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08/07/2016

Des questions subversives jusque dans la presse officielle

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...signe qu'elles circulent beaucoup plus dans la société :


 

Tandis que la presse de droite persiste à combattre un socialo-communisme disparu depuis 1984, c'est dans Le Monde et Libération (paradoxe) qu'on s'étonne de voir s'exprimer - occasionnellement - des opinions subversives. En voici de nouveaux exemples :

 

Dans les Débats & Analyses du Monde (7/07), la page de l'essayiste italien Raffaele Simone sur le détournement de l'Europe par une oligarchie ultra-libérale. Extraits :

<< Un traité aussi honni et détesté que le traité de libre-échange transatlantique entre l'UE et les Etats-Unis (Tafta) est à l'ordre du jour de la Commission ces dernières semaines. Il avance tel un ovni propulsé par une énergie mystérieuse : entouré du plus grand secret, on ne sait pas qui l'a rédigé et les élus ont l'interdiction de le recopier, de l'étudier au calme ou même de prendre des notes ! De nombreux hommes politiques européens ont toutefois manifesté par avance une sympathie de principe, ignorant (ou feignant d'ignorer) les protestations qu'il soulève un peu partout sur le continent. Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, aura du mal à faire oublier ses propos proférés, en octobre 2015, en réponse à une question sur les mouvements d'opposition au Tafta : "Je ne reçois pas mon mandat du peuple européen..." [*] >>

<< Au sein de la machine communautaire, la composante élue par le peuple (le Parlement) coûte cher et ne compte guère, puisque la majorité, sinon la totalité, des décisions qui deviennent ensuite impératives sont prises par la Commission ou, pire, par la fine fleur de la bureaucratie à 28 étoiles... >>

<< Le vote britannique signale que l'UE n'est pas là pour nous défendre contre les effets de la globalisation, mais se fait plutôt le valet du capital international et des banques... >>

 

Dans les pages Idées de Libération (8/07),la philosophe Sandra Laugier et le sociologue Albert Ogien [**] demandent à la classe politico-médiatique d'abandonner le mot "populisme". Extraits :

<< [Pour les analystes officiels], le vote des Britanniques est la preuve que les citoyens sont devenus insensibles aux arguments du "cercle de la raison" que forment les gouvernants et leurs conseillers. On pourrait s'étonner de cette incrédulité inquiète des élites du pouvoir et de l'académie, face à l'autonomie de jugement de ceux qu'ils avaient coutume de guider et de morigéner. Nul ne peut dire qu'elles n'ont pas été averties de l'abîme qui se creuse chaque jour davantage entre leur vision du monde et la masse grandissante des perdants de la globalisation... >>

<< Au lieu de considérer le poids respectif de ces raisons [multiples] dans le scrutin [du Brexit], le commentaire officiel les ramène à une seule obsession : le "populisme", [raccourci qui]  repose sur une conviction : le sensibilité du "peuple" (pas nous bien sûr) aux démagogues qui font appel à ses affects et pulsions les moins nobles [...]  A y bien regarder, la rubrique indifférenciée et méprisante du "populisme" permet de mettre sur le même plan une authentique demande de démocratie et d'émancipation, la critique de la représentativité des institutions européennes, et... le fascisme raciste et sexiste d'un Trump, ou la haine des immigrés d'un Farage.  [...] Non, le populisme n'explique pas le Brexit. Ce vote n'est que la dernière en date des remises en cause de la nature et du fonctionnement des institutions mises en place pour construire l'Union européenne. >>

Il faut citer aussi (dans les mêmes pages Idées) :

1. la tribune de la philosophe Corinne Pelluchon qui pose la question de fond, celle du modèle de société fondé sur l'idéologie de la croissance :

<< A qui profite le système économique fondé sur l'extraction fossile, donc sur la production et la consommation qui s'ensuivent ? A la majorité ou à une minorité ? [...]  N'y aurait-il pas [dans cette question] une occasion de redéfinir les richesses et même d'en créer, en misant sur les énergies renouvelables, la relocalisation de l'industrie, du travail, sur les alternatives à l'alimentation carnée, etc ? >>

2. la tribune du professeur de droit public Dominique Rousseau sur l'urgence de ressusciter la délibération au travers d'assemblées de citoyens, au lieu de mythifier la pratique du référendum - si facile à priver de sens :

<< Les expériences récentes prouvent que si le référendum donne la parole au peuple, il ne lui donne pas la maîtrise de la signification politique de sa parole. Il en est dépossédé au profit à nouveau des représentants qui vont faire "parler" ce vote : le gouvernement suisse s'arrange pour que les quotas d'étrangers voulus par le peuple n'en soient pas véritablement ; le gouvernement grec maintient l'austérité que le peuple a rejetée ; et les partisans du Brexit cherchent toutes les astuces pour maintenir les liens avec l'Union européenne... >>

 

Que ces questions soient posées dans le quotidien technocrate et le quotidien bobo, ne les prive pas de pertinence pour autant. On peut même y voir un signe : si Le Monde et Libé se mettent à publier - de temps à autre - de si dérangeantes interrogations, c'est qu'elles circulent par ailleurs, et beaucoup plus intensément, chez ceux qui réfléchissent.

 

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[*]  "Peuple européen" n'est d'ailleurs qu'un élément de langage. Le réalisme dirait : "peuples européens".

[**]  à ne pas confondre avec son frère, l'ultralibéral Ruwen Ogien.

 

11:49 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : brexit, europe, économie

Commentaires

> Elles circulent autant qu'avant, la question est: pourquoi la presse s'autorise-t-elle soudain à en parler ?
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Écrit par : RH / | 08/07/2016

TACTIQUE

> Dans 'Le Monde' et 'Libération' ! Un miracle !
Je crois plutôt à un raffinement de la propagande totalitaire de l'idéologie libérale.
En lisant les Cahiers clandestins du Témoignage chrétien, j'étais frappé de l'actualité des moyens utilisés par le nazisme contre le Christianisme. Deux pas en avant dans la persécution, un pas en arrière pour rassurer, grignotage progressif en soufflant alternativement le chaud et le froid, faire taire tout en permettant de loin en loin une prise de parole trafiquée, détruire petit à petit toutes les institutions religieuses tout en matraquant qu'on les protège, gagner de temps en temps un persécuté par des fausses promesses et en le maintenant dans l'ignorance, calomnier ceux qui dénoncent les promesses non tenues et expliquer qu'ils n'y comprennent rien, etc.
Comme à l'époque, ces mises en cause du système néolibéral sont présentées à la fois comme des preuves de la liberté de pensée et comme des arguties de coupeurs de cheveux en quatre, tout cela pour mettre en valeur le courage de nos dirigeants qui, seuls à voir la réalité en face, savent, contre vents et marées, appliquer le "yapad'alternative" indispensable.
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Écrit par : Guadet / | 08/07/2016

LES MOTS

> http://www.liberation.fr/debats/2016/07/08/referendum-la-voix-du-peuple_1464858
Les mots n'ont pas le même sens pour M. Costume ou M. Combinaison ...
On peut réfléchir sur "les mots et les choses" sous influence Foucault ou pas.
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Écrit par : Gérald / | 08/07/2016

BARROSO

> "La banque d’affaires américaine Goldman Sachs a annoncé vendredi 8 juillet avoir engagé l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso pour la conseiller."
http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/07/08/goldman-sachs-recrute-l-ancien-president-de-la-commission-europeenne-jose-manuel-barroso_4966542_3214.html
Asinus asinum fricat. C'est tout ce dont je se dont me souviens de latin si chèrement acquis en classe de 6ième.
"Je ne reçois pas mon mandat du peuple européen..."
Magnifique ça aussi. Je ne connaissais pas. De quelle banque le reçoit-elle ?
Et avec le Brexit, on en a entendu de bonnes aussi.
Des fois j'ai envie de ne plus être chrétien 5 minutes, le temps de les envoyer tous, politiques, journalistes, peoples, banquiers, chefs d'entreprise ..., en Enfer et de regarder à la sortie ceux qui auront été refusés, pour savoir à qui faire confiance... si toutefois c'est pas le Diable qui en sorte écoeuré.
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Écrit par : Yann / | 08/07/2016

DE GAULLE

> Admirateur de De Gaulle tout en reconnaissant telles ou telles de ses injustices,je me souviens d'un passage d'une de ses conferences de presse où il parlait de la question européenne -- "qui peut charmer quelques esprits", disait-il -- et notait : !) qu'il n'y aurait plus de politique du tout et 2) qu'il faudrait un "fédérateur", mais qu'il ne serait pas européen.
Les passages que vous citez, parus dans 'Le Monde' et 'Libération' semblent, à quelque 50 ans de distance, lui donner raison. Le libre-échange est voulu par les milliardaires des USA (en particulier) ; ils les enrichit au grand dam des pauvres de l'Afrique et de l'Europe. Ainsi, de récentes manifestations montrent que le temps n'est plus où l'on pouvait dire : "Labourages et pâturages sont les deux mamelles de la France".
Qui oserait dire qu'il s'agit là de manifestations "populistes" ?
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Écrit par : P. Jean-Claude Alleaume / | 09/07/2016

GODIN

> Ajoutons Romaric Godin, l'un des rares esprits libres de la presse économique, qui décrypte dans 'La Tribune' l'arrivée de Barroso c/o Goldman Sachs (un de plus parmi les eurocrates) :
http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/barroso-rejoint-goldman-sachs-encore-une-mauvaise-nouvelle-pour-l-europe-585472.html
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 09/07/2016

LE PROJET

> A propos de la "réorientation" de la construction de l'UE, récemment demandée par quelques intellos médiatiques (voir FigaroVox), voici la réponse implacable de l'historienne Annie Lacroix-Riz, spécialiste de la genèse de ce projet.
http://arretsurinfo.ch/observations-sur-lappel-de-vingt-intellectuels-eurocritiques-pour-un-nouveau-traite-europeen/
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Écrit par : Flash / | 16/07/2016

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