"Le pape François FORCE (sic) l'Eglise à faire sa révolution sur la famille"

De gauche à droite, la presse commerciale déforme :

 

> Hier Le Figaro titrait : « Le pape François en rupture avec Jean-Paul II et Benoît XVI ». C'était doublement faux, car : a) la théologie wojtylienne de la sexualité était déjà qualifiée par les ultras [1] de « rupture avec la Tradition » ; b) la théologie de l'eros et de l'agapè développée par Benoît XVI dans Deus caritas est inclut virtuellement les questions posées par le rapport de mi-synode du cardinal Erdö.

> À la une du Monde d'aujourd'hui, ce titre sur quatre colonnes : « Le pape François force l'Eglise à faire sa révolution sur la famille ». Titre triplement faux, car : a) il y a mensonge à présenter comme un forçage le simple fait de gouverner; b) véritable homme d'Etat, François ne gouverne pas en forçant, mais en écoutant et en canalisant ; c) ce qu'on lit dans le rapport Erdö, y compris le passage sur les homosexuels ou celui qui parle des divorcés remariés, ne fait que développer la pensée profonde de l'Eglise. [2]

L'Eglise catholique ne procède jamais par ruptures. Elle innove, et rénove, en procédant à des déplacements d'angles et d'éclairages qui font ressortir des implications de sa foi qui n'avaient pas encore été mis en lumière. C'est le processus de mise au jour de nouveaux dogmes, comme Newman l'a démontré ; c'est aussi, par surcroît, le processus de la pastorale et de la « doctrine sociale ».

Les évolutions de la pastorale et de la DSE se font pour répondre aux conditions nouvelles de la société. L'Eglise n'est pas un musée, ni « un conservatoire » comme Maurras voulait le croire (et comme le croient nos athées pieux en 2014). Sa mission est d'aider l'humanité à rencontrer la personne de Jésus-Christ. Tout ce qui en elle gêne cette mission – en s'étant sclérosé ou fourvoyé –, elle le change, tôt ou tard ; quelquefois trop tard, et c'est ainsi qu'elle a perdu la classe ouvrière au XIXe siècle.

Revenons au Figaro et au Monde. Ces deux quotidiens s'adressent à deux lectorats sociologiquement et mentalement différents, qui n'imaginent donc pas l'Eglise de la même façon. Néanmoins les deux journaux (depuis six mois) créent la même impression quand ils parlent de cette Eglise : ils veulent démontrer que François opère une « rupture » dans la pensée catholique en y introduisant le laxisme. Cette impression est contraire aux faits. Mais les deux médias l'infusent aux lecteurs... Elle consterne ceux du Figaro, elle réjouit ceux du Monde, et dans les deux cas c'est de la vente en kiosque.

 

__________ 

[1] Feu l'abbé de Georges de Nantes (leader du mouvement Contre-Réforme catholique) allait jusqu'à traiter Jean-Paul II d'obsédé sexuel. Sur ce pape et sa théologie morale admirable – et novatrice –, lire les ouvrages d'Yves Semen : La sexualité selon Jean-Paul II (Presses de la Renaisssance 2004) et Jean-Paul II – La théologie du corps (Cerf 2014).

[2] Mais pas en accord avec les idées fixes des milieux ultras en France...