15/03/2007
Le refus d’aimer, en politique ou en religion
Diatribe d’un journaliste bobo, hier soir sur i-TV :
Parlons politique, pour une fois. Mais sous l’angle moral. Hier soir, au débat électoral de la chaîne i-Télévision, Sylvain Bourmeau (du magazine bobo Les Inrocks) s’est lancé – à propos de Sarkozy et de l’identité nationale – dans une diatribe contre l’idée d’aimer la France. « Je ne comprends pas cette notion », a-t-il tranché. Pour lui, un pays n’est pas une civilisation, à qui l’on doive quelque chose de profond et que l’on puisse aimer ; ce n’est qu’un état de choses technique avec lequel l’individu n’a que des rapports matériels.
Il y a trois jours, un lecteur français de Libération écrivait que la France lui inspirait une indifférence complète. C’était la même carence que M. Bourmeau : une fibre atrophiée, au mental et au moral.*
Qu’en déduire ? Alain Finkielkraut (haï par les bobos) revient souvent sur ce problème : l’individu d’aujourd’hui a perdu le sens de la gratitude, notamment dans les domaines de l’esprit. Il croit ne rien devoir à la civilisation. Il se pense « enfant de personne »**. C’est le résultat de l’air du temps, dont les Inrocks sont un symptôme-limite. Et ça s’applique à tout. On retrouve ce refus de toute gratitude culturelle – et spirituelle – dans le rejet de la pensée catholique par une partie des catholiques en Occident : eux aussi croient que tout tourne autour de leur nombril. Ils refusent tout ce qui est transmis. Ils révoquent même la Révélation. Ca donne par exemple le mouvement Nous sommes l’Eglise, qui est au religieux ce que les Inrocks sont au sociétal... (Seule différence : M. Bourmeau a trente ans de moins que les « catholiques critiques »).
Le refus de gratitude est un effet de la société de consommation, qui rabat l’individu sur l’éphémère. Il est donc comique de voir les bobos des Inrocks (ou les papys de Nous sommes l’Eglise) se poser en rebelles, alors qu’ils appartiennent au grand hypermarché.
______
(*) titre d’un livre de Jacques de Guillebon.
(**) Je ne tombe pas dans le barrésisme ! Le patrimoine de civilisation d'un pays n'agit pas comme un déterminisme . Mais on ne peut pas non plus nier sa part dans notre vie d'esprit. Ni prétendre que cette part n'est pas une richesse, méritant une gratitude.
07:50 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : campagne présidentielle, nation, France, politique, catholicisme, Eglise, Europe
Commentaires
RAPPROCHEMENT
> Vous ne rapprochez pas abusivement le politique et le religieux, là ?
BlH
[De PP à BlH - La comparaison vaut sur un seul point, anthropologique : le parimoine religieux et le patrimoine de civilisation sont rejetés, en tant que patrimoines, par l'hyper-individualisme matérialiste mercantile.]
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Écrit par : B. LeHir | 15/03/2007
MON CAMARADE
> En 1943, un de mes camarades d'école, un grand - il devait avoir dans les 16 ans - faisait de la Résistance. En 1944 il a été fusillé sur le bord de la route, et très souvent, je me suis arrêté à cet endroit où sa vie s'est arrêtée. Quand le lis, ou j'entends des paroles comme celles de Mr Bourmeau, je crois entendre mon camarade me susurrer à l'oreille : tu ne crois pas que j'ai été un peu con ?
Écrit par : manicia | 15/03/2007
L'ECOLE AUSSI
> L'école, ou plutôt ceux qui rédigent les programmes scolaires, a aussi sa part sa part de responsabilité. On n'enseigne plus la civilisation grecque mais la démocratie athénienne et ses imperfections, ni même même la civilisation hellénistique mais Alexandrie d'Egypte: un modèle cosmopolite, etc. La notion d'héritage et l'amour de celui-ci, par la beauté notamment, ont disparu des classes au profit d'un zapping ininterompu de "zooms" historiques ou culturels non dénués d'arrières-plans idéologiques. Non seulement les enfants ne savent plus qui ils sont, ni d'où ils viennent mais en plus on ne peut plus intégrer les étrangers qui viennent en France. Mais le veut-on?
Écrit par : VF | 15/03/2007
CONFUSION ?
> Vous confondez, me semble-t-il, deux choses. L'une est l'idée que nous somme tous des héritiers. C'est une évidence. Nous n'avons rien demandé à personne et personne ne nous a rien demandé. Nous avons tout reçu de nos ancêtres, la langue, la culture, les paysages et, pour un pays comme la France, ce qui nous reste de puissance. Le nier serait absurde. L'autre est l'idée que ce que le passé nous a légué est nécessairement bon. Cela est à l'évidence faux. Mes parents sont des catholiques romains parce que c'est la religion (ou la culture) de leurs ancêtres. L'autel fait partie de leur identité, forgée dès la première l'enfance. Nés en Angleterre, ils seraient probablement anglicans et mépriseraient la religion romaine, parce que telle y est la culture dominante: il est un fait que la Réforme a construit l'Angleterre comme le Catholicisme a construit la France. Mais l'histoire n'a rien à voir avec la vérité. Selon ce que je comprends de votre perspective, pour vous, les deux coïncident. Mais posez-vous cette question : né de l'autre côté de la Manche, que seriez-vous aujourd'hui ? Si vous répondez "protestant", vous acceptez que votre religion est un produit de votre culture, et n'a donc pas de valeur intrinsèque. Si vous répondez "catholique", vous devez admettre que la recherche de la vérité peut entraîner non pas l'amour mais le rejet (et même un rejet violent) de tout le patrimoine historique et culturel de la nation où vous avez vu le jour.
L'A.
[De PP à l'A. :
a) Ma famille a quitté l'Irlande au XVIIIe siècle afin de ne pas devenir protestante sous la pression "nationale" anglaise ! D'autre part, en ce qui me concerne, je suis passé de l'athéisme philosophique au catholicisme il y a vingt ans. Si quelqu'un n'est pas déterministe en matière religieuse, c'est bien moi - je suis confus de devoir vous l'indiquer.
b) En politique non plus, je ne suis pas déterministe, comme je le précise dans ma note en bas de page. Et je ne pense aucunement que tout le passé soit bon. Pourquoi me prêtez-vous une telle idée ?
c) Je n'ai jamais dit que la foi religieuse était le produit d'un déterminisme culturel. Je pense exactement le contraire, comme tous les chrétiens. Et je suis en désaccord formel avec ceux qui font du catholicisme une annexe de l'identité nationale, ainsi que je l'ai écrit souvent dans ce blog ! Etes-vous sûr de m'avoir bien lu, ou polémiquez-vous avec quelqu'un d'autre, à propos d'un autre texte ?
d) Cela dit, la théologie catholique, et toute la Révélation, sont une transmission depuis deux mille ans : de génération en génération. Et c'est cet aspect (la transmission) qui est rejeté par la société actuelle, dans le domaine religieux comme dans les autres. Là s'arrête la comparaison. Le politique et le religieux, le culturel et le spirituel, ne sont pas de même nature et ne se superposent pas. Ne me faites pas dire ce que j'ai pas dit.]
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Écrit par : l'Anglais | 15/03/2007
JINGLE
> Il y a quatre ou cinq ans, une personne avait fait une remarque qui m'avait choqué à l'époque; elle avait dit: les Français ne considèrent la France que comme une gigantesque compagnie d'assurances qui nous doit toutes les protections mais à laquelle on ne doit rien, une fois payés les impôts et les cotisations diverses et variées. Et elle ajoutait, la "Marseillaise" n'est plus que le jingle de la compagnie d 'assurances. Il me semble mieux reconnaître aujourd'hui la pertinence de cette remarque.
Écrit par : BH | 15/03/2007
LE GRAND SCANDALE
> Cet article me fait penser à mes années collège (années 90) : le grand scandale à l'époque était que les jeunes (et moins jeunes) ne se sentaient pas Européens mais seulement Français. Il y a eu des années de campagne dans toute la presses jeunes (Bayard inclu, pour ne pas dire en premier) afin de gommer l'identité nationale.
B.
[De PP à B. - Le malaise en Europe est né quand le chantier de construction de l'UE s'est mis à fonctionner "contre" l'élément national, au lieu de le prendre comme matériau de l'édifice. Ce dérapage a coïncidé avec le triomphe du globalisme financier ultralibéral. Et on en a vu l'équivalent dans le domaine culturel. Voilà les faits, tels que le verront les historiens de l'avenir ; les constater ne fait pas de nous des anti-européens ni des "intégristes passéistes".]
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Écrit par : Boris | 16/03/2007
CHIFFON ROUGE
> NS en a trop fait ! Qu'est-ce que ça peut être une "Direction Générale de l'identité nationale" ? Oui a un Ministère de la Population, délivrant les visa, mais il est inutile d'agiter un chiffon rouge...
Le mot "identité" nationale est quand même un peu gênant car il semble vouloir enfermer dans une définition formelle a priori (du genre "la république", la "laïcité", ou n'importe quoi en fait).
Alors que la France, comme tout pays, c'est un héritage extrêmement divers et contradictoire, qu'il faut aimer et revendiquer comme notre "raison de vivre ensemble", sans se laisser contrôler par des lectures idéologiques spécifiques et toujours partielles. (cf la phrase de M Bloch)
Bien sûr, comme dans toute famille, il y a du bon et du moins bon, il ya des choses qu'on ne comprend plus très bien, on se dit "j'aurais peut-être fait différemment", mais, comme dans une famille, on prend quand même.
Je crois que c'est ste Thérèse, qui sur un plan plus large disait "je prends tout !". Pour moi, c'est cela aimer la France comme patrie. Que nos ancêtres réels aient été ceci ou cela (ils furent si nombreux et sont si inconnus), nous revendiquons comme ancêtres ceux qui ont laissé leur trace sur le sol où nous nous inscrivons nous-mêmes (c'est le sens de la référence aux gaulois, pensons aux anglais qui ont l'intelligence de revendiquer Arthur alors qu'il luttait contre les anglo-saxons).
Bien sûr une nation, ce n'est pas seulement une patrie, c'est aussi un Etat (le présent) et un peuple (une volonté d'avenir commun);
Personnellement en politique, je me concentrerais surtout sur les maladies de ces deux-là.
Cordialement
J.
[De PP à J. - D'accord avec vous et avec Marc Bloch.]
Écrit par : julius | 16/03/2007
BRETAGNE
> D'accord avec l'Anglais, l'histoire n'a rien à voir avec la vérité, et j'ai souvent éprouvé la même tristesse désabusée que Manicia devant les listes de noms sur les monuments aux morts de nos villages...
Mourir pour la liberté, oui, pour défendre la dignité de l'homme, oui, pour un pays, non...
Quant au parallèle avec la religion, il ne tient pas. La foi est une adhésion personnelle qui se transmet par le témoignage et non dans un paquetage.
Le français est la langue où je suis le plus à l'aise et informe donc en partie ma pensée puisque mes parents et mes grands-parents sans avoir jamais quitté la terre de leurs ancêtres ont été contraints par tous les moyens les plus dégradants et les plus culpabilisants d'abandonner leur langue, au nom des mêmes "valeurs" typiquement françaises qui ont voulu exterminer le culte catholique depuis la Révolution.
Mais je suis restée, comme tous les miens, malgré toutes les pressions, qu'on les ait nommées républicaines, laïques, tolérantes, droitdel'hommistes ou politiquement correctes, foncièrement imperméable à cette volonté de mater les consciences.
C'est uniquement gràce à cet esprit de résistance caché que la Bretagne est restée plus catholique que la France, plus arriérée dites-vous dans ce beau pays tolérant et moralisateur...
C'est pour cela aussi que les Bretons se sentent plus Européens que Français, ils ont d'ailleurs voté oui quand vous avez voté non, mais encore une fois leur voix a été étouffée...
Faut-il que la propagande nationaliste ait été forte pour qu'un fils d'immigré irlandais soit devenu fier d'entonner la Marseillaise...
N.
[De PP à N. - Décidément je dois me répéter. Jamais je n'ai dit que la foi se transmettait comme un paquetage, ni qu'elle était le dérivé d'une culture ! Je dis exactement le contraire, et je m'étonne que vous n'en teniez pas compte. La seule comparaison que je fasse est circonstancielle et PSYCHOLOGIQUE : elle vise la "déprime" qui exténue l'Occidental contemporain, dans tous les domaines. Là dessus, je me permets de vous conseiller de lire ma note du 17 mars à propos de Braudel.
Ne laissez pas votre amour de l'Emsav envahir votre jugement, et ne changez pas le sujet du débat, svp. Où ai-je jamais dit que la Bretagne soit arriérée ? J'y passe une grande partie de mon temps depuis mon enfance, et je connais le mouvement breton aussi bien que vous - pardon de devoir vous le dire.
Par ailleurs, je n'ai pas une particulière affection pour la Marseillaise. Et la boucherie de 14-18, déclenchée par les intérêts financiers (là-dessus Jaurès avait raison), me fait horreur autant qu'à vous.]
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Écrit par : Nolwenn | 17/03/2007
ROIS DE FRANCE
Je relisais la généalogie des rois "de France" (et non "des Français") affichée dans un couloir :
- Louis XII, père du Peuple.
Si je ne dis pas de bêtise, ce surnom désigne en ce roi l'unification des mentalités autour du sentiment national. Les rois de France sont justement "de France" et non "des Français" : ils dirigent un pays et ses habitants. Ils ne dirigent pas une somme d'individualités ...
Le dénigrement du sentiment national est un refus de l'histoire : on entend certains parler des "200 ans de la France", car ils sont incapables d'intégrer que la France existait avant la République...
Écrit par : Boris | 17/03/2007
D'UNE NORMANDE À UNE BRETONNE
> @ Nolwenn - La Normande que je suis trouve votre réaction… typiquement bretonne. Votre charge contre le nationalisme est faite au nom de votre propre nationalisme sans que vous vous en rendiez compte ! A propos d’un problème qui n’avait aucun rapport, vous nous sortez tout le contentieux franco-breton depuis Bécassine jusqu’au référendum de 2005. (Soit dit en passant, votre Europe est aussi christophobe que les jacobins parisiens, lesquels ne sont d’ailleurs même plus jacobins). Allez, je vais raisonner comme vous : c’est honteusement nationaliste que le Couësnon ait mis le Mont en Normandie alors qu’il devrait échapper aux nationalismes, c’est-à-dire être breton.
Écrit par : Chloé A. | 17/03/2007
" IMPRUDENT "
> Je ne veux pas tirer dans mes propres buts, mais je dois dire que c'est en Bretagne (sauf à Vannes) que se prolonge la résistance aux appels de Benoît XVI à améliorer la liturgie du dimanche ! C'est en Bretagne Nord qu'on continue à voir des liturgies n'importe quoi à la façon d'il y a vingt ans... Donc ne nous donnons pas en exemple au reste des populations catholiques, Nolwenn, ça serait imprudent.
Écrit par : Yann-Ber | 17/03/2007
LA PATRIE ET LA RELIGION
> Pour ma part je ne trouve aucun inconvénient à ce que l'idée religieuse recouvre, en France, l'idée de patrie. La patrie c'est ce qui nous est transmis par nos pères et si nous aimons nos pères (et mères bien sûr!) nous aimons aussi notre patrie. Or notre patrie la France ne serait pas la France sans le catholicisme. Peut-être ne serait-elle pas du tout. Qu'il se trouve que la religion de la France soit la religion révélée par Jésus-Christ et qui appartienne à son Eglise est une heureuse coïncidence qui s'explique par le fait que la France s'est construite en même temps que l'Eglise du Christ. Elle est en train de se désagréger d'avoir abandonné l'Eglise. Sa désagrégation ne s'arrêtera que si elle reprend foi en la religion de ses pères.
De même que nous portons en nous le péché originel, nous portons en nous notre religion originelle.
J'ai une amie d'origine marocaine qui aime la France beaucoup plus que bien des Français d'origine, et elle a lu par hasard un Nouveau Testament. Elle en a été éblouie. Elle a eu bien du mal à obtenir son baptême et à se faire enseigner par des prêtres qualifiés. Elle a dû fuir 14 ans sa famille pour assumer sa religion.
Elle est mère de famille et tient absolument à veiller à l'éducation catholique de ses enfants et à leur apprendre l'amour de la France qui lui "a tout donné" dit-elle.
Du moment que nous savons que notre religion est la vraie, autant qu’elle continue de recouvrir la France ! Encore faut-il avoir envie de sauver les âmes, comme Jésus nous l’a demandé.
Écrit par : Gentil Loup | 17/03/2007
La foi est un don de Dieu et une rencontre personnelle et intime. Mais le Christ n'a-t-il pas dit aussi: "allez et baptisez les nations"? La France est née d'un baptême et a une vocation d'éducatrice des peuples. Longtemps, la majorité des missionaires était française. C'est la révolution française qui a transformé l'idée de nation en une idéologie meurtière et athée.
Écrit par : VF | 18/03/2007
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