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Dans 'Le Monde' du 30/01, une pleine page d'inculture

 médias,catholiques

 

Lire la page 16 de ce numéro du Monde, c'est comprendre pourquoi la presse parisienne perd ses lecteurs :

 

 

« Le fanatisme religieux monte sur scène », titre toute la page 16 du Monde.

Sous-titre : « A Strasbourg, la pièce 'Martyr' capte le glissement d'un adolescent dans le radicalisme catholique ».

Il s'agit d'une pièce de Marius von Mayenburg, dramaturge de la Schaubühne berlinoise*. L'article - d'une rare complaisance -  est d'une journaliste plutôt réputée pour ses critiques au vitriol, Fabienne Darge, à laquelle l'actrice Sissi Duparc** répliquait le 28/02/2010  en ces termes :

«­ Fabienne Darge aime t-elle le théâtre ? Fabienne Darge aime t-elle Ibsen ? Fabienne Darge reconnaît le génie d’Ibsen, mais préfère les adaptations  lointaines, les versions anecdotiques évoquant l’homosexualité féminine, les versions tronquées  avec des coupes dans le texte aussi grandes que la déforestation en Amazonie, Fabienne Darge préfère quand Maison de Poupée est rebaptisée « Le Développement de la civilisation à venir » (en espagnol, il me semble que ça signifie  «massacro con la tronçonneuse en el texto de este coño de Ibsen  plein de poussière », mais je n’en suis pas sûre, mon niveau linguistique est très faible)... »

Et voici le résumé de la pièce par Fabienne Darge :

« Martyr montre comment le jeune Benjamin Südel s'enfonce dans une dérive religieuse – catholique en l'occurrence […] mais la mécanique démontée ici pourrait être à l'oeuvre dans n'importe quel monothéisme. Et le décalage ainsi opéré avec les dérives islamistes actuelles permet au théâtre de jouer son rôle, de dégager les structures, les archétypes. »

Il s'agit donc, sous prétexte de « décalage » et de « démontage des archétypes », de profiter de la peur occidentale du djihad pour s'en prendre au catholicisme. (Pourquoi ? C'est un autre problème).

Et voilà le scénario de Mayenburg vu par Mme Darge :

« Tout commence avec une histoire de piscine […] Benjamin veut être exempté des leçons de natation « pour raisons religieuses » […] : « il trouve inadmissible de devoir nager "derrière des filles en bikini". Petit à petit, le jeune homme se coupe de toutes les activités ''normales'' d'un garçon de son âge […] Il prêche, ne parle plus que par citations […] qui, majoritairement extraites de l'Ancien Testament et du Jugement dernier, sont d'une violence et d'une misogynie insoutenables. Benjamin refuse, bien entendu, la théorie de l'évolution darwinienne […]. Et comme [son] enseignante s'appelle Erika Roth […], il glisse dans un antisémitisme meurtrier. »

La pièce est une « farce grinçante », dit Mme Darge. Grinçante est le mot juste. Mais farce est inadéquat : les idées et les comportements stigmatisés par Mayenburg étant pris dans une actualité réelle et notoirement islamique, les attribuer aux catholiques est un procédé déloyal.

D'autant que ces idées et ces comportements sont contraires au catholicisme ! Mayenburg est un Bavarois. Il connaît l'Eglise catholique, au moins de l'extérieur. Il sait que l'antisémitisme est proscrit par l'Eglise. Il sait qu'aucun catholique n'a jamais refusé d'aller à la piscine pour raisons religieuses. Il sait qu'aucun jeune ne se « coupe des activités normales » s'il se convertit au catholicisme. Il sait qu'aucun jeune catholique n'adhère à la lecture fondamentaliste (protestante) du livre de la Genèse et n'en tirerait l'envie de tuer une enseignante !

En revanche, un jeune catholique converti sait qu'aucun livre de la Bible ne s'intitule Jugement dernier – comme le croit visiblement Mme Darge.

On suppose que le livre dont elle parle est l'Apocalypse, mais alors elle devrait le feuilleter au moins une fois : elle y trouverait, au chapitre 12, le passage sur la femme couronnée d'étoiles qui est certainement l'un des moins misogynes de la littérature universelle. La tenancière d'une page culture, dans un quotidien de référence, ne devrait pas rester dans une telle ignorance des textes.

L'article de Mme Darge s'achève sur l'hommage réglementaire à la ligne « laïque » de Charlie Hebdo. C'est cohérent avec le reste. Le fonds de commerce de Charlie est la haine antireligieuse mais Charlie ignore tout des religions ; Mme Darge est dans le même cas... L'analphabétisme de Charlie Hebdo est présenté par l'Elysée comme le sommet de la culture ; les amis de Charlie Hebdo rédigent Le Monde. On voit pourquoi la presse parisienne perd ses lecteurs.***

 

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* http://www.democraticunderground.com/113730767

** http://rreponse.canalblog.com/archives/2010/02/28/17073435.html, à propos d'un article de Mme Darge éreintant Maison de poupée (théâtre de la Madeleine, mise en scène de Michel Fau) : article où elle traitait notamment Audrey Tautou de « docile pantin ». Dans cette pièce d'Ibsen, Sissi Duparc tenait le rôle de Mme Linde et Audrey Tautou celui de Nora.

*** Charlie Hebdo a vendu l'autre jour des millions d'exemplaires ? Oui, mais pas à des lecteurs. Et attendez la suite.

 

 

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Job, Thérèse, la souffrance, le désespoir et la prière

 pape françois,christianisme

 Propos de François à l'homélie d'hier :

(Radio Vatican)

 

Même nos plaintes, issues de moments de désarroi, deviennent une prière. Mais pas les « plaintes de théâtre »... C’est ce qu’a souligné le pape François lors de l’homélie de la fête de sainte Thérèse, en la chapelle de la maison Ste-Marthe. Il a centré cette homélie sur la première lecture de la messe, qui montre Job maudissant le jour où il est né« Il a été mis à l’épreuve, souligne le pape, il a perdu toute sa famille, tous ces biens, sa santé et tout son corps est devenu une plaie, une plaie dégoûtante ». À ce moment, a souligné le pape, « Job perd patience et dit de telles choses.... Il est habitué à dire la vérité, et c’est la vérité qu’il ressent à ce moment-là ». Jérémie prononce les mêmes paroles : « Maudit soit le jour où je suis né ! ». Mais, demande le pape,« l'homme qui est ainsi, seul, blasphème-t-il ? »

« Lorsque Jésus se plaint : “Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ?”, blasphème-t-il ? Souvent, j’ai entendu des personnes vivant des situations difficiles, douloureuses, qui ont perdu tant de choses, qui se sentent seules et abandonnées, et qui viennent se plaindre. Et se poser la question : pourquoi ? pourquoi ? Elles se rebellent contre Dieu. Je leur dis: “Continuez à prier ainsi, parce que c’est aussi une prière”. C’était une prière lorsque Jésus a dit à son Père : “Pourquoi m’avez-vous abandonné ?“ ».

Prier, c'est devenir vérité devant Dieu. Et Job ne pouvait pas prier autrement : « on prie avec la réalité, la vraie prière vient du cœur, de ce que l’on vit ... C’est la prière des moments de confusion, des moments de la vie où il n’y a pas d’espoir, où l'on ne voit plus d’horizon. »  Aujourd’hui, beaucoup se trouvent dans la situation de Job, dit le pape. « Comme Job, beaucoup ne comprennent pas ce qui leur est arrivé, que ce soit ainsi. Tant de frères et de sœurs n’ont pas d’espoir... Pensons aux tragédies, aux grandes tragédies. Par exemple, nos frères qui sont chassés de chez eux parce qu’ils sont chrétiens et restent sans rien :  “mais Seigneur, j’ai cru en toi. Pourquoi ? Croire en toi est-il une malédiction, Seigneur ?“ »

« Pensons aux personnes âgées qui sont laissées de côté, a-t-il poursuivi, pensons aux malades, aux personnes seules, dans les hôpitaux. L’Église prie pour tous ces gens mais aussi pour nous, lorsque nous traversons un moment d’incertitude. L’Église prie ! Et elle prend sur elle cette douleur et prie ». Mais nous, « sans maladies, sans faim, sans besoins importants, lorsque notre âme est un peu ténébreuse, nous croyons être martyrs et nous arrêtons de prier. Et il y a ceux qui disent “Je suis fâché contre Dieu, je ne vais plus à la messe !“ ».

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, au cours des derniers mois de sa vie, « essayait de penser au ciel, elle sentait en elle comme une voix qui lui disait : "Ne sois pas bête, ne te raconte pas d'histoires. Sais-tu ce qui t’attend ? rien..."  Souvent, nous passons par cette situation. Beaucoup de gens croient finir dans le néant. Mais sainte Thérèse, elle, priait. Elle demandait la force d'aller de l’avant dans l’obscurité. Cela s’appelle la patience. Notre vie est trop facile, nos plaintes sont des plaintes de théâtre. Que sont-elles devant les plaintes de tant de frères et de sœurs qui sont dans l’obscurité, qui ont presque perdu la mémoire et l’espoir, qui vivent exilés d’eux-mêmes ? Et Jésus a parcouru ce chemin : depuis le soir au Mont des Oliviers jusqu’au dernier mot sur la Croix : “Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ?“ ».

Le pape François évoque deux choses utiles. « La première : se préparer au moment où arrivera l’obscurité... »  La confusion ne sera peut-être pas aussi dure que celle qu’a traversée Job, « mais un moment d’incertitude arrivera. Il faut préparer notre cœur pour ce moment ». Et deuxièmement : « prier, comme prie l’Église, avec l’Église, pour tant de frères et de sœurs qui souffrent de leur exil, de l’obscurité et de la souffrance sans espoir». Telle est la prière de l’Église pour tous ces « Jésus souffrants », partout dans le monde.

 

 

pape françois,christianisme

 

  

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Louange du 1er janvier : ”À Lui la mer, c'est Lui qui l'a faite, et les terres, car Ses mains les ont pétries...”

christianisme

 

 

 

Laudes du 1er de l'An :

une lecture du psaume 94

 

 

  

Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut !

Allons jusqu'à Lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le !

Oui, le grand Dieu, c'est le Seigneur, le grand roi au-dessus de tous les dieux :

Il tient en main les profondeurs de la terre, et les sommets des montagnes sont à Lui ;

à lui la mer, c'est Lui qui l'a faite, et les terres, car Ses mains les ont pétries.

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits.

Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu'Il conduit, le troupeau guidé par Sa main. Aujourd'hui écouterez-vous sa parole :

« Ne fermez pas votre coeur comme au désert, comme au jour de tentation et de défi,

où vos pères m'ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit.

Quarante ans leur génération m'a déçu, et j'ai dit : Ce peuple a le coeur égaré, il n'a pas connu mes chemins... »

 

 

Spécialiste universitaire (CNRS) des psaumes, Marina Mannati explique* :

« Trouvons admirable que Dieu nous livre sa parole en la soumettant à toutes les lois de l'histoire. Chez les psalmistes, nous touchons du doigt ce qu'est une prière incarnée... L'étude de psaumes  fait comprendre qu'il nous faut assouplir nos structures mentales que nous croyons volontiers universelles ! Pour rejoindre les psalmistes, il nous faut quitter notre représentation linéaire du temps, […] entrer dans une pensée qui s'exprime par symboles et images.  […]  A la différence de nos chants accordés à notre sensibilité du moment, tributaires d'une mode passagère, les psaumes, nés dans un temps et pour un temps donné, transcendent le temps.  […]  Ils ne sont pas enfermés dans le présent : ils le font éclater par le jeu de l'imbrication des plans : ils actualisent le passé dont vit le présent et ils sont tendus vers l'avenir eschatologique. Cet éclatement du temps nous insère dans une tradition vivante et le passé cesse d'être passé : il est là, agissant, actuel.  […]  Les psaumes ouvrent aussi le présent sur un avenir en gestation. Ils font sauter les barrières d'un présent enfermé sur lui-même et qui nous enferme sur nous-mêmes. « Je souffre », « je remercie », « je suis pécheur », « je loue Dieu » ; non pas : « moi je souffre... » comme si j'étais le centre du monde, mais moi avec mes frères actuels, avec toute la tradition qui me porte, moi dont l'histoire particulière s'insère dans l'histoire du peuple de Dieu en marche vers le Royaume. »

 

Marina Mannati explique aussi :

«  Sensibilisés par les psaumes aux bénédictions de l'Alliance, nous percevrons progressivement que la bénédiction fondamentale est celle de l'Emmanuel, Dieu-avec-nous : ''Je suis votre Dieu et vous êtes mon peuple.'' La récitation des psaumes fait peu à peu abandonner l'idée d'un Dieu conceptuel (chargé de ''justifier'' l'injustice sur terre), le Dieu-gendarme, le Dieu qui parle à notre sensibilité (à notre puérilité), pour le Dieu Tout-Autre, qui a voulu habiter au milieu de son peuple, qui a voulu que son peuple soit son hôte : "avec toi pour toujours" (psaume 139,18) ! »

 

Il en ressort que les psaumes, prière du peuple de la Première Alliance (le peuple messianique), sont aussi notre prière :

« ...parce que Dieu nous les a livrés pour que nous les utilisions comme bon nous semble. Nous pouvons, dans la liberté de l'Esprit, user librement des psaumes... Notre être entier peut passer dans les psaumes ; ils sont bien notre prière, non pas étroitement individuelle, mais authentiquement personnelle. »

 

Ainsi le psaume 94 (ci-dessus) qui ouvre chaque matin la prière catholique des laudes. Prenons la résonance en nous de quelques mots :

> « Crions de joie... » Ce n'est pas une clause de style : quand le pape François nous reproche nos têtes au vinaigre, quand il reproche leurs « faces funèbres » aux prélats de la Curie, c'est une correction fraternelle dans l'Esprit Saint : sans l'espérance (dont la joie est le signe), notre foi n'est pas la foi. Si nous mesurions ce que veut réellement dire le Salut auquel nous croyons en théorie, nous n'aurions pas ces airs d'habitués, ou de « militants » hargneux, qui mettent en fuite autrui.  Seigneur, augmente en nous la foi ! (Luc 17.3-10).

> « Allons jusqu'à Lui en rendant grâce... » Notre démarche devrait être la gratitude et pas « la défense de nos valeurs » ! Que posséderions-nous qu'Il ne nous ait donné ?

> « Le grand roi au dessus de tous les dieux... » Nos petits dieux d'idées, de partis et de milieu  sont voués à être renversés par l'Esprit du Père et du Fils.  « Jésus, le Christ, lumière intérieure, ne laisse pas nos ténèbres nous parler ! »

> « A Lui la terre car ses mains l'ont pétrie... » Le sang du Christ réconciliant l'homme et son Créateur, réconcilie la Création avec l'homme qui ne cessait de révolter le sol contre lui (Genèse 4.10). Seigneur, fais-nous comprendre que nous ne sommes pas les maîtres de la terre !

> «Nous sommes le peuple qu'Il conduit... » Et non un parti prêtant ses opinions à Dieu.

> « Ce peuple a le coeur égaré, il n'a pas connu mes chemins... » Dans le climat des psaumes, nos égarements sont toujours-déjà guéris par Dieu qui se tourne / s'est tourné / se tournera / vers l'homme – et l'homme en réponse doit se tourner vers Lui : c'est en nous le mouvement étymologique de la conversion. Et c'est de notre conversion que parle la première lecture de la messe du 1er janvier, tirée des Nombres (6,22-27) : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu'Il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu'Il t'apporte la paix ! »

 

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* Pour prier avec les psaumes, Cahiers Evangile 13, Cerf 1991.

 

 

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01/01/2015 | Lien permanent

Le curé, le maire communiste et le pape François

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C'est l'histoire* de deux Dieppois de 43 ans : Sébastien Jumel, maire PCF de la ville, et Geoffroy de La Tousche, curé (en col romain) de Dieppe-Ouest. Le 16 octobre, ils sont allés ensemble, « sur leurs propres fonds », voir le pape François au Vatican :  

 

Sébastien Jumel et Geoffroy de La Tousche sont fils d'ouvrier l'un et l'autre**. Entre les deux tours des municipales, le curé avait envoyé ce texto au maire sortant : « Si vous gagnez, je vous emmène à Rome voir le pape ! ». « J'ai répondu "OK, bien volontiers" mais en n'y croyant pas trop », raconte le maire.

Six mois plus tard (et à l'indignation de « quelques libres-penseurs dieppois »), le maire communiste et le curé ont pris l'avion pour Rome. Et ils ont rencontré le pape.

Récit de Sébastien Jumel : « J'ai rencontré des politiques qui ne vous serrent la main que mollement. Cet homme, à qui j'ai dit que j'étais communiste, m'a souri... » L'entretien a duré quelques minutes, pendant lesquelles François regardait Jumel « droit dans les yeux » : «C'est un moment bouleversant. J'ai vu là un homme d'une immense humanité, et qui incarnait une parole, et je l'ai remercié d'avoir accepté ce signe à l'égard de ma paroisse communiste... » « C'est cette simplicité-là que je retiens », souligne le maire. Et ses impressions de la Rome catholique, notamment à l'université grégorienne ? «  J'ai été impressionné par la connaissance, le très haut niveau intellectuel des gens qui m'ont été présentés, nonobstant quelques prélats pas vraiment progressistes... »

« De là à avancer que le PCF a embrassé les mystères de la Trinité et de la Résurrection de la chair », s'amuse Libération, « il faudra quand même bousculer d'autres dogmes... » Le jour de l'interview, Sébastien Jumel a signalé au journaliste qu'il sortait d'un banquet de militants avec des syndicalistes et des anciens de la métallurgie : « Je leur ai expliqué pourquoi j'avais été à Rome, et à la fin j'ai été applaudi. » Le maire va jusqu'à affirmer : « comme communiste, tout ce qu'a dit le pape au sujet de la finance me touche au plus profond... » Il y a quinze jours, la municipalité PCF a voté la restauration de deux églises, et le P. de La Tousche a fait applaudir cette décision à la fin de la messe paroissiale.

Une histoire de plus à inscrire parmi les exemples de « l'effet François » : 2015 s'annonce bien.

 

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* Libération, 27/12.

** Le père de Sébastien Jumel était soudeur dans la métallurgie. Geoffroy de La Tousche explique pour sa part : « Mon père était ouvrier en usine à Rouen et j'ai grandi dans une tour HLM de douze étages. »

  

 

Le site du PCF présente l'entrevue romaine

 

http://www.pcf.fr/60569

Sébastien Jumel, maire de Dieppe, rencontre le pape François

Sébastien Jumel, maire communiste de Dieppe, s'est rendu au Vatican où il a rencontré le pape François et de nombreux dignitaires catholiques du 13 au 15 octobre. L'élu était guidé dans ce déplacement par le curé de la paroisse de Dieppe‐ouest qui lui avait lancé cette invitation, "comme un défi", par SMS, peu avant les dernières élections municipales. "Il n'y avait aucune stratégie de ma part, aucune velléité prosélyte ou de conversion, simplement une proposition liée à la relation que nous avions développée" , explique l'abbé Geoffroy de la Tousche.

De son côté, Sébastien Jumel justifie son acceptation par la volonté de rassemblement qui l'anime en tant que maire : « quand le maire communiste de Dieppe, maire de tous les Dieppois, accepte cette invitation, il donne le signe qu'il prend en compte le poids de la culture catholique et le fait que l'on puisse avoir un autre rapport au monde et à l'humanité que celui qui est le mien ! »

 De retour de ce voyage, Sébastien Jumel retient de ses diverses rencontres "l'unicité dans le sens des valeurs communes qui placent l'Homme au coeur de tout avec une vraie différence dans la manière dont on l'entoure". De son échange avec le chef de l'Église catholique, souverain pontife au positionnement atypique sur des sujets comme la famille, la pauvreté…,

Sébastien Jumel rapporte qu'il a été sensible « à l'humanité et à la simplicité » du pape et aux mots qu'il a prononcés. « Son discours sur la crise économique résonne pour l'homme politique que je suis. Ça ne m'a pas converti, mais j'ai pris conscience qu'on avait plus de points communs qu'on ne pouvait le croire. Dans sa catéchèse, quand le pape dit que le monde est dans une situation préoccupante et que dans ce contexte il y a deux postures possibles : le repli ou l'ouverture vers le monde, y compris vers ceux qui ne pensent pas comme nous, j'ai la même vision politiquement », confie l'élu qui affirme être « sorti enrichi » de ce séjour.

À propos de ce moment inédit, l'abbé de la Tousche, qui a vécu quatre ans à Rome et a tout mis en oeuvre pour ouvrir le maximum les portes de la cité antique et papale à son invité, souligne qu'il a été pour lui « une occasion assez unique de dire que son propos s'adresse aussi bien à des catholiques convaincus qu'à tous les autres dès lors qu'ils sont sans préjugés ». D'ailleurs, les deux hommes sont d'accord pour dire qu'autant inhabituel qu'il puisse être, le fait qu'un « curé se balade à Rome avec un maire communiste », s'il a suscité de « l'étonnement », n'a pas entraîné "de rejet". "Et chacune des rencontres avec ces hommes et ces femmes qui sont mes amis ont été libres", relève le Père de la Tousche.

Parmi ces rencontres, Sébastien Jumel a été marqué par son entrevue avec le cardinal Ouellet. Le maire de Dieppe a offert au n°3 de l'Église catholique, archevêque de Québec de 2003 à 2010, la médaille commémorative des 70 ans du raid anglo-canadien du 19 août 1942 sur Dieppe – terriblement meurtrier pour l'armée canadienne. Celui qui nomme les évêques n'a pu retenir son émotion. L'élu, qui a pu mesurer la place que tient sa ville dans le coeur du peuple canadien, a d'ailleurs invité le cardinal Ouellet à assister aux prochaines commémorations de cet événement historique.

 

 

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”Pourquoi une Année de la Miséricorde”

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Le pape François place Saint-Pierre, 9/12 :

 

<<  Chers frères et sœurs, bonjour,

Hier j’ai ouvert ici, dans la basilique Saint-Pierre, la porte sainte du jubilé de la miséricorde, après l’avoir déjà ouverte dans la cathédrale de Bangui, en Centrafrique. Je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur la signification de cette année sainte, en répondant à la question: pourquoi un jubilé de la miséricorde? Qu’est-ce que cela signifie?

L’Eglise a besoin de ce moment extraordinaire. Je ne dis pas: ce moment extraordinaire est bon pour l’Eglise. Je dis: l’Eglise a besoin de ce moment extraordinaire. A notre époque de profonds changements, l’Eglise est appelée à offrir sa contribution particulière, en rendant visibles les signes de la présence et de la proximité de Dieu. Et le jubilé est un temps favorable pour nous tous, car en contemplant la Divine miséricorde, qui franchit toute limite humaine et qui resplendit sur l’obscurité du péché, nous pouvons devenir des témoins plus convaincus et efficaces.

Tourner le regard vers Dieu, le Père miséricordieux, et vers nos frères qui ont besoin de miséricorde, signifie diriger notre attention sur le contenu essentiel de l’Evangile: Jésus, la miséricorde faite chair, qui rend visible à nos yeux le grand mystère de l’Amour trinitaire de Dieu. Célébrer un jubilé de la miséricorde équivaut à mettre à nouveau au centre de notre vie personnelle et de nos communautés, le caractère spécifique de la foi chrétienne, c’est-à-dire Jésus Christ, le Dieu miséricordieux.

Une année sainte, donc, pour vivre la miséricorde. Oui, chers frères et sœurs, cette année sainte nous est offerte pour faire l’expérience dans notre vie du contact doux et tendre du pardon de Dieu, de sa présence à nos côtés et de sa proximité, en particulier dans les moments de plus grand besoin.

Ce jubilé est, en somme, un moment privilégié pour que l’Eglise apprenne à choisir uniquement «ce qui plaît le plus à Dieu». Et qu’est-ce qui «plaît le plus à Dieu»? Pardonner ses enfants, avoir miséricorde d’eux, afin qu’eux aussi puissent à leur tour pardonner leurs frères, en resplendissant comme les flammes de la miséricorde de Dieu dans le monde. C’est ce qui plaît le plus à Dieu. Saint Ambroise, dans un livre de théologie qu’il avait écrit sur Adam, parle de l’histoire de la création du monde et dit que Dieu chaque jour, après avoir fait une chose — la lune, le soleil ou les animaux — dit: «Et Dieu vit que cela était bon». Mais quand il a fait l’homme et la femme, la Bible dit: «Il vit que cela était très bon». Saint Ambroise se demande: mais pourquoi dit-il très bon” ? Pourquoi Dieu est-il si content de la création de l’homme et de la femme? Parce qu’à la fin, il avait quelqu’un à pardonner. C’est beau: la joie de Dieu est de pardonner, l’être de Dieu est miséricorde. C’est pourquoi, cette année nous devons ouvrir nos cœurs, pour que cet amour, cette joie de Dieu nous remplisse tous de cette miséricorde. Le jubilé sera un «temps favorable» pour l’Eglise si nous apprenons à choisir «ce qui plaît le plus à Dieu», sans céder à la tentation de penser qu’il y a quelque chose d’autre de plus important ou de prioritaire. Rien n’est plus important que de choisir «ce qui plaît le plus à Dieu», c’est-à-dire sa miséricorde, son amour, sa tendresse, son étreinte, ses caresses!

L’œuvre nécessaire de renouveau des institutions et des structures de l’Eglise est elle aussi un moyen qui doit nous conduire à faire l’expérience vivante et vivifiante de la miséricorde de Dieu qui, elle seule, peut garantir à l’Eglise d’être cette ville sise au sommet du mont qui ne peut pas rester cachée (cf. Mt 5, 14). Seule une Eglise miséricordieuse resplendit ! Si nous devions, ne serait-ce que pour un moment, oublier que la miséricorde est «ce qui plaît le plus à Dieu», chacun de nos efforts serait vain, car nous deviendrions esclaves de nos institutions et de nos structures, pour autant qu’elles puissent être renouvelées. Mais nous serions toujours des esclaves.

«Eprouver fortement en nous la joie d’avoir été retrouvés par Jésus, qui comme Bon Pasteur est venu nous chercher parce que nous nous étions perdus» (Homélie des premières vêpres du dimanche de la Divine miséricorde, 11 avril 2015): tel est l’objectif que l’Eglise se fixe en cette année sainte. Ainsi, nous renforcerons en nous la certitude que la miséricorde peut contribuer réellement à l’édification d’un monde plus humain. En particulier à notre époque, où le pardon est un hôte rare dans les milieux de la vie humaine, le rappel à la miséricorde se fait plus urgent, et ce en chaque lieu: dans la société, dans les institutions, dans le travail et aussi dans la famille.

Naturellement, certains pourraient objecter: «Mais, Père, en cette année, l’Eglise ne devrait-elle pas faire quelque chose de plus ? Il est juste de contempler la miséricorde de Dieu, mais il existe de nombreuses nécessités urgentes !». C’est vrai, il y a beaucoup à faire, et je suis le premier à ne pas me lasser de le rappeler. Mais il faut tenir compte que, à la racine de l’oubli de la miséricorde, il y a toujours l’amour -propre. Dans le monde, celui-ci revêt la forme de la recherche exclusive de ses propres intérêts, de plaisirs et d’honneurs unis à la volonté d’accumuler des richesses, tandis que dans la vie des chrétiens, il se travestit souvent en hypocrisie et mondanité. Toutes ces choses sont contraires à la miséricorde. Les mouvements de l’amour propre, qui font de la miséricorde une étrangère dans le monde, sont si divers et nombreux que souvent, nous ne sommes même plus en mesure de les reconnaître comme limites et comme péché. Voilà pourquoi il est nécessaire de reconnaître que nous sommes pécheurs, pour renforcer en nous la certitude de la Divine miséricorde. «Seigneur, je suis un pécheur; Seigneur, je suis une pécheresse; viens avec ta miséricorde.» C’est une très belle prière. C’est une prière facile à dire chaque jour: «Seigneur, je suis un pécheur; Seigneur, je suis une pécheresse; viens avec ta miséricorde.»

Chers frères et sœurs, je souhaite qu’en cette année sainte, chacun de nous fasse l’expérience de la miséricorde de Dieu, pour être témoins de «ce qui lui plaît le plus». Est-il naïf de penser que cela peut changer le monde? Oui, humainement parlant, c’est insensé, mais «ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes» (1 Co 1, 25). >>

 

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13/12/2015 | Lien permanent

Ankara joue avec ”les valeurs occidentales”

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Retour sur l'interview de M. Erdogan dans Le Monde :

 

Entretien du président turc avec les envoyés spéciaux du Monde (9/08) : il retourne contre "l'Occident" le verbiage qui tient lieu de politique étrangère à nos post-démocraties. Extraits :

<<  Le monde entier avait réagi à l'attaque contre Charlie Hebdo. Notre premier ministre s'était joint à la marche dans les rues de Paris. J'aurais souhaité que les leaders du monde occidental réagissent également à ce qui s'est passé en Turquie et ne se contentent pas de quelques clichés pour condamner [la tentative de putsch du 15 juillet]... Le monde occidental est en contradiction avec les valeurs qu'il défend. Il doit être solidaire de la Turquie, qui s'est appropriée ses valeurs démocratiques. Malheureusement, il a préféré laisser les Turcs seuls... >>

M. Erdogan nous avait coincés sur le terrain avec la question des migrants. Il nous coince maintenant sur le plan de la post-politique : la gesticulation remplaçant la politique dans nos post-démocraties, qui lui substituent l'émotionnel. On l'a vu lors du show international parisien du 11 janvier 2015 (rallye de peoples que l'on fit marcher sur trois cents mètres devant les caméras) : M. Erdogan y avait délégué son Premier ministre d'alors, M. Davutoglu, mais sans cesser de soutenir les djihadistes en Syrie. Participer au show de Paris n'avait qu'un but dans l'esprit d'Ankara : obliger en échange "les Occidentaux" à soutenir M. Erdogan face à ce qu'il nomme, lui, "terroristes" : les adversaires de son régime, qu'ils soient kurdes ou islamistes rivaux (l'ex-allié Gülen, devenu l'ennemi de M. Erdogan).

Le président turc fait donc simplement de la realpolitik. Ça consiste : 1. à ne servir que les intérêts nationaux de la Turquie, 2. en jouant (à l'occasion), soit sur les nerfs, soit sur l'idéologie post-nationale et post-politique des Occidentaux. Lorsqu'il nous parle de nos "valeurs", il joue sur notre idéologie pour nous donner des leçons d'idéal "occidental". En revanche, lorsqu'il démasque ses batteries de nationaliste, il fait un bras d'honneur à l'idéologie de l'UE (tout en arrachant à Bruxelles toujours plus de concessions) : ce qui est jouer avec nos nerfs. Exemple, dans l'entretien du Monde  : 

<< Les Occidentaux ne devraient pas se soucier du nombre de personnes arrêtées [26 000 !] ou limogées... La Turquie n'a jamais posé ce type de question à ses partenaires occidentaux. C'est à nous de savoir qui nous gardons, qui nous limogeons. Chacun doit savoir quelle est sa place. >>

En parlant comme si ses "partenaires occidentaux" pouvaient (eux aussi) emprisonner sans jugement 26 000 personnes, M. Erdogan ironise.

En ajoutant un "chacun à sa place" provocateur, il affiche un nationalisme incompatible avec le moralisme sans frontières de l'UE.

M. Erdogan sait que pour les Européens, officiellement, la politique internationale ne consiste plus à concilier des intérêts mais à "se soucier" de la nature des régimes [*]  étrangers - pour combattre certains d'entre eux, désignés comme incompatibles avec nos normes sociétales ; régimes ayant aussi pour caractéristique de contrarier des intérêts américains... C'est en vertu de ce critère que les Occidentaux ont soutenu le djihad en Afghanistan, contre un régime afghan aidé par l'armée russe ; qu'ils ont soutenu le djihad en Syrie, alliée de la Russie ; et que l'OTAN tient  en 2016 un délirant discours de guerre nucléaire, toujours contre la Russie [**]. Pour embrediner Washington et sa vassale l'UE, M. Erdogan affiche aujourd'hui un rapprochement subit avec - devinez qui ? -  la Russie...

D'où son voyage de Saint-Pétersbourg, accompagné de sarcasmes à notre intention :

<< Quand M. Poutine m'a appelé pour me présenter ses condoléances [pour les "martyrs" de la police turque tombés face aux putschistes], il ne m'a pas critiqué sur le nombre de militaires ou de fonctionnaires limogés. Alors que tous les Européens m'ont demandé : pourquoi tant de militaires sont en détention, pourquoi tant de fonctionnaires ont été démis ? [***] >>

Outrés sans doute par cette franchise, les envoyés spéciaux du Monde interrogent M. Erdogan :

<< Le 9 août, vous allez rencontrer Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg. Vous sentez-vous plus proche de lui que des Occidentaux ? >>

Réponse du sultan  - et le pire est qu'il n'a pas tort :

<< A vos yeux, M. Poutine est oriental ? La Fédération de Russie est un pays à la fois européen et asiatique, c'est ainsi qu'il faut voir les choses.  Le monde occidental a essayé de l'exclure. Pas nous... >>

Ainsi l'initiative a échappé aux Européens  - peut-être définitivement - à cause du système où ils s'enferment depuis la prise du pouvoir par les libéraux atlantistes.

M. Poutine le leur a fait sentir.  Puis M. Erdogan.

D'autant que le Turc a une arme que n'a pas le Russe :  les migrants, qui lui servent à mettre l'UE à genoux sur tous les plans. Si l'obligation du visa n'est pas supprimée pour les 75 millions de Turcs, M. Erdogan rouvrira les vannes des migrants. Si les pourparlers d'adhésion de la Turquie à l'UE ne progressent pas, M. Erdogan rouvrira les vannes des migrants... Etc. Le propre d'un chantage est de ne jamais s'arrêter ; le propre de la realpolitik est d'inclure le chantage. L'UE est incapable de s'en libérer. Ankara le sait. Voilà la véritable "guerre asymétrique".

 

_______________

[*]  L'UE n'a de complaisance qu'envers deux systèmes non démocratiques (parce qu'ils la dominent économiquement) : les pétro-monarchies et l'impérial-capitalisme chinois.

[**]  non sans avoir aussi disloqué l'Irak et la Libye, avec les effets que l'on sait.

[***]  En bon français, la tournure devrait être : "ont-ils". Les journalistes du Quotidien de Référence écrivent désormais comme les journalistes de télé parlent. La tournure interrogative est en voie de disparition partout. C'est le parler ado : toujours l'émotionnel.

 

 

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Ecologie spirituelle (2) : le biotope de notre âme

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La barque dans la tempête :

 

 

Matthieu 8, 23-27 : 

<< Comme Jésus montait dans la barque, ses disciples le suivirent. Et voici que la mer devint tellement agitée que la barque était recouverte par les vagues. Mais lui dormait. Les disciples s’approchèrent et le réveillèrent en disant : “Seigneur, sauve-nous ! Nous sommes perdus.” Mais il leur dit :“Pourquoi êtes-vous si craintifs, hommes de peu de foi ? ” Alors, Jésus, debout, menaça les vents et la mer, et il se fit un grand calme. Les gens furent saisis d’étonnement et disaient : “Quel est donc celui-ci, pour que même les vents et la mer lui obéissent ?” >>

 

Saint Augustin, sermon 63 :

<< Le sommeil du Christ est le signe d'un mystère. Les occupants de la barque représentent les âmes qui traversent la vie de ce monde sur le bois de la croix. En outre, la barque est le symbole de l'Eglise. Oui, vraiment le coeur de chaque fidèle est une barque naviguant sur la mer ; elle ne peut pas sombrer si l'esprit entretient de bonnes pensées. On t'a insulté : c'est le vent qui te fouette. Tu t'es mis en colère : c'est le flot qui monte. La tentation surgit : c'est le vent qui souffle. Ton âme est troublée : ce sont les vagues qui montent. Réveille le Christ, laisse-Le te parler. “Qui donc est celui-ci, pour que même les vents et la mer lui obéissent ?” Qui est-Il ? A Lui la mer, c'est Lui qui l'a faite” ; “par Lui tout a été fait” (psaume 94,5 ; Jean 1,3). Imite donc les vents et la mer : obéis au Créateur. La mer se montre docile à la voix du Christ, et toi, tu restes sourd ? La mer obéit, le vent s'apaise, et toi, tu continues à souffler ? Parler, s'agiter, méditer la vengeance : n'est-ce pas continuer à souffler et ne pas vouloir céder devant la parole du Christ ? Quand ton coeur est troublé, ne te laisse pas submerger par les vagues. Si pourtant le vent nous renverse – car nous ne sommes que des hommes – et s'il excite les émotions mauvaises de notre coeur, ne désespérons pas ! >>

 

Parole et prière, juin 2015 :

<< Ses compagnons cherchent à réveiller Jésus. Ils ont perdu la maîtrise des événements et ils cherchent un moyen de la reprendre (et vite, car le naufrage peut venir à chaque vague). L'attitude que dénonce Jésus est celle qui conduit à donner plus d'importance à ce que je peux faire de ma vie qu'à ce que la foi me permettrait d'en faire... >>

  

► Sur la nature et la spiritualité, je me permets d'ajouter quelques réflexions dans la foulée de l'encyclique Laudato Si. Le pape écrit : 

« Pour la compréhension chrétienne de la réalité, le destin de toute la création passe par le mystère du Christ, qui est présent depuis l'origine de toutes choses. “Tout est créé par Lui et pour Lui” (Colossiens 1,16)... Une personne de la Trinité s'est insérée dans le cosmos créé, en y liant son sort jusqu'à la croix. Dès le commencement du monde, mais de manière particulière depuis l'Incarnation, le mystère du Christ opère secrètement dans l'ensemble de la réalité naturelle, sans pour autant en affecter l'autonomie » (§ 99)... “Dieu s'est plu à faire habiter en Lui toute plénitude et par Lui à réconcilier tous les êtres pour Lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix” (Colossiens 1,19-20). Cela nous projette à la fin des temps, quand le fils remettra toutes choses au Père et que “Dieu sera tout en tous” (1Corinthiens 15,28). De cette manière, les créatures de ce monde ne se présentent plus à nous comme une réalité purement naturelle, parce que le Ressuscité les enveloppe mystérieusement et les oriente vers un destin de plénitude. >>

« Même les fleurs des champs et les oiseaux qu'émerveillé Il a contemplés de ses yeux humains, sont maintenant remplis de sa présence lumineuse », ajoute le pape. En visitant Gethsémani  on ressent cette Présence devant les oliviers noueux du Jardin : ce ne sont pas ceux d'il y a deux mille ans, mais Jésus dans la nuit de sa Passion a vu leurs semblables. C'est au milieu d'eux qu'il a voulu vivre les heures de son sacrifice pour notre salut. Dans ses paraboles Il a célébré les arbres et toute la nature, si souvent qu'il leur a donné un sens prophétique et sacramentel : le blé, la vigne... « L'univers se déploie en Dieu, qui le remplit tout entier. Il y a donc une mystique dans une feuille, dans un chemin, dans la rosée, dans le visage du pauvre. L'idéal n'est pas seulement de passer de l'extérieur à l'intérieur pour découvrir l'action de Dieu dans l'âme, mais aussi d'arriver à Le trouver en toute chose comme l'enseignait saint Bonaventure : “La contemplation est d'autant plus éminente que l'homme sent en lui-même l'effet de la grâce divine et qu'il sait trouver Dieu dans les créatures extérieures...” » (Laudato Si, § 233). 

Prions cet été avec tous ceux qui vivent une angoisse ou une douleur, morale ou physique, dans le paysage de leurs vacances familiales. Que ce chemin de montagne ou ce sentier du littoral soit leur Gethsémani : le biotope de leur sacrifice de soi. Qu'ils sachent (que nous sachions tous) donner plus d'importance à ce que la foi permet de faire de notre vie, qu'à ce que nous aurions voulu en faire.

 

 

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1936 : le cardinal archevêque de Paris irrite la droite

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 À méditer aujourd'hui, un manifeste toujours actuel :

 

 

3 mai 1936 : par une augmentation d'à peine 1 % des suffrages de gauche, le Front populaire a gagné les législatives. Léon Blum va former le gouvernement. Il choisit une équipe de néophytes – beaucoup de jeunes radicaux de gauche – et sans ministres communistes... Le 4 juin, Albert Lebrun nomme Blum président du Conseil. La droite déchaînée tient un langage de guerre civile auquel une partie de l'opinion catholique n'est pas insensible : « A bas le Front crapulaire ! Les bolcheviques vont s'emparer du pays ! »

 

front populaire,1936C'est alors – le 5 juin – que le cardinal Jean Verdier, archevêque de Paris, publie au nom de l'Eglise catholique un manifeste que tous les prêtres du diocèse devront lire en chaire le dimanche suivant. Ce texte est d'une teneur qui sidère (et irrite) les éditorialistes de droite : il est centré sur la misère du monde ouvrier, les vices de l'ordre établi et l'urgence d'y porter remède. Le cardinal dit clairement aux catholiques que l'heure n'est pas à la guerre civile mais à la réforme sociale courageuse :

<< A la conscience de tous s'impose en ce moment un grave devoir : le devoir pour tous, patrons et ouvriers, citadins et ruraux, moralistes, pasteurs et fidèles, d'aider résolument à la solution du problème économique qui nous angoisse. La souffrance universelle le met au premier rang et lui donne un caractère sacré. Il est bien vrai que ce problème a des aspects techniques et des ramifications politiques et autres, qui échappent à la compétence du plus grand nombre. Mais tous, nous élevant au-dessus des solutions partisanes, nous avons le devoir de créer une atmosphère de paix et de fraternité, dans laquelle les hommes compétents pourront étudier avec un courage serein ce problème si épineux ; le devoir de sacrifier nos rancoeurs, nos préférences politiques et sociales et, dans une certaine mesure, nos intérêts eux-mêmes, à cette paix sociale ; le devoir de dire loyalement ce que notre conscience nous dicte comme la meilleure solution du problème, et de laisser ensuite à nos institutions normales le soin de prendre les mesures effectives et justes. En dehors de cette voie, c'est l'erreur, c'est le danger, c'est l'abîme ! Les dangers extérieurs qui nous menacent, l'horreur des luttes fratricides qui sont au bout de cette voie d'individualisme outrancier, […] tout demande au chrétien sincère, au Français digne de ce nom, à l'homme qui aime vraiment son frère, de ramener parmi nous la paix, la concorde, la véritable fraternité, et de s'appliquer sans retard et courageusement à la constitution de cet ordre nouveau [1] que tous appellent.  >>

Le Populaire du 6 juin salue le manifeste Verdier comme un appel de l'Eglise au patronat en faveur des revendications ouvrières.

Mais durant la bataille des législatives de 1936, la droite n'a pas dit un mot de la question sociale et n'a misé que sur l'anticommunisme ; elle va s'enfermer dans cet aveuglement. La bien-pensance de 1936 mérite ce que Bernanos vient alors d'écrire à son sujet dans le Journal d'un curé de campagne << Cette idée si simple que le travail n'est pas une marchandise soumise à la loi de l'offre et de la demande, qu'on ne peut pas spéculer sur les salaires, sur la vie des hommes, comme sur le blé, le sucre ou le café, ça bouleversait les consciences, crois-tu ? Pour l'avoir expliqué en chaire à mes bonshommes, j'ai passé pour un socialiste et les paysans bien-pensants m'ont fait envoyer en disgrâce à Montreuil... >>

Mais efront populaire,1936n mai-juin-juillet 1936,  nombre de journaux catholiques emboîtent le pas à la presse de droite et non au cardinal archevêque de Paris. « Il fait bien noir, tout ce mois de juin, au ciel de France », écrit ainsi Le Pèlerin ; et il ampute carrément le texte du cardinal Verdier des paragraphes sociaux que je reproduis ci-dessus [2]. Imperturbable, le cardinal déclare que son manifeste n'a fait que rappeler la doctrine de l'Eglise. Mieux : le cardinal Pacelli, secrétaire d'Etat du Saint-Siège, adresse à l'archevêque de Paris une lettre de félicitations signée de Pie XI !

Jean Verdier mourra le 9 avril 1940 à Paris. On imagine ce qu'il aurait écrit, dit et fait s'il avait connu les années Vichy.

 

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[1]  Les mots « ordre nouveau » n'ont pas alors la connotation qu'ils auront après 1940. Dans l'Humanité du 7 juin, Paul Vaillant-Couturier voit dans l'appel du cardinal une condamnation de « l'égoïsme des possédants ».

[2]  Pensons aux contorsions des sites ultras de 2015-2016 devant Laudato Si' et Amoris laetitia.

 

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05/05/2016 | Lien permanent

La City après le Brexit : une mise en garde de Gaël Giraud

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L'économiste jésuite dénonce le dumping fiscal de Londres. Il plaide pour un "changement radical" du modèle de société :

 

 

En Angleterre, le Brexit n'en finit pas de déployer ses ambiguités... et de décevoir ceux qui avaient voté sincèrement pour lui. Michael Gove, le tory brexiter qui monte depuis le retrait de Johnson, est "néoconservateur en politique étrangère [1] et ultralibéral en économie" [2] : autrement dit, peu de choses le différencient des eurocrates et des républicains US. Quant à la City, elle est à la manoeuvre : "Son espoir est de conserver les avantages de l'UE malgré le vote. Mais tous le savent : avoir un accès complet au marché unique nécessite d'accepter la libre circulation des personnes. Or les Britanniques ont justement voté pour y mettre fin, afin de réduire l'immigration. A la City, personne n'en a cure. Dans les couloirs, les théories fusent sur la façon dont le vote pourrait être ignoré. Un deuxième référendum ? Des élections législatives qui annuleraient tout ? Un accord technocratique qui conserverait le statu quo, sans vraiment le dire ?" [3] ... 

Ce qui se passe en fait Outre-Manche, c'est - à l'inverse d'analyses optimistes qui prédisent un introuvable "patriotisme financier" - la dissociation de plus en plus ouverte entre les élites ultralibérales et les populations. Selon l'économiste Philippe Askenazy, "les malheurs de la lower middle class britannique" doivent moins à Bruxelles qu'au thatchérisme et au post-thatchérisme : "ils dépendent des choix politiques et économiques du parti conservateur, qui n'ont pas été imposés par l'Europe : une désindustrialisation rapide au profit des activités de service et en particulier de la finance ; des investissements publics massifs (urbanisation, transports, réseaux numériques) à Londres et dans quelques grandes villes, mais un abandon du reste du territoire ; une fiscalité faible sur les hauts revenus ; le fait de faire peser l'ajustement des budgets sociaux et la baisse des charges des entreprises sur les pensions de retraite ; l'action de briser la puissance des syndicats, qui n'ont pas pu défendre les salariés lorsque le chômage et l'inflation se sont accrus. Le résultat a été un effondrement des salaires réels, une baisse de 10% à 20% du pouvoir d'achat. Les salaires sont aujourd'hui équivalents à ceux de 1979, année de l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher..." [4]

Mais la lower middle class, dupée par une partie des conservateurs qui mettaient tout au compte de Bruxelles, a provisoirement cessé de voir les responsabilités du post-thatchérisme dans les souffrances sociales : les "trente ou quarante ans de croissance inégalitaire", et "l'illusion néolibérale cultivée dans les années 1990 : imaginer qu'on compenserait dans les services l'emploi industriel détruit chez nous par la concurrence venue d'Asie" [5].  La victime de ce mensonge, c'est l'Angleterre du Nord-Est (qui a voté massivement le Brexit)... En revanche Londres s'affiche comme "ville-monde créatrice d'emplois dans la finance", et se rêve en Singapour ; ce qui fait dire à nos petits messieurs libéraux qu'elle doit  profiter du Brexit pour se séparer complètement du peuple anglais, et devenir la bulle d'utopie dont rêvent les libertariens.

 

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D'où  l'analyse de Gaël Giraud (Le Monde du 6/07). L'économiste jésuite est sévère à l'égard : 1. du thatchérisme, 2. du plan de dumping fiscal lancé par la City au lendemain du référendum...

 

"En 1976, quatre ans après l'entrée du royaume dans la Communauté européenne, l'économie britannique, en voie de désindustrialisation massive, avait dû faire appel au FMI pour ne pas sombrer. Depuis lors, l'aventure de la dérégulation financière et du dumping fiscal inauguré sous Thatcher a propulsé la City au rang des premières places boursières de la planète sans pour autant résoudre le problème de l'économie insulaire : la difficulté à financer les entreprises. Car, avec quatre décennies de recul, il est aujourd'hui clair que, même dérégulés, les marchés ne fournissent pas le canal de financement du secteur privé susceptible d'assurer les investissements..."  [6]

"Nos amis anglais vont devoir choisir entre deux options : continuer de fonder leur prospérité sur les charmes dangereux d'une City vraisemblablement affaiblie, c'est l'option dans laquelle Londres semble vouloir s'obstiner en annonçant la réduction de l'impôt sur les sociétés ; ou bien consentir à réguler leur place financière, ce qui voudra dire, pour une minorité d'entre eux, renoncer aux rentes qui ont fait leur fortune depuis trois décennies. Oseront-ils entamer un changement radical de paradigme vers un modèle de société moins financiarisé, plus résilient et moins inégalitaire ?"

 
 

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[1]  Il a soutenu l'invasion de l'Irak et le bombardement de la Libye. Et c'est un inconditionnel de Nétanyahou.

[2]  Philippe Bernard, Le Monde (2/07).

[3]  Eric Albert, correspondant du Monde à Londres (ib).

[4]  (ib). Pour autant, Eskenazy ne cache pas les responsabilités de Bruxelles dans le ravage ultralibéral du continent. "Il y a eu une capture politique des institutions par des dirigeants qui voulaient  favoriser l'extension des forces du marché. L'Europe aurait pu être un acteur cohérent de la mondialisation, en étant un espace de coopération apte à gérer ses effets négatifs comme positifs. Mais elle est devenue, au contraire, un espace de concurrence entre Etats, creusant les déséquilibres et tirant vers le bas les revenus des populations confrontées à la crise..."

[5]  Alain Frachon, Le Monde (6/07).

[6]  "En outre, l'expérience montre que les marchés financiers dérégulés sont la proie récurrente de bulles et de krachs financiers contre lesquels il est fort difficile de se protéger". En cas de crise aussi grave que celle de 2007-2008, la quasi-totalité des "groupes bancaires systémiques" feraient faillite, "creusant un trou d'environ 1000 milliards d'euros dans le PIB de la zone euro en deux ou trois ans."

 

 

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Le ”petit manuel politique” des évêques de France

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Un document remarquable, à utiliser sans attendre :

 

 

"Notre société est devenue pluriculturelle" : titre donné par Le Monde à son entretien avec le président des évêques,  Mgr Pontier. C'est de quoi donner une fausse impression au lecteur.

Car l'entretien est loin de se réduire à ça... Et encore moins le livret du conseil permanent de la CEF  - Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique - qui est paru ce matin et motive l'entretien.

J'ai lu le livret. Il est remarquable :  "ni langue de bois, ni langue de buis", disait Gérard Leclerc ce matin à RND ! Ce n'est pas (comme le titre du Monde le fait croire) une ode à l'immigration heureuse. C'est tout autre chose : une analyse très ferme de l'impasse de la politique contemporaine, symptôme d'une société asservie au non-sens et à la marchandise.

Parmi les signes de ce non-sens, il y a la question des immigrés. Le Monde ne la voit que sous l'angle  de son  titre. Les évêques, eux, disent la réalité : la panne du "creuset républicain" dans lequel l'étranger "s'appropriait l'idée d'un pays avec des références historiques et culturelles partagées". Cette panne fait que la question de l'identité "travaille aujourd'hui la société française", constatent les évêques : "Qui suis-je vraiment ? A quoi est-ce que je crois ? Quelles sont les valeurs qui m'ont façonné et qui comptent pour moi ? D'où viennent-elles ?"  L'identité est nécessaire à l'individu et au peuple :  si notre société était au clair par rapport à elle-même, elle pourrait intégrer les "identités plurielles" qui demandent à s'agréger à elle. Mais elle n'est pas au clair !  Le creuset "n'intègre plus ou pas assez vite", constatent les évêques, et sa légitimité même est remise en cause par nos officiels : "il devient dès lors plus difficile de définir clairement ce qu'est un citoyen français, un citoyen qui s'approprie et partage une histoire, des valeurs, un projet..." Les évêques notent ailleurs : "Un idéal de consommation, de gain, de productivité, de produit intérieur brut, de commerces ouverts chaque jour de la semaine, ne peut satisfaire les besoins les plus profonds de l'être humain qui sont de se réaliser comme personne au sein d'une communauté solidaire."

D'où le malaise actuel : "certains restent en dehors du modèle français, étrangers à une communauté de destin". Ça touche en priorité les fils ou petit-fils d'immigrés (d'autant que cette immigration ne vient plus d'Europe).

Ça touche aussi des Français "de souche" : jeunes orphelins de toute culture, qui deviennent djihadistes parce que c'est la mode sur le Net ; ou jeunes "patriotes" qui sont en fait des ethnicistes, forme paranoïde de la quête-de-racines. Le malaise né de la panne du creuset national est "le terreau de postures racistes réciproques", constatent les évêques. La régression à l'ethnique est un sous-produit de la décomposition du politique...

D'où la perspicacité du document de la CEF : il veut ressusciter le politique, et il appelle "les habitants de notre pays" à cette tâche.

S'il faut le ressusciter, c'est qu'il est... mort. Pour les évêques, "la" politique" a tué "le" politique :

le politique, c'est en principe le service du bien commun : la conscience d'un "nous" qui "dépasse les particularités" ;

mais la crise de la politique (pratiquée en France depuis des décennies), c'est "une crise de confiance" envers ceux qui ont perdu le sens du bien commun pour se laisser aller à ce que l'on voit : "des ambitions personnelles démesurées, des manoeuvres et calculs électoraux, des paroles non tenues", des lois et réglements produits "dans la précipitation et le contexte de l'émotion"...  D'où "le sentiment d'un personnel politique coupé des réalités, l'absence de projet ou de vision à long terme, des comportements partisans ou démagogiques" : choses "injustifiables" devenues "insupportables".

C'est, disent les évêques, que "quelque chose d'essentiel s'est perdu ou perverti" - y compris la parole : "Aujourd'hui la parole a été trop souvent pervertie, utilisée, disqualifiée. Beaucoup veulent la reprendre, au risque de la violence, parce qu'ils ont l'impression qu'elle leur a échappé et ne se retrouvent plus dans ceux qui, censés les représenter, l'ont confisquée."

Pourquoi cette situation ? Asservie au discours consumériste, la classe politique a dilué le sens de la vie en société : elle s'est engrenée dans un système économique qui disloque la société en voulant n'y voir que "la somme d'intérêts juxtaposés", ce qui privilégie les plus forts...  "Une majorité de Français a le sentiment de vivre dans une société de plus en plus injuste" ; la France inquiète "comprend mal par exemple le salaire indécent de certains grands patrons pendant que l'immense majorité des petits entrepreneurs se battent pour que leur entreprise vive"  ; la pauvreté "ne cesse de se développer dans notre pays", avec ses conséquences "en termes de déstructuration de vie, en termes aussi de stigmatisation des pauvres..." ; les jeunes ont de plus en plus de difficulté à accéder au marché du travail, à tel point que "beaucoup ont l'impression que cette société n'a pas besoin d'eux" [1].

"Ainsi, dans toutes ces situations, les valeurs républicaines de Liberté, Egalité, Fraternité, souvent brandies de manière incantatoire, semblent sonner creux pour beaucoup de nos contemporains sur le sol national", constatent les évêques.

Face à tout cela, ils mettent en lumière l'action de tous ceux qui (comme le Secours catholique) se battent pour "réintégrer dans la communauté nationale et citoyenne ceux qui, silencieusement et loin des regards, en sont peu à peu écartés". Ils soulignent aussi - sans crainte d'irriter à gauche et à droite - la germination continuelle d'initiatives citoyennes et de "désirs de parole" qui peuvent être maladroits, instrumentalisés, voire dérapants, mais qui expriment (tous à leur manière) la vitalité d'une société cherchant à se libérer d'un système en ruines.

Au passage, les évêques signalent deux voies sans issue :

- "oublier ce qui nous a construits" (nier que notre société soit "profondément redevable à l'égard de son histoire chrétienne pour des éléments fondamentaux de son héritage"),

- ou (à l'inverse) rêver, soit "du retour à un âge d'or imaginaire"  [2], soit d'une Eglise de purs retranchés du monde... Les catholiques sont comme les autres citoyens : tous responsables de "dire clairement ce qui semble bon pour la vie en commun", soulignent les évêques, et cette liberté intérieure doit s'exprimer "même et surtout si elle est contraire aux discours ambiants et aux prêts-à-porter idéologiques de tous bords". Les évêques précisent : "S'il faut parfois donner un témoignage de fermeté, que celle-ci ne devienne jamais raideur et blocage. Elle doit être ferme proposition sur fond de patiente confiance que Dieu ne cesse d'avoir pour l'homme."

Les vraies solutions aux problèmes profonds de notre époque "viendront de cette écoute personnelle et collective des besoins profonds de l'homme", concluent-ils. Et le livret s'achève sur deux annexes : une série de questions destinées à susciter des débats autour de chaque partie du texte, et des points de discernement pour aborder l'année des élections.

Merci à nos évêques.

 

_______________

[1]  En effet : c'est l'idée de la "croissance sans emplois", comme on dit (off) au Medef.

[2]  Fonds de commerce d'une réacosphère à label "catho".

 

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