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09/10/2016

La "dégénérescence du christianisme en simple tradition" est "spirituellement mortelle"

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...car elle fait oublier Jésus-Christ et ce qui est "spécifiquement chrétien", explique l'un des plus grands théologiens du XXe siècle :


 

► Hans Urs von Balthasar, commentant l'évangile de ce dimanche  - où le Samaritain est le seul (des dix lépreux guéris) à revenir rendre grâce et gloire à Jésus :

<< Dix lépreux guéris par le Seigneur - pendant que, sur son ordre, ils vont se montrer aux prêtres. Ceux-ci avaient le devoir de déclarer le lépreux impur (Lévitique 13, 12d), mais aussi de constater une éventuelle guérison et d'annuler le verdict d'impureté (ibid. 16). Il est clair que Jésus seul accomplit le miracle qui se produit pendant que les lépreux vont se présenter aux prêtres ; mais pour les Juifs, dans la maladie, le geste liturgique prescrit dans la Loi est si décisif qu'ils placent tout le sens de la guérison dans la cérémonie prescrite. De même, bien des chrétiens considèrent le fait de "pratiquer" comme le centre de la religion, et oublient alors tout à fait la grâce reçue de Dieu, qui est l'origine et le but du fait "d'aller à l'église". Le but disparaît dans le moyen, qui n'a souvent plus guère de rapports avec ce qui est spécifiquement chrétien, et qui devient pure coutume : tradition irréfléchie. Il faut un "étranger" (le lépreux samaritain) - c'est-à-dire celui qui n'est pas habitué à ce qui est traditionnel - pour percevoir la grâce comme telle et en remercier qui de droit. >>

Les neuf autres ex-lépreux continuent vers le Temple (la Règle, le Non-Négociable, les Valeurs Traditionnelles, l'Identité). Le dixième fait demi-tour : il vit ainsi - littéralement - une conversion. Il court vers Jésus, qui va donc lui dire "ta foi t'a sauvé" : non pas sauvé (négativement) de la maladie, puisque les neuf autres sont guéris aussi ; mais sauvé positivement parce qu'il a identifié la Cause de sa guérison, et qu'il Lui rend grâce et gloire.

 

► Balthasar reprend ces thèmes dans ses commentaires de la première lecture (2 Rois 5,14-17 : la guérison de Naaman le Syrien) et de la deuxième lecture (2Timothée 2, 8-13) :

<< On a besoin de prendre de la distance par rapport à l'accoutumance religieuse [*], pour apprendre ce qu'est le miracle et quelle reconnaissance lui est due. Jésus l'avait clairement dit dans son discours inaugural à Nazareth... >>  [ Luc 4, 25-27 : << Jésus leur dit : "Au temps du prophète Elisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d'eux n'a été purifié, mais bien Naaman le Syrien !" A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux ; ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville...>> ]

<< Le vrai christianisme - derrière sa dégénérescence, spirituellement mortelle, en simple tradition - a la forme "secouante" du martyre qui est une profession de foi (pas nécessairement sanglante) par la souffrance. [...]  Si nous traitons Dieu comme une sorte d'automate religieux, Il nous montrera qu'Il n'est pas cela, mais qu'Il est le Dieu libre, vivant, et aussi le Verbe éternel, qui se manifeste comme libre et non enchaîné... >>

 

ps / A la messe de ma paroisse ce matin, l'évêque a souligné que sur les dix lépreux miraculés un  seul était sauvé pour la vie éternelle. Et que le sens de la démarche eucharistique est l'action de grâce, non la coutume... Ces paroles - exprimées de façon percutante - ont captivé une église comble, tous âges confondus. Les rédacteurs du Monde (cf ma note d'hier) devraient aller dans les paroisses : ils cesseraient de prendre le catholique de base pour un pharisien paradeur.

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[*]  Qui dégénére très souvent en prétexte religieux, sacralisant et couvrant des partisaneries séculières.