19/08/2016
Union européenne : relance de l'engrenage ?
Après le Brexit, l'euro-technostructure recommence à fonctionner :
Début d'un "intense ballet diplomatique au sein des Vingt-Sept", annonce la presse. M. Juncker se prépare à prononcer "un discours sur l'état de l'Union calqué sur l'exemple américain" (l'ex-gérant de paradis fiscal joue les importants). Le 16 septembre aura lieu à Bratislava un "sommet des Vingt-Sept", moins la Grande-Bretagne...
Il s'agit évidemment de "relancer l'UE après le Brexit".
"Il faut s'entendre sur ce qui doit constituer une nouvelle impulsion pour l'Europe", explique un diplomate aux Echos du 18/08.
Ce ne sera pas facile. Sur la sécurité, l'immigration et la "discipline communautaire", les gouvernements de l'Est sont en rupture quasi-ouverte avec ceux de l'Ouest. Sur une "Europe de la défense", le flou est total : s'agit-il de doter le continent d'une indépendance militaire, ou d'alourdir sa vassalité envers Washington ? Et dans le premier cas, au service de quelle politique serait cette force armée européenne ?
Et l'UE peut-elle avoir une politique ? On peut penser que non, puisqu'elle est conçue pour n'être pas une puissance politique - et n'avoir même pas conscience de ses intérêts.
Au fond : qu'est-ce que l'UE ? Réponse dans le numéro d'été de la revue l'Ecologiste :
<< Un certain type de développement économique, basé sur la dette, le commerce mondial et le consumérisme, qui a sapé la démocratie et favorisé les intérêts corporatistes [1] tout en ruinant les économies locales dans le monde... Les banques et les firmes multinationales constituent aujourd'hui un gouvernement européen, déterminant l'activité économique à travers le "marché européen". Leur puissant pouvoir de lobbying a une influence prépondérante sur la Commission européenne et le discret Conseil de l'Europe... >>
<< Pour les grandes corporations [1] et les institutions financières, la diversité est un obstacle alors que la monoculture - dans tous les aspects de la vie, semences, alimentation, habillement, architecture - est "efficace". Pour elles, un seul marché européen de 500 millions de personnes est une étape essentielle à la croissance, la leur. La poursuite de cet objectif nécessite une seule monnaie, une "harmonisation" des lois, l'élimination des frontières et une gouvernance centralisée... >>
<< La principale motivation d'une union économique européenne était la volonté du monde des affaires de concurrencer les Etats-Unis. Et nous assistons aujourd'hui à la naissance des Etats-Unis d'Europe, qui concurrencent les Etats-Unis sur le marché des actions, tous deux travaillant la main dans la main pour préserver l'hégémonie du Nord sur le Sud... >>
Ce diagnostic est signé des Britanniques Helena Norberg-Hodge (Quand le développement crée la pauvreté, Fayard 2002) et Rupert Read (président du laboratoire d'idées Green House), ainsi que du Finlandais Thomas Wallgren (Observatoire de l'Europe industrielle) . Ils voient clair. La véritable nature de l'UE est l'engrenage qu'ils décrivent. Cette UE est programmée pour n'être qu'un chantier planétaire de libre-échangisme : sa structure même la prive de tout discernement politique. Elle est donc rétive aux leçons du réel. Ne regardant qu'à contre-coeur ce qui n'est pas commercial et financier, elle poursuit obstinément dans l'axe de son algorithme de chantier : construire en fait d'Europe un système transatlantique, où les multinationales achèveront de supplanter les gouvernements européens. Notons aussi la différence radicale entre ces trois Verts et leurs homologues français : les Placé, Duflot, Rugy, Cosse et autres Pompili sont aveuglément euro-inconditionnels, comme si les bribes de normes environnementales en Europe émanaient de Bruxelles - alors que la Commission est acquise aux intérêts dont Monsanto est le symbole... Ainsi, peut-on s'attendre à ce que la "relance européenne" actuellement dans les tuyaux soit autre chose qu'une relance de l'engrenage ?
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[1] Corporate, au sens anglophone. (Les intérêts des conseils d'administration).
12:49 Publié dans Europe | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : union européenne
Commentaires
JUVIN
> "Et nous assistons aujourd'hui à la naissance des Etats-Unis d'Europe, qui concurrencent les Etats-Unis sur le marché des actions"! Une blague? ou une désinformation?
Extrait de l'allocution d'Hervé Juvin "L’imperium normatif et juridique américain et le système de financement du Department of Justice" :
"Le dernier élément porte sur un sujet qui m’est cher. Vous avez bien voulu citer « Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé » qui essaye de traiter de la colonisation intellectuelle et morale américaine et de la soumission – pour ne pas dire de la collaboration – des élites européennes. Mais un autre thème, celui de la diversité, fait le fond de mon travail depuis de nombreuses années. Je crois que la diversité des cultures, des civilisations, des mœurs et des systèmes juridiques est un gage de survie de notre humanité. Un modèle unique étendu à toute la terre est une condamnation étendue à l’humanité tout entière, surtout si c’est le modèle de la consommation, de la croissance et de l’économisation sans limite du monde. C’est à cet égard que la menace du droit américain me paraît la plus dangereuse. Elle consiste à subordonner le droit à l’intérêt économique, à subordonner le politique à la croissance économique et à dire que tout est bon au regard du vrai, du juste et du bien qui contribue à produire des dollars....."
... à lire dans son intégralité, une part non négligeable de cet article dénonce les méfaits écologiques d'une telle politique dominatrice et les pressions inouïes exercées par les USA sur de petits pays africains pour n'accepter que des cultures OGM .... étatsuniennes of course!...
Source: http://www.fondation-res-publica.org/L-imperium-normatif-et-juridique-americain-et-le-systeme-de-financement-du-Department-of-Justice_a951.html
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Écrit par : Albert E. / | 19/08/2016
EUROPE VRAIE
> Ce sera une relance de l'engrenage puisque ce sont ceux à la tête de l'UE qui disent comment penser. Pourquoi y aurait-il un bouleversement.
Non, la vraie solution est bien de quitter l'UE telle que connue en ce moment. Puis travailler à la construction d'une Europe vraie, réelle, au service des peuples.
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Écrit par : Alain De Vos / | 19/08/2016
PLOUF
> On peut définir le "Moderne" comme un vantard convaincu de réussir là où tous les autres, ces "Anciens" qu'il juge tellement ringards, se sont cassés les dents.
En vérité, toute l'histoire de l'Europe avant l'UE, depuis la chute de l'Empire romain d'Occident en 476, est l'histoire de la nostalgie impériale, et de l'échec de cette vaste politique - simultanément transsubstantiée par l’Église en spiritualité, c'est-à-dire en universalisme.
Il n'y aura pas d'Union européenne, point.
En tous cas pas avant mille ans - car il y faudra une révolution anthropologique, un chamboulement des consciences et inconscients collectifs d'importance égale au chamboulement de la modernité, soit l'assomption de l’État-nation : il y faudra l'effondrement de celui-ci - et, avec lui, de la "démocratie".
L'Europe, qu'on l'appelle Euroland ou Europe des nations (autrement dit : qu'on voue celle-ci à l'achèvement de sa glaciaire utopie soviétoïde ou qu'on mythifie ce qui existe déjà depuis des lustres), n'est qu'une utopie babélienne de plus. (En l'occurrence une aberration bourgeoise ; à savoir une simple extension politique du marché - tout comme l’État-nation, avant de subvertir l'âme profonde des peuples, avait lui-même correspondu à un élargissement du marché).
Enfin, depuis 45, l'UE est même une imposture américaine de bout en bout, comme le démontre le très atlantiste Tafta.
Il n'y aura pas d'Union Européenne - car tout projet d'unir l'Europe est la négation de l'essence historique de celle-ci. (Anéantir l'Europe comme histoire et comme esprit est le but de l'Oligarchie, d'ailleurs - et ça s'appelle le mondialisme ; ou le satanisme, si on est catholique).
Il n'y aura pas d'Europe et c'est tant mieux - car rien n'est aussi rigolo et plaisant qu'un projet pharaonique qui, sous les huées, se noie dans l'océan de son insignifiance... plouf au mauvais nageur !
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Écrit par : Petit Lulu / | 19/08/2016
RELANCE
> Et puis il faudra, à grands coups de ouai-mais-non, qu'ils nous expliquent pourquoi l'économie de l'ex-vingt-huitième ne se casse pas du tout la figure depuis son Brexit, comme prévu dans les malédictions des vingt-sept restants : http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/08/19/l-economie-britannique-resiste-au-brexit-pour-l-instant_4984772_3234.html
Y'aura ça aussi à expliquer si ça réussit, mais bon, je suppose qu'il faudra du temps : http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/theresa-may-lance-un-plan-de-relance-industrielle-du-jamais-vu-depuis-trente-ans-590483.html
"Relancer l'UE après le Brexit". Tels que ils choisiront du haut de la falaise plutôt que par dessus bord.
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Écrit par : Yann / | 19/08/2016
> Non à l'U.E., oui à l'Europe.
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Écrit par : Yann / | 19/08/2016
"U.E."
> Et puis, Uheu, rien qu'ça c'est moche.
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Écrit par : Yann / | 19/08/2016
SENSATION
> Lisez ceci aussi. La sensation du moment en sciences politiques. Et elle n'est pas rassurante:
http://journalofdemocracy.org/sites/default/files/Foa%26Mounk-27-3.pdf
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Écrit par : Luc / | 20/08/2016
BABEL
> J'ai longtemps lutté contre cette idée, mais je n'arrive pas.. Je souhaite de tout coeur la relativiser, me dire que la France, politiquement, n'est pas que cela, mais cela me semble de moins en moins possible.
Cette phrase, c'est : la France est un protectorat américain...
Quant à l'UE, c'est clairement un projet babélien, placé sous l'égide du "Grand Frère" d'outre-atlantique...Et dire que j'y ai cru, comme beaucoup. Pendant des décennies, nous avons vécu dans le mensonge (et cela continue...
Que découvrirons-nous, dans 20 ou 30 ans, s'il y a encore une humanité à ce moment-là ?).
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Écrit par : Feld / | 20/08/2016
IDIOTS UTILES
> "La France est un protectorat américain." constate Feld
Oui, toutes les nations d'Europe même, par le biais de la CECA devenue CEE puis UE.
Monnet, Schumann et quelques autres étaient payés pour cela et, face au repoussoir communiste, nous, catholiques, avons été en grand nombre les idiots utiles de cet asservissement (et beaucoup d'entre nous le sont restés) , plus nombreux que ceux qui furent les idiots utiles du communisme. Il est vrai qu'il n'est pas agréable d'arriver à ce constat dans ses vieux jours.
Mais ne baissons pas les bras !
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Écrit par : Pierre Huet / | 20/08/2016
@ Pierre Huet
> "nous, catholiques, avons été en grand nombre les idiots utiles de cet asservissement"
Ah...les 12 étoiles de la Vierge. Il faut reconnaître qu'on (moi en tout cas) y a bien cru !
Feld
[ PP à Feld - Cette histoire de drapeau, en effet, a fonctionné comme un éteignoir à critiques pendant deux dizaines d'années. Quand la pseudo-piété tourne au fétichisme... ]
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Écrit par : Feld / | 21/08/2016
IGWT
> Ajout "sauvage" à l'Evangile de ce dimanche :
"Ton Nom était sur nos billets de banque"...
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Écrit par : Feld / | 21/08/2016
CORRECT
> Et c'est vrai cette histoire de drapeau ? je n'ai jamais réussi à trouver une source fiable là-dessus.
VF
[ PP à VF - C'est une pieuse légende née il y a vingt-cinq ans : époque où le "religiously correct" consistait à dire que tout était rassurant. Aujourd'hui il consiste à dire que tout est inquiétant... ]
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Écrit par : VF / | 21/08/2016
BERNADETTE
> Ok, la même veine que "il faut voter Chirac car Bernadette va à la messe"...
Comment a-t-on pu être aussi pitoyable face à des choses aussi sérieuses...
VF
[ PP à VF - Exactement. La comparaison est judicieuse. Ai-je assez entendu cet "argument" bernadettien, lors des conférences-débat des années 2000 ! ]
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Écrit par : VF / | 21/08/2016
SURVEILLER ET IDÉOLOGISER
> Une excellente analyse de Pierre Manent : «Les gouvernants ne nous représentent plus, ils nous surveillent»" :
"Plus la «construction européenne» progressait, plus les ressorts de la vie politique démocratique étaient faussés. Celle-ci repose sur un échange moral entre peuple et gouvernants: le peuple accorde sa confiance aux gouvernants, qui justifient cette confiance en le gouvernant de manière juste, prudente et honorable. Quand la référence européenne s’interpose entre gouvernés et gouvernants, le mandat représentatif fait place à un mandat idéologique. "
http://www.cjfai.com/eventmaster/blog/2016/08/02/pierre-manent-gouvernants-ne-representent-plus-surveillent/
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Écrit par : isabelle / | 21/08/2016
L'EURO
> Merci pour le lien sur Pierre Manent.
Toutefois si le passage à l'euro était mettre la charrue avant les boeufs, il faut reconnaitre que l'euro a l'avantage de constituer une masse moins manipulable par les marchés qu'une monaie nationale seule. Dans le monde financiarisé (et non plus capitaliste) c'est un pare-choc utile, c'est pourquoi je pense qu'une sortie de l'euro serait une prise de risque énorme.
Mais il est vrai qu'il ne faut pas que ce pare-choc nous empêche de voir où nous allons.
Et encore avant de voir il faudrait savoir dans quelle direction nous voulons aller.
Pour cela il faut en débattre avec ceux qui partagent le même véhicule (monnaie) et PAS avec ceux qui sont en dehors.
De ce point de vue la sortie du Royaume-Uni est une bonne chose ; et j'attends celle de ceux qui sont dans l'UE mais ne veulent pas de la monnaie unique (ceux qui sont en attente de capacité d'y entrer peuvent rester mais ils ne sont pas là pour décider mais pour suivre). Nota Bene : cela implique en PREMIER lieu de faire la chasse de tous ceux qui sont influence américaine ; non pas que je sois anti-américain, mais tout simplement car économiquement ils ont naturellement des buts divergeant des notres. En cela les commissions sont des repaires pour tous ces gens-là.
Notre économie ne peut être guidée par les intérêts commerciaux des américains (dont la politique étrangère n'est que le fer de lance et n'est donc pas à suivre). Comment l'Europe peut-elle rester sans réagir aux amendes infligées par les tribunaux américains à des société européennes sur des motifs de politique d'embargo américaines ? Ce mutisme est une attitude de vassal inadmissible.
Pour revenir à l'article de départ les verts sont favorables inconditionnel à l'Europe car elle est pour eux un moyen d'existence, une source de fonds, mais en cela ils font du court-termisme (comme les financiers qu'ils dénoncent par ailleurs...). Ceci étant, peut-être ont-ils leur part dans le combat contre Monsanto (je ne leurs tire donc pas dessus).
Je ne suis pas guerrier, mais un véritable acte fondateur/relanceur de l'Europe serait une sortie commune de l'OTAN est la création d'une entité similaire Européenne reposant prioritairement sur les industries d'armement européenne. Cela serait un message d'indépendance clair et visible, quitte à passer des accords préférenciels (et pas exclusifs) avec les USA ensuite.
(Et pour ceux qui doutent de la mixité des politiques économique et étrangère américaines, je les renvoie à cet article [de 2013] : http://www.planetenonviolence.org/Syrie-Guerre-Du-Gaz-Assad-Obstacle-Au-Gazoduc-Qatar-Turquie_a3127.html )
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Écrit par : franz / | 22/08/2016
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