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23/03/2016

Le pape, l'Evangile et le maire de Béziers

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Robert Ménard vient de rater une nouvelle occasion de se taire :


 

 

Le Jeudi Saint pour la cérémonie traditionnelle du lavement des pieds, le pape choisit chaque année des personnes en situation difficile, en des lieux symbolisant « les périphéries de l'humanité d'aujourd'hui ». En 2013, dans une prison de Rome, il a lavé les pieds de douze détenus dont deux jeunes filles : une catholique, une musulmane. En 2014, dans un centre médical de la banlieue romaine, il a lavé les pieds de douze malades (hommes et femmes) dont un musulman. En 2015, ceux de six détenus et six détenues de deux prisons de Rome, dont plusieurs musulman(e)s... « Signe de l'attention que l'Eglise accueille à l'univers carcéral », avait commenté l'aumônier de la prison de Rebibbia, ajoutant : « Cela touche beaucoup les détenus, qui se sentent ainsi fils de Dieu, aimés par l'Eglise et le pape. »

En 2016, François a choisi le centre d'accueil de Castelnuovo di Porto, au nord de Rome, pour y laver les pieds de douze Africains demandeurs d'asile : « en geste d'attention à leur condition », a annoncé Mgr Fisichella (responsable du Jubilé de la miséricorde). Le prélat ajoute que beaucoup de ces Africains ne sont pas des catholiques, et que ce sera « une façon d'indiquer la voie du respect comme voie maîtresse pour la paix » : «Des millions de réfugiés sont en train de montrer au monde les traits réels d’un nouvel exode qui déplace des masses de gens abandonnés, sans maison ni patrie. Ils s’enfuient à contrecœur sous la pression de la violence gratuite, de la guerre inutile, et des morsures de la faim, vers des destinations qui souvent sont le fruit de l’imagination plus que de la réalité.»

Faire face à cette situation redoutable avec équilibre et sans injustice, serait du ressort des autorités européennes. Elles s'en montrent incapables, pour des raisons que le pape analyse avec sévérité dans l'encyclique Laudato Si'.

Mais leur incapacité ne doit pas pousser les catholiques à cesser de se comporter en chrétiens ! Au moins peuvent-ils comprendre le geste du pape, dont la mission est d'incarner l'Evangile en action.

D'où l'étonnement que l'on éprouve devant certaines paroles, quand elles sont prononcées par des gens qui se présentent comme catholiques (voire « catholiques pratiquants »), mais ne cessent d'attaquer le pape dans les domaines les plus variés : sociétaux, sociaux, politiques, économiques et écologiques. Exemple : Robert Ménard, maire de Béziers. Sur son compte Twitter officiel (08:55 - 22 mars 2016), il écrit : « L'Europe frappée par les attentats. Pendant ce temps là, le Pape décide de... laver les pieds de douze #migrants ! #Bruxelles ».

C'est un nouvel exemple de ce que Sylvain Chazot (voir ci-dessous note 2) appelle le « grand n'importe-quoi de Robert Ménard ».

En février, M. Ménard confondait les Mexicains catholiques et les Arabes musulmans [1].

En mars, il confond les migrants en général et les assassins de Bruxelles ; par surcroît, il confond les Africains et les Arabes.

M. Ménard se présente non seulement comme catholique mais comme « pratiquant », voire « fervent ». Il faudrait s'entendre sur ces termes [3]. Mais si c'est vrai, c'est une circonstance aggravante. Il est étrange de voir un catholique pratiquant (a fortiori si c'est un personnage public) exclure une partie de l'humanité du rite du Jeudi Saint, et appeler deux millions de Français (les usagers de Twitter) à considérer tout immigré comme un tueur potentiel...

Il est vrai que M. Ménard ne rate pas une occasion de tirer sur le pape : on en trouvera un autre exemple dans les deux notes ci-dessous.

 

 

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[1]  20 minutes, 19/02 - << Le maire apparenté FN de Béziers, pourtant fervent catholique, a défendu Donald Trump dont la démarche « n’est pas chrétienne », a estimé le souverain pontife. Provoquant la colère du candidat à la primaire républicaine aux Etats-Unis, le pape François a estimé jeudi qu'« une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne », en réponse à la question d’un journaliste sur les positions anti-immigrés du milliardaire américain. Sans attendre, Robert Ménard, habitué aux polémiques, a répondu à l’héritier du trône de Saint-Pierre ce vendredi via son compte Twitter. : « Les chrétiens attendent du pape qu'il défende la Chrétienté, pas sa submersion par l'immigration... #Trump #Papefrancois ». Interrogé par Le Scan du Figaro, l’édile poursuit : « Le pape devrait s’occuper un peu plus des prérogatives qui sont les siennes. Je ne crois pas à l’infaillibilité papale ». « On peut aussi être catholique pratiquant comme je le suis, et ne pas être d’accord avec toutes les positions prises par le pape », rappelle encore l’ancien directeur de Reporters sans frontières, qui s’invite dans la primaire américaine en tentant de rediriger les débats. « Il dit avec les mots des gens ce que les gens ressentent, c’est important », souligne Robert Ménard au sujet de Donald Trump... >>

 

[2]  D'où la mise au point de Sylvain Chazot sur le site d'Europe 1 : http://lelab.europe1.fr/le-grand-nimporte-quoi-de-robert-menard-a-propos-du-pape-des-migrants-mexicains-et-de-donald-trump-2672515

<< Le problème de Robert Ménard est que, dans ce cas spécifique, il mélange un peu tout. Il suffit, pour s'en apercevoir, de s'intéresser aux propos du pape François et de Donald Trump. Jeudi 18 février, dans l'avion qui le ramenait du Mexique, le souverain pontife a estimé qu'"une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne". Une référence au mur qu'entend bâtir Donald Trump le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Cette déclaration n'a pas du tout plu au candidat à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle américaine. "Qu’un responsable religieux mette en doute la foi d’une personne est honteux. Je suis fier d’être chrétien et, en tant que président, je ne permettrai pas que la chrétienté soit constamment attaquée et affaiblie", a répondu Donald Trump.Voilà qui fera plaisir à notre Robert Ménard national, qui estime que "les chrétiens n'attendent pas du pape qu'il défende la "submersion" de la chrétienté "par l'immigration". Sauf que…Sauf que le pape François et Donald Trump s'affrontent au sujet de l'immigration mexicaine vers les États-Unis. On imagine pourtant que, quand Robert Ménard parle de "submersion de la chrétienté par l'immigration", il pense à des migrants d'une autre religion (on vous laisse deviner laquelle).  Or, les Mexicains sont à une très large majorité chrétiens (92,4%, dont 82,7% de catholiques selon les chiffres de l'Instituto Nacional de Estadística y Geografía de 2010). Il est donc très cavalier de voir dans l'immigration mexicaine une "submersion" de la chrétienté, d'autant que 68% des Américains sont chrétiens, dont 21% de catholiques. En voulant surfer sur une actualité brûlante, en essayant de transposer par tous les moyens une problématique américaine sur le terrain hexagonal, Robert Ménard dit un peu n'importe quoi... >>

(Fin de la note de Sylvain Chazot, lelab.europe1).

 

[3] Installer belliqueusement une crèche dans une mairie dont ce n'était pas la tradition, c'est détourner Noël au service d'un combat politique. La « ferveur » n'a rien à y voir.

 

 

Commentaires

MALIN

> C'est l'heure des ténèbres. Pour les forces du mal la bonne heure, elles entrent dans nos âmes autant que dans celles des agresseurs. Nous faire devenir aussi haineux et sectaires qu'eux, aussi fourbes dans les sophismes pour prôner une violence et injustice comparables ? tour de force du Malin. Et si c'est au nom du catholicisme c'est le pire du pire.
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Écrit par : Marie-André Chaval / | 23/03/2016

"PRATIQUANTS"

> "Catholiques pratiquants", "fervents" etc, mais ces mots veulent dire quoi ? Si c'est pour faire de l'identitaire et mettre le religieux au service du partisan, c'est de la simonie : faire du trafic avec la religion.
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Écrit par : a. ancelin / | 23/03/2016

FERVEUR

> Il y avait de la ferveur autour de Staline. On peut sentir de la ferveur devant des mises en scène (Puy-du-Fou l'autre jour). La ferveur est une émotion, l'émotion n'a rien à voir avec la foi mais bcp avec la pub, ou l'auto-promotion de politiciens dans le cas présent.
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Écrit par : Bernard Tény / | 23/03/2016

> Il y a un genre de "catholiques pratiquants" à qui on a envie de dire : ce que tu as à faire, fais-le vite.
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Écrit par : Job Simon / | 23/03/2016

NÉOCONS PAS CATHOLIQUES

> Le propos de R. Ménard sur la subversion de la chrétienté par l'immigration mexicaine pourtant catholique est révélateur de la vision de cette droite qui réduit la chrétienté à un certain protestantisme nord-américain, dont la figure de proue est le courant "néocons". Le bouquin d'Huntington 'Civilisations clash' décrivait déjà cette façon de voir: si l'Europe latine de tradition catholique est annexée à cette Amérique dans un Occident atlantique, l'Amérique latine en est exclue.
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Écrit par : Pierre Huet / | 23/03/2016

NOCH FRIEDRICH

> Honnêtement, vous ne trouvez pas que la vision que le pape se fait de ce phénomène actuel de migration est excessivement mièvre et sentimentale ?

Bernard Couture


[ PP à BC - C'est ce que Nietzsche disait de l'ensemble de l'Evangile. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Bernard Couture / | 24/03/2016

à Mme Jul. D.
Je n'ai pas connu la personne dont vous me parlez : je n'étais pas au quotidien mais au magazine, qui à l'époque étaient deux entreprises séparées, dans deux immeubles différents.
Cordialement
PP.
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Écrit par : PP à Mme Jul. D. / | 24/03/2016

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