24/03/2016
"Nous devons maintenant travailler nous-mêmes..."
Le Jeudi Saint vu par Hans Urs von Balthasar et Louis Bouyer :
► Hans Urs von Balthasar :
<< Le lavement des pieds est la « preuve de l'amour qui va jusqu'au bout » (Jean 13,1). Un acte d'amour que Pierre, on le comprend, ressent comme ce qui est complètement inadmissible, comme le monde à l'envers. Mais justement ce renversement est ce qui est le plus droit, ce que l'on doit d'abord laisser arriver pour soi (et cela aussi exactement que le Seigneur le fait, ni plus ni moins), en acceptant* d'être humilié par son amour indépassable, pour ensuite en prendre « exemple » (Jean 13,14) et accomplir le même abaissement d'amour à l'égard de nos frères. C'est dans l'évangile la démonstration tangible de ce qui sera, immédiatement après, donné à l'Eglise dans le mystère de l'eucharistie... Paul rapporte ce qui « lui a été transmis » : la prière d'action de grâces de Jésus sur le pain. « Ceci est mon corps donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » De même avec la coupe qui est « la nouvelle Alliance établie par mon sang ». Et Paul ajoute : tout repas eucharistique est « la proclamation de la mort du Seigneur ». La cérémonie vétérotestamentaire de l'agneau pascal revêt maintenant son sens ultime, d'une profondeur insondable : « le corps donné pour vous, l'Alliance dans le sang », signifie un don d'extrême amour, à tel point que celui qui se sacrifie devient nourriture et boisson de ceux pour lesquels il se livre. Et plus encore, ce sacrifice est remis aux pleins pouvoirs des bénéficiaires : « Faites ceci », et pas simplement « recevez ceci »... C'est comme si l'extrême que nous puissions nous représenter : l'Homme-Dieu qui se donne à nous, ses meurtriers, en nourriture pour la vie éternelle, s'était dépassé encore une fois : nous devons maintenant travailler nous-mêmes – en offrant au Père l'acte sacrificiel du Fils – à ce qui nous a été fait... >>
► Louis Bouyer :
<< Présence du « mystère », c'est-à-dire du Christ et de sa croix, dans « l'action de grâces » par laquelle l'Eglise reçoit l'un et l'autre : mémorial que Dieu lui-même nous a donné pour que nous le lui re-présentions sans cesse, sacrifice dont le Christ demeure à jamais l'offrant et la victime, mais où lui-même nous associe à lui en cette double qualité, l'eucharistie est enfin communion. C'est-à-dire qu'en nous alimentant au pain vivant, unique pain descendu du ciel pour donner la vie au monde, en même temps qu'elle nous recueille dans ce corps de sa chair où le Christ nous a réconciliés ensemble avec son Père, elle nous réconcilie et nous réunit tous en Lui. C'est ainsi que l'Eglise s'édifie dans l'eucharistie, comme le corps du Christ où nous devenons membres les uns des autres en devenant tous les membres du Christ : cf. Jean 6 ; Colossiens, 1 22 ; 1 Corinthiens, 10 17. >>
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* Le réflexe de Pierre (Jean 13,8) est de ne pas accepter le signe du lavement des pieds : il se choque de voir son maître s'humilier. Mais tout de suite après, il accepte ce signe, parce que le Seigneur lui a dit de l'accepter et qu'il garde confiance en sa parole (Jean 13,9)... Aujourd'hui certains** refusent leur confiance et n'acceptent pas le signe de ce Jeudi Saint 2016 : voir le pape aux pieds de migrants leur donne un sentiment de « trahison »... Comparons avec l'événement d'il y a deux mille ans : pourquoi Jésus a-t-il été lâché par Judas ? « Parce que Judas se sentait trahi par les actes et les paroles de Jésus », supposent beaucoup d'exégètes. De Jésus ou de Judas, on sait lequel était dans le vrai.
** voir la note d'hier.
11:02 Publié dans Pape François, Témoignage évangélique | Lien permanent