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09/08/2024

"Grande désillusion politique" et "mystifications" diverses

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Dans Le Monde diplomatique d'août, analyse de Bruno Amable (à laquelle il manque un  point important). Et dans Le Monde du 6 août, observations réalistes du sénateur manchois Philippe Bas et de l'ex-secrétaire général de l'Elysée Frédéric Salat-Baroux  :


 

En 2017,  la stratégie d'Emmanuel Macron – soufflée par Alain Minc – était celle-ci : disloquer la gauche et la droite pour  en récupérer, écrit Bruno Amable, "les fractions aisées ou diplômées" et les agréger "autour de l'approfondissement de la transformation néolibérale ainsi que de la poursuite de l'intégration européenne". Cet agrégat d'une impudeur inédite – véritable "bloc bourgeois" – a donc fracturé la droite et la gauche.

Le macronisme a créé les "extrêmes"

A droite, la fracture a créé deux camps. D'un côté les néolibéraux, "acquis à la stratégie du bloc bourgeois". De l'autre côté, la droite populaire, qualifiée par Amable de "proche de l'extrême droite". Dès lors, écrit-il, élaborer une stratégie visant à récupérer ("réenrôler") la droite populaire "faisait sens" : et "la formation de Mme Le Pen paraissait la mieux placée pour la conduire, avec sa base sociale constituée déjà en large partie du peuple de droite". Ce fut l'aube de la reconversion "sociale" du lepénisme.

La gauche aussi a été impactée par le macronisme. Quoique de gauche lui-même, Amable ne le cache pas : "L'alliance du NFP, constituée à la hâte après la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier, a très provisoirement et très imparfaitement dissimulé la rivalité opposant LFI au PS, aux Écologistes et au PCF". Masquée pour l'instant par la posture impérialiste du clan Mélenchon, sur quoi peut déboucher cette rivalité ? Bruno Amable semble parier sur une rupture du NFP et une future alliance entre le PS (qualifié de "gauche d'accompagnement") et le bloc bourgeois, même agrémenté de transfuges de LR. L'Elysée poursuivrait ainsi son idée fixe de l'"en même temps"... Sachant que la moitié du PS rejette l'alliance LFI et que l'ex-hollandiste Bernard Cazeneuve figure parmi les potentiels premiers ministres de M. Macron, l'hypothèse d'Amable n'est pas irréaliste.

Mais elle est lacunaire... Favorable à LFI qualifiée de "gauche de rupture"  (c'est-à-dire rupture avec le capitalisme), Amable ne dit pas que ce parti a aussi rompu avec un électorat populaire blanc, décrété irrécupérable par Mélenchon et ainsi abandonné à Marine Le Pen. Paradoxe : LFI suit ainsi la vieille directive utopique des bobos hollandistes (Terra Nova) au PS des années 2010 : laisser tomber la classe ouvrière et tout miser sur "les minorités" (migrants, LGBT etc)...  Mais ce conformisme bobo n'empêche pas les mélenchon-nistes de se poser en révolutionnaires.

Mystification LFI

Cette mystification NFP-LFI est décrite par le sénateur Philippe Bas : "Avec 193 députés sur 577, le Nouveau Front populaire aurait vocation à gouverner ? Les partis de gauche ont constitué une coalition fragile, croient-ils réellement qu'avec un tiers des sièges on a vocation à gouverner ? Est-ce cela la démocratie ? Aucune tradition républicaine n'accrédite une telle prétention. Face à l'hostilité avérée des deux tiers des députés, il n'y a pas la moindre chance qu'un gouvernement du NFP échappe à la censure. Pourquoi feindre de l'ignorer ?”  Mélenchon ne l'ignore pas. Mais peu lui importe que Mme Castets force ou non la porte de Matignon : le Grand-Jean-Luc ne vibre que pour la présidentielle... En revanche, ses activistes (Bompard, Panot, Portes, Obono etc) font des rêves. Dans leur tête c'est 1917 en 2024 : de là ce fantasme de prise de l'hôtel Matignon par une minorité ! Ils se mystifient eux-mêmes. Ces vrais dangereux vivent de faux-semblants.
Philippe Bas, quant à lui, rêve d'un autre genre de gouvernement minoritaire. Un premier ministre qui ne serait plus
"le subordonné du président de la République" mais "une personnalité indépendante et expérimentée", "chef d'un gouvernement autonome", et "qui sache écouter le Parlement". Frédéric Salat-Baroux précise le trait : ce gouvernement, écrit-il, répondrait "aux demandes exprimées par une majorité d'électeurs". C'est-à-dire "plus de justice sociale, un véritable débat sur la réforme des retraites, plus de sécurité, de laïcité et de contrôle des flux migratoires"...  Encore faudrait-il, souligne Philippe Bas, que ce gouvernement ne soit pas renversé par les voix mêlées du NFP et du RN  "oubliant qu'ils se désignent mutuellement comme l'incarnation du mal" . Si le NFP n'obtient pas Matignon ce sera en effet l'heure de la stratégie du chaos, second fer au feu de LFI. Quant au RN, sait-il lui-même où il va ?

Mystification macronienne

Reste un autre mystificateur. C'est le président de la République. En cette pré-rentrée 2024 il prétend fixer un nouveau cap alors qu'il perce une voie d'eau dans la Constitution : en effet sa mystification, explique Philippe Bas, consiste à prétendre que le président doit "attendre que les partis politiques s'entendent" pour nommer le premier ministre. Cette théorie est contraire à la Cinquième République : "Dans la Constitution, le chef de l'Etat nomme un premier ministre (article 8) ; l'Assemblée nationale lui accorde sa confiance ou le censure (articles 49 et suivants). Autrement dit : le président propose et l'Assemblée dispose. Rien ne saurait dispenser le chef de l'Etat de remplir cette mission ; rien ne l'autorise à la renvoyer à d'autres... Les échéances constitutionnelles pour le budget de la France approchent à grands pas. Retarder la formation d'un gouvernement n'augmente pas les chances de trouver une majorité. Le président ne doit pas ajouter la procrastination à la dissolution", souligne le sénateur normand.

Emmanuel Macron n'avait pas à dissoudre l'Assemblée nationale après un échec de son parti aux européennes. Il l'a pourtant fait, parce que cet échec l'humiliait personnellement. L'humiliation n'aurait pas eu lieu si le chef de l'Etat ne s'était pas compromis dans la campagne des européennes, où il n'avait rien à faire. Et s'il s'y est compromis, c'est parce qu'il en avait gonflé l'enjeu pour faire de ces européennes une ordalie entre le macronisme et "l'extrême droite" : vision fausse, puisqu'en fin de compte la si horrible et terrifiante "montée de l'extrême droite" ne change rien au rapport de forces bruxellois... En somme, M. Macron a provoqué un chaos politique à Paris pour se venger de n'avoir pas pu imposer une vision fausse à Bruxelles.

Cette impasse qu'il a créée lui-même, il tente maintenant d'en sortir. Mais il restera dans l'impasse s'il persiste à fuir sa responsabilité en renvoyant la balle aux groupes parlementaires ! Il pourrait se résoudre à désigner un premier ministre du type indiqué par Philippe Bas et Frédéric Salat-Baroux : mais on sait qu'il n'aime pas les conseils des hommes d'expérience...

Au vu du désastre, un nombre croissant de citoyens pensent aujourd'hui que M. Macron aurait dû rester banquier.

 

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Commentaires

COMPLÉMENTAIRES

> En somme Macron et Mélenchon se complètent : l'un saborde la Cinquième et l'autre veut une Sixième !
______

Écrit par : Nolwenn Le Hir / | 09/08/2024

HYPOTHÈSES

> Cher Patrice,
Vous écrivez : "Emmanuel Macron n'avait pas à dissoudre l'Assemblée nationale après un échec de son parti aux européennes. Il l'a pourtant fait, parce que cet échec l'humiliait personnellement."
Cette hypothèse de l'humiliation est celle qui a été promue dans les médias....
Pourtant certains députés étaient visiblement au courant du projet de dissolution, avant même le vote des européennes du 9 juin ! Par exemple à Poissy, le député Karl Olive faisait ostensiblement campagne le samedi 8 juin (inhabituellement sur la grand place en costard cravate et serrant la main de tous les passants).

IM

[ PP à IM – Le costume et les serrements de mains de M. Olive ne pouvaient-ils signifier plutôt la certitude d'être battu ? Rappelez-vous le pessimisme des macronistes avant les européennes... Puis leur traumatisme (non feint) devant la dissolution, et leur pessimisme devenu absolu à la veille du premier tour... Ils étaient tellement certains d'être "envoyés au massacre par l'Elysée" que leur défaite importante aux législatives leur a donné l'impression de sauver les meubles.
Par ailleurs, je ne trouve pas que les médias aient privilégié la version "humiliation". Au contraire, j'ai trouvé dans divers quotidiens l'hypothèse du coup monté à l'avance. Mais je n'y crois pas : on connaît la propension de Macron aux caprices et aux improvisations... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Isabelle Meyer / | 14/08/2024

CAUCHEMAR EN CUISINE

> Cuisine parlementaire prévisible:
- un vote rapide et transpartisan de la loi sur l'euthanasie effacerait un instant les irréconciliables; après l'union nationale par le sport (JO) l'union nationale par la mort !
- ce vote serait très vite suivi de l'abrogation de la réforme des retraites grâce à un vote commun NFP/RN. Emmanuel Macron veut éviter à tout prix un tel "détricotage" pourtant possible grâce à un compromis historique entre les deux extrêmes gauche et droite. Quelle serait alors l'attitude du Conseil constitutionnel ?
______
- ceci fait, après ce sera le trou noir !

Écrit par : B.H. / | 27/08/2024

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