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CODEX 13 : Notre-Dame et les cathédrales gothiques

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Pièce maîtresse du numéro d’été de la revue d’histoire et de culture chrétiennes Codex : un dossier sur le chantier de Notre-Dame de Paris et sur les cathédrales gothiques dans leur contexte médiéval. Tout catholique français devrait être abonné à Codex :

Au lieu de se croire persécuté à cause de ce qu’il voit (ou croit voir) dans les médias, le catho français ferait mieux de s’informer pour pouvoir tenir sa partie dans les discussions. Ainsi sur la restauration de Notre-Dame de Paris : il faut contester les caprices de l’Elysée, mais mieux vaut connaître les vraies données du problème de l'édifice…

► D’où l’urgence d’étudier le dossier de ce numéro d’été de Codex, intitulé Notre-Dame et ses soeurs. Au menu : Le point de vue de l’orfèvre Goudji et du maître de chœur Henri Chalet – La cathédrale incendiée et ses leçons expliquées par un spécialiste de l’architecture gothique : le Pr Arnaud Timbert  (histoire de l’art et archéologie) Notre-Dame, église royale et nationale, par le Pr Mathieu Lours (histoire de l’art) 19 septembre 1914 : apocalypse Reims, par le Pr Patrick Demouy (médiéviste)  L’autre “incendie” : un chantier en cinq ans, par le Pr Alexandre Gady (histoire de l’art moderne) Plaidoyer pour une disparue (la flèche de Viollet-le-Duc), par François Bercé, conservateur général du patrimoine Après l’An Mil, le grand essor de l’Occident, par le Pr Demouy Les constructeurs de cathédrales : Des professionnels triés sur le volet, par Priscille de Lassus Un document de première main, les carnets de Villard de Honnecourt (XIIIe siècle) : par Isabelle Le Masne de Chermont (directrice des Manuscrits à la BNF) Maurice de Sully au XIIe siècle : La cathédrale montre la prééminence de l’évêque de Paris, ville le plus importante du monde occidental, par le Pr Dany Sandron (histoire de l’art) Pédagogie :7 clés pour décrypter l’architecture gothique Techniques gothiques de “l’effet de Paradis” : Modeler la lumière naturelle, par le Pr Nicolas Reveyron (histoire de l’art et archéologie médiévale) Lampes et cierges dans l’espace sacré et la liturgie : À la lueur des flammes, par la Pr Catherine Vincent (histoire médiévale) Douze cathédrales à découvrir cet été : Sens, Laon, Chartres, Paris (de loin), Bourges, Reims, Amiens, Beauvais, Clermont, Strasbourg, Albi, Rouen Le fer, nouvel allié des architectes dès la fin du XIIe siècle (Des “agrafes” riches de sens),  par le Pr Timbert Mais à quoi servaient les couleurs ? (dans les cathédrales elles vibraient du sol au plafond), par Géraldine Victor (maître de conférences en histoire de l’art médiéval)  Vrai ou faux ? : huit idées reçues À Strasbourg, les successeurs des bâtisseurs…

► Et le reste du numéro de Codex :  l’actualité culturelle des livres, des DVD-CD et des expositions  / L’étrange Vie de Jésus de Daniel Marguerat / Cahier pédagogique : Les origines du judaïsme (ses étapes – la genèse de la Bible – YHWH devient le seul Dieu d’Israël sous Josias – Jérusalem et son Temple – les Maccabées – le mont Nebo et la Terre promise) / Le mystère marial d’Elche près d’Alicante…  Etc.

 

 

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Jeunes Français, retour du ”pré-synode” à Rome

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Version jeunes Français, un pas en avant de la méthode synodale :

communiqué de la Conférence des évêques de France

 

<<  Rentrés de Rome où ils avaient participé au pré synode avec 300 jeunes du monde entier, les jeunes Français ont pris part hier à un temps de rencontre et d’échange à l’occasion d’une journée de formation pour les acteurs de la pastorale des jeunes et des vocations, organisée par le Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations (SNEJV). Ils ont ainsi remis le document final du pré-synode au Conseil pour la pastorale des jeunes représenté par Mgr Bertrand Lacombe, évêque auxiliaire de Bordeaux. Retour sur leur expérience synodale :

 

« Par la mise en place de cette initiative audacieuse, l’Église a montré sa capacité à rassembler un échantillon de jeunes divers, du monde entier, pour discuter d’enjeux contemporains à partir d’une méthodologie de travail ancrée dans une processus participatif qui pourrait inspirer bien d’autres instances », analyse Sr Nathalie Becquart, directrice du SNEJV et coordinatrice générale du pré-synode.

 

Camille Tilak a particulièrement apprécié l’accueil qu’elle a reçu, comme jeune non croyante au sein de cette démarche : « J’ai été surprise par la qualité de dialogue, l’échange respectueux. Je me suis vraiment sentie acceptée par tout le monde. Ils ont très bien accueilli le fait d'avoir un avis extérieur parce qu'ils considèrent que c'est important. Je venue avec un esprit de curiosité et parce qu’il est important que nous mettions tous nos idées en commun pour construire quelque chose ensemble. Au pré-synode, j’ai senti que tous les jeunes présents avaient envie de participer à la création de l’histoire et prendre part au changement pour relever les défis de notre société en pleine mutation ».

Camille Tilak, jeune diplômée en études européennes, non-croyante appelée au pré-synode au titre de son engagement.

Eugénie Paris a quant à elle été touchée par la rencontre avec les autres participants, chacun rendant compte de réalités diverses : « Deux points m’ont beaucoup marquée. Entendre d’autres réalités, comme celles de l’Afrique où les jeunes sont plutôt bien intégrés dans les paroisses, m’a énormément questionnée. Je suis revenue renouvelée dans ma mission pour la pastorale des étudiants dans le diocèse de Rouen. J’ai aussi été étonnée que la question des femmes que je portais revienne si fortement dans le document final. Beaucoup ont fait émerger ce questionnement qui traverse notre réalité contemporaine « quelle place donner à la femme aujourd’hui ? ».

Eugénie Paris, 25 ans est responsable de la pastorale étudiante du diocèse de Rouen. La mission principale de la pastorale étudiante du diocèse est de coordonner les propositions de l’Église diocésaine adressées aux jeunes étudiants.

Adrien Louandre, a particulièrement apprécié la méthode de travail synodale : « On a vraiment vu le succès de la méthode synodale, et c’est aussi parce qu’on a mis Jésus au centre qu’on a pu dialoguer ainsi et faire émerger un texte dans lequel tout le monde s’est retrouvé et senti écouté. Dans le fond de ce Document Final, on voit vraiment la puissance de l’action de l’Esprit-Saint. La force de ce texte est d’avoir permis à la fois l’expression de convergences fortes mais aussi de nommer les divergences sur certains points. Cela a été enrichissant de voir ce travail collégial et l’évolution du texte entre sa première version et sa version finale ».

Adrien a 22 ans et est étudiant à Amiens. Adrien est également membre animateur du réseau Ecclesia Campus des aumôneries étudiantes. Il est aussi membre du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC).

Chloé Bardin souligne l’importance de rencontrer des accompagnateurs : « Le pré-synode m’a énormément apporté par la diversité des jeunes que j’ai rencontrés, par l’ouverture de chacun et la rencontre des différences, mais aussi par les ainés qui nous ont accompagnés, les sœurs, les prêtres, les laïcs. Ils ont été à nos côtés mais ils nous ont laissés la place. C’est essentiel d’avoir ainsi dans L’Église des témoins. »

Chloé, étudiante en lettres à Paris, représentait la communauté Fondacio.

 

À l’issue de ce pré synode, les quelque 300 participants ont remis à l’occasion de la messe des Rameaux, le dimanche 25 mars dernier, au pape François un document final, synthèse de leurs échanges et réflexions pour le monde de demain. Les jeunes ont pu y faire figurer leur vision de monde, leurs attentes pour une Église au sein de laquelle ils souhaitent tout particulièrement pouvoir prendre une plus grande place. >>

 

 

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06/04/2018 | Lien permanent

Le Motu proprio : 4. pourquoi le pape devait parler

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Témoignage décisif du P. Erwan de Kermenguy :

<< J'avais applaudi au Motu proprio de Benoit XVI en me disant : maintenant que les faux débats sont levés (excommunication de évêques levées, et liberté de célébrer la messe comme on le souhaite), on va pouvoir discuter du fond (le concile). J'espérais que ce travail de Benoit XVI parviendrait à rétablir l'unité dans l'Eglise.

Mon expérience est qu'il n'en est rien et que bien souvent au lieu d'unifier l'Eglise, cela a contraire créé des divisions (chez les scouts, dans les familles, dans les aumôneries).

Je ne me réjouis pas du Motu Proprio du pape François, car il n'y a pas lieu de se réjouir de la situation actuelle. Mais je suis rassuré de constater que mon désarroi est partagé et que ce que je ressentais est perçu aussi par le pape. Je ne sais pas ce qu'enseignent mes confrères tradis, puisque par définition je n'écoute que rarement leurs homélies. Mais ce que je perçois des jeunes qui ont été formés chez eux, correspond assez bien à ce que le pape pointe du doigt. Trop de jeunes tradis considèrent que la messe en français n'est pas la vraie messe, que l'évangélisation consiste à faire passer les catholiques de la messe en français à la messe en latin, que le concile est discutable, que les mystères lumineux du rosaire sont une hérésie (parce que promulgués par Jean-Paul II). Certains m'ont même soutenu que le Missel de St Pie V avait été dicté par la Vierge Marie aux Apôtres.

Quand le supérieur de la Fraternité Saint Pierre dit que son obéissance a été "bien mal récompensée", je dis simplement que l'obéissance que j'observe sur le terrain n'est souvent que de façade.

Dans la ville où j'ai grandi comme adolescent, il n'y avait pas de "problème tradi", la question ne se posait pas... il y avait quelques jeunes (dont moi) qui allaient au pélé de Chartres et c'était tout. J'y suis revenu comme prêtre et j'ai vu des aumôneries de lycée et d'étudiants être réellement divisées. Dans mon ministère de prêtre, je constate avec amertume le temps perdu et l'énergie gâchée sur cette question, pour essayer en permanence de faire l'unité avec ceux qui se considèrent comme plus catholiques que le pape. J'ai joué le jeu, j'ai fait des efforts, nombreux. Et fidèle à St Augustin qui invite à aimer les donatistes comme nos frères, je continuerai à faire ces efforts. Mais je crois que la question tradi nous épuise sur un faux problème alors que notre priorité doit être l'évangélisation.

J'ai souffert de voir tant de jeunes dynamiques et motivés s'enfermer entre eux dans le confort d'un petit groupe de gens qui pensent tous pareil, plutôt que d'oser se lancer dans l'évangélisation. J'ai pleuré en voyant des jeunes préférer du "prêt à penser" catholique qui les dispense d'un réel effort de l'intelligence.

Oui, j'espérais beaucoup du Motu proprio de Benoit XVI. J'ai été déçu. Et ce n'est pas le pape qui m'a déçu... j'ai été déçu par ceux qui se sont appuyés sur les efforts de Benoit XVI pour accentuer la division dans l'Eglise.

L'acte du pape François m'a surpris par son courage. Il suscitera bien des incompréhensions, notamment parmi mes amis. Il laissera dans l'Eglise la même blessure que la condamnation en d'autres temps des prêtres ouvriers. La mesure est du même ordre. Par souci apostolique, le Saint-Siège concède une autorisation, dont certains usent pour créer leur Eglise à part. Par souci d'unité, le St Siège est alors contraint de mettre un terme à cette expérience. Les plus fidèles en souffriront, parce qu'ils étaient vraiment fidèles à Rome dans cette forme qui leur était chère. Mais ils paient le prix de la désobéissance des autres, de ceux qui (à l'époque des prêtres ouvriers, comme aujourd'hui dans la question tradi) refuseront d'obéir à Rome… >>

 

 

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La fête des Rameaux, entrée dans la Semaine sainte

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Les événements de la Semaine Sainte résonnent pour l'éternité. Ne cessons pas de les scruter, à commencer par l'entrée messianique de Jésus. Ainsi, que veut dire « hosanna » ?  et « fils de David » ?

« Hosanna » (transposition grecque de l'hébreu hosha'na) n'est pas un cri de gloire. C'est un appel au secours : « Sauve donc !». Cf la femme implorant David, en 2 Samuel 14,4  : « Sauve-moi (hosha'na), roi ! ». En 2 Rois 6,26, une autre femme  implore Yoram : «  Sauve-moi (hosha'na), mon seigneur le roi ! » Psaume 118,25 : « De grâce, sauve (hosha'na), ô Eternel ! »

Qui est cette foule qui agite des palmes pour saluer Jésus comme un potentiel sauveur ? L'interprétation chrétienne classique y voit les habitants de Jérusalem, ce qui mène à leur prêter un revirement hostile contre Jésus lors de sa comparution devant Pilate. Des historiens modernes tendent à y voir plutôt les pèlerins – notamment galiléens – venus à Jérusalem pour la Pâque, et qui campaient précisément aux abords de la porte par laquelle le "fils de David" fait son entrée dans la ville.*

Les mêmes historiens reconstituent ainsi l'événement :

- Le samedi soir 8 nisan, premier jour, une foule arrive de Jérusalem à Béthanie pour voir Lazare miraculé.

- Le dimanche matin 9 nisan, chemin de Béthanie à Jérusalem : la même foule fait une arrivée triomphale à Jésus. Selon David Flüsser : « A son entrée dans la ville, on l'accueillit en criant un hosanna accompagné d'un verset du psaume 118 v. 26, “béni soit celui qui vient en Son Nom”. C'était là un chant habituel de cette fête de pèlerinage. On l'adressait aux pèlerins à leur entrée dans Jérusalem. Qu'on ait étendu des vêtements sur le chemin de Jésus, c'était peut-être un hommage au prophète venu de Galilée... »

- Sans doute exaltés par le miracle de Lazare, des gens dans la foule ont ajouté aux chants rituels des allusions royales messianiques : « hosha'ana au ben-David** » (Matthieu 21,9, rétroversion d'André Chouraqui) ; « béni le royaume qui arrive de David notre père » (Marc 11,10, idem). C'est le quiproquo politique : donc un indice de plus pour Caïphe qui constitue son dossier à charge. Et une raison éventuelle de retournement pour la foule, déçue, lors de la condamnation ignominieuse de Jésus.

L'entrée “royale” de Jésus dans Jérusalem se fait par la porte sud-est donnant sur le Cédron. Le cortège doit avoir suivi le parcours rituel des processions de pèlerins : vers le nord-est et le Temple, par le bazar de la ville basse et la place du Xyste où siège le Sanhédrin. Le Temple, dont vit économiquement cette ville, Jésus a prophétisé sa ruine il y a deux ans (selon Jean) ou va la prophétiser demain lundi saint (selon les synoptiques) et ce sera la cause directe du drame : dans quelques jours, il y aura appel à témoins contre le Nazaréen...

 

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* Pèlerins qui bivouaquent très nombreux autour de la ville, notamment sur le mont des Oliviers : d'où – selon ces historiens - le fait que la garde des prêtres aura besoin de Judas pour la guider jusqu'à Jésus.

** "De la souche de David".... Nazareth semble avoir été le lieu d'une branche de "descendants du roi". D'où peut-être le titulus de la croix :  "Jésus le Nazaréen roi des Juifs".

   

 

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02/04/2023 | Lien permanent

Charles Journet : 'Les sept paroles du Christ en croix' [1]

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Une synthèse de ce livre, par Serge Lellouche :

 

Charles Journet (1891-1975) fut un des grands théologiens contemplatifs du XXe siècle : auteur entre autres du magistral essai L'Eglise du Verbe incarné. Acteur et témoin privilégié du concile Vatican II, il fut nommé cardinal par Paul VI en 1965 ; haute fonction qui du reste ne l'empêcha pas de garder sa soutane de simple prêtre. La formulation dans la synthèse ci-dessous reprend telle quelle celle de l'auteur dans Les sept paroles du Christ en croix (Seuil 1952). Chaque «je» est celui de Charles Journet.  SL

 

 

 

Les paroles du Verbe : Ici-bas le silence est la condition des paroles vraies. Que valent les paroles qui n'enclosent pas de silence? Elles sont feuilles mortes.

Les sept paroles du Christ en Croix, achevées dans un grand cri, sont les toutes dernières paroles de sa vie passible. Le drame qu'elles contiennent se trouvait déjà annoncé dans les sept béatitudes du Sermon sur la Montagne, culminant dans la huitième, celle des persécutés pour la justice. Le mont du Calvaire est la réponse au mont des béatitudes.

Le Verbe pousse par degré vers la mort la nature humaine en laquelle il porte le poids de tout le mal de notre monde. Les sept paroles sont les étapes de son approche de la mort. Elles donnent une voix à la douleur finale du Christ. Elles nous entr'ouvrent ce mystère. Ce qui est drame effrayant, devient par elles un enseignement. Une lumière nous est livrée. C'est celle du Verbe, caché au cœur de la Croix sanglante, pour en faire jaillir ces sept Rayons.

 

La première parole : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ! » : Ce n'est pas sa douleur terrible qu'il exhale dans sa première parole. Ce qui le préoccupe, c'est de faire descendre sur terre le pardon de son Père. La première des sept paroles est rapportée dans saint Luc. Jésus, un peu avant d'être mis en croix, a fait entrevoir l'abîme de l'injustice des hommes. Si le pardon de Dieu vient (et il viendra merveilleusement à cause de Jésus), ce ne sera pas avant tout pour empêcher l'injustice du monde de fructifier en catastrophes, ce sera avant tout pour sauver, au sein même de ces catastrophes aveugles, la destinée suprême des âmes.

«Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font !» (Luc 23, 32-34). Père ! C'est le premier mot des sept paroles. Il dit «Père !», comme à la résurrection de Lazare. Ce n'est pas sa douleur qui l'occupe, c'est notre péché : d'abord la blessure, l'offense qu'il fait à Dieu, puis le ravage qu'il nous fait à nous-mêmes. Il demande avec son cœur d'homme que le Père pardonne : il faut, avec nos cœurs d'hommes, demander que le Père pardonne. Il faut continuer d'en appeler avec lui aux magnanimités d'en haut contre la haine, les folies, les crimes de la terre. Un royaume, longtemps attendu, paraît. C'est le royaume des pardons de l'Amour.

Il y a des moments où Jésus veut prier à part pour ses seuls disciples immédiats. A d'autres moments il étend sa prière jusqu'à tous les fidèles. Mais, par dessus ces prières spéciales, il y a en lui une prière permanente pour tous les hommes sans exception, c'est le monde entier qu'il vient chercher, qu'il voudrait sauver, pour qui il meurt. Maintenant, Jésus ne reproche même plus rien aux hommes. Il regarde au-dessus d'eux. Il voit leur destinée éternelle. C'est pour eux qu'il est en Croix.

Et il dit «Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font!». Ils savent et ils ne savent pas. Ils ne savent pas tout, c'est un titre au pardon. Mais leurs responsabilités sont inégales. Ainsi l'ignorance des hommes atténue le mal. Et les hommes sont moins puissants à se faire du mal, que Dieu à leur faire du bien. De l'ignorance des chefs, des archontes, saint Paul dira : «Mais nous annonçons une Sagesse de Dieu, pleine de mystère, qui est cachée, que Dieu a prédéterminée avant les siècles en vue de notre gloire, que nul des archontes de ce siècle n'a reconnue. Car s'ils l'avaient reconnue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de la gloire» (1 Cor. 2, 6-8). Saint Paul savait-il ce qu'il faisait quand il poursuivait les chrétiens? C'était par zèle de la Loi, telle qu'on la comprenait dans le judaïsme. L'apôtre comprend aussi que son aveuglement le condamnait et l'excusait à la fois : «Mais j'ai obtenu miséricorde, parce que j'agissais par ignorance, au temps de mon incrédulité» (1 Tim. 1, 12-14). Tel est l'entrecroisement des ignorances de l'homme et des pardons de Dieu. Nous savons et nous ne savons pas ce que nous faisons quand nous péchons. Nous savons que nous faisons mal, que nous brisons une pureté en nous, que nous trahissons une fidélité, une liberté, une grandeur. Mais nous ne savons pas le fond de ce mal, l'irréparable qu'il apporte avec lui, quelle liberté, quelle pureté, quelle grandeur il ravage en nous. Plus tard on voudra tant qu'une telle chose n'ait jamais eu lieu. Surtout, nous mesurons mal la blessure, l'affront, l'offense qu'il fait à Dieu.

Les théologiens distinguent dans le péché la faute, le ravage qu'il fait en nous, et l'offense qu'il fait à l'Amour : c'est sous le second aspect que le péché est un mal vraiment infini, que seule pouvait compenser la venue d'un Dieu fait homme. «Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font !». Ils ne savent ni l'offense qu'ils font à ton Amour, ni la profondeur de ton Amour.

La première parole du Christ en Croix est une parole d'immense miséricorde pour le monde. «Bienheureux les miséricordieux... ». Il y a des cœurs pleins de pardons. Ils ne semblent préoccupés que de pardonner. Ils s'ingénient à pardonner. Ils ont des trouvailles merveilleuses, des trouvailles divines pour pardonner. L'Esprit saint les remplit de ses lumières, de ses conseils, pour les rendre inventifs à donner et à pardonner. Ce sont les miséricordieux. Leurs actes sont si magnanimes, si purs, que les théologiens, conformément à l'Evangile, les appellent des béatitudes. Voilà les saints, les vrais disciples de Jésus.

 

La deuxième parole : « Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis » : Là où les yeux de la chair ne voient qu'une effrayante tragédie, les yeux de la foi contemplent un mystère grandiose. Ce crucifié sanglant est le Fils unique de Dieu. Et désormais le pardon du Père est prêt à se répandre.

La deuxième parole de Jésus se trouve, elle aussi, dans saint Luc. Elle concerne les deux malfaiteurs mis à mort, l'un à droite, l'autre à gauche de Jésus. Le sort de ces deux hommes qui montent avec Jésus vers le Calvaire est mystérieux. Toute vie qui approche de Jésus, pour le rejeter ou pour l'accepter, voit du coup son mystère se creuser. Le destin inégal de ces deux hommes représente les deux issues extrêmes de la souffrance. Elle peut délivrer les âmes, elle peut les révolter. Il y a des croix de blasphème et il y a des croix de paradis. Il y a trois hommes en croix : un qui donne le salut, un qui le reçoit, un qui le méprise. Trois paroles qui viennent des trois croix, laisseront voir les abîmes qui les séparent.

«L'un des malfaiteurs qui pendait à la croix le blasphémait, disant : «N'est-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi !» Pourquoi se dire le Messie quand on est pareillement impuissant contre les hommes et leur système social, dit avec dépit le malfaiteur, envahi par la haine et la rage. Mais peut-être la révolte de cet homme venait-elle de plus loin. Peut-être était-elle plus tranquille, plus irrémédiable. C'est la vie entière qu'il avait défiée en devenant bandit. Dans les deux cas, il passe, sans la reconnaître, à côté d'une délivrance qui ne reviendra peut-être jamais. Est-il entré ainsi tout vivant dans la mort? Sa haine, son défi s'est-il éternisé ? Un éclair a-t-il pu, au tout dernier instant, peut-être après les sept paroles, peut-être après la mort de Jésus, déchirer sa nuit ?

Le second crucifié, plus qu'à tout, tient à la justice. Il l'a souvent violée dans les faits, il ne l'a jamais reniée dans son cœur. Parce qu'il oublie un instant de penser à sa torture par souci de la justice, voici qu'en réponse une nouvelle clarté intérieure l'illumine. Il devine, il comprend soudain, quelle profondeur, quelle pureté de justice il y a dans cet homme que l'on moque et brutalise. Son choix est fait. Il s'écrie : «Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume !».

«Je triomphe de joie, mes frères, mon cœur est rempli de ravissement en voyant la foi de ce saint voleur. Un mourant voit Jésus mourant, et il lui demande la vie : un crucifié voit Jésus crucifié, et il lui parle de son royaume ; ses yeux n'aperçoivent que des croix, et sa foi ne se représente qu'un trône» (Bossuet, Sermon pour l'Exaltation de la sainte Croix, 1659).

«Et Jésus lui dit : En vérité, je te le dis, aujourd'hui, tu seras avec moi, dans le paradis !». Par sa confession, cet homme est instantanément justifié et béatifié. Il quittera le changement pour la plénitude, le supplice pour la béatitude. «On n'entre pas dans le Paradis demain, ni après-demain, ni dans dix ans, on y entre aujourd'hui». Si tu aimes Jésus dans le temps, tu seras aimé par Jésus dans l'éternité. Ô Jésus, qui donnez au brigand le paradis tout de suite, et qui, par un seul rayon tombé de votre croix sanglante, le purifiez si merveilleusement qu'il n'y aura pas pour lui de délai après la mort, pas de part pour l'expiation, et que son dernier soupir amènera l'instant de son entrée dans la vision béatifiante du Dieu trois fois saint. Désormais la puissance des pardons du ciel est manifestée à la terre. Il suffira, fût-ce au tout dernier moment, qu'un cœur invoque, l'ayant enfin comprise, cette infinie Bonté d'un Dieu «qui a tant aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique», pour qu'il soit à l'instant lavé de toutes ses hontes. «Il nous a aimés, et il nous a déliés de nos péchés dans son sang» (Ap. 1,5).

L'amour que nous donnons quand nous sommes en croix ressemble un peu à l'amour rédempteur. C'est le plus pur de nos amours, celui que Jésus accueille avec le plus de joie, celui qui hâte le plus en nous la venue du paradis. Aujourd'hui la croix ; au delà, l'éternité du paradis. Il ne faut aller aux choses qu'en regardant au delà des choses : «J'estime, écrit saint Paul, que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera révélée en nous» (Rom. 8, 18).

Sainte Catherine de Sienne dit qu'il y a d'autres larmes encore que celles des yeux, les larmes du cœur ou du désir, qu'elle appelle des larmes de feu. Ce sont celles que pleure en nous l'Esprit saint pour le salut du monde. Ces larmes de feu sont celles qui embrasent le cœur du Sauveur quand, au soir du jeudi saint, il voit s'approcher l'heure bénie de sa passion qui sauvera le monde.

Bienheureux ceux qui pleurent : ils seront, ils sont déjà consolés.

 

La troisième parole : « Voici ta mère » : «Jésus donc, voyant sa Mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa Mère : Femme, voici ton fils. Ensuite il dit au disciple : Voici ta Mère. Et depuis cette heure-là, le disciple la reçut dans son intimité» (Jean 19, 25-27). Au moment où les choses le quittent, où son Eglise commençante semble se dissiper sous l'orage, voici qu'en la personne du disciple idéal, il l'unit pour toujours à sa Mère, par la puissance d'une double et mystérieuse parole : «Voici ton fils. Voici ta Mère».

Il y avait eu un temps, long, où Jésus avait tenu volontairement sa Mère à l'écart des vicissitudes de sa vie publique. «Pourquoi me cherchiez-vous ?» lui dit-il au temple de Jérusalem. « Ne saviez-vous pas que c'est aux choses de mon Père que je dois être ?». Ce que la Mère de Jésus ne cesse d'apprendre, c'est que la volonté de Dieu est une volonté séparante, qui disjoint la Mère du Fils, comme elle disjoindra à l'agonie et sur la croix le Fils du Père, et qui provoque ici et là des pourquoi déchirants ; le pourquoi de la Mère à son

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10/03/2014 | Lien permanent

Le pape en Egypte : ”seule la paix est sainte”

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Face à la barbarie homicide des uns (et loin de la démagogie "sang-et-sol" d'autres en Occident), ce que dit l'Eglise de Jésus-Christ :
 
 

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN ÉGYPTE
(28-29 AVRIL 2017)

DISCOURS DU SAINT-PÈRE
AUX PARTICIPANTS À LA
CONFÉRENCE INTERNATIONALE POUR LA PAIX

Al-Azhar Conference Centre, Le Caire
vendredi 28 avril 2017

 


 

 

Al Salamò Alaikum !

C’est un grand don d’être ici et de commencer en ce lieu ma visite en Égypte, en m’adressant à vous dans le cadre de cette Conférence internationale pour la paix. Je remercie mon frère, le Grand Imam, pour l’avoir conçue et organisée et pour avoir eu l’amabilité de m’inviter. Je voudrais vous proposer quelques pensées, en les tirant de la glorieuse histoire de cette terre, qui au cours des siècles est apparue au monde comme une terre de civilisation et une terre d’alliances.

Terre de civilisation. Depuis l’antiquité, la société apparue sur les rives du Nil a été synonyme de civilisation : en Égypte, la lumière de la connaissance s’est hissée très haut, en faisant germer un patrimoine culturel inestimable, fait de sagesse et de talent, d’acquisitions mathématiques et astronomiques, de formes admirables d’architecture et d’art figuratif. La recherche du savoir et la valeur de l’instruction ont été des choix féconds de développement réalisés par les anciens habitants de cette terre. Ce sont également des choix nécessaires pour l’avenir, des choix de paix et pour la paix, car il n’y aura pas de paix sans une éducation adéquate des jeunes générations. Et il n’y aura pas une éducation adéquate pour les jeunes d’aujourd’hui si la formation offerte ne correspond pas bien à la nature de l’homme, en tant qu’être ouvert et relationnel.

L’éducation devient, en effet, sagesse de vie quand elle est capable de faire jaillir de l’homme, en contact avec Celui qui le transcende et avec ce qui l’entoure, le meilleur de lui-même, en modelant une identité non repliée sur elle-même. La sagesse recherche l’autre, en surmontant la tentation de se raidir et de s’enfermer ; ouverte et en mouvement, humble et en recherche à la fois, elle sait valoriser le passé et le mettre en dialogue avec le présent, sans renoncer à une herméneutique appropriée. Cette sagesse prépare un avenir dans lequel on ne vise pas à se faire prévaloir, mais à faire prévaloir l’autre comme partie intégrante de soi ; elle ne se lasse pas, dans le présent, de repérer des occasions de rencontre et de partage ; elle apprend du passé que du mal n’émane que le mal, et de la violence que la violence, dans une spirale qui finit par emprisonner. Cette sagesse, en rejetant la soif de prévarication, met au centre la dignité de l’homme, précieux aux yeux de Dieu, et une éthique qui soit digne de l’homme, en refusant la peur de l’autre et la crainte de connaître par ces moyens dont le Créateur l’a doté [1].

Justement dans le domaine du dialogue, spécialement interreligieux, nous sommes toujours appelés à marcher ensemble, convaincus que l’avenir de tous dépend aussi de la rencontre entre les religions et les cultures. En ce sens, le travail du Comité mixte pour le Dialogue entre le Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux et le Comité d’Al-Azhar pour le dialogue nous offre un exemple concret et encourageant.

Trois orientations fondamentales, si elles sont bien conjuguées, peuvent aider le dialogue : le devoir de l’identité, le courage de l’altérité et la sincérité des intentions. Le devoir d’identité, car on ne peut bâtir un vrai dialogue sur l’ambiguïté ou en sacrifiant le bien pour plaire à l’autre ; le courage de l’altérité, car celui qui est différent de moi, culturellement et religieusement, ne doit pas être vu et traité comme un ennemi, mais accueilli comme un compagnon de route, avec la ferme conviction que le bien de chacun réside dans le bien de tous ; la sincérité des intentions, car le dialogue, en tant qu’expression authentique de l’humain, n’est pas une stratégie pour réaliser des objectifs secondaires, mais un chemin de vérité, qui mérite d’être patiemment entrepris pour transformer la compétition en collaboration.

Éduquer à l’ouverture respectueuse et au dialogue sincère avec l’autre, en reconnaissant ses droits et ses libertés fondamentales, spécialement la liberté religieuse, constitue la meilleure voie pour bâtir ensemble l’avenir, pour être des bâtisseurs de civilisation. Car l’unique alternative à la civilisation de la rencontre, c’est la barbarie de la confrontation, il n’y en a pas d’autre. Et pour s’opposer vraiment à la barbarie de celui qui souffle sur la haine et incite à la violence, il faut accompagner et faire mûrir des générations qui répondent à la logique incendiaire du mal par la croissance patiente du bien : des jeunes qui, comme des arbres bien plantés, sont enracinés dans le terrain de l’histoire et, grandissant vers le Haut et à côté des autres, transforment chaque jour l’air pollué de la haine en oxygène de la fraternité.

Dans ce défi de civilisation si urgent et passionnant, nous sommes appelés, chrétiens et musulmans, ainsi que tous les croyants, à apporter notre contribution : « Nous vivons sous le soleil d’un unique Dieu miséricordieux […] En ce sens, nous pouvons donc nous appeler, les uns les autres, frères et sœurs […], car sans Dieu la vie de l’homme serait comme le ciel sans le soleil » (Jean-Paul II, Discours aux autorités musulmanes, Kaduna (Nigéria), 14 février 1982). Que se lève le soleil d’une fraternité renouvelée au nom de Dieu et que jaillisse de cette terre, embrassée par le soleil, l’aube d’une civilisation de la paix et de la rencontre ! Qu’intercède pour cela saint François d’Assise, qui, il y a huit siècles, est venu en Égypte et a rencontré le sultan Malik al Kamil !

Terre d’alliances. En Égypte, ne s’est pas levé uniquement le soleil de la sagesse ; la lumière polychromatique des religions a également rayonné sur cette terre : ici, tout au long des siècles, les différences de religion ont constitué « une forme d'enrichissement mutuel au service de l'unique communauté nationale » (Id., Discours lors de la cérémonie d’arrivée, le Caire, 24 février 2000). Des croyances diverses se sont croisées et des cultures variées se sont mélangées, sans se confondre mais en reconnaissant l’importance de l’alliance pour le bien commun. Des alliances de ce genre sont plus que jamais urgentes aujourd’hui. En en parlant, je voudrais utiliser comme symbole le ‘‘Mont de l’Alliance’’ qui se dresse sur cette terre. Le Sinaï nous rappelle avant tout qu’une authentique alliance sur cette terre ne peut se passer du Ciel, que l’humanité ne peut se proposer de jouir de la paix en excluant Dieu de l’horizon, ni ne peut gravir la montagne pour s’emparer de Dieu (cf. Ex 19, 12).

Il s’agit d’un message actuel, face à la persistance d’un danger paradoxal, qui fait que d’une part on tend à reléguer la religion dans la sphère privée, sans la reconnaître comme dimension constitutive de l’être humain et de la société ; d’autre part, on confond, sans distinguer de manière appropriée, la sphère religieuse et la sphère politique. Il existe le risque que la religion en vienne à être absorbée par la gestion des affaires temporelles et à être tentée par les mirages des pouvoirs mondains qui, en réalité, l’instrumentalisent. Dans un monde qui a globalisé beaucoup d’instruments techniques utiles, mais en même temps beaucoup d’indifférence et de négligences, et qui évolue à une vitesse frénétique, difficilement soutenable, on observe la nostalgie des grandes questions de sens, que les religions font émerger et qui suscitent la mémoire des propres origines : la vocation de l’homme, qui n’est pas fait pour s’épuiser dans la précarité des affaires terrestres, mais pour cheminer vers l’Absolu vers lequel il tend. C’est pourquoi, aujourd’hui spécialement, la religion n’est pas un problème mais fait partie de la solution : contre la tentation de s’accommoder à une vie plate, où tout naît et finit ici-bas, elle nous rappelle qu’il faut élever l’âme vers le Haut pour apprendre à construire la cité des hommes.

En ce sens, en tournant encore le regard vers le Mont Sinaï, je voudrais me référer à ces commandements, qui y ont été promulgués, avant d’être écrits sur la pierre [2]. Au centre des ‘‘dix paroles’’ résonne, adressé aux hommes et aux peuples de tous les temps, le commandement « tu ne tueras pas » (Exode 20:13). Dieu, qui aime la vie, ne se lasse pas d’aimer l’homme et c’est pourquoi il l’exhorte à s’opposer à la voie de la violence, comme présupposé fondamental de toute alliance sur la terre. Avant tout et en particulier aujourd’hui, ce sont les religions qui sont appelées à réaliser cet impératif ; tandis que nous nous trouvons dans le besoin urgent de l’Absolu, il est indispensable d’exclure toute absolutisation qui justifie des formes de violence. La violence, en effet, est la négation de toute religiosité authentique.

En tant que responsables religieux, nous sommes donc appelés à démasquer la violence sous les airs d’une présumée sacralité, qui flatte l’absolutisation des égoïsmes au détriment de l’authentique ouverture à l’Absolu. Nous sommes tenus de dénoncer les violations contre la dignité humaine et contre les droits humains, de porter à la lumière les tentatives de justifier toute forme de haine au nom de la religion et de les condamner comme falsification idolâtrique de Dieu : son nom est Saint, il est Dieu de paix, Dieu salam (cf. Discours à la Mosquée Centrale de Koudoukou, Bangui [République centrafricaine], 30 novembre 2015). C’est pourquoi, seule la paix est sainte et aucune violence ne peut être perpétrée au nom de Dieu, parce qu’elle profanerait son Nom.

Ensemble, de cette terre de rencontre entre Ciel et terre, terre d’alliances entre les peuples et entre les croyants, redisons un ‘‘non’’ fort et clair à toute forme de violence, de vengeance et de haine commise au nom de la religion ou au nom de Dieu. Ensemble, affirmons l’incompatibilité entre violence et foi, entre croire et haïr. Ensemble, déclarons la sacralité de toute vie humaine opposée à toute forme de violence physique, sociale, éducative ou psychologique. La foi qui ne naît pas d’un cœur sincère et d’un amour authentique envers Dieu Miséricordieux est une forme d’adhésion conventionnelle ou sociale qui ne libère pas l’homme mais l’opprime. Disons ensemble : plus on grandit dans la foi en Dieu, plus on grandit dans l’amour du prochain.

Mais la religion n’est certes pas uniquement appelée à démasquer le mal ; elle a en soi la vocation de promouvoir la paix, aujourd’hui probablement plus que jamais [3]. Sans céder à des syncrétismes conciliants (Cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 251), notre devoir est de prier les uns pour les autres, demandant à Dieu le don de la paix, de nous rencontrer, de dialoguer et de promouvoir la concorde en esprit de collaboration et d’amitié. Nous, en tant que chrétiens – et moi je suis chrétien – « nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu » (Concile Vatican II, décl. Nostra aetate, n. 5). Frères de tous... En outre, nous reconnaissons que, immergés dans une lutte constante contre le mal qui menace le monde afin qu’il ne soit plus « le lieu d’une réelle fraternité », à ceux qui « croient à la divine charité, [Dieu] apporte ainsi la certitude que la voie de l’amour est ouverte à tous les hommes et que l’effort qui tend à instaurer une fraternité universelle n’est pas vain » (Id., const. past. Gaudium et spes, nn. 37-38). Au contraire, cet effort est essentiel. En effet, il sert à peu de chose ou à rien de hausser la voix et de courir nous réarmer pour nous protéger : aujourd’hui, il faut des bâtisseurs de paix, non des armes ; aujourd’hui il faut des bâtisseurs de paix, non des provocateurs de conflits ; des pompiers et non des pyromanes ; des prédicateurs de réconciliation et non des propagateurs de destruction.

On assiste avec désarroi au fait que, tandis que d’une part on s’éloigne de la réalité des peuples, au nom d’objectifs qui ne respectent personne ; de l’autre, par réaction, surgissent des populismes démagogiques, qui certes n’aident pas à consolider la paix et la stabilité : aucune incitation à la violence ne garantira la paix, et toute action unilatérale qui n’engage pas des processus constructifs et partagés est, en réalité, un cadeau aux partisans des radicalismes et de la violence.

Pour prévenir les conflits et édifier la paix, il est fondamental d’œuvrer pour résorber les situations de pauvreté et d’exploitation, là où les extrémismes s’enracinent plus facilement, et bloquer les flux d’argent et d’armes vers ceux qui fomentent la violence.

Encore plus à la racine, il faut combattre la prolifération des armes qui, si elles sont fabriquées et vendues, tôt ou tard, seront aussi utilisées.

Ce n’est qu’en rendant transparentes les sombres manœuvres qui alimentent le cancer de la guerre qu’on peut en prévenir les causes réelles. Les responsables des nations, des institutions et de l’information sont tous tenus à cet engagement urgent et grave, comme nous, responsables de civilisation, convoqués par Dieu, par l’histoire et par l’avenir, nous sommes tenus d’engager, chacun dans son domaine, des processus de paix, en ne nous soustrayant pas à l’édification de solides bases d’alliance entre les peuples et les États.

Je souhaite que cette noble et chère terre d’Égypte, avec l’aide de Dieu, puisse répondre encore à sa vocation de civilisation et d’alliance, en contribuant à développer des processus de paix pour ce peuple bien-aimé et pour la région moyenne-orientale tout entière.

Al Salamò Alaikum !

 


[1] «

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29/04/2017 | Lien permanent

La commandante de police lance une bombe

finance

La policière met en cause la hiérarchie de la banque :

 

La bien-pensance libérale avait beaucoup ironisé (au printemps 2014) sur la « pseudo-conversion religieuse » de Jérôme Kerviel et sur le soutien que lui apportaient, conjointement, Jean-Luc Mélenchon, le prêtre catholique poitevin Patrice Gourrier et Mgr Di Falco, évêque de Gap : des soutiens « improbables », mais, surtout, un Kerviel indéfendable ; c'est-à-dire à ne pas défendre, puisque la Banque et la Justice avaient tranché... 

finance

 Le P. Patrice Gourrier.

 

Mai 2015 : une bombe ! Selon une investigatrice de Mediapart, qui vient d'en témoigner à la télévision, la commandante de police Nathalie Le Roy (qui avait dirigé l'enquête sur la perte de 4,9 milliards d'euros par la Société Générale en janvier 2008), vient de déclarer au juge Roger Le Loire : « A l'occasion des différentes auditions et des différents documents que j'ai pu avoir entre les mains, j'ai eu le sentiment puis la certitude que la hiérarchie de Jérôme Kerviel ne pouvait pas ignorer les positions [spéculatives] prises par ce dernier. » La policière avait notamment recueilli la déposition d'un ex-membre du service des  risques opérationnels de la Société Générale, selon lequel « l'activité de Kerviel était connue ». Ce témoin avait déclaré avoir informé en urgence l'adjointe au directeur dudit service. La policière avait alors demandé (par réquisition judiciaire) communication des échanges de courriels entre le salarié et la direction. Laquelle n'avait pas obtempéré...

Les enquêtes de 2008 avaient néanmoins découvert (selon la policière) que les folies spéculatives de Kerviel avaient été signalées plus de vingt fois à la direction de la banque, qui n'en avait pas tenu compte.

Mais c'est la version de la direction qui allait prévaloir lors du procès correctionnel, en première instance et en appel, avec l'issue que l'on connaît : Kerviel déclaré unique coupable (solitaire génie du Mal), et condamné à des dommages-intérêts ubuesques.

La bombe lancée cette semaine par Mediapart semble secouer la Société Générale, qui riposte par un « circulez, il n'y a rien à voir » : « L'affaire liée aux agissements frauduleux de Jérôme Kerviel remonte maintenant à plus de sept ans et a fait l'objet de plusieurs décisions de justice qui toutes ont reconnu la culpabilité pénale exclusive de Jérôme Kerviel. »

Mais un procès Kerviel au civil doit se tenir en janvier 2016. Son objet est d'établir les responsabilité exactes dans la perte de 4,9 milliards. D'où peut-être les révélations de la commandante Le Roy. Qui vont susciter quelques questions gênantes au PDG de la Société Générale (Frédéric Oudéa) lors de l'assemblée générale, qui se tient demain mardi...

En attendant, voici les déclarations de Kerviel au site catholique Aleteia, en février 2014 :

 

 

Economie 10.02.2014

Jérôme Kerviel : « Je suis le monstre créé et recraché par la finance »

 

<< Aleteia : Pourquoi acceptez- vous de vous exprimer aujourd'hui, à la veille du jugement de "l'affaire Kerviel" en cassation ?


Jérôme Kerviel :
Parce que mon nom est devenu le synonyme de ce que la finance a pu créer de pire. Il m’a été infligé une condamnation sans précédent de près de 5 milliards d’euros. Personne, avant moi n’avait eu à supporter une telle condamnation, un tel châtiment. Cette condamnation s'appuie sur des mensonges : la Société Générale aurait ignoré que j'ai pris sur les marchés spéculatifs des positions de 50 milliards d'euros. J'ai été présenté comme ayant inventé "un système" alors, qu’un an avant l’éclatement médiatique de cette affaire, un salarié de cette même banque s’était suicidé après avoir appliqué ce même système que nos supérieurs nous apprenaient et auquel nous avons été formés. Je souhaite m'exprimer parce qu'au-delà de la justice et de mon propre sort, je veux rendre compte des épreuves qu'il m'est désormais imposé d'affronter, en espérant que tout ceci ne soit pas vain.


Au-delà de l'argent, de votre dette, humainement, que vous a coûté l'affaire qui porte votre nom ?


J.K. :
Elle m’a coûté ce que je suis devenu. Je suis devenu ce que la banque a fait de moi : d’abord un bon soldat, sans grande profondeur, puis une sorte de coupable renfermé. Je suis timide et réservé, mon ami et avocat en rit en disant que c’est parce que je suis Breton et que les bretons sont taiseux. J’ai les atouts d’un coupable idéal parce que je m’exprime peu et que ma voix est basse. Cela a été longtemps pris pour du mépris et de l’arrogance, mais c’est tout l’inverse. À chaque stade de l’affaire, j’ai eu peur et j’ai été dépassé. Je ne sais jamais ce qui va se passer demain et cela m’épuise littéralement. Je me bats pour laver le nom de ma famille : j’ai été présenté comme le responsable de la crise financière de 2008. J’ai eu l’occasion de le dire : je suis le monstre créé et recraché par la finance. Mon père est mort fier de mon « parcours » avant tous ces événements et si je regrette son absence, je suis soulagé qu’il n’ait pas assisté à ce que j’ai enduré par la suite. Ma mère est tombée très gravement malade immédiatement après l’éclatement de l’affaire, et ne survivra probablement pas à mon incarcération. Je ne veux pas qu'elle meure en se disant que j'ai sali notre nom.


Avez-vous encore confiance dans la justice ?


J.K. :
Il a été décidé que je devais être le "bouc émissaire" de cette affaire. Cela fait maintenant six ans que je me bats pour prouver mon innocence. Mon emprisonnement injuste est peut-être imminent. Ce dossier est devenu, malgré moi, un sujet de société qui dépasse l’être humain que je suis. Mais les errements judiciaires qui entachent chaque pan de mon dossier ont achevé de me faire perdre toute confiance dans la justice des hommes.


Etes-vous prêt aujourd'hui à reconnaître en toute franchise que vous vous êtes trompé ?


J.K. :
Je me suis trompé dans ce qui me semblait et m'était présenté comme un accomplissement absolu. Je me suis trompé en participant à ce système. Je dois avouer que si je ne m’étais pas retrouvé au cœur de cette affaire, je ne suis pas certain que j’aurais acquis le recul nécessaire pour prendre conscience de ce que je faisais et mesurer l’impact de mes actions. J'ai fait ce que la banque m'a appris à faire et je n'ai volé personne.


Mais reconnaissez-vous une responsabilité personnelle dans cette affaire ?

J.K. :
Il y a deux interrogations dans votre question. Il est tout à fait indiscutable que le système financier, faussement régulé de par le monde, est à l’origine des crises successives qui ont de lourdes conséquences sur la plupart des femmes et des hommes de la planète. Ce système, tel qu’il existe aujourd’hui, sera la cause de son propre effondrement si les dirigeants de ce monde n’acceptent pas de se saisir du sujet.

Mais suis-je coupable de ce dont je suis accusé, c’est à dire d’avoir spéculé sans que mon employeur le sache ? La réponse est résolument non. Je maintiens ce que j’ai toujours dit : ma hiérarchie connaissait mes positions de trading au jour le jour et tout allait bien tant que mes positions faisaient gagner de l’argent à la banque. D’ailleurs, à ma connaissance, il n’existe nulle part, dans le monde, d’affaires où un système financier aurait dénoncé les agissements d’un trader alors que celui-ci était en train de lui faire gagner de l’argent. C’est un système d’une très grande hypocrisie, un système auquel j’ai activement participé.

Pour autant, ma part de responsabilité personnelle, je n’ai jamais tenté de m’y soustraire : oui, dans le cadre de mon travail, j’ai spéculé contre certaines entreprises induisant en cela des conséquences sur l’emploi de ces entreprises. J’ai spéculé contre des monnaies contribuant à les affaiblir. Oui, j’ai spéculé, faisant ainsi gagner beaucoup d’argent à mon employeur, sur diverses crises financières et politiques. C’est à cela que j’ai été formé. Oui, en résumé, j’ai participé à l’œuvre de la finance dans ce qu’elle a de pire, de plus malsain et de plus inavouable. Ce que nous faisions nous était présenté comme une « activité normale et utile », alors que c’était radicalement le contraire.

En quelques mots, comment décririez-vous le fonctionnement de la finance spéculative ?


J.K. :
Ce système se nourrit de catastrophes et malheurs puisque tout est prétexte pour spéculer pour faire de l’argent, sans avoir rien fabriqué au préalable. Comprenez-moi bien, la spéculation ne crée rien. Pour vous donner un exemple de la perversité du système spéculatif, il suffit de se souvenir que les journées de trading les plus profitables pour les banques sont celles où se déroulent de grandes catastrophes : attentats, tsunami, déclarations de guerres…).


Quelles leçons n'avons-nous pas encore tiré de la crise financière ?


J.K. :
Aucune réforme de fond et concertée n’a été engagée alors que les hommes politiques de tous les pays n’ont eu de cesse de dénoncer les effets pervers et dévastateurs de la finance. Si vous me permettez un parallèle, les dérives de la finance sont traitées avec la même désinvolture que le dérèglement climatique : tout le monde comprend que nous courrons à la catastrophe sans être capable de mobiliser l’énergie suffisante permettant un sursaut collectif et des réformes en profondeur.


Au bout de six ans de combat, vous sentez-vous prêt à affronter la prison ?


J.K. :
Non, personne, innocent de ce dont il est accusé, ne peut s’y résoudre. Le système financier préfèrera toujours un seul coupable à un exercice de remise en cause collectif. Alors je serai celui-là, mais je ne suis pas disposé à l’accepter. Sur le plan personnel, ma vie a été bouleversée par cette affaire et a causé injustement du tort à mes proches, à commencer par ma mère, qui fait face avec courage à la maladie. Cette affaire aura également causé du tort à bien des honnêtes personnes qui travaillent à la Société Générale et qui sont au contact des clients. Mais je dois aussi souligner que bon nombre de ces salariés m’ont apporté un soutien réconfortant.


Vous parlez d'honnêteté et de morale. Qui selon vous incarne aujourd'hui ce message et ces valeurs ?


J.K. :
Le Pape François représente pour moi une figure - LA figure - morale d’honnêteté et de droiture. Ses prises de paroles engagées font écho à l’éducation et aux valeurs qui m’ont été inculquées par mes parents, et dont je n’aurais sans doute jamais dû m’éloigner. De par ses actes et ses actions concrètes, il est évident que le Pape place l’humain au centre de son discours et de son action. Selon moi, la condamnation par le Pape des dérives de la finance internationale, la fermeture de plus de 900 comptes bancaires présentés par la presse comme extrêmement douteux, constituent un acte fondateur, de courage absolu et de clarté dans le chemin qui doit être emprunté pour améliorer la vie des gens. Ce que je ne comprenais pas alors et que je perçois aujourd’hui, c’est que les dérives de la finance, qui profitent à très peu de personnes, nuisent gravement à la vie du plus grand nombre. Il est étrange pour moi de vous dire ça car j’avoue que ma foi est fragile et qu’elle a été entamée largement par toute l’injustice de cette affaire et dans le même temps, j’ai foi en cet homme et sa détermination. C’est

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Libéralisme à gauche : le malaise

Analyse de Philippe de Roux, Pierre-Yves Gomez, Olivier Favereau et les Poissons roses :

 

<<  Une guerre perdue à gauche ?

L’action politique est un combat, donc une succession de victoires et de défaites. Pour ceux qui, à gauche, affirment que le respect de la personne doit être au coeur de l’action politique, le mois de janvier 2014 gardera le goût amer de batailles perdues. Qu’ils soient chefs d’entreprises, enseignants, employés, responsables du monde politique, médical, associatif ou religieux, l’inquiétude monte.

L’annonce du « pacte de responsabilité » est une défaite, si on s’en tient au discours éculé sur l’effet positif de la baisse des charges ou à l’exigence naïve de contreparties impossibles à obtenir. Pour que ce « tournant » renouvelle vraiment les fondements de l’économie et impulse de nouvelles formes de création de valeur, il faudrait aussi transformer les représentations de l’entreprise et le « dialogue social ». Pourquoi ne pas généraliser la présence des salariés dans les conseils d’administration, au-delà de ce qui a été timidement concédé par la loi de juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi ? Sans ce type de garantie, le pacte de responsabilité risque de n’être qu’un avatar coûteux des « politiques de l’offre », que l’on sait inefficaces lorsque les débouchés économiques font défaut comme aujourd’hui.

Donner une reconnaissance visible au travail dans le gouvernement des entreprises, ce serait introduire de nouveaux équilibres dans notre société et s’inspirer vraiment du modèle allemand, qui l’a fait depuis 1976 !

Parallèlement, il faudrait clarifier la remise à plat de la branche famille de la sécurité sociale un peu vite désignée pour assurer le financement du pacte de responsabilité. Or la famille est le premier lieu où se bâtit la confiance, le premier rempart contre la précarité et la politique familiale est une pièce essentielle du modèle social français. La fragiliser en temps de crise, c’est jouer un mauvais tour aux plus vulnérables.

Mais on voudrait convaincre que ce tournant économique est « moderne » parce qu’il ressemble au virage libéral négocié dans le champ éthique. C’est une deuxième défaite pour une authentique conscience de gauche. Ainsi, vouloir faire de l’IVG un acte médical « banal » en niant la notion de détresse ne changera rien à la réalité que vivent les femmes au moment de ce choix difficile ! Alors qu’on avorte en France deux fois plus qu’en Allemagne, la libéralisation tous azimuts de l’IVG sera-t-il notre seule réponse à une femme pressée par son entourage d’avorter parce qu’elle n’a pas assez de moyens économiques, parce qu’elle porte un enfant handicapé ou parce que son entreprise n’accepterait pas sa grossesse ?

Une même dérive libérale guette la prochaine loi sur la famille, pour l’instant reportée, avec un amendement octroyant de manière automatique la nationalité française pour les enfants nés de GPA pratiquées à l’étranger. On contournera ainsi l’interdiction du commerce de la grossesse sur le sol français au grand bénéficie des entreprises internationales spécialisées dans le portage d’enfants.

A l’autre bout, la fin de vie inspire aussi les sirènes du « laisser faire » encouragées par l’ambiguïté du "panel" citoyen et une recomposition du Conseil national d’éthique. Avons- nous envisagé sérieusement les conséquences sur nos libertés, d’une légalisation de l’injection létale à des patients en situation de précarité psychologique, alors que la pression financière se fait de plus en plus forte sur notre système de santé ?

De nombreux électeurs de gauche s’opposent à la puissance du calcul économique qui s’impose même à la vie humaine, mais ils sont relégués, par de pseudos progressistes, dans le camp des réactionnaires. Ils continueront pourtant d’être aux avant-postes de la lutte contre l’injustice.

Car notre époque oppose désormais deux conceptions de l’être humain : soit il se pense maître de son existence, de son corps, du début de la vie jusqu’à la mort, confiant en sa seule puissance et liant son bonheur à l’accumulation de richesses. Qu’il le veuille ou non, il deviendra alors un objet de marché et de calcul, de performance ou de rebus. Soit l’homme se considère comme une personne reliée aux autres, déployant sa liberté dans l’interdépendance, assumant ses compétences mais aussi ses fragilités et ses faiblesses, et trouvant son épanouissement dans une organisation sociale fondée sur la bienveillance volontaire et l’initiative au service du bien commun. Il peut alors fonder une société où le calcul économique n’a pas le dernier mot.

Il reste donc à promouvoir à gauche un projet social reposant sur le respect de la dignité de toute personne humaine comme socle de la justice et de la liberté. Tel est le vrai pacte de responsabilité, le nôtre. L’économie suivra, car c’est l’ordre normal des choses. Pour assurer le progrès, inventons s’il le faut de nouveaux moyens d’agir en politique et avançons, sans être désenchantés par des défaites d’arrière-garde…

Philippe de Roux, Pierre-Yves Gomez, Olivier Favereau  >>

 

 > Reproduire ici une prise de position ne signifie pas que notre blog la partage intégralement, ou n'y voit pas de lacunes éventuelles. 

 

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”Libérer l'homme de l'idolâtrie de la consommation” : discours de clôture de l'assemblée des évêques à Lourdes, ce 9 nov

cardinal vingt-trois,christianisme,catholiques,écologie,crise,castellucci

Responsabilité de l'homme envers la Création, écologie humaine, société sobre, partage universel des biens, défense de la vie, dialogue (sans repli narcissique) avec la culture contemporaine :


 ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DES ÉVÊQUES

 

 

DISCOURS DE CLÔTURE

 par le Cardinal André VINGT-TROIS

 archevêque de Paris, président de la Conférence des évêques de France

 Lourdes – Mercredi 9 novembre 2011

 

Extraits

 

Nous voici au terme de cette assemblée et il est temps d’en récolter les premiers fruits. […]

 En appelant à un renouveau du dimanche, nous contribuons à libérer l’homme de l’idolâtrie de la consommation, nous l’invitons à renforcer les liens familiaux et sociaux, nous travaillons à la défense et à la promotion d’un rythme commun dans la société. Sur ces objectifs, nous nous retrouvons avec beaucoup de gens qui ne partagent pas notre foi. Pour notre part, en célébrant le Créateur, nous avons conscience de rappeler à tous le sens de la modération et de la responsabilité vis-à-vis de la création dont nous sommes gérants et non pas possesseurs.

 L’écologie et l’environnement est un thème sur lequel nous travaillons depuis deux ans. Au cours de cette assemblée nous avons approfondi notre réflexion sur la responsabilité de l’homme à l’égard du monde dont il a reçu la gérance. Contrairement à certaines visions catastrophistes qui dépeignent l’homme comme le principal ennemi de la nature, nous vivons dans la confiance. Nous savons que les comportements humains peuvent compromettre ou même détruire des équilibres fragiles de l’univers. Mais nous croyons aussi que l’humanité est dotée des moyens de surmonter de grandes difficultés. Elle l’a montré dans le passé. Elle peut encore le faire dans l’avenir. Cela dépend de notre capacité à maîtriser l’usage que nous faisons des biens dont nous disposons. Cela dépend aussi de notre capacité à ouvrir notre réflexion au-delà de nos débats hexagonaux. Ne laissons pas croire que le souci de l’environnement serait un esthétisme de luxe pour pays développés. Faisons de notre recherche d’un développement durable un vecteur de notre volonté de partager les biens de la terre entre tous les hommes. La responsabilité à l’égard de l’environnement est aujourd’hui indissociable de la crise dans sa dimension universelle.

 […] La raréfaction des sources d’énergie non-renouvelable nous acculera à des choix de consommation. Lesquels ? [...]

 Si l’écologie est une œuvre spécifiquement humaine qui ressortit à la responsabilité singulière de l’homme dans l’univers, elle doit être aussi une œuvre au service de l’homme. Elle est un des éléments du développement intégral de l’homme comme le Saint- Père l’a rappelé à plusieurs reprises. L’écologie au service de l’homme n’est pas un vague naturalisme, c’est un engagement pour défendre la qualité de la vie des hommes. La qualité de la vie de tous les hommes, la qualité de vie de tout l’homme dans toutes les dimensions de son existence, non seulement physique, mais aussi psychique, morale et spirituelle. C’est dans cette ampleur que se déploie l’implication des chrétiens dans la défense de la vie. Depuis plus de dix ans, les évêques de France ont invité les fidèles à unir leurs prières et leurs efforts pour la défense de la vie humaine depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle. A proximité du dernier dimanche du mois de mai, beaucoup de communautés chrétiennes prennent des initiatives dans ce sens. L’an dernier, le Pape Benoît XVI nous a invités à nous joindre à sa prière pour la vie naissante la veille du premier dimanche de l’Avent. Nous avons répondu à ce appel dans nos diocèses par des propositions diverses. Un certain nombre de chrétiens se joignent aussi à des manifestations non-confessionnelles comme la Marche pour la Vie du mois de janvier.

 Deux spectacles, différents dans leur intention et dans leur réalisation, ont suscité un vif émoi parmi les chrétiens. Nous comprenons le trouble de beaucoup devant des œuvres difficiles à interpréter. Nous devons aborder ces événements, qui reviennent périodiquement, sans nous laisser enfermer dans une forme de débat où l’Église se défendrait elle-même comme un groupe minoritaire dans une société pluriculturelle ou même hostile. Nous ne pouvons pas oublier qu’il y a une logique de l’Incarnation. En Jésus, Dieu s’est livré aux mains des hommes. Notre foi au Christ nous appelle à le suivre dans la manière dont lui-même a affronté l’adversité, la violence, la haine. Plus largement que les deux spectacles en question, nous sommes donc invités à une réflexion sérieuse sur notre rapport avec des créations culturelles dont les intentions ou les réalisations offusquent notre amour du Christ. Des œuvres évoquent explicitement le Christ, Fils de Dieu. Souvent, il s’agit du Crucifié sur le mont Golgotha. Elles ne manquent pas d’interroger. Pourquoi le visage du Crucifié questionne-t-il tant ? De quelle force est-il porteur ? Quelle lumière nos contemporains y cherchent-ils avec tant d’assiduité ? Quel sens veulent-ils donner à la violence ou à l’outrance des images qu’ils produisent ? Aucun spectateur ne peut rester indifférent. Il est amené à se prononcer dans sa quête du vrai, du beau, de la transcendance, et pour tout dire de l’amour qui ne contourne pas les souffrances et les misères humaines. Ces œuvres obligent aussi les chrétiens à s’interroger et à chercher quels appels elles expriment, quelles recherches de Dieu s’y manifestent.

 Certaines œuvres sont provocantes et leurs provocations blessent bon nombre de spectateurs, chrétiens ou non. L’artiste doit expliquer son intention. Ne doit-il pas aussi prêter attention à la foi des humbles, l’écouter et se laisser toucher en voyant qu’elle se traduit le plus souvent par un amour réel des plus souffrants parmi nous ?

 Dans ce dialogue entre l’art et la foi, se situe l’énigme de la souffrance humaine. Celle-ci est vive aujourd’hui : où trouver l’espérance ? Le Crucifié de Jérusalem a-t-il une parole à dire ? Comment sa croix annonce-t-elle quelque chose de bon pour l’homme : le salut ? Reconnaître ces questions et entrer dans le dialogue est la première tâche des chrétiens. Que ceux-ci ne se trompent pas de combat. C’est d’abord un combat sur eux-mêmes. Être toujours plus fidèles à leur foi dans la société contemporaine en proie à la crise de sens que nous connaissons tous, tel est le véritable combat que les chrétiens ont à vivre. Ils ne le mèneront jamais mieux qu’en s’efforçant d’imiter au plus près leur Seigneur, en vivant de son inépuisable pardon.

 Voilà le témoignage auquel nous, chrétiens, nous sommes tous conviés. Car le visage du Christ, mieux que nulle part ailleurs, se laisse voir en ses disciples, aujourd’hui comme hier. L’indifférence, l’incompréhension, la méconnaissance ou le rejet qui s’expriment à l’égard du Christ et de la foi nous touchent tous dans notre amour du Seigneur et notre amour des hommes. Cette blessure ne doit pas et ne peut pas se transformer en violence verbale, et moins encore physique. Elle doit nourrir notre prière, prière personnelle et prière communautaire. Elle doit motiver notre désir de faire connaître le vrai visage du Christ, tel qu’il s’est révélé dans sa Passion et sa crucifixion. À Pierre, il a fait rengainer son glaive. Aux femmes de Jérusalem, il a enjoint de pleurer sur elles-mêmes et leurs enfants. Devant les puissants qui allaient le juger et devant les agressions des soldats, il s’est tu. Sur la croix, il a prié pour ses bourreaux. Suivons donc son exemple et prions pour ceux qui ne le reconnaissent pas ou qui le maltraitent et pour ceux qui sont blessés dans leur amour pour lui. C’est ainsi que nous communions au Christ...

 

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Un évêque parle de la campagne anti-pape

19324603_jpeg_preview_large.jpgRevue du diocèse de Belley-Ars, avril 2010, éditorial de Mgr Guy Bagnard :

 

"Attirons-le dans un piège"

 

<< Ses livres étaient déjà dans les cartons ; les valises presque bouclées, il s’apprêtait à rejoindre le pays et les lieux où il avait oeuvré avant d’être appelé par Jean-Paul II à la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1981. Il allait pouvoir retourner avec joie aux études.
Et l’impensable s’est produit ! Il était choisi par ses pairs pour succéder à son grand ami Jean-Paul II, sur le Siège de Pierre. Comment interpréter l’événement ?
- l’achèvement en beauté d’une carrière brillante qui le portait au sommet ?
- ou bien la descente aux enfers ?
Dans les jours précédant le conclave, un dessin humoristique circulait dans les chaumières. On y voyait les cardinaux s’avancer en file indienne, tenant à la main la chaussure qu’ils avaient ôtée de leur pied droit. Il s’agissait pour chacun d’essayer un énorme soulier qui trônait devant une cheminée. Les pieds ridiculement petits des cardinaux allaient d’évidence nager dans l’immense chaussure du géant qui venait de disparaître. A côté de lui, ils avaient l’air de lilliputiens ! Sur leurs visages se lisaient l’appréhension de devoir montrer à tous la disproportion des pointures. A entendre les premières paroles du nouvel élu, c’était bien ce sentiment de faiblesse qui perçait derrière les premiers accents de sa voix et ses gestes mal assurés. Au balcon où il se présenta, juste après l’élection, il prononça deux phrases seulement : "Les cardinaux m’ont élu, moi simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur. Ce qui me console, c’est que le Seigneur sait travailler et agir avec des instruments insuffisants" (19 avril 2005, jour de son élection). Le 24 avril, quelques jours après, il ajoutait : "Priez pour moi, pour que j’apprenne toujours à aimer le Seigneur. Priez pour moi afin que je ne me dérobe pas par peur devant les loups".
Les loups n’allaient pas tarder à donner de la voix. Première nouvelle à sensation : à 13 ans, il avait été enrôlé dans les jeunesse hitlériennes : n’était-il pas un crypto-nazi ? Avec l’affaire Pie XII, il devenait un supporter caché de l’hitlérisme.  A Ratisbonne, en 2006, il devenait un islamophone notoire, prêt à réveiller les guerres de religion. Avec la Fraternité Saint Pie X, il apparaissait comme un opposant résolu au Concile Vatican II. Avec Williamson, négateur de la Shoah et de l’existence des camps de la mort, il venait renforcer les rangs des négationnistes ! Avec le Brésil, il montrait le visage d’une Eglise intransigeante, impitoyable, moralisante et dénuée de miséricorde ; sur le continent africain, il devenait un traître à la cause des malades atteints du sida.
Ces dernières semaines, étaient dévoilées ses nombreuses "collusions" avec la pédophilie. Et s’il était lui-même un pédophile ?
Au total, cela fait quand même beaucoup pour un seul homme !
Mais impossible de douter, puisque "c’est écrit dans le journal", "ça passe à la télé". Et aujourd’hui : "c’est sur internet". Il devient urgent de le faire taire !
En cette circonstance, la lecture d’un passage du Livre de la Sagesse est instructive : "Traquons le juste, attirons-le dans un piège puisqu’il nous contrarie, il s’oppose à notre conduite. Il nous reproche de désobéir à la Loi de Dieu... Il est un démenti pour nos idées. Sa simple présence nous pèse car son genre de vie s’oppose à celui des autres, sa conduite est étrange" (Sg 2, 10-13).
Il s’agit en effet de traquer les moindres paroles du Pape, de surprendre le moindre de ses gestes ; et à la faveur d’une virgule ou d’un accent, de reconstruire son discours. Ceux qui sont doués d’une double vue - les "Voyants", ils sont nombreux parmi les informateurs - ceux-là se considèrent comme habilités à exprimer sa véritable pensée et à la présenter au monde sous le sceau d’une crédibilité absolue.
D’où vient cette ardeur missionnaire ? De la crainte éprouvée de son audience qui risquerait de contrecarrer celle des autres ! On mesure, en effet, l’impact d’un homme à la puissance des forces qu’il déclenche contre lui. On ne cherche pas à réduire au silence celui qui n’a rien à dire ; au contraire, on le laisse occuper l’écran, ce qui permet aux gens de l’ombre d’agir tranquillement pour mieux façonner à leur convenance les esprits assoupis !
Et surtout, à travers la personne du Pape, on atteint toute l’Eglise. On discrédite à la fois les évêques, les prêtres, les diacres, les religieux et tous les catholiques. L’invitation implicite leur est faite de quitter ces "mauvais lieux", d’aller renforcer les rangs de tous les honnêtes hommes... le rang des hommes pleinement intègres !
Les prêtres catholiques sont particulièrement visés, car on les soupçonne d’être très malheureux dans la vie qu’ils ont choisie, d’ailleurs, choisie sans bien savoir. S’ils étaient mariés, comme ils seraient heureux, dynamiques et équilibrés, surtout en ces temps où le mariage est en passe d’être une formalité sans contenu ! En devenant Monsieur Tout-le-monde, ils deviendraient beaucoup plus proches du monde !
Dans cette humanité qui s’organise sans Dieu, voilà ce que, justement, viennent contredire les propos de ce Pape qui disait naguère : "Celui qui ne donne pas Dieu donne toujours trop peu !" Ou encore : "Le monde veut voir chez les chrétiens ce qu’il ne voit nulle part ailleurs". 

+  Guy Bagnard, évêque de Belley-Ars >>



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14/04/2010 | Lien permanent

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