05/03/2014
Libéralisme à gauche : le malaise
Analyse de Philippe de Roux, Pierre-Yves Gomez, Olivier Favereau et les Poissons roses :
<< Une guerre perdue à gauche ?
L’action politique est un combat, donc une succession de victoires et de défaites. Pour ceux qui, à gauche, affirment que le respect de la personne doit être au coeur de l’action politique, le mois de janvier 2014 gardera le goût amer de batailles perdues. Qu’ils soient chefs d’entreprises, enseignants, employés, responsables du monde politique, médical, associatif ou religieux, l’inquiétude monte.
L’annonce du « pacte de responsabilité » est une défaite, si on s’en tient au discours éculé sur l’effet positif de la baisse des charges ou à l’exigence naïve de contreparties impossibles à obtenir. Pour que ce « tournant » renouvelle vraiment les fondements de l’économie et impulse de nouvelles formes de création de valeur, il faudrait aussi transformer les représentations de l’entreprise et le « dialogue social ». Pourquoi ne pas généraliser la présence des salariés dans les conseils d’administration, au-delà de ce qui a été timidement concédé par la loi de juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi ? Sans ce type de garantie, le pacte de responsabilité risque de n’être qu’un avatar coûteux des « politiques de l’offre », que l’on sait inefficaces lorsque les débouchés économiques font défaut comme aujourd’hui.
Donner une reconnaissance visible au travail dans le gouvernement des entreprises, ce serait introduire de nouveaux équilibres dans notre société et s’inspirer vraiment du modèle allemand, qui l’a fait depuis 1976 !
Parallèlement, il faudrait clarifier la remise à plat de la branche famille de la sécurité sociale un peu vite désignée pour assurer le financement du pacte de responsabilité. Or la famille est le premier lieu où se bâtit la confiance, le premier rempart contre la précarité et la politique familiale est une pièce essentielle du modèle social français. La fragiliser en temps de crise, c’est jouer un mauvais tour aux plus vulnérables.
Mais on voudrait convaincre que ce tournant économique est « moderne » parce qu’il ressemble au virage libéral négocié dans le champ éthique. C’est une deuxième défaite pour une authentique conscience de gauche. Ainsi, vouloir faire de l’IVG un acte médical « banal » en niant la notion de détresse ne changera rien à la réalité que vivent les femmes au moment de ce choix difficile ! Alors qu’on avorte en France deux fois plus qu’en Allemagne, la libéralisation tous azimuts de l’IVG sera-t-il notre seule réponse à une femme pressée par son entourage d’avorter parce qu’elle n’a pas assez de moyens économiques, parce qu’elle porte un enfant handicapé ou parce que son entreprise n’accepterait pas sa grossesse ?
Une même dérive libérale guette la prochaine loi sur la famille, pour l’instant reportée, avec un amendement octroyant de manière automatique la nationalité française pour les enfants nés de GPA pratiquées à l’étranger. On contournera ainsi l’interdiction du commerce de la grossesse sur le sol français au grand bénéficie des entreprises internationales spécialisées dans le portage d’enfants.
A l’autre bout, la fin de vie inspire aussi les sirènes du « laisser faire » encouragées par l’ambiguïté du "panel" citoyen et une recomposition du Conseil national d’éthique. Avons- nous envisagé sérieusement les conséquences sur nos libertés, d’une légalisation de l’injection létale à des patients en situation de précarité psychologique, alors que la pression financière se fait de plus en plus forte sur notre système de santé ?
De nombreux électeurs de gauche s’opposent à la puissance du calcul économique qui s’impose même à la vie humaine, mais ils sont relégués, par de pseudos progressistes, dans le camp des réactionnaires. Ils continueront pourtant d’être aux avant-postes de la lutte contre l’injustice.
Car notre époque oppose désormais deux conceptions de l’être humain : soit il se pense maître de son existence, de son corps, du début de la vie jusqu’à la mort, confiant en sa seule puissance et liant son bonheur à l’accumulation de richesses. Qu’il le veuille ou non, il deviendra alors un objet de marché et de calcul, de performance ou de rebus. Soit l’homme se considère comme une personne reliée aux autres, déployant sa liberté dans l’interdépendance, assumant ses compétences mais aussi ses fragilités et ses faiblesses, et trouvant son épanouissement dans une organisation sociale fondée sur la bienveillance volontaire et l’initiative au service du bien commun. Il peut alors fonder une société où le calcul économique n’a pas le dernier mot.
Il reste donc à promouvoir à gauche un projet social reposant sur le respect de la dignité de toute personne humaine comme socle de la justice et de la liberté. Tel est le vrai pacte de responsabilité, le nôtre. L’économie suivra, car c’est l’ordre normal des choses. Pour assurer le progrès, inventons s’il le faut de nouveaux moyens d’agir en politique et avançons, sans être désenchantés par des défaites d’arrière-garde…
Philippe de Roux, Pierre-Yves Gomez, Olivier Favereau >>
> Reproduire ici une prise de position ne signifie pas que notre blog la partage intégralement, ou n'y voit pas de lacunes éventuelles.
15:00 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gauche, libéralisme
Commentaires
ANTI-LIBÉRAUX TRANSPARTISANS
> Ne serait-il pas opportun de lever un front anti-libéral trans-partis? Je pense que, dans la droite populaire (dans notre Pas-de-Calais, même minoritaire, elle demeure fidèle à l'esprit gaullien et souffre du mépris hautain des Apparatchiks) on doit se sentir autant trahi. Il est grand temps de renverser ces élites qui magouillent et s'entre-espionnent, qui de fait sapent toute légitimité du pouvoir politique et de l'Etat, au seul bonheur de la finance internationale où nos élus ont placé leurs jetons. A quand les poissons bleus?
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Écrit par : Anne Josnin / | 05/03/2014
@ ANNE JOSNIN
> "Anti libéraux transpartisans" ?
Je me demande si la question n'est pas plutôt de savoir si "bleu" et "rose" ont encore un sens sur le plan politique ?
Personnellement, je ne vois pas fondamentalement la différence entre les programmes de MM. Sarkozy et Hollande et ce n'est pas le "pacte de stabilité" qui va éclairer cette interrogation ...
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Écrit par : PH94 | 07/03/2014
PH94
> Sur le plan de la politique officielle vous avez raison, je ne vois pas non plus de différences: nos partis laminent tout en moissonneuses batteuses au service du système unique. Mais sur le terrain, à la base,et quasi en "clandestins" tant ils sont moqués et systématiquement rejetés au sein de leurs propres partis,(sauf pour les campagnes d'affichage et de collectes de fonds) il reste des sensibilités et des familles politiques différentes, et cela est à prendre en compte, aussi comme richesses. Il est temps que le peuple se réapproprie le politique, chaque famille selon sa culture propre, mais avec des fondamentaux communs autour de la défense de la vie, de toute vie,et du service désintéressé du Bien Commun. Alors, poissons roses, bleus, verts,rouges, blancs (le royalisme monte chez nos jeunes)...pourront édifier un front de résistance uni face au libéralisme. Qu'en pensez-vous?
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Écrit par : Anne Josnin / | 07/03/2014
@ Anne
"(…) tant ils sont moqués et systématiquement rejetés au sein de leurs propres partis"
Oui. J'ai cru comprendre que les "poissons roses" faisaient plus que morfler (comme l'on dit ) au sein du PS...
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Écrit par : Feld / | 07/03/2014
LOI AUX ORDRES
> Aggravation de la législation dans tous les domaines. Ainsi, des associations ou collectifs qui, par des recours devant les tribunaux administratifs qui auront été rejetés pourront désormais être poursuivis par les promoteurs, immobiliers ou industriels, pour "réparation du manque à gagner causé par les retards".
Cela rejoint l'esprit du futur accord transatlantique.
Merci Mme Duflot l'écolo.
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Écrit par : Pierre Huet / | 07/03/2014
@ Feld
> C'était prévisible: quand on cherche les ennuis, il faut beaucoup de chance pour ne pas les trouver.
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Écrit par : Pierre Huet / | 07/03/2014
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