25/09/2024
La nef des fous : politique et économie aux temps de la post-République néolibérale
Des futilités convulsives de la classe politique au scandale des pénuries (programmées) de médicaments... Dérision de la vie politique, indignité de l'économie financiarisée :
La politique (ce qui en tient lieu) offre un spectacle dérisoire. M. Attal croit avoir "une histoire avec les Français". M. Wauquiez se croit un destin à l'Elysée. La moitié des macroniens s'imaginent reconvertis au PS : M. Armand par exemple – placé à Bercy par M. Macron – montre sa bonne volonté à M. Faure en excluant de "l'arc républicain" onze millions d'électeurs en dépit des consignes de M. Barnier – qui devra s'excuser auprès de Mme Le Pen pour éviter un vote de censure en représailles... Mais cette menace de censure n'est-elle pas fictive ? Pharisaïquement, pour ne pas mêler ses voix aux voix impures du RN, le PS refuse de voter l'abolition de la réforme des retraites. La même raison va l'obliger à ne pas voter non plus la censure. Ainsi les "socialistes" se retrouveront pilier du gouvernement ! C'est le régime des partis dans toute sa gloire. Les gens en sont déjà las. Ils en seront vite exaspérés.
Plus significatif que le théâtre d'ombres politique, il y a le casino de l'économie. Voici un exemple tout récent. L'Agence de sécurité des médicaments vient d'infliger une amende de huit millions d'euros à onze laboratoires pharmaceutiques. Motif : ils ne font pas leur devoir légal, qui est d'alimenter les pharmacies en ayant des stocks de "médicaments essentiels". Ce sont les produits génériques indispensables. Mais ils ne sont pas chers : donc ils ne sont plus rentables aux yeux des managers du big pharma qui préfèrent désormais les produits d'avant-garde chers (voire follement coûteux). Antibiotiques non, biotech oui ! C'est la logique financière, appliquée par le privé à la santé publique... De là cette pénurie de médicaments de base dont souffrent les pharmacies de quartier et qui angoisse les patients.
Face à cette situation indigne, que fait le gouvernement ? Il parle. En 2023, visitant le laboratoire Aguettant en Ardèche, M. Macron a eu des paroles martiales : l'Etat allait être sans faiblesse, les productions délocalisées allaient être relocalisées, etc. Mais après avoir encouragé les délocalisations au nom de la modernité globale, comment l'Etat libéral enclencherait-il le mouvement inverse ? Si M. Macron s'avisait de concrétiser ses promesses de 2023, il se ferait tancer par les premiers de cordée. Et le fait est là : en cette fin d'année 2024, l'Agence de sécurité des médicaments constate (et tente de punir) l'indifférence des laboratoires envers les régles élémentaires de garantie des stocks. La production en flux tendu, dogme néolibéral, est devenue pénurie. Les patients sont à l'abandon. Voilà comment le privé sert l'intérêt général ; on est loin des promesses des bateleurs de droite des années 1990.
17:01 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : médicaments pénurie
Commentaires
Cher Patrice,
> Je constate que vos notes sur le présent blog (ainsi que sur Facebook) se font de plus en plus rares. Je projette peut-être sur vous ce qui est mon état d'esprit du moment : mais serait-ce l'expression d'une profonde lassitude face à la vacuité (au demeurant tragique) de tout ce que nous vivons ? Et s'agissant de notre vie politique : qu'espérer de cet "extrême-centre" à la fois impuissant et mortifère ? "Le centrisme est un pétainisme de temps de paix" : je ne sais plus qui avait dit ça ...
Feld
[ PP à Feld – Que l'actualité politique soit lassante (ou grotesque ?), c'est exact, mais la raréfaction de mes notes tient à une cause plus pratique : ma vie quotidienne en Bretagne me donne plus de tâches, donc me prend plus de temps, que ma vie passée dans les Hauts-de-Seine ! Je m'organise pour rééquilibrer tout ça.
Cela dit, vous avez raison de qualifier le "bloc central" de mortifère. C'est le point aveugle de la politique contemporaine, et sa cécité très particulière a le don de répandre les ténèbres autour de lui. Les sept années de règne du clan macroniste passeront à l'histoire comme le temps de l'imbécillité arrogante. Mme Pannier-Runacher pourrait en être la figure de proue. ]
Réponse au commentaire
Écrit par : Feld / | 25/09/2024
AIR DU TEMPS
> Que tout cela est juste et bien dit! Avec votre talent de synthèse des "non-dits" de l'air du temps. Je préfère votre blog à d'autres plus grinçants ou caustiques. Vous nous avez un peu manqué.
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Écrit par : Laureline / | 26/09/2024
DU CÔTÉ DU R.N.
> Pour compléter le rôle d'équipage de la Nef des fous. Le RN prétend avoir réponse à tout mais ne voit pas le problème principal : le modèle économique ! Les positions de ce parti sur les questions sociales varient donc avec une ampleur déconcertante. On se demande jusqu'où ils iront. Hier traités de "socialistes" par les zozos de Zemmour, aujourd'hui ils sont libéraux ! La versatilité est l'ADN des démagogues.
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Écrit par : Gastibelza / | 26/09/2024
PANNIER-RUNACHER
> Pannier-Runacher figure de proue, ça oui ! Hier elle déclarait avec aplomb : "Je suis ancrée à gauche". C'est clair : on est à gauche (et "ancrée") quand on a voté le durcissement des lois sur la retraite, le durcissement des lois sur l'immigration et le durcissement des lois sur l'assurance chômage ! Mme Pannier se fout du monde.
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Écrit par : Colombe Ryan / | 26/09/2024
GAUCHE SOCIÉTALE
> Pas étonnant que le PS s'abstienne de voter l'abolition de la retraite à 64 ans ; ce serait une mesure sociale, donc démodée. Le PS moderne n'est plus social, il est "sociétal". Il ne milite plus pour la défense des travailleurs, mais pour les droits LGBT et l'écriture inclusive. Noble idéal partagé par les multinationales.
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Écrit par : Louis Rossel / | 26/09/2024
@ Colombe Ryan
> L'immigration que nous connaissons ici depuis la seconde moitié du 20e siècle et notamment depuis 1975, est un moyen de ne pas augmenter les salaires et de ne pas avoir à améliorer les conditions de travail des emplois dont les Français ne veulent pas, justement parce qu'ils sont mal payés et exercés dans de mauvaises conditions.
Zola fait le même constat dans 'Germinal'.
Un chrétien ne peut pas soutenir ça.
La question n'est pas qu'il ne faut pas durcir les lois sur l'immigration, c'est que d'une part, le travail devrait être justement rémunéré, et que d'autre part chacun devrait trouver chez lui de quoi vivre de son travail.
Mais les libéraux ont mis dans la tête des gens que l'immigration massive était en quelque sorte une fatalité, qu'il n'y avait pas d'alternative, que la seule voie pour les les Africains par exemple était d'immigrer en France.
Et puis ça continue car au bout d'un temps, le travailleur immigré apprend qu'il a des droits : alors le recours à son travail ne convient plus, et on prend des clandestins qu'on peut virer du jour au lendemain.
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Écrit par : E Levavasseur / | 14/10/2024
> Du coup les pays d'origine des immigrés ne se développent pas et de fait, il finit par n'y avoir aucune perspective.
L'économie mondiale ultralibérale reposant sur la libre circulation a besoin que les pays ne soient pas aussi développés les uns que les autres économiquement.
Les libéraux ont sectorisé le monde : certains produisent. d'autres consomment, d'autres fournissent la main d'oeuvre pas chère.
Ça fait penser à l'URSS.
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Écrit par : E Levavasseur / | 14/10/2024
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