08/07/2014
En avant pour l'écologie intégrale
Dans La Nef de juillet, entretien avec Gaultier Bès :
Auteur (avec Marianne Durano et Axel Rokvam) du livre-manifeste Nos limites – Pour une écologie intégrale [*], Gaultier Bès, 25 ans, est interviewé par le mensuel catholique La Nef. Extraits :
Comprendre le système
« Il suffit de prendre l'exemple de la dernière Gay Pride lyonnaise pour saisir l'unité profonde du libéralisme économique et du libéralisme culturel : ''Nos droits, nos choix'', pour le droit des trans, la PMA, la GPA et la prostitution, c'est-à-dire pour la marchandisation et la contractualisation totales de nos vies, sans qu'aucune norme collective ne puisse prétendre s'ingérer pour réguler ou – blasphème ! – interdire... Le slogan soixante-huitard du ''il est interdit d'interdire'' est la traduction libertaire du ''laissez faire, laissez passer'' libéral. Il y a une même logique dans la pulsion consumériste et productiviste : celle du ''toujours plus'', celle de la maximisation des plaisirs et des profits, bref, de l'intérêt individuel au détriment du bien commun. »
Sortir de l'ornière ''droite / gauche''
« La vocation singulière des Veilleurs est selon moi d'aider à sortir des cases, de refuser les faux clivages artificiellement entretenus pour que rien ne change en profondeur. Allons-nous garder les mêmes réflexes idéologiques alors que tout s'est inversé ? Il est plus que temps de comprendre que notre principal ennemi aujourd'hui, c'est moins le ''socialisme'' que le fantasme de l'illimité qui irrigue aussi bien la droite que la gauche. Ma crainte principale est que beaucoup se fourvoient dans un activisme partisan, superficiel, à court terme, plein de bonne volonté, pour finir recyclés par de vieilles machines électorales à bout de souffle. (…) Notre veille sera féconde si elle sait actualiser et concrétiser nos héritages intellectuels tout en allant piocher dans des traditions alternatives, à commencer selon moi par les milieux anti-productivistes. »
Choisir l'écologie intégrale
« Face à une écologie environnementale qui tend parfois à nier la place éminente de l'humain dans la nature, face à une écologie humaine qui oublie trop souvent qu'on ne peut défendre la dignité des plus fragiles d'entre nous sans remettre en cause notre consumérisme, l'écologie intégrale s'efforce de promouvoir un mode de vie respectueux de l'ensemble du vivant. Défendre les embryons ou les vieillards sans lutter contre un système économique fondé sur la rentabilité maximale, c'est faire preuve de schizophrénie... »
Les jeunes Veilleurs donnent ainsi un coup de vieux à la droite libérale. Ils appellent les militants LMPT à se libérer du libéral (et de la croulante UMP), quitte à irriter l'oncle Y et l'abbé X... C'est la prise de conscience à laquelle nous sommes un certain nombre – dont l'équipe de La Nef – à travailler, pour notre part, dans les milieux catholiques. Les cathos français s'indignent des campagnes malthusiennes à l'ONU ? Mais Malthus était l'un des pères fondateurs du libéralisme, et si l'on ne veut pas combattre la natalité, il faut combattre le consumérisme libéral ! Comme le dit Gaultier Bès à La Nef : « Si chacun des sept milliards d'êtres humains avait le même mode de consommation que nous, il faudrait plusieurs planètes comme la nôtre pour subvenir à nos besoins. Dès lors, soit les pays riches interdisent aux pauvres de se développer ; soit nous réduisons drastiquement, par des méthodes malthusiennes autoritaires, toute croissance démographique ; soit nous, les grands gaspilleurs, prenons enfin conscience du caractère dément et déshumanisant de notre mode de vie et adoptons résolument une frugalité heureuse parce que consentie ! »
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[*] Centurion.
15:55 Publié dans Ecologie, Idées | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : écologie
Commentaires
ÉVEIL DE LA CONSCIENCE
> Je suis en train de lire le livre de Gaultier Bès, après avoir lu celui de Vincent Cheynet "Décroissance ou décadence" (découverts tous deux ici). Il y a une pensée qui traverse ces deux essais et qui se répand dans la société, un éveil de la conscience, qu'on retrouve avec surprise parfois dans des conversations ou sur des forums.
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Écrit par : Pierrot / | 08/07/2014
FRUGALITÉ
> Petit conseil personnel à tous ceux à qui le mot "frugalité" fait peur : ça ne veut pas dire de se dépouiller de tout comme les moines, et ça commence par de petites choses toutes simples et de bon sens. Réutiliser ce qui marche au lieu de toujours vouloir du neuf, ne pas acheter de "coup de coeur" qui en général ne plait plus au bout d'1 semaine, échanger avec des amis les livres, vêtements, vaisselle, objets dont on n'a plus l'utilité, prendre soin de ses affaires pour les garder longtemps, savoir bricoler un peu pour réparer un objet ou lui donner un coup de neuf, savoir accommoder les restes en cuisine plutôt que de les jeter...
Le gaspillage est une véritable plaie de notre mode de vie, il est criminel quand on pense à ce que ça implique en terme d'utilisation de matières premières et d'eau, de pollution, de déchets.
Un exemple : mon entreprise a déménagé il y a 2 ans, tout le mobilier est parti à la poubelle ainsi qu'un nombre impressionnant de fournitures. J'ai pu récupérer 600 classeurs (oui, 600 ! pour la plupart neufs !) que j'ai donnés à une amie directrice d'école, mais j'en ai été malade quand j'ai vu tout ce qui était jeté par ailleurs !
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Écrit par : Isabelle Lagrange / | 08/07/2014
HERVÉ JUVIN
> A noter, dans la même veine, dans le numéro du mois dernier (juin) de 'La Nef', l'entretien avec Hervé Juvin au sujet de son livre "La grande séparation - Pour une écologie des civilisations".
Remarquable !
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Écrit par : PMalo / | 08/07/2014
DES RAISONS D'ESPÉRER
> La jeunesse (et la sagesse, en somme simple mais nécessaire) des auteurs de "Nos limites" donne des raisons d'espérer. A de nombreuses coudées au-dessus de ce dont nous abreuve la "grosse presse" en matière de politique et de société, des lunettes de M. Hollande aux déboires de M. Sarkozy et de l'UMP (à ce propos, je plains les braves jeunes gens de "sens commun").
Pour renchérir sur le commentaire d'Isabelle Lagrange, oui, il existe des usages simples, évidents même, pour ne pas sombrer dans le gaspillage généralisé - usages que finissent par oublier bon nombre d'individus ou d'entreprises (nous sommes certainement nombreux à avoir vu sur nos lieux de travail respectifs des bennes remplies de matériels divers qui eussent encore pu servir longtemps).
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Écrit par : Sven Laval / | 08/07/2014
@ Isabelle Lagrange
> En bon thomiste, Ivan Illich parlait d'« austérité ». Serge Latouche a remplacé ce mot par celui de « frugalité ». Mais au fond, cela revient au même. Austérité, frugalité: nous devons sans cesse nous réapproprier ces fondamentaux; pour cela, les actions individuelles éclatées ne peuvent suffire: l'exemple banal du déménagement de votre entreprise le montre bien. Le consumérisme est indissociablement personnel et collectif. Il est impossible d'arranger sa petite vie à l'écart de ce « fait social total ».
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Écrit par : Blaise / | 08/07/2014
@ Patrice de Plunkett
> Je ne suis pas convaincu du caractère « révolutionnaire » de ce bouquin; Jean-Claude Michéa, et bien d'autres à sa suite, tiennent le même discours. Gaultier Bès ne fait que s'inscrire dans un courant de pensée déjà constitué. D'ailleurs, pourquoi faudrait-il qu'il révolutionne de fond en comble l'écologie politique? c'est déjà bien d'apporter sa pierre à la réflexion collective.
Blaise
[ PP à B. :
- Le livre de GB s'inscrit dans un courant déjà constitué ? Oui, et ce courant est indiscutablement révolutionnaire ! On ne peut donc pas dénier au livre de GB un caractère révolutionnaire.
- Son apport spécifique est de "révolutionner" des consciences issues du mouvement LMPT, en leur ouvrant des horizons... et en les vaccinant contre une maladie héréditaire de la bourgeoisie : le libéralisme, cause idéologique de ce dont LMPT se plaint par ailleurs.
- Un livre de ce genre, venant d'un des (rares) intellectuels issus de ce milieu, est donc un signe des temps. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 08/07/2014
MESSAGE D'ESPÉRANCE
> Bonjour, lecteur depuis peu de vos lignes, j'y trouve de belles chose. Aujourd'hui, je suis extrèmement heureux de lire "l'écologie intégrale s'efforce de promouvoir un mode de vie respectueux de l'ensemble du vivant."
Naturaliste, animateur nature auprès de jeunes, catholique, jeune père de famille nombreuse, je fais mienne le bons sens de l'écologie humaine que propose depuis longtemps l'Eglise.
L'écologie environnementale est aussi mienne, malheureusement souvent mal comprise voire dénigrée ou relativisée dans mon "environnement catholique". La tête dans le ciel, les pieds sur ... dans le vide! (il fallait lire 'sur terre').
Je suis très heureux de lire ces lignes, impatient de trouver le livre et de le partager car j'en suis certain, je m'y retrouverais et ce sera peut-être une belle occasion d'évangéliser ceux qui sont resté accrochés au ciel, ou ceux qui sont restés par terre!
Un grand merci pour ce message d'Espérance.
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Écrit par : Didier / | 09/07/2014
à PMalo
> Oui pour Juvin.
Mais dans le dernier numéro l'article d'Arduin sur les biotechnologies passe à côté de l'essentiel : le rôle de l'argent. Arduin ne semble pas voir le nœud du problème : une technoscience au service du business !
Dire que le problème se résume à l'oubli de la transcendance, et croire que la seule solution est la conversion religieuse des scientifiques, est le contraire exact de la DSE, plateforme proposée par l'Eglise aux non croyants sur la base de la condition humaine partagée.
La conversion des scientifiques est souhaitable comme celle de tous les humains. Mais que ça n'empêche pas les catholiques de lutter avec les non-croyants pour libérer la science du joug de l'argent !
Le silence d'Arduin sur le problème principal explique pourquoi cet auteur est porté au pinacle (comme Larminat) par les sites libéraux, partisans des causes des effets qu'ils déplorent !
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Écrit par : bernard gui / | 09/07/2014
@ Blaise
> Bien sûr que les initiatives individuelles ne suffisent pas... Mais si nous ne sommes même pas capables de nous discipliner et de nous restreindre à l'échelle familiale, comment pouvons-nous espérer infléchir le mode de fonctionnement d'une société ?
Je crois beaucoup à la vertu de l'exemple et de l'éducation, j'élève mes enfants en ce sens même si la pression extérieure est forte... le message passe malgré tout.
Je me réjouis de voir ces jeunes veilleurs prendre le sujet à bras le corps, beaucoup mieux que nous n'avons su le faire. Puisse leur exemple en faire réfléchir beaucoup d'autres de leur génération !
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Écrit par : Isabelle Lagrange / | 09/07/2014
MUSÉE
> une guerre sera là
http://www.lesinfluences.fr/Le-nouveau-chic-theologien.html
alain jugnon
[ PP à tous - Je recommande aux curieux une visite au site indiqué par ce message. C'est le musée Grévin de la cathophobie : 1930 en 2014. ]
réponse au commentaire
Écrit par : alain jugnon / | 09/07/2014
@ Blaise et Isabelle Lagrange
> "arranger sa petite vie " et agir dans la société ne sont pas incompatibles. Et sur le plan social et politique, nous avons entre nous bien des divergences sur les priorités d'actions, voire même de simples dénonciations, alors quand nous améliorons notre propre frugalité, nous sommes surs de ne pas nous tromper.
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Écrit par : Pierre Huet / | 09/07/2014
> A propos d'Alain Jugnon, je vous suggère ceci :http://anarchrisme.blog.free.fr/index.php?post/2012/10/10/Qui-est-Alain-Jugnon
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Écrit par : JG / | 10/07/2014
GÉNÉREUSE TENTATIVE
> Ma contribution sur un autre blog concernant un article (toujours sur un ton odieusement partial) sur le livre de S. de Larminat,: http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2014/07/la-destination-eschatologique-de-la-cr%C3%A9ation.html#comments
Didier
[ PP à Didier - C'était de votre part une compatissante tentative d'explication, mais vouée d'avance à l'échec ! Vous avez bien du dévouement. ]
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Écrit par : Didier / | 10/07/2014
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