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Jean Ziegler et la ”géopolitique de la faim” [2]

 libre-échangisme,altermondialisme

"Les traders spéculent sur la mort..."  Suite et fin :

 

Les vautours de l'«or vert» :

Le mensonge : Il existe deux filières principales de biocarburant (ou agrocarburant) : le bioéthanol (obtenu par la transformation notamment de betterave, canne à sucre, blé maïs...) et le biodiesel (huile végétale ou animale). Les trusts des agrocarburants mettent en avant l'argument écologique de la lutte contre le réchauffement climatique et l'épuisement des ressources fossiles.

De fait, la dégradation climatique fait son œuvre : partout les déserts progressent. En Chine et en Mongolie, chaque année de nouveaux pâturages et champs vivriers sont avalés par des dunes de sable qui progressent vers l'intérieur des terres. Au Sahel, le Sahara avance dans certaines zones de 5 kilomètres par an. En Afrique, l'ONU estime à 25 millions le nombre de réfugiés écologiques, venant rejoindre les bidonvilles des grandes métropoles.

Les sociétés transcontinentales productrices d'agrocarburants ont réussi à persuader une grande part de l'opinion publique mondiale et la quasi-totalité des Etats occidentaux, que l'énergie végétale constituait l'arme miracle face au dérèglement climatique. C'est un mensonge absolu, qui fait l'impasse sur les coûts environnementaux des agrocarburants qui nécessitent une quantité énorme d'eau et d'énergie. Or, partout, l'eau potable se raréfie. Un homme sur trois en est réduit à boire de l'eau polluée. Selon l'OMS, l'augmentation du nombre de décès liés à la consommation d'eau contaminée est en spectaculaire ascension. Il faut 4000 litres d'eau pour fabriquer 1 litre de bioéthanol. De plus, la quantité d'énergie fossile nécessaire pour ce même litre est considérable. Loin de le faire baisser, les agrocarburants contribuent à l'augmentation du dioxyde de carbone dans l'atmosphère.

L'obsession de Barack Obama : Chaque année, les multinationales d'origine américaine productrice de biocarburants, reçoivent plusieurs milliards de dollars d'aides gouvernementales. Dans son discours sur l'état de l'Union en 2011, Obama en a fait une priorité, une cause de sécurité nationale, afin de réduire la dépendance des Etats-Unis des importations de pétrole. Dès janvier 2007, Georges W.Bush fut l'initiateur du programme de biocarburants, fixant ainsi ses buts : dans les dix ans à venir, les Etats-Unis devaient réduire de 20% la consommation d'énergie fossile et multiplier par 7 la production de biocarburants.

Cette simple comparaison suffit pour prendre la mesure du crime que constitue cette politique : le réservoir d'une voiture de taille moyenne fonctionnant au bioéthanol contient 50 litres. Pour fabriquer 50 litres de bioéthanol, il faut détruire 358 kilogrammes de maïs. Au Mexique, en Zambie, le maïs est la nourriture de base. Avec 358 kilogrammes de maïs, un enfant zambien ou mexicain vit une année. Telle est la politique des réservoirs pleins et des ventres vides.

La malédiction de la canne à sucre : Non seulement les agrocarburants dévorent chaque année des centaines de millions de tonnes de maïs, libèrent dans l'atmosphère des millions de tonnes de dioxyde de carbone, mais en plus, partout ils provoquent des désastres sociaux.

Prenons l'exemple du Brésil. Nous remontons en Jeep la vallée de Capibaribe où l'océan vert de la canne à sucre s'étend à l'infini. James Thorlby, un prêtre écossais, est assis sur le siège avant. Nous avançons en territoire ennemi, celui des barons du sucre, qui ont partie liée avec la police militaire. Son ami Chico Mendez a été assassiné. Lui est vivant. Très provisoirement précise-t-il...

Il y a quelques années encore, c'était ici des terres vivrières occupées par des petites fermes de 1 à 2 hectares. Les familles y vivaient pauvrement, mais en sécurité et dans un certain bien-être. Des financiers ont obtenus des autorités le «déclassement», c'est à dire la privatisation de ces terres. Les petits cultivateurs de haricots et de céréales vivant ici ont alors été expulsés vers les bidonvilles de Recife. Sauf ceux qui ont accepté, pour un salaire de misère, de devenirs coupeurs de canne.

Au Brésil, la production de biocarburants jouit d'une priorité absolue. C'est la fierté du gouvernement. En 2009, le Brésil a exporté 4 milliards de litres de bioéthanol. La mise en œuvre du plan a conduit à la rapide concentration des terres entre les mains de quelques barons autochtones et des sociétés multinationales, qui ont pour nom Louis Dreyfus, Bunge, Noble Group, aux groupes financiers appartenant à Bill Gates et Georges Soros, ainsi qu'aux fonds souverains de Chine. La production de l' «or vert» signe l'arrêt de mort de la petite et moyenne ferme familiale et donc de la souveraineté alimentaire du pays. Pour libérer l'espace, la forêt est brûlée par dizaine de milliers d'hectares chaque année. Par ailleurs, on ne compte plus les appropriations illégales de terres, les déplacements forcés, assassinats sélectifs et «disparitions».

Le Brésil est entré dans le cercle vicieux du marché international de l'alimentaire : en important des denrées qu'il ne produit plus, il amplifie la demande mondiale qui entraîne l'augmentation des prix. C'est ainsi qu'en 2008 les paysans n'ont pu acheter suffisamment de nourriture en raison de l'augmentation brutale des prix. Soucieux de réduire leurs coûts, les producteurs d'agrocarburants exploitent par millions les travailleurs migrants, accumulent les bas salaires, horaires inhumains et conditions de travail proches de l'esclavage. Des millions de travailleurs sans terre sont sur les routes, sans domicile fixe, louant leur force de travail au gré des saisons, déracinés, loin de leurs familles en voie de dislocation.

Cette malédiction de l' «or vert» s'étend à plusieurs pays d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique, comme au Cameroun où le groupe Français Bolloré a partiellement pris possession de la société camerounaise de palmerais. La destruction des forêts primaires y va bon train, et ici comme ailleurs les expropriations, la dislocation sociale et les mécanismes de la faim et de la soif n'en sont que plus accentués.

En 2007, devant l'Assemblée générale des nations unies, j'avais déclaré : «produire des agrocarburants avec des aliments est criminel». J'en avais demandé l'interdiction. Trois des plus puissantes fédérations de producteurs de bioéthanol sont alors vigoureusement intervenues auprès de Kofi Annan pour dénoncer ma déclaration «apocalyptique» et «absurde».

 

Les spéculateurs :

Les «requins tigres» : Le requin tigre est capable de détecter une goutte de sans diluée dans 4 600 000 litres d'eau. Le spéculateur en biens alimentaires agissant à la bourse des matières premières agricoles à Chicago est lui aussi capable de détecter ses victimes à des dizaines de kilomètres et de les anéantir en un instant, tout en satisfaisant sa voracité, autrement dit en réalisant des profits faramineux. Les lois du marché font que seule la demande solvable est comblée. Elles imposent l'ignorance délibérée du fait que l'alimentation est un droit humain, un droit pour tous. Le spéculateur en matières premières alimentaires avale tout ce qui est susceptible de lui rapporter quelque chose : il joue avec la terre, les intrants, les semences, les engrais, les crédits et les aliments.

Jusqu'à peu, l'essentiel des spéculateurs opéraient sur les marchés financiers. En 2007, ces marchés ont implosé : des milliers de milliards de dollars de valeurs patrimoniales ont été détruits. Dans la foulée, partout en Occident, des hommes et des femmes ont perdu leur emploi ; les gouvernements ont réduits leurs prestations sociales ; dans l'hémisphère sud, des dizaines de millions de personnes supplémentaires ont sombré dans le martyre de la sous-alimentation. Les prédateurs boursiers, en revanche, ont été largement redotés par les Etats. L'argent public finance désormais leurs Ferrari, leurs hélicoptères privés et leurs demeures de luxe en Floride ou aux Bahamas.

Le banditisme bancaire est plus florissant que jamais ; mais suite à l'implosion des marchés financiers, les requins tigres les plus dangereux, avant tout les Hedge Funds américains, ont migré sur les marchés des matières premières, notamment sur les marchés agroalimentaires. Pour les spéculateurs, les produits agricoles sont des produits de marché comme les autres. Ils jouent «à la hausse», c'est tout. Pratiquement tous les experts reconnaissent que dans la flambée des prix alimentaires, la spéculation joue un rôle déterminant. Entre 2003 et 2008 les spéculations sur les matières premières au moyen de fonds indexés ont augmenté de 2300%. Selon la FAO (rapport 2011), seulement 2% des contrats futures portant sur des matières premières aboutissent effectivement à la livraison d'une marchandise. Les 98% restants sont revendus par les spéculateurs avant la date d'expiration. Frederick Kaufmann résume la situation : «Plus les prix du marché des aliments augmentent, plus ce marché attire l'argent et plus les prix alimentaires, déjà hauts, grimpent». Philippe Chalmin interroge : «Quelle est cette civilisation qui n'a rien trouvé de mieux que le jeu -l'anticipation spéculative- pour fixer le prix du pain des hommes, de leur bol de riz ?». Entre la raison marchande et le droit à l'alimentation, l'antinomie est absolue. Les spéculateurs jouent avec la vie de millions d'êtres humains. Abolir totalement et immédiatement la spéculation sur les denrées alimentaires constitue une exigence de la raison.

Genève, capitale mondiale des spéculateurs agroalimentaires : Le combat contre la spéculation est indissociable de celui contre les paradis fiscaux où sont domiciliées les sociétés spéculatives. 27% de tous les patrimoines off-shore du monde sont gérés en Suisse, où le secret bancaire reste la loi suprême du pays, et où la mansuétude fiscale y est extrême. Le lobby bancaire est tout-puissant à Genève. Mais depuis 2007, Genève est aussi devenue la capitale de la spéculation, notamment sur les matières premières agroalimentaires. Nombre de Hedge Funds ont déménagé à Genève.

Les traders sur les matières premières agroalimentaires sont allègrement financés par les banques genevoises. Pour les deux tiers des spéculateurs rôdant dans la jungle genevoise, il n'existe donc aucun contrôle. Le gouvernement du Canton de Genève est aux petits soins avec les requins tigres. Outre les multiples privilèges fiscaux qu'il leur reconnaît, il subventionne et patronne la conférence annuelle que ceux-ci organisent à Genève.

Les managers des Hedge Funds se sont réunis le 7 juin 2011 à l'Hôtel Kempinski, sur le quai du Mont-Blanc. On y lit sur la brochure d'annonce : «L'agriculture est aujourd'hui la lumière rayonnante de l'univers des investisseurs». La promesse? Des managers de haut vol expliqueront comment «réaliser des profits élevés sur des marchés passionnants»... L'attitude des autorités genevoises relève du scandale. Une ONG catholique, «Action de Carême», et une autre protestante, «Pain pour le prochain», ont d'ailleurs adressé une lettre de protestation vigoureuse au gouvernement...qui n'a pas daigné répondre.

Vol de terres, résistance des damnés : En Afrique en 2010, 41 millions d'hectares de terres arables ont été acheté, loué ou acquis par les mêmes Hedge Funds qui paradent au bord du Lac Léman, ainsi que des banques européennes, des fonds d'Etats saoudiens, sud-coréens, singapouriens, chinois et autres. Au Sud-Soudan, l'administration a bradé au trust agroalimentaire texan Nile Tradind and Development Inc. 600 000 hectares de terres arables au prix de...3 centimes l'hectare! La même société jouit d'une option pour 400 000 hectares supplémentaires. Partout les mêmes procédés que ceux mis en œuvre par les vautours de l' «or vert». Des familles entières se voient privées d'accès aux ressources naturelles et chassées de leurs terres. L'expulsion des petits paysans de leurs terre, outre la sécurité alimentaire qu'elle met gravement en cause, engendre une destruction en cours d'un savoir-faire paysan ancestral, transmis de génération en génération, qui disparaît sous nos yeux : la connai

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21/01/2014 | Lien permanent

24 janvier, Hollande chez le pape : un jour de prière

http://lesalternativescatholiques.fr/2013/01/24/jour-de-priere/

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Télé-caniveau contre paroissiens

Après la provocation débile de Canal+, le curé parisien met les choses au point : à lire  ici

 

 

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Fin de vie : la position des protestants évangéliques

fin de vie,oecuménisme

http://www.lecnef.org/images/Communique_presse_fin_de_vie_140121.pdf

 

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Pourquoi Paris n'a (presque) plus de politique mondiale

Echange de vues à France Culture entre le géopolitologue Renaud Girard et le chroniqueur Brice Couturier : 

 

Il s'agissait de la conférence ''syrienne'' de Montreux. Commentaire de Girard : l'Occident rate tout ce qu'il touche vis-à-vis des pays musulmans, voir la série désastreuse Somalie-Afghanistan-Irak-Libye ; les seules interventions cohérentes sont celles de la France au Mali (et en Centrafrique, croisons les doigts) parce que Paris garde avec cette région des liens scabreux mais concrets... Girard, très Quai d'Orsay d'époque gaullienne, en déduit que la seule politique internationale réaliste est celle des liens historiques mêlés d'intérêts, et qu'après tout cette vision-là fait moins de ravages que les ''projections'' comme l'équipée BHL-Sarkozy en Libye, pour le seul avantage du Qatar.

Réponse de Couturier : non ! l'action internationale de la France doit avoir pour but ''l'exportation de la démocratie, comme sous la Révolution et le Premier Empire''.

Girard rétorque que la Libye n'est pas plus en démocratie en 2014 que sous Kadhafi, la dictature ayant été remplacée par l'anarchie et la guerre civile

Il pourrait ajouter que la démocratie malienne est un décor qui ne trompe personne. 

Et que la Révolution et surtout l'Empire n'ont eu pour résultat – en termes de politique internationale – que de semer en Europe les germes de haines revanchardes surinfectées de nationalisme ethnique, idéologie qui n'existait pas auparavant  et qui surgit d'un mélange infernal : Contrat social + tribalisme... Quand le progressisme scientiste s'y ajoutera, ça donnera les années 1930 ! Je recommande à ce sujet la lecture des Racines intellectuelles du IIIe Reich de George L. Mosse (Points-Seuil), qui explique le développement de ce processus depuis la ''guerre de libération'' de la Prusse contre Napoléon.

Mais pour s'intéresser à cette dimension des choses, il faudrait que les gens des média apprennent à ''habiter le temps'' [*] : donc à s'extraire du métier hystérique qui consiste à réprimander le réel au nom de l'abstraction.

Ajoutons-y un autre ''métier hystérique'' : celui de diplomate (version Kouchner-Fabius), qui consiste à fermer nos ambassades dans les pays dont les gouvernements ne sont pas vertueux.  L'hystérie non plus n'est pas une vertu.

 

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[*] Un autre livre remarquable dans le domaine de la critique sociétale : Habiter le temps, de Jean Chesneaux. (Bayard 1996).

 

 

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Bruxelles : évidemment, feu vert au gaz de schiste

Le non-gouvernement de la non-Europe,

docile aux multinationales !

A lire  ici

 

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gaz de schiste

 

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Le message du pape au forum de Davos

''Les succès obtenus ont souvent aussi apporté une exclusion sociale généralisée...''

 

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
AU FORUM ÉCONOMIQUE MONDIAL
Á DAVOS-KLOSTERS (SUISSE)

 

<< ...Je voudrais faire quelques considérations dans l’espérance qu’elles puissent enrichir les débats du Forum et apporter une contribution utile à son important travail.

Notre époque est caractérisée par des changements importants et des progrès significatifs en divers domaines qui ont d’importantes conséquences pour la vie des hommes. En effet, « on doit louer les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication » (Evangelii gaudium, 52), comme aussi dans beaucoup d’autres domaines de l’agir humain, et il faut reconnaître le rôle fondamental que l’entreprise moderne a eu dans de tels changements, stimulant et développant les immenses ressources de l’intelligence humaine. Cependant, les succès obtenus, bien qu’ayant  réduit la pauvreté d’un grand nombre de personnes, ont souvent aussi apporté une exclusion sociale généralisée. En effet, la plus grande partie des hommes et des femmes de notre temps vivent encore dans une précarité quotidienne, avec des conséquences souvent dramatiques.

Dans le cadre de cette rencontre, je désire rappeler l’importance qu’ont les diverses instances politiques et économiques dans la promotion d’une approche inclusive, qui prenne en considération la dignité de toute personne humaine et le bien commun. Il s’agit d’une préoccupation qui devrait empreindre tout choix politique et économique, mais qui semble parfois n’être qu’un rajout pour compléter un discours.

Ceux qui travaillent en ces domaines ont une responsabilité précise vis-à-vis des autres, en particulier envers ceux qui sont plus fragiles, faibles et sans défenses.

On ne peut tolérer que des milliers de personnes, chaque jour, meurent de faim, alors que des quantités considérables de nourriture sont disponibles et souvent simplement gaspillées.

De même, ne peuvent laisser indifférents les nombreux réfugiés en recherche de conditions de vie ayant un minimum de dignité, et qui, non seulement ne sont pas accueillis, mais aussi périssent souvent tragiquement dans leurs déplacements.

Je suis conscient que ces paroles sont fortes, même dramatiques ; cependant elles veulent souligner, et aussi mettre au défi, la capacité d’influence de cet auditoire. En effet, ceux qui, par leur talent et leur habileté professionnelle, ont été capables de faire des innovations et de favoriser le bien-être de nombreuses personnes, peuvent apporter une contribution ultérieure en mettant leur compétence au service de ceux qui sont encore dans l’indigence.

Ce qu’il faut, donc, c’est un renouveau large et profond du sens de la responsabilité de la part de tous. « La vocation d’entrepreneur est un noble travail, il doit toujours se laisser interroger par un sens plus large de la vie » (Evangelii gaudium, 203). Beaucoup d’hommes et de femmes peuvent servir avec davantage d’efficacité le bien commun et rendre plus accessibles à tous les biens de ce monde.

Cependant, la croissance de l’équité demande quelque chose de plus que la croissance économique, bien qu’elle la suppose. Elle exige avant tout « une vision transcendante de la personne » (Benoît XVI, Caritas in veritate, 11) puisque « sans la perspective d’une vie éternelle, le progrès humain demeure en ce monde privé de souffle » (Ibid.). Cela demande aussi des décisions, des mécanismes et des processus tournés vers une distribution plus équitable des richesses, la création d’opportunités de travail et une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le pur assistanat.

Je suis convaincu qu’à partir d’une telle ouverture à la transcendance une nouvelle mentalité, politique comme d’entreprise, pourrait prendre forme, capable de guider toutes les actions économiques et financières dans l’optique d’une éthique vraiment humaine. La communauté d’entreprise internationale peut compter sur beaucoup d’hommes et de femmes de grande honnêteté et intégrité, dont le travail est inspiré et guidé par de hauts idéaux de justice, de générosité, et qui sont préoccupés par l’authentique développement de la famille humaine. Je vous exhorte donc à puiser dans ces grandes ressources morales et humaines, et à affronter le défi avec détermination et clairvoyance. Sans ignorer, naturellement, la spécificité scientifique et professionnelle de chaque situation, je vous demande de faire en sorte que la richesse soit au service de l’humanité au lieu de la gouverner.

Monsieur le Président, chers amis,

Ayant confiance que, dans mes brèves paroles, vous puissiez entrevoir un signe de sollicitude pastorale et une contribution constructive pour que vos activités soient toujours plus nobles et fécondes, je désire renouveler mon souhait pour le bon déroulement de votre rencontre, et j’invoque la bénédiction divine sur vous, sur les participants au Forum, ainsi que sur vos familles et sur vos activités. 

Du Vatican, le 17 janvier 2014

FRANCISCUS PP.  >>

 

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Demain, Hollande chez le pape

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Il y  a deux erreurs au sujet de cette visite : 

 

 

Il y a l'erreur politique soi-disant ''cathophile'' : prendre le pape pour le chef du parti des Bons face au président des Mauvais. Et il y a l'erreur ''cathophobe'' : s'esclaffer devant la prière des croyants qui entoure cette rencontre.

- L'erreur soi-disant ''cathophile'' est de tomber dans le piège de l'interprétation politique partisane : espérer que le pape va venger la droite française, et compter sur lui pour un ''retour du balancier '' (alors que l'Eglise cherche  toujours un ''juste équilibre de la balance'' [1]). C'est prendre le catholicisme pour l'aumônier d'un camp politique, dans on ne sait quel affrontement séculier ! Ici le pape est censé anathématiser Hollande pour sa politique... (Que se diront-ils en réalité ? Nul ne le saura, sauf surprise. Nous n'aurons qu'un communiqué final en langage de chancelleries – et peut-être un commentaire de Hollande, à ne prendre qu'avec prudentes réserves).

- L'erreur ''cathophobe'', de son côté, consiste à ironiser sur l'initiative catholique du Jour de prière  [2] en l'amalgamant à la Supplique adressée au pape hier par un réseau de catholiques français.

Cette supplique n'est pas une supplique. C'est un texte bizarre, à lire entre les lignes : une tentative de pression politique sur le pape, déguisée en témoignage du ''malaise'' que les lois sociétales de Hollande donnent aux signataires. Ce texte engendre donc, lui aussi, un certain... malaise  : a) il prétend informer le pape, alors que celui-ci était déjà parfaitement au courant ; b) il vise en réalité à lui dicter ce qu'il doit dire à son visiteur, outrecuidance envers n'importe quel pape... et en particulier envers celui-là, expert en entrevues officielles difficiles. La façon dont le texte de la supplique est rédigé montre d'ailleurs, non sans maladresse, que ses auteurs sentent le scabreux de leur démarche : ils citent au pape trois de ses propres formules comme pour excuser leur entreprise ; formules sorties de leur contexte et ainsi déformées dans leur sens. Cette pseudo-supplique, et son relatif succès de signatures, en disent long sur la confusion des esprits en France. On y retrouve l'empreinte de ce que Mgr Daucourt a appelé les ''athées pieux''.

Mélanger pseudo-supplique et ''jour de prière'' est donc dans l'intérêt de ceux qui n'aiment pas le catholicisme...

Mais ce mélange n'est pas plausible, parce que le ''jour de prière'' n'est pas une tentative de pression sur le pape ! C'est exactement le contraire : s'en remettre à Dieu ''dans l’espérance que nos dirigeants prennent plus en compte les préoccupations des Français et gouvernent selon la justice, dans le souci du bien commun''. (On trouvera dans notre note d'hier le texte de la prière proposée).

Au fait, qu'est-ce que les deux François vont se dire ? Je vous l'ai dit : attendons. Et nous ne saurons pas tout.

 

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[1] formule de Fabrice Hadjadj dans son livre La foi des démons (Albin Michel). Lecture indispensable.

[2]  Notre note d'hier.

 

 

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Le chef de l'Etat a-t-il droit à une ''vie privée'' ?

Et que veut dire "vie privée" à l'ère de l'exhibitionnisme de masse ?

 

Annoncée hier, la séparation officielle de FH et VT met fin à trois semaines de comédie de boulevard au cours desquelles on a entendu les médias marteler, non sans cynisme, que ''la vie privée'' était un ''droit''.

Ce slogan a-t-il un sens ? À mon avis, non.

- Non, d'abord dans l'absolu et s'il s'agit du président de la Ve République. C'est ce que j'ai soutenu vendredi matin contre Philippe Tesson à Choisissez votre camp, l'émission de Valérie Expert (LCI). Incarner l'Etat – avec pleine puissance régalienne en théorie – impliquerait de se laisser saisir par le rôle, déposséder de tout repli personnel. Certes la droite a fait dégénérer la fonction, en deux étapes : 2000 (la réforme du quinquennat, d'où campagne électorale permanente), et 2007-2012 (l'omniprésidence : un activisme de lapin mécanique, ou médiatique, voué au commentaire et à l'agitation ; le président suivant finit par dédier des interventions à Inna ou Leonarda). Mais cette dégénérescence du rôle ne restitue pas un ''droit à la vie privée'' : au contraire, elle traîne l'intimité du président sous les projecteurs. C'est la logique de la mise-en-spectacle, à laquelle rien ne résiste.

- Mais cette logique n'est pas réservée aux leaders, ni même aux people. Elle est globale. C'est celle de la société spectaculaire marchande de masse parvenant au stade prédit depuis quarante ans (Debord 1967)... La notion de vie privée n'a plus de sens à l'époque des réseaux d'exhibitionnisme individuel, nommés ''sociaux'' par antiphrase. Et les allusions hypocrites au ''respect de la vie privée'' sont là pour émoustiller le spectateur, qui souvent met en scène sa propre vie privée sur Facebook. Le voyeurisme généralisé s'étend à la vie petite-bourgeoise, loin de la scène politique mais tout près quand même de la Machine communiquante : ce matin un journal de 8 heures nous a informés que le salon de la lingerie était ''marqué cette année par la vague sado-maso et fétichiste'' ; les Bidochon font savoir sur les réseaux sociaux qu'ils pratiquent le sexe de l'extrême, comme si c'était du ski hors piste. Comment parler de vie privée dans ces conditions ? Les lieux communs demandent à être redéfinis.

 

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”Le Christ m'a envoyé annoncer l'Evangile”

Aujourd'hui, la première lettre de saint Paul aux Corinthiens (commentée par le pape François) :

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1ère lettre aux Corinthiens 1, 10-13.17

François, méditation matinale, 8/05/2013 :

<< Demandons à saint Paul le courage apostolique, la ferveur spirituelle, la certitude en Dieu, car quand l'Eglise perd ce courage apostolique, elle devient une Eglise immobile, une Eglise rangée, belle mais sans fécondité, car elle a perdu le courage d'aller aux périphéries, où tant de personnes sont victimes de l'idolâtrie, de la mondanité, d'une pensée faible... >>

 

Le courage apostolique consiste à ''aller vers les périphéries'', en étant conscients – nous rappelle aussi François – qu'elles ne se vivent pas comme ''périphériques'' mais comme centrales, ou plus exactement comme normales : elles pensent être le monde normal, et regardent les croyants comme des anormaux. C'était ainsi dans les premiers siècles. Et c'est l'ambiance de toute évangélisation. Evangéliser ne consiste pas à débarquer comme un exproprié furieux, ni comme un donneur de leçons. Evangéliser, c'est témoigner concrètement par sa vie de ce qu'est... l'Evangile. Et à la grâce de Dieu : le risque de passer pour des dingues est inévitable. Mais ce qu'on peut éviter, c'est de passer pour des prétentieux ; l'étincelle d'intérêt pour le Christ et l'Evangile, ce n'est pas nous qui l'allumons mais l'Esprit Saint, qui souffle où (et quand) Il veut.

Pour braver le ridicule comme saint Paul à Athènes, par exemple en envisageant – en public – qu'un mot dit par Jorge Bergoglio soit capable de germer un jour dans l'esprit de Hollande, faut-il même du courage ? Le ridicule ne tuait qu'à la cour : laissons la nostalgie de Versailles à ceux qui défilent en scandant : « nous re-fu-sons ! qu'on se moque-de-nous ! », ce qui a le défaut non d'être ridicule mais d'être antipathique, et surtout de faire la sourde oreille à l'appel de saint Paul.

 

 

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