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09/11/2011

"Libérer l'homme de l'idolâtrie de la consommation" : discours de clôture de l'assemblée des évêques à Lourdes, ce 9 novembre, par le cardinal André Vingt-Trois

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Responsabilité de l'homme envers la Création, écologie humaine, société sobre, partage universel des biens, défense de la vie, dialogue (sans repli narcissique) avec la culture contemporaine :



 ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DES ÉVÊQUES

 

 

DISCOURS DE CLÔTURE

 par le Cardinal André VINGT-TROIS

 archevêque de Paris, président de la Conférence des évêques de France

 Lourdes – Mercredi 9 novembre 2011

 

Extraits

 

Nous voici au terme de cette assemblée et il est temps d’en récolter les premiers fruits. […]

 En appelant à un renouveau du dimanche, nous contribuons à libérer l’homme de l’idolâtrie de la consommation, nous l’invitons à renforcer les liens familiaux et sociaux, nous travaillons à la défense et à la promotion d’un rythme commun dans la société. Sur ces objectifs, nous nous retrouvons avec beaucoup de gens qui ne partagent pas notre foi. Pour notre part, en célébrant le Créateur, nous avons conscience de rappeler à tous le sens de la modération et de la responsabilité vis-à-vis de la création dont nous sommes gérants et non pas possesseurs.

 L’écologie et l’environnement est un thème sur lequel nous travaillons depuis deux ans. Au cours de cette assemblée nous avons approfondi notre réflexion sur la responsabilité de l’homme à l’égard du monde dont il a reçu la gérance. Contrairement à certaines visions catastrophistes qui dépeignent l’homme comme le principal ennemi de la nature, nous vivons dans la confiance. Nous savons que les comportements humains peuvent compromettre ou même détruire des équilibres fragiles de l’univers. Mais nous croyons aussi que l’humanité est dotée des moyens de surmonter de grandes difficultés. Elle l’a montré dans le passé. Elle peut encore le faire dans l’avenir. Cela dépend de notre capacité à maîtriser l’usage que nous faisons des biens dont nous disposons. Cela dépend aussi de notre capacité à ouvrir notre réflexion au-delà de nos débats hexagonaux. Ne laissons pas croire que le souci de l’environnement serait un esthétisme de luxe pour pays développés. Faisons de notre recherche d’un développement durable un vecteur de notre volonté de partager les biens de la terre entre tous les hommes. La responsabilité à l’égard de l’environnement est aujourd’hui indissociable de la crise dans sa dimension universelle.

 […] La raréfaction des sources d’énergie non-renouvelable nous acculera à des choix de consommation. Lesquels ? [...]

 Si l’écologie est une œuvre spécifiquement humaine qui ressortit à la responsabilité singulière de l’homme dans l’univers, elle doit être aussi une œuvre au service de l’homme. Elle est un des éléments du développement intégral de l’homme comme le Saint- Père l’a rappelé à plusieurs reprises. L’écologie au service de l’homme n’est pas un vague naturalisme, c’est un engagement pour défendre la qualité de la vie des hommes. La qualité de la vie de tous les hommes, la qualité de vie de tout l’homme dans toutes les dimensions de son existence, non seulement physique, mais aussi psychique, morale et spirituelle. C’est dans cette ampleur que se déploie l’implication des chrétiens dans la défense de la vie. Depuis plus de dix ans, les évêques de France ont invité les fidèles à unir leurs prières et leurs efforts pour la défense de la vie humaine depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle. A proximité du dernier dimanche du mois de mai, beaucoup de communautés chrétiennes prennent des initiatives dans ce sens. L’an dernier, le Pape Benoît XVI nous a invités à nous joindre à sa prière pour la vie naissante la veille du premier dimanche de l’Avent. Nous avons répondu à ce appel dans nos diocèses par des propositions diverses. Un certain nombre de chrétiens se joignent aussi à des manifestations non-confessionnelles comme la Marche pour la Vie du mois de janvier.

 Deux spectacles, différents dans leur intention et dans leur réalisation, ont suscité un vif émoi parmi les chrétiens. Nous comprenons le trouble de beaucoup devant des œuvres difficiles à interpréter. Nous devons aborder ces événements, qui reviennent périodiquement, sans nous laisser enfermer dans une forme de débat où l’Église se défendrait elle-même comme un groupe minoritaire dans une société pluriculturelle ou même hostile. Nous ne pouvons pas oublier qu’il y a une logique de l’Incarnation. En Jésus, Dieu s’est livré aux mains des hommes. Notre foi au Christ nous appelle à le suivre dans la manière dont lui-même a affronté l’adversité, la violence, la haine. Plus largement que les deux spectacles en question, nous sommes donc invités à une réflexion sérieuse sur notre rapport avec des créations culturelles dont les intentions ou les réalisations offusquent notre amour du Christ. Des œuvres évoquent explicitement le Christ, Fils de Dieu. Souvent, il s’agit du Crucifié sur le mont Golgotha. Elles ne manquent pas d’interroger. Pourquoi le visage du Crucifié questionne-t-il tant ? De quelle force est-il porteur ? Quelle lumière nos contemporains y cherchent-ils avec tant d’assiduité ? Quel sens veulent-ils donner à la violence ou à l’outrance des images qu’ils produisent ? Aucun spectateur ne peut rester indifférent. Il est amené à se prononcer dans sa quête du vrai, du beau, de la transcendance, et pour tout dire de l’amour qui ne contourne pas les souffrances et les misères humaines. Ces œuvres obligent aussi les chrétiens à s’interroger et à chercher quels appels elles expriment, quelles recherches de Dieu s’y manifestent.

 Certaines œuvres sont provocantes et leurs provocations blessent bon nombre de spectateurs, chrétiens ou non. L’artiste doit expliquer son intention. Ne doit-il pas aussi prêter attention à la foi des humbles, l’écouter et se laisser toucher en voyant qu’elle se traduit le plus souvent par un amour réel des plus souffrants parmi nous ?

 Dans ce dialogue entre l’art et la foi, se situe l’énigme de la souffrance humaine. Celle-ci est vive aujourd’hui : où trouver l’espérance ? Le Crucifié de Jérusalem a-t-il une parole à dire ? Comment sa croix annonce-t-elle quelque chose de bon pour l’homme : le salut ? Reconnaître ces questions et entrer dans le dialogue est la première tâche des chrétiens. Que ceux-ci ne se trompent pas de combat. C’est d’abord un combat sur eux-mêmes. Être toujours plus fidèles à leur foi dans la société contemporaine en proie à la crise de sens que nous connaissons tous, tel est le véritable combat que les chrétiens ont à vivre. Ils ne le mèneront jamais mieux qu’en s’efforçant d’imiter au plus près leur Seigneur, en vivant de son inépuisable pardon.

 Voilà le témoignage auquel nous, chrétiens, nous sommes tous conviés. Car le visage du Christ, mieux que nulle part ailleurs, se laisse voir en ses disciples, aujourd’hui comme hier. L’indifférence, l’incompréhension, la méconnaissance ou le rejet qui s’expriment à l’égard du Christ et de la foi nous touchent tous dans notre amour du Seigneur et notre amour des hommes. Cette blessure ne doit pas et ne peut pas se transformer en violence verbale, et moins encore physique. Elle doit nourrir notre prière, prière personnelle et prière communautaire. Elle doit motiver notre désir de faire connaître le vrai visage du Christ, tel qu’il s’est révélé dans sa Passion et sa crucifixion. À Pierre, il a fait rengainer son glaive. Aux femmes de Jérusalem, il a enjoint de pleurer sur elles-mêmes et leurs enfants. Devant les puissants qui allaient le juger et devant les agressions des soldats, il s’est tu. Sur la croix, il a prié pour ses bourreaux. Suivons donc son exemple et prions pour ceux qui ne le reconnaissent pas ou qui le maltraitent et pour ceux qui sont blessés dans leur amour pour lui. C’est ainsi que nous communions au Christ...

 

Commentaires

UN RECADRAGE

> C'est un recadrage net et précis :
- sur la vision chrétienne de la responsabilité écologique de l'homme, liée : a) aux comportements humains (le facteur anthropique); b) à l'usage que nous faisons des biens autant qu'à leur partage par solidarité mondiale ; c) à la défense de la vie et de sa qualité (écologie humaine) ;
- sur ce dernier point, le cardinal évoque l'ensemble des initiatives pro-vie (parmi lesquelles la marche du mois de janvier, ce qui signifie là aussi un recadrage : celui que nous souhaitions ici depuis le début) ;
- sur la question des pièces de théâtre, le cardinal indique la véritable ligne de comportement catholique dans toutes ses nuances, et les onze dernières lignes doivent être méditées. Nous l'en remercions chaleureusement, et chaque catholique français doit en faire autant.

PP
______

Écrit par : PP / | 09/11/2011

IL SERAIT TEMPS

> En effet, c'est toute une question de mentalité à changer. Mais faudra-t-il que nous arrivions au pire, à la limite de l'irréversible, afin que l'homme prenne conscience de notre devoir de partage?
C'est une question que je me pose depuis fort longtemps...Croyez-vous qu'il faille que la chrétienté intervienne dans ce sens, à mon avis il serait temps.
Cordialement
Valérie

Écrit par : valérie Bergmann / | 09/11/2011

DIRECTIVES

> Cette histoire aura ça de bon qu'elle permet un retour à l'autorité épiscopale.
Certes, il y aura toujours des énergumènes.
Mais plus le clergé réagira vite, clairement, avec des directives, moins il y aura de risque de dérives ou en tous cas que les dérives prenne trop d'ampleur parmi des fidèles qui habituellement ne s'y livrent pas, mais ont été séduits par la seule voix qu'ils ont entendue.
Bcp d'idiots utiles se sont trouvés embringués ds ces histoires parce qu'ils ont écouté ceux qui parlaient le plus fort.
Des messages clairs, précis, donnés à temps ça va faire bcp de bien.

Z.


[ De PP à Z. - Parfaitement d'accord. Les squatteurs ne s'installent que là où les occupants légitimes font défaut. ]

réponse au commentaire

Écrit par : zorglub / | 09/11/2011

LE DISCOURS

> Une seule question : dans ce discours, sur la partie politique (sens noble et large), quelle est la valeur ajoutée par rapport à César, à la société civile, qui fait, finalement, le même constat en se dépatouillant comme il le peut avec ses propres contraintes ?
Bravo de confirmer/affirmer certains points, mais quelle vision de l'homme ? Quelle prophétisme ?
Ce discours de modération aurait été génial il y a 20 ans, à l'époque triomphante ; mais maintenant, il ressemble à un bilan de congrés de caisse de retraite de notaires reprenant des poncifs et sans y ajouter grand chose...
L'analyse lexicale reste encore parlante : la relation au Christ semble être plus d'action que d'être, au coeur de chacun, débordant ensuite (mon analyse un peu dure sur le discours d'ouverture http://wp.me/p1CdEa-n2.)
Bref, on va s'y mettre, mais, Seigneur, qu'il nous manque des prophètes !

JD


[ De PP à JD - Je vous trouve injuste sur ce sujet. ]

réponse au commentaire

Écrit par : jeanduma / | 09/11/2011

> Clair, net et précis, sans 'tourner autour du pot'.

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Écrit par : J. Warren / | 09/11/2011

A Jean Duma,

> Je partage profondément votre avis et merci de l'avoir exprimé !
Nous crevons d'avoir peur d'être nous même, jusqu'à avoir peur ne nous appeler « catholiques », de peur de froisser les susceptibilités, et, par les temps qui courent, d' écorner notre « image » !!!
Peur de s'assumer catholique car ce serait prendre le risque d'être assimilé à des intégristes. L'image que nous avons de nous même est tellement plus importante que l'acte de foi de se nommer catholique.
Peur de s'assumer catholique car ce serait se fermer vis à vis de nos frères protestants ou orthodoxes ! Voilà, les intégristes ont gagné dans les esprits : se dire catholique serait se recroqueviller dans la défense d'un clan.
Peur de désigner sans ambiguité pour ce qu'elle est la monstruosité globale du système capitaliste (bien au-delà du seul libéralisme !), pour quand même garder sa petite place au soleil.
Les catholiques n'ont qu'une obsession, montrer qu'ils sont « comme  tout le monde », en réussissant en plus à se faire croire qu'ainsi ils sont charitables. Ben non, avoir reçu le don de la foi, fait qu'on n'est pas comme tout le monde. C'est comme ça, sinon c'est pas la peine ! Etre catholique et membre d'une association de joueurs de bridge, c'est pas pareil.
Etre en phase, ne bousculer personne, manger comme tout le monde, penser comme tout le monde, parler d'un ton posé comme tout le monde, travailler comme tout le monde, mais avec le petit plus : on annonce la Bonne Nouvelle. Mazette !
Nous en sommes là et c'est consternant.
Les catholiques, en tout cas dans nos contrées, sont devenus des gens tellement raisonnables et civilisés, qu'ils n'ont plus de souffle. Ils sont des bons élèves qui récitent leur leçon sur le bout des doigts à coup de ronflantes citations des évangiles.
Les catholiques ont peur et ils donnent des leçons d'évangélisation.
La foi catholique est vibrante, c'est un cri de fêlés, c'est pas un truc de gens raisonnables. C'est tout !
Ce sont des non-croyants qui portent le souffle, qui osent laisser vibrer la corde prophétique, qui osent (comme Paul Jorion et d'autres) rappeler aux catholiques leur vocation prophétique !
Ce sont eux qui laissent vibrer le souffle évangélique en ce bas-monde.
Ce sont eux qui nous réouvriront les chemins du Royaume de Dieu.
______

Écrit par : serge lellouche / | 10/11/2011

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