Ce qui va naître du 13 janvier 2013

 Un mouvement transversal et inédit :

 

 

Succès de masse ! La foule était immense. Certainement plus de huit cent mille personnes : à la nuit tombée, après la fin des discours au Champ-de-Mars submergé par la foule, des cortèges arrivaient encore de l'autre bout de Paris, sous la pluie, traversant le pont de l'Alma en scandant : "On veut des emplois, pas de la loi Taubira !"

Outre le succès quantitatif [1] de cette journée et son succès moral, retenons les avancées idéologiques. On mesure le déplaisir des caciques UMP, dans la foule, entendant certaines interventions sur le podium : Laurence Tcheng dénonçant l'utralibéralisme, ou les porte-parole des Poissons roses affichant leur appartenance au PS. Voici le texte intégral de leurs témoignages :

 

Philippe de Roux : « Notre mouvement politique rassemble des militants et des élus du PS, ainsi que des sympathisants de gauche. Aujourd'hui, nous avons répondu présent. La valeur du mariage républicain, de la parité, de l’égalité des droits des enfants, en particulier sur l’accès à leurs origines, n’est ni de droite ni de gauche. Tout comme Sylviane Agacinski, Lionel Jospin, Georgina Dufoix, Gérard Collomb, Bernard Poignant, Jérôme Vignon, Jean-Baptiste de Foucauld, les députés PS Jean-Philippe Mallé et Dominique Potier ou tous les maires de gauche ici présents, les Poissons Roses ne sont ni rétrogrades, ni homophobes ! Nous sommes au contraire un lieu de débat à gauche sur les questions d’éthique sociale, inséparables des questions de justice sociale, sur lesquelles nous sommes aussi très militants. Dans notre monde complexe, l’esprit de résistance n’est pas toujours là où on voudrait nous le faire croire…

La reconnaissance sociale des personnes homosexuelles, la sécurisation juridique nécessaire de certaines situations ou la lutte implacable contre les discriminations ne trouveront pas de réponse dans une déformation du mariage républicain. C’est bien parce que le mariage est inséparable de la filiation, que ce projet de loi est le frisson de la démesure. Or partout où il y a de la démesure, il y a de la précarité et donc de l'injustice. De plus en plus de personnes homosexuelles sont avec nous pour le reconnaître publiquement.

Nous avions proposé dès septembre des états généraux sur le mariage républicain. Pour traiter ce sujet crucial et très complexe, il faut une enceinte qui transcende les partis. Il faut un lieu libéré de la tyrannie du temps médiatique, un lieu d'écoute où les concitoyens seront invités à être des contributeurs actifs, pour éclairer le législateur, à la manière de ce que le gouvernement a déjà proposé pour d'autres sujets. Enfin, les états généraux permettront de restaurer la confiance et d'éviter de parasiter le calendrier des mesures anti-crise. Les Poissons Roses sont prêts à contribuer à cette aventure citoyenne. Nous sommes les héritiers d’un courant de pensée constituant aussi l’ADN de la gauche, une gauche que nous aimons et qui doit être porteuse de débat, sur tous les sujets.

Or jusqu'à présent, la méthode retenue a nourri les faux clivages, les accusations des uns, les anathèmes des autres, pour la plus grande confusion des familles, des enfants et des personnes homosexuelles. Sur cette question du mariage et de la filiation, nous appelons le Président de la République à changer de méthode, à promouvoir à nouveau la raison et la paix.

Pour conclure, ces fortes tensions auront eu un mérite : celui de nous faire réfléchir collectivement à notre « socle anthropologique », un prélude peut-être à une grande réconciliation citoyenne. On ne compte plus les initiatives dans tout le pays… Sans refonder notre vision de l'homme, de la femme, de l'enfant, comment accueillir la différence, en particulier la différence sexuelle, comme la différence d'orientation sexuelle ? Comment inventer ensemble le nouveau modèle de croissance ? Comment faire advenir une vraie justice sociale ? Ce sont des enjeux qui devront nous mobiliser tout aussi massivement, dés demain.

Cette grande fête bleu-blanc-rose est une bonne nouvelle. Vous êtes la promesse d'un changement profond, la preuve que la modération, au sens noble du terme, a réinvesti le champ politique, au grand dam des ultras de tous bords dont nous étions les otages. C'est de très bon augure pour notre pays. Le fantasme d'une fausse liberté entre des individus solitaires doit désormais céder la place à la société du lien entre des personnes solidaires ! »

Nestor Dosso : « Comme vous, aujourd’hui, je suis là pour m’exprimer. Oui j’ai voté et appelé à voter François Hollande. Je suis profondément de gauche. Militant du PS et conseiller municipal au sein d’une majorité de gauche d’une ville de 25 mille habitants, si je suis là, c’est pour dire :

Non au débat tronqué sur ce projet de loi sur le « Mariage pour tous ». Que l’écoute dont nous avons bénéficié au PS, lorsque nous avons eu la possibilité de nous exprimer, soit portée à l’échelle du pays. Dans ma section, il n’y a pas eu de débats sur la question la Procréation Médicalement Assistée, de la Gestation Pour Autrui et de l’Adoption pour les couples du même sexe. La démocratie participative ne doit pas avoir peur de s’exprimer sur les questions d’éthique qui touchent tous nos concitoyens.

Je dis oui aux états généraux du mariage républicain afin que tous les aspects psychologiques et juridiques soient débattus et les droits de l’enfant pleinement réaffirmés. Les états généraux permettront le respect des différences et une ouverture plus franche pour un périmètre de la loi mieux adapté, afin de sécuriser les droits de nos concitoyens vivant dans l’anonymat et l’illégalité.Je dis non à une manipulation de l’opinion qui met en avant le sentiment amoureux, dont la durée n’est jamais garantie, pour justifier une filiation bricolée. La théorie du « gender », selon laquelle il n'y a pas d'autre différence entre les sexes que l'anatomie, est en train de balayer les fondements anthropologiques de la personne. Ce relativisme ambiant dans un contexte de grande précarité menace la société française.

Je suis divorcé et remarié. Je ne sais que trop le résultat de la précarité familiale qui est la première injustice sociale. Elle n’est souhaitable pour personne car elle est destructrice de la personne humaine. Ce sera dramatique d’y ajouter une précarité affective et psychologique d’un plus grand nombre de jeunes français en quête d’identité.

Je dis non à la vente d’illusion à une communauté gay en recherche de reconnaissance. Ce combat pour la reconnaissance est légitime. Mais sur quels critères un enfant adoptable sera-t-il attribué à un couple homosexuel plutôt qu’à un couple hétéro ?

Ayant adopté récemment une petite fille, je sais les vicissitudes et les difficultés que cette démarche comporte et j’appelle mes compatriotes à un débat apaisé et constructif pour la France que nous aimons tous. »

 

Ces témoignages de gauche sur le podium réfutent l'image d'une "mobilisation de droite" ; raison pour laquelle les radios et les télévisions [2] les ont passés sous silence, préférant mettre en scène Mme Boutin (qui n'était pour rien dans la manifestation) et Jean-François Copé (en compagnie d'Eric Woerth, gracieux duo).

Quel sera le fruit de cet immense rassemblement populaire ? Faire reculer le projet Taubira ? Même si François Hollande recevait les organisateurs (ce qu'il ne semble pas vouloir faire), il n'aurait rien à leur dire puisque : a) le mariage homosexuel est sacré, b) cette bataille sert à nous occuper l'esprit pendant que le pouvoir cafouille dans la crise : "enfumage" dénoncé dès novembre par un élu du Front de gauche.  (ici)

Le véritable fruit du 13 janvier 2013, c'est ce qu'a annoncé Tugdual Derville : la naissance d'un grand mouvement qui militera pour "l'écologie humaine". Un courant de résistance à la marchandisation du vivant, un courant populaire pour une société nouvelle ! Sur ce terrain, un large accord peut se réaliser, très au delà des milieux catholiques, avec tous ceux qui commencent à comprendre ce qu'est le système... et l'urgence de lui échapper.

 

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[1] nié par le ministère de l'Intérieur, dont les évaluations numériques ont fait sourire même des journalistes. (Ceux qui étaient allés sur le terrain, bien sûr : pas les potiches de plateau qui récitaient du Taubira avec un air condescendant).

[2] sans parler du mauvais petit "reportage" de Libération, ce matin.

 

Le cortège 2, venant de Denfert s'engage dans le boulevard Pasteur.

(photo de notre ami Denis)