27/09/2016
Le débat d'hier : Trump vaseux pendant 90 minutes
Comment peut-il fasciner une partie de la droite française ? Réflexions :
Caricature de ce que les USA ont de plus scabreux, Hillary Clinton fascine une partie de la gauche française. Mais Donald Trump fascine une partie de la droite. Sa grossièreté mentale et son manque de sérieux affichés passent pour la voix du peuple ; c'est se faire une étrange idée du peuple. Trump profère des âneries, nie des faits, renie ses propres déclarations (p. ex. sur le climat) ? Ce culot hypnotise la droite française. Elle trouve génial de faire aussi con.
Con, vraiment ? C'est à voir... Trump s'en donne l'air, mais à tel point que les spectateurs sont pris d'un doute. Sa prestation au débat d'hier laisse perplexe : est-il normal d'exhiber une impréparation frisant l'incompétence, et de laisser l'adversaire marquer les points ? (Clinton : "Donald just criticized me for preparing for this debate. And yes, I did. And you know what else I prepared for ? Il prepared to be president. And I think that's a good thing". Applaudissements du public). La contre-performance de Trump veut dire quelque chose.
Il s'est enlisé dans les proclamations vagues. Or il n'avait pas dit que des âneries depuis six mois. Dénonciation du global et du libre-échangisme, refus des coupes néolibérales dans la sécurité sociale, rétablissement de la loi Glass-Seagall séparant banque de dépôt et banque d'affaires (et abolie par Bill Clinton !), alliance Washington-Moscou contre Daech, non-interventionnisme militaire, réduction de l'OTAN : pourquoi n'a-t-il pas développé ces thèmes pendant le débat d'hier ? Pourquoi s'était-il vanté de ne pas préparer ce débat, comme si le n'importe-quoi était la voix du peuple ? et comme si le sérieux - au moins apparent - était le stigmate du vice des "élites" ?
Cette carence de Trump ne peut avoir que deux explications au choix. Ou bien le personnage est fêlé. Ou bien il ne fait pas campagne pour gagner.
Retenons la seconde hypothèse. Ce Trump ne faisant pas sérieusement campagne, à qui fait-il penser ? A Jean-Marie Le Pen en 2002. Lui aussi était le contraire d'un imbécile. Lui non plus ne voulait pas le pouvoir. Lui aussi veillait à se rendre impossible en proférant des aberrations calculées. Comme Le Pen, Trump n'a qu'un ennemi, la droite officielle : la faire perdre était le plaisir de Le Pen, la dynamiter est le plaisir de Trump - et c'est un plaisir strictement personnel... Le Pen n'eut aucun plaisir au second tour de 2002, puisque la victoire de la droite (Chirac) était mécaniquement certaine. Trump n'a aucun plaisir face à la candidate démocrate, alors qu'il exultait en démolissant les Cruz et les Rubio. Voilà pourquoi il fut si vaseux au débat d'hier.
Bien entendu ce n'est que l'une des hypothèses. Si elle se révèle fausse, c'est que l'autre hypothèse est la bonne - et que le personnage est fêlé. Mais dans les deux hypothèses, la fascination d'une partie de la droite française pour le "populisme" de Trump relève (au mieux) de la naïveté.
ps - Qu'on ne déduise pas de ce qui précède que je prendrais le parti de la droite officielle ! Dieu m'en garde.
12:55 Publié dans USA | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : trump, états-unis, clinton
Commentaires
OU BIEN
> Autre hypothèse : il s'est fait rattraper et taper sur les doigts par ses copains milliardaire patrons (et actionnaires) des multinationales, qui lui ont expliqué "comment marche le bizness".
Soit il s'est mis au pli, soit il ne veut plus gagner.
Cela me rappelle Bayrou en 2007 quand les instituts de sondages l'ont annoncé possible gagnant (surprise), et que les francs-macs sont venus lui causer en coulisse.
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Écrit par : Bergil / | 27/09/2016
UNCLE SAM & LADY COLUMBIA
> Trump avait-il intérêt à entrer dans le fond des dossiers avec Hillary Clinton ? Reste qu’avec le magnat de l’immobilier, il paraît difficile d’échapper au duel des caricatures. Pour ma part, j’ai tendance à voir en Hillary et Donald un mix de l’« Uncle Sam » qui menace ( http://www.etaletaculture.fr/wp-content/uploads/2015/06/I-want-you-oncle-sam.jpg ) et de « Lady Columbia » censée rassembler et protéger ( https://en.wikipedia.org/wiki/Columbia_(name)#/media/File:ColumbiaStahrArtwork.jpg ).
Certes les steaks commercialisés par « Uncle Sam »/Donald auront été moins goûtés des Américains que la viande salée de Samuel Wilson durant la guerre de 1812. Et la quelque peu désuète Lady Columbia version Hillary peut difficilement persuader la classe moyenne américaine frappée par la crise industrielle qu’avec elle la prospérité dans la liberté leur tend les bras.
Mais, bon, s’ils s’en tiennent là… à offrir le meilleur compromis possible entre l’Uncle Sam et Lady Columbia… Il n’est pas sûr que les Américains en demandent davantage !
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Écrit par : Denis / | 27/09/2016
SONDAGES
> Si ça intéresse quelques uns de vos lecteurs et vous-mêmes, ce site est l'un des plus précis en terme de sondage sur l'élection présidentielle US :
http://projects.fivethirtyeight.com/2016-election-forecast/
Outre la victoire attendue de Clinton, c'est surtout les résultats Etat par Etat qui me fascinent. On a très souvent du 90/10% pour l'un ou l'autre des candidat, voire pire (souvent du 99% contre 1%...).
C'est-à-dire que les US sont un pays plus que jamais divisé, avec une distinction très nette entre le pays profond et les côtes.
Ni Clinton ni Trump n'en ont parlé, car tout est construit là-bas pour faire monter les oppositions et "radicaliser" les esprits d'un côté ou de l'autre.
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Écrit par : Virgil / | 27/09/2016
LEQUEL
> Oui bien d'accord avec vous.
Mais ensuite... le moins "pire" des deux ? C'est lequel ?
;-)
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Écrit par : Pierre / | 27/09/2016
LE VOTE NE CHANGE RIEN
> C'est la démocratie qui est à rebâtir et à repenser de fond en comble : nous assistons à sa forme la plus dégradée, un bipartisme obligatoire, piloté en coulisse par la haute finance libérale . Le spectacle doit l'emporter sur le débat, qu'il est nécessaire d'escamoter, et pour cause, afin de donner aux "idiots utiles" du système l'illusion d'un choix...Et c'est ce qui guette nos démocraties européennes.
Quand le peuple vote mal, à défaut de pouvoir changer le peuple, faire en sorte que le vote ne serve à rien. "Tout doit changer ( les acteurs) pour que rien ne change".
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Écrit par : Patrick S. / | 27/09/2016
PARFUMS
> Y a comme des parfums pré-Brexit.
"... - attention, ils ne sont pas représentatifs, ..."
C'est en dessous de cet avertissement que l'on hallucine encore plus :
http://www.les-crises.fr/1er-debat-clinton-trump/
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Écrit par : Yann / | 28/09/2016
RUPTURE ?
> Je suis en train de me demander si le vote Trump n'est pas, comme celui du Brexit, un vote de rupture. Face aux médias dominants, parties outrageusement prenantes, dans les deux cas, pour la continuité politique du mensonge et de la finance, le Ricain de base, s'il va jusqu'au bout, pourrait peut-être aller voter "Go to the hell !", comme les Anglais. Ils prendraient le chemin d'aller voter contre et non plus pour. En fait, peu importe Trump, il serait celui qui peut permettre cela. Et plus les médias tonneront et plus ils s'enfonceront, Clinton aussi et ce qu'elle représente.
Mais je peux me tromper ce que je n'espère pas.
Yann
[ PP à Yann- Vous avez certainement en raison en ce qui concerne les motivations de l'électeur. Mais :
1. Trump trompe : il est en lui-même est un trompe-l'oeil. Ce candidat de l'anti-système est un pur prédateur financier ;
2. et même si Trump était authentique : installés dans le bureau ovale, les présidents américains ne sont pas autonomes. Leur politique est la résultante de forces qui les dépassent... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Yann / | 28/09/2016
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