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08/04/2015

Vivarte : un désastre typique

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Profits et aides d'Etat captés par les actionnaires, absence d'investissement, stratégie bling-bling, fuite de la clientèle... D'où LBO et plan social (1600 postes supprimés) : 


 

Crépuscule d'André devenu « Vivarte »*... Ce groupe de 20 000 salariés, 15 marques et 4500 points de vente va supprimer 1600 postes, dont 1344 (et 244 fermetures sur 608 magasins) pour la seule enseigne discount La Halle aux vêtements, victime du « nouvel esprit du capitalisme ». Explication du syndicaliste Gérard Gautier, ce matin aux radios :

Le PDG Richard Simonin proclame : « On est là pour servir les actionnaires » ! En effet : c'est directement dans leurs poches que sont passés les 15,4 millions d'euros du CICE, après les 30,4 millions d'allègements Fillon... Les actionnaires se sont gavés en touchant plus d'un milliard d'euros d'intérêts. Les profits n'ont donc pas été investis. Il n'y a pas eu de modernisation des magasins sous le PDG Georges Passat**. Après quoi le nouveau PDG Marc Lelandais, arrivé en 2012, s'est mis dans la tête de faire monter en gamme La Halle aux vêtements – clientèle familiale aux revenus modestes – en y faisant entrer des lignes plus chères : Kookaï, Naf Naf... La clientèle traditionnelle a fui vers la concurrence low-cost.

La montée en gamme était une idée bling-bling. Le groupe s'est enfoncé. En octobre 2014, départ de Lelandais et arrivée de Simonin, coiffé (en LBO !) par quatre fonds anglophones composant le nouvel actionnariat et qui imposent une « stratégie de retournement à moyen terme » : avec 1600 suppressions de postes pour commencer.

La genèse de ce désastre – gavage des actionnaires, absence d'investissements – est un exemple de l'inefficacité des cadeaux de l'Etat dans une économie-casino financiarisée. Peut-on espérer qu'une partie de nos bien-pensants libéraux réfléchiront un peu là-dessus (au lieu de rabâcher que le seul problème de l'économie française est « l'Etat vampire ») ?

C'est aussi une illustration du diagnostic général de l'économiste Liêm Hoang-Ngoc*** :

<< Le taux de marge des sociétés indique la part du gâteau allant aux profits. Elle était de 23 % en 1983. Elle est remontée pour se stabiliser à partir de 1999 à un niveau élevé, atteignant 32 % en 2008.  Elle a juste baissé de 3 points depuis la crise et se situe aujourd'hui à 29 %, soit 2 points au-dessus de ce qu'elle était pendant les Trente Glorieuses. La part des profits dans la valeur ajoutée s'est donc bien redressée sur le long terme. Mais la part de ces profits consacrée aux dividendes des actionnaires a augmenté. Elle était de 25 % dans les années 70. Elle est désormais de 85 % dans les entreprises non financières. Ce qui réduit l'investissement... Le coût du capital a donc explosé. Telle est la première cause de l'atonie de l'investissement. >>

Ces choses doivent être dites, au moment où le duo Hollande-Valls annonce de nouvelles mesures fiscales en faveur de « l'investissement ». Il ne s'agit que d'un nouveau « totem de l'exécutif », comme dit Le Monde : un totem autour duquel Hollande et Valls dansent pour faire tomber la pluie, mais la pluie persiste à ne pas tomber – et les profits à passer dans la poche des actionnaires, y compris lorsqu'il s'agit de fonds américains. M. Hollande veut « réveiller l'argent dormant pour financer l'économie et mobiliser l'épargne des Français au service des entreprises » ; mais s'il s'agit des grandes entreprises, la confiance qu'elles inspirent aux Français (instruits par l'expérience) est assez limitée. Le jeu qu'elles jouent n'a rien à voir avec « l'investissement » et « les droits des salariés », ces mantras du gouvernement. Comment les amener à changer de jeu ? Est-ce même possible, dans l'état actuel du rapport de forces ?

 

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* qui dira le grotesque de ces noms oniro-conviviaux ?

** désormais PDG de Carrefour.

*** Libération, 08/04.

 

Commentaires

LE MONDE ÉCONOMIQUE LIBÉRAL EST STUPIDE

> Ce qui confirme ce que savent ceux qui pensent au lieu d'ânonner des slogans.
Ce ne sont pas les ouvriers qui manquent de compétitivité. Ce sont les actionnaires.
Il y a un peu plus d'un an, une étude économique affirmait triomphante que les Etats-Unis avaient gagné la "bataille de la compétitivité" grâce à un salaire moyen désormais équivalent à celui du Mexique (on appréciera au passage la jovialité avec laquelle les protégés commentent les sacrifices imposés aux autres).
Depuis, le déficit commercial des Etats-Unis, que je suis mois après mois, a obstinément refusé de se résorber.
Pourquoi ce résultat illogique ?
Parce que les sacrifices imposés à coups de gourdin aux travailleurs américains n'ont pas servi la compétitivité, ils ont été engloutis par la gueule insatiable du dieu Baal : Wall Street.
Le problème (pour lui), c'est que le monde économique libéral n'est pas seulement dénué de scrupules moraux : il est stupide. Incapable de penser, même cyniquement, une refonte des bases économiques du XXe siècle, il continue de fonctionner sur l'appropriation massive des bénéfices de la consommation et de la production de masse.
Mais pour avoir une consommation de masse, il faut une classe moyenne.
Le temps viendra où les sociétés macronisées à mort n'auront plus ni richesse individuelle (les salaires) ni richesse nationale (services publics). Il n'y aura plus rien à voler.
Je suis prêt à parier que dans les années à venir, l'expression qui reviendra le plus souvent dans les articles "économiques" sera "chute de la consommation". Les éditorialistes pleureront beaucoup sur les résultats catastrophiques des soldes et des "Black Friday" et prendront des mines graves pour disserter longuement sur les raisons des faillites en série des centres commerciaux.
Pendant ce temps, nous, nous cultiverons des patates rendues illégales par un décret européen sur nos balcons...
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Écrit par : Christian Vennec / | 08/04/2015

AVEUGLES

> La décadence de l'Empire romain a duré des siècles. Quand on entend la presque totalité des médias, même catholiques, toujours aveuglés par les chimères libérales, on peut prévoir que celle de l'Europe durera jusqu'à ce qu'on soit arrivé au niveau de pauvreté de la Chine du siècle dernier.
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Écrit par : Guadet / | 08/04/2015

LES NOMS GROTESQUES

> Le "grotesque des noms oniro-conviviaux" (vagument gréco-latins quand ce n'est pas tout simplement anglo-saxon), ce n'est pas une tendance de fond des entreprises françaises qui veulent à toute force un nom qui fasse "international" (pour nos bons maîtres mondialophones et plus ou moins francophobes) ?
On a eu Vivendi, Keolis, Natixis, Kedge (une business school issue de la fusion des ESC de Bordeaux et Marseille. Au fait, un tour de table au boulot avec cinq collègues anglais et presque tous docteurs ès sciences comme moi m'a appris que personne ne connaissait ce mot, qui désigne un type d'ancre...) et maintenant Vivastre !
(par contre, le bâtiment Suez Environnement à côté de mon lieu de travail, dans la riante et néanmoins perfide Albion, affiche fièrement sa raison sociale avec cette même orthographe française.
Et il y a aussi un centre logistique Norbert Dentressangle, mais combien de temps avant qu'il ne se renomme Motiva ou Truckalys ?)
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Écrit par : Dr. Zurui / | 08/04/2015

SALARIÉS INDIGNÉS

Excellent papier, merci PP. Au point où nous en sommes, et alors que je m’apprête, entre autres tribulations d’ordre professionnel et syndical, à attaquer au civil mon patron spolieur avec cinquante collègues, l’urgence me paraît être dans la fondation d’une association ou plutôt – hommage à ce blog – d’une « Fraternité des salariés indignés ».
Idée toute simple. Se servir de l’internet pour informer le grand public, via le blog de cette association, sur les combats menés par des salariés pour faire valoir leurs droits, en particulier lorsque les salariés se groupent pour ester en justice contre le patron voyou.
Rien ne sert en effet d’attendre que les fonds de pension qui gouvernent nos entreprises licencient en masse ou mettent la clé sous la porte après l’ultime phase « low cost pour tous » (sauf pour l’actionnaire, éjecté juste à temps avec son parachute doré).
Les salariés doivent prendre leurs responsabilités, alertés par leurs syndicats, pour réagir quand il en est encore temps. Pour cela, ils ont besoin de soutiens.
Aussi ce blog s’occuperait-il d’ouvrir, pour chaque combat mené dans une entreprise par les « salariés indignés », une ligne d’appel au don et aux aides de toutes sortes. Tout simplement parce que, dans la plupart des cas, la négociation avec le patron voyou ne peut être ouverte que par la grève ou l’action en justice et que la grève ou l’action en justice, dans le paysage brutal, individualiste et esclavagiste du capitalisme mondialisé, non seulement ça coûte, mais en plus ça fait peur !
Je suis pour ma part convaincu que « l’économie au service de l’humanité » demandée par l’Eglise de France ne pourra naître sans que les salariés, dans une solidarité fraternelle, ne conjuguent leurs forces pour faire respecter leurs droits sociaux, matériels et moraux, au service du bien commun de leur entreprise, et, au-delà, au bénéfice de l’ensemble de la société.
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Écrit par : Denis / | 08/04/2015

à Christian Vennec :

> "Le temps viendra où les sociétés macronisées à mort n'auront plus ni richesse individuelle (les salaires) ni richesse nationale (services publics). Il n'y aura plus rien à voler. "
N'est-ce pas l'état actuel de la Grèce ?...
http://www.greekcrisis.fr/
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Écrit par : cristiana / | 08/04/2015

LE JOURNALISME DE CANIVEAU CREUSE TOUJOURS PLUS PROFOND...

> " Jérôme et Patricia Cahuzac se sont (aussi) disputé la garde de Bucky - L'ancien ministre a fait le nécessaire dans l'optique de préserver la garde de Bucky, son animal domestique. Au plus grand désarroi de son ex-épouse..."
En UNE de lepoint.fr, cet article réservé aux SEULS abonnés. Eh ben ils en ont de la chance...
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Écrit par : Charles / | 08/04/2015

PARACHUTE

> Le PDG Lelandais, ayant les résultats catastrophiques que l'on sait, est parti avec un parachute doré de 3 millions d'euros.
C'était dans son contrat.
On voit ce que vaut le slogan du Medef :
"sans ces contrats les Grands Talents Français partiraient à l'étranger."
Grand talent, en effet !
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Écrit par : gus / | 10/04/2015

550 MILLIARDS D'EUROS

> Selon les analyses de Jean-Pierre Chevallier qui récoltent les bilans des banques sur plusieurs décennies, 550 milliards d'euros non-gagnés sont passés sur des comptes courants français depuis l'introduction de l'euro, ce qui est le quart du PIB français.
Cette tendance en plus s'accélère : 40 milliards d'euros pour les mois de novembre, décembre 2014.
Pour lui, c'est de l'argent qui aurait dû être investi dans les entreprises (mais pas dans la poche des chefs).
http://chevallier.biz/wp-content/uploads/2015/04/2015.04.03.12.m1.png
D'un autre côté l'épargne diminue (sans compter les comptes courants).
Bien sûr ceux qui reçoivent l'argent ne sont pas ceux qui vivent sur leur épargne.
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Écrit par : Théophile / | 11/04/2015

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