Macron : << Un ministre qui suggère à Uber de transmettre des amendements ‘clés en main’ à des députés amis ; un ministre qu’Uber France n’hésite pas à solliciter en cas de perquisition dans ses locaux ; un ministre qui, ce 1er octobre 2014, “s’excuse presque de l’entrée en vigueur de la loi Thévenoud, d’après un compte rendu du rendez-vous écrit par le lobbyiste Mark MacGann pour ses collègues anglophones. D’après ce message, M. Macron aurait affirmé vouloir aider Uber à travailler autour de cette loi…>>

Autre exemple cité par Le Monde : << En octobre 2015 : le préfet de police de Marseille, Laurent Nuñez, prend un arrêté interdisant de facto Uber dans une large partie des Bouches-du-Rhône. Monsieur le Ministre, nous sommes consternés par l’arrêté préfectoral à Marseille, écrit aussitôt Mark MacGann, lobbyiste en chef d’Uber, à Emmanuel Macron. […Ce dernier] répond par SMS qu’il va regarder cela personnellement. Trois jours plus tard, la préfecture de police “précise” les contours de son arrêté : l’interdiction disparaît au profit d’une menace de contrôles accrus pour les chauffeurs qui ne seraient pas en règle… >> Les collaborateurs de Macron à cette époque démentent aujourd’hui que celui-ci soit intervenu.

L’enquête internationale établit aussi que, dans le projet de loi “Macron 1” (août 2015), des amendements parlementaires visant à simplifier les conditions d’accès à la licence VTC ont été rédigés directement par Uber France et transmis à un député lié à Macron. Les amendements furent rejetés, mais servirent de base à un décret du ministre de l’Economie…

Le Monde cite d’autre exemples, et conclut : << Quelle était la motivation d’Emmanuel Macron pour s’impliquer, avec tant d’énergie, aux côtés d’une multinationale américaine à la réputation sulfureuse ? Une convergence de vues politique, d’abord, en faveur d’une dérégulation rapide. Mais aussi une certaine fascination pour Travis Kalanick. Dans le très controversé fondateur d’une des entreprises les plus “disruptives” de la dernière décennie, le futur président voyait, semble-t-il, une sorte de double. A la veille de leur première rencontre, une collaboratrice d’Uber relatait ainsi une discussion avec son cabinet : “Emmanuel Macron est très intéressé par l’histoire de Travis, miroir de la sienne – moins de 40 ans et réussite impressionnante.” >>

En 2017, le PDG Kalanick devra quitter Uber après une série de scandales de harcèlement social. Même les héros de la dérégulation finissent par rencontrer leurs limites...

 

 

Le Monde, 10/07/2022

‘Uber Files’, une enquête internationale

<< Uber Files est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde. Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet. Surtout, ces documents montrent à quel point Uber a trouvé une oreille attentive chez Emmanuel Macron, qui scellera quelques mois plus tard un « deal » secret avec l’entreprise californienne pour « faire en sorte que la France travaille pour Uber afin qu’Uber puisse travailler en et pour la France ». >>

 

 

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