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19/06/2014

PIB : Mandeville, précurseur du Pôle Drogues-Croissance

Mandeville.jpg

"Les vices privés font le bien public"

Bernard Mandeville, 1705

(honoré par Hayek comme pionnier du libéralisme) :

 


" On se pressait en foule dans la ruche féconde,
Mais ces foules faisaient sa prospérité.
Des millions en effet s'appliquaient à subvenir
Mutuellement à leurs convoitises et à leurs vanités,
Tandis que d'autres millions étaient occupés
À détruire leur ouvrage.
Ils approvisionnaient la moitié de l'univers,
Mais avaient plus de travail qu'ils n'avaient d'ouvriers.
Quelques-uns avec de grands fonds et très peu de peines,
Trouvaient facilement des affaires fort profitables,
Et d'autres étaient condamnés à la faux et à la bêche,
Et à tous ces métiers pénibles et laborieux,
Où jour après jour s'échinent volontairement des misérables,
Épuisant leur force et leur santé pour avoir de quoi manger.
Tandis que d'autres s'adonnaient à des carrières
Où on met rarement ses enfants en apprentissage,
Où il ne faut pas d'autres fonds que de l'effronterie,
Et où on peut s'établir sans un sou,
Comme aigrefin, pique-assiète, proxénète, joueur,
Voleur à la tire, faux-monnayeur, charlatan, devin,
Et tous ceux qui, ennemis
Du simple travail, se débrouillent
Pour détourner à leur profit le labeur
De leur prochain, brave homme sans défiance.
On appelait ceux-là des coquins, mais au nom près
Les gens graves et industrieux étaient tout pareils;
Dans tous les métiers et toutes les conditions il y avait fourberie,
Nul état n'était dénué d'imposture.
...C'est ainsi que, chaque partie étant pleine de vice
Le tout était cependant un paradis.
Cajolées dans la paix, et craintes dans la guerre,
Objets de l'estime des étrangers,
Prodigues de leur richesse et de leur vie,
Leur force était égale à toutes les autres ruches.
Voilà quels étaient les bonheurs de cet État;
Leurs crimes conspiraient à leur grandeur,
Et la vertu, à qui la politique
Avait enseigné mille ruses habiles,
Nouait, grâce à leur heureuse influence,
Amitié avec le vice. Et toujours depuis lors
Les plus grandes canailles de toute la multitude
Ont contribué au bien commun.

L'envie elle-même, et la vanité,
Étaient serviteurs de l'application industrieuse;
Leur folie favorite, l'inconstance
Dans les mets, les meubles et le vêtement,
Ce vice bizarre et ridicule, devenait
Le moteur même du commerce...
"

 

(Bernard Mandeville, 1705)

 

 

En 1966, F. A. Hayek érige Mandeville en "maître-penseur" et précurseur de la théorie de l'ordre économique spontané : 'Lecture on a master mind : Dr Bernard Mandeville', Proceedings of the British Academy, vol 52, 1966 ; repris dans New Studies in Philosophy, Politics, Economics, and the History of Ideas, Londres et Chicago, 1978..

  

 

" Mandeville sépare la norme morale, en même temps que la religion, de la sphère de la vie réelle."  (Louis Dumont, 1977)

 

 

"Mandeville prétend que les abeilles ne peuvent vivre à l’aise dans une grande et puissante ruche, sans beaucoup de vices. Nul royaume, nul État, dit-il, ne peuvent fleurir sans vices. Otez la vanité aux grandes dames, plus de belles manufactures de soie, plus d’ouvriers ni d’ouvrières en mille genres; une grande partie de la nation est réduite à la mendicité. Otez aux négociants l’avarice, les flottes anglaises seront anéanties. Dépouillez les artistes de l’envie, l’émulation cesse; on retombe dans l’ignorance et dans la grossièreté." (Voltaire, 1771)

 

 

Commentaires

PÉTAGE DE PLOMBS

> "La drogue dans le PIB, c'est un pétage de plombs de l'ultralibéralisme" (un député sur BFM Business hier).
______

Écrit par : jean-eudes / | 19/06/2014

VOLTAIRE

> Voltaire a écrit quelque chose de similaire dans "Le mondain" (1736). La philosophie sous-jacente, au fond, est du même acabit que que "La fable des abeilles" : les vices privés concourent à la prospérité publique.

Blaise


[ PP à B. - "O le bon temps que ce siècle de fer !" ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise / | 19/06/2014

AU BAC

> Sujet du bac éco qui vient de tomber: Les facteurs capital et travail sont-ils les seules sources de la croissance économique? Eh bien ils pourront répondre que non, il y a aussi le haschich.
______

Écrit par : Cyril B / | 19/06/2014

ASTUCE

> Une autre astuce, s'il se confirme que les gains du proxénétisme seront aussi inclus dans le calcul du PIB, serait que dans chaque couple cherchant à passer un bon moment ensemble ou à repeupler la France (ou les deux en même temps), chaque partenaire facturerait sa prestation à l'autre. Ce serait un jeu à somme nulle pour les protagonistes (si toutefois on leur accorde une TVA à 0%), mais imaginez un seul instant l'explosion du PIB que cela occasionnerait ! Au bas mot, Une croissance à - au moins - deux chiffres ! Eh, eh, les Chinois n'ont qu'à bien se tenir. De toute manière, avec leur politique de l'enfant unique, ils seraient dans l'incapacité de nous rendre la pareille.
Vu l'impact de ces moments de grande félicité nocturne (ou diurne, d'ailleurs) sur la prospérité (et la bonne humeur, et même la démographie) de la nation, on pourrait carrément envisager de les transformer en RTT (pour éviter que cela soit expédié en "3 minutes douches comprise" pour paraphraser un ancien Président de la République), et si pendant les RTT, on procédait aux mêmes occupations, cela occasionnerait un nouveau RTT, et ainsi de suite...
Je pense bien qu'on a trouvé là, outre la sortie de la spirale déflatoire, carrément - n'ayons pas peur des mots - la recette de la félicité universelle. Oui, plus fort que Mandeville !!!

Il y a peut-être juste un risque inflatoire qui se profile à l'horizon. Il faudra éventuellement envoyer Madame Dati négocier la chose avec la BCE, à Francfort. Et il parait que ce ne sont pas des comiques...
______

Écrit par : j. warren / | 19/06/2014

LE CHIEN ET LES PUCES

> Qui a dit (en termes plus fleuris et poétiques) que les puces sur un chien, c'est bien, elles vivent heureuses et le chien aussi, mais passé un certain nombre de puces, le chien meurt et les puces aussi ?
Ha mais c'est vrai, dans le monde merveilleux des économistes, le monde est illimité, les ressources aussi, donc le chien est infini (il peut supporter un nombre illimité de puces) et bien sûr immortel (sinon pauvres puces à la mort du chien !).
Le réveil va être dur (pour certains, pour les autres ce sera juste dur et sans réveil).
Cdt,
______

Écrit par : Bergil / | 19/06/2014

SI ÇA RAPPORTE

> Ou encore au sujet de la vertu des peuples quand le sujet est évoqué, cette admirable sortie dans la femme du boulanger (avec Raimu), quand le comte libertin répond au curé : "la pauvreté leur tient lieu de vertu".
Sous-entendu que si on donne aux peuples les "moyens", plus de vertu...- l'homme est toujours un homme, qu'il soit comte ou manant - on peut ainsi mieux les manipuler.
Mais attention, leur donner des "moyens" certes, sous réserve que ces derniers enrichissent les corrupteurs... on veut bien que le peuple rigole, mais uniquement si ça rapporte gros. Très gros.
______

Écrit par : jean / | 19/06/2014

GAULTIER BÈS v/ MANDEVILLE

> Cette note m’a donné envie d’en savoir un peu plus long sur Mandeville, Hayek et Cie., aussi ai-je lu un article du site Asterion qui m’a immédiatement fait penser à cette phrase :
« Des règles simples , stables et claires favorisent la vie commune »
(Introduction de Nos Limites de Gaultier Bès, M. Durano, A.N. Rokvam)

Pourquoi ? Il parait qu’Hayek voyait en Mandeville le père d’une approche « anti-rationaliste ». Dans la pensée libérale, il y aurait donc non seulement le refus inacceptable de tout repère moral, mais aussi le renoncement à la rationalité dans construction des institutions.

Mais en réalité, en nos temps modernes et même post-modernes nous sommes, surtout en France, dirigés par des gens diplômés à outrance, et qui à la fois débrident les forces libérales et, drapés dans la rationalité qu’ils ont acquise de Science-Po en ENA construisent des édifices juridiques surtout pas simples, fort peu stables et de moins en moins clairs. Et cela ne se calme pas : on nous explique qu’une des grandes réussites de la construction européenne est de créer des normes et du droit
Ainsi le libéralisme avance-t-il accompagné de lourdes masses de complexités qui encouragent les particuliers ou les petits entrepreneurs à demander quoi ? du libéralisme.

Le développement cancéreux de l’administration produit l’étouffement de l’Etat et participe au déracinement en enlevant la spontanéité des relations humaines.

L’hypertrophie administrative aà prétention rationnelle avance de pair avec la croyance en son impossibilité.
______

Écrit par : Pierre Huet / | 19/06/2014

CROISSANCE

> Commentaires fermés sous l'article "Croissance pour tous", je commente -j'ironise - ici :

Si la croissance ne profite pas à tous, cela prouve bien qu'il en faut plus, de croissance !
C'est évident ! On l'apprend en première année de CAP Force de Vente, ça, pas besoin d'avoir fait Saint-Cyr pour le comprendre.
______

Écrit par : PMalo / | 19/06/2014

LE CULTE

> Voltaire aurait pu s'aviser que le culte divin générait aussi de l'activité économique haut de gamme et de l'émulation artistique, mais il n'allait quand même pas prendre la défense de l'Infâme...
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Écrit par : Dr. Zurui / | 20/06/2014

PAUVRETÉ ET VERTU

> Commentaire intéressant mais -pardon- c'est une expression courante (et cynique), parallèle à "sa laideur lui tient lieu de vertu."
Variantes avec "sa timidité", "sa maladresse" etc
Sous-entendu ce n'est pas l'envie qui lui manque mais...
Je ne crois pas que le personnage soit si machiavélique dans le film. "la pauvreté leur tient lieu de vertu" = ce n'est pas qu'ils soient fidèles, c'est simplement qu'ils n'ont pas les moyens d'entretenir de maîtresses.
La pauvreté ou la peur du gendarme donnent les apparences de la vertu, la morale bourgeoise (rejoignant ici la morale musulmane), s'en contente.

Remarque intéressante dans ce film, celle de la vieille bique qui se demande à quoi sert la vertu si l'on ne peut pas mépriser les pécheurs.

Et le dialogue :
- viendriez-vous dîner monsieur le curé ?
- non ! tant que vous entretiendrez ces femmes chez vous.
- voyons, ce sont mes nièces !
- oubliez-vous que je suis votre confesseur ?
- si vous ne l'oubliez pas non plus, toute conversation mondaine devient impossible.
------------------------
"la Chine et sa politique de l'enfant unique" : sachant qu'il y a déjà un déficit de filles, on peut prévoir une hausse du trafic d'êtres humains à destination de la Chine dans les années qui vont venir (et des comportements homosexuels ?)
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Écrit par : E Levavasseur / | 20/06/2014

@ warren

> TVA à 0%? vous n'y pensez pas sérieusement? S'il faut de la croissance, c'est pour réduire les déficits, alors justement, aucune fourniture ni prestation ne doit échapper à la TVA, l'impôt sur les revenus des prestataires etc. :)
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Écrit par : Pierre Huet / | 20/06/2014

@ Dr. Zurui

> Voltaire était favorable à une Eglise d'Etat sur le modèle anglican. D'ailleurs, sur son lit de mort, il a souhaité recevoir les sacrements de l'Eglise - alors même qu'il n'était pas chrétien. L'Eglise comme institution sociale contrôlée par les pouvoirs publics n'était pas pour lui déplaire.
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Écrit par : Blaise / | 22/06/2014

VOLTAIRE ET LES SACREMENTS

@ Blaise, tout à fait d'accord ! C'est un peu un précurseur de Bonaparte et son Concordat ("mes préfets, mes évêques", les évêques devenus "préfets violets"). En tout cas, Mgr Biord, évêque du diocèse de Genève (dont Ferney-Voltaire faisait partie), n'a pas été dupe de la "conversion" du Voltaire mourant. Je ne sais pas s'il a vu sa volonté de réduire la religion à une sorte de police mentale, mais il a vu en tout cas son absence de sincérité, comme il le dit dans une lettre conservée aux Archives départementales de la Savoie :

"Heureusement que l'on ne parle plus de notre fameux Voltaire, et j'espère que sa mémoire sera bientôt ensevelie dans un profond oubli. Je me regarde au moins comme débarrassé pour toujours de son cadavre déjà mieux logé qu'il ne méritoit de l'être. Les anecdotes contenues dans les mémoires apportées par mon frère ne m'ont point surpris. Il étoit en quelque sorte de la justice de Dieu de laisser mourir dans l'impiété un homme qui avoit été si impie pendant toute sa vie. La Religion n'auroit pas d’ailleurs beaucoup gagné aux démonstrations apparentes d'une conversion momentanée qui n'auroit eu pour principes que la crainte et peut-être l'hypocrisie. Mlle Denis a bien écrit au curé de Fernex d'une façon à lui faire entendre qu'elle comptoit qu'on feroit à Fernex un service pour son oncle, mais on ne lui a pas montré beaucoup de dispositions à se prêter à ses désirs ; et ce ne sera certainement pas de mon consentement qu'on fera encore mémoire dans l'Eglise de ce fameux Patriarche des incrédules."

Par contre son premier souhait ne s'est pas réalisé ! Voltaire est très présent dans l'enseignement au lycée, par contre les enseignants des classes préparatoires estiment que ces écrits ne valent pas une si grande place dans l'enseignement (notamment à causes de ses attaques ad hominen contre d'autres auteurs et philosophes, sans prendre la peine de les lire vraiment).
Et sur le plan chrétien, il est sûr qu'on ne pas faire mémoire du "Patriarche des Incrédules" à cause, entre autre chose, de son mépris du peuple, lui qui veut interdire l'instruction des masses, parce que sinon il n'y aura personne pour labourer ses champs et préfère des "frères ignorantins". La célébration des Lumières (en tout cas françaises) basta !
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Écrit par : Aurélien Million / | 22/06/2014

LEUR MÉPRIS

> Le mépris du peuple, c'est peut-être ce qu'il y a de plus antipathique chez Voltaire. Diderot et Rousseau, tous deux fils d'artisan, lui étaient pourtant bien supérieurs d'un point de vue littéraire et philosophique.
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Écrit par : Blaise / | 22/06/2014

FAUX VOLTAIRE

> le Voltaire présenté à l'école est très édulcoré : on passe sur son snobisme, sa jalousie et bien sûr sur tous les passages antisémites, misogynes, méprisants pour les classes modestes.
En fait on fait étudier l'image qu'on veut transmettre de lui.
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Écrit par : E Levavasseur / | 23/06/2014

IMMOBILIER

> Mais si, Punkett, il faut laisser agir les lois du marché. Preuve s'il en est : l'immobilier baisse. Certains biens ont même vu leur prix divisé par 2 en deux ans !

http://www.lavieimmo.com/immobilier-prestige/un-appartement-passe-de-60-000-a-30-000-m-en-deux-ans-27272.html
______

Écrit par : Feld / | 27/06/2014

Les commentaires sont fermés.