L'ex-curé des remonte-pentes part expliquer la vie au pape des bidonvilles

Pascal Vesin et ses ami(e)s ne doutent de rien, mais connaissent mal l'histoire. Et cette affaire de curé franc-maçon pousse mes confrères à dire des inexactitudes :

 

 

Pascal Vesin, 43 ans, ex-curé de Megève (Haute-Savoie), est sur la route de Rome depuis le 14 juillet. Il a été démis de ses fonctions par son évêque pour appartenance au Grand-Orient. Ses groupies et la presse nous présentent cette mesure comme « brutale »... C'est faux : elle n'est intervenue qu'après des conversations de fond poursuivies pendant trois ans. On nous la présente aussi comme exprimant « l'incompréhension » de l'Eglise catholique envers la franc-maçonnerie... C'est encore faux : l'Eglise comprend ce qu'est la démarche maçonnique ! C'est justement parce qu'elle la comprend très bien, qu'elle en constate l'incompatibilité avec la démarche catholique...

On nous annonce donc que Pascal Vesin a entrepris le 14 juillet une « marche vers Rome », pour aller y « expliquer la liberté de conscience » et proposer un coup de main dans ce domaine au pape François, « réputé plus ouvert ». Plus ouvert que les évêques français ? Ceux-ci n'ont pourtant pas la réputation d'être des inquisiteurs...

Si Mgr Boivineau, évêque d'Annecy (et président de Justice & Paix France) a prié le P. Vesin de bien vouloir choisir entre la démarche catholique et la démarche maçonnique, c'est qu'elles ne sauraient aller ensemble de la part d'un croyant – qu'il soit prêtre ou laïc.

Car là est le problème. Et là seulement, en dépit de ce que nous ont raconté des journalistes se recopiant les uns les autres. Même si elle s'est capitalisée au fil de deux siècles, la contradiction entre catholicisme et maçonnerie n'est pas un héritage du passé ; encore moins une vieille lutte kitsch (sottement prolongée en 2013) entre l'ombre catholique et les lumières maçonniques.

Au contraire : cette contradiction est fondamentale ! Donc elle est permanente. La maçonnerie et le catholicisme sont deux dispositions d'esprit incompatibles.

Pour un franc-maçon digne de ce nom [1], le relatif est le seul absolu.

Pour un catholique, le seul absolu est Dieu, et seul Jésus-Christ – assumant la condition humaine pour lui ouvrir l'éternel – incarne à la foi le relatif (les innombrables aléas de la condition humaine) et l'absolu (le sens total).

Donc cette offre christique est irrecevable pour un franc-maçon digne de ce nom.

D'autant que l'offre a pour vecteur l'Eglise, structure dont la fonction même (communiquer l'absolu) est incompatible avec la fonction même de la maçonnerie (enfermer dans le relatif)...

La revendication du P. Vesin était doublement irrecevable par son évêque : au titre de la fonction pastorale du curé de paroisse, et au titre de la simple foi catholique.

Et le P. Vesin se trompe d'époque : son cirque nous ramène trente ans en arrière.

Mais il ne manque pas de culot : il proclame que sa « liberté de conscience » est bafouée par Mgr Boivineau. Bientôt il va se comparer à Edward Snowden... Le diocèse d'Annecy n'étant pas la NSA, la liberté de conscience invoquée par le P. Vesin ressemble plutôt à une grosse ficelle.

Néanmoins il est parti pour Rome, expliquer la liberté de conscience au pape François. Celui-ci connaît le problème un peu mieux que l'ex-curé des remonte-pentes, ayant vécu les années de plomb de la dictature argentine – qui ne fut pas sans liens avec la maçonnerie de Buenos-Aires... S'il reçoit le P. Vesin, le pape pourra lui parler des trois « frères » argentins les plus connus sous la dictature : l'amiral Emilio Massera, membre de la junte ; le général Guillermo Suarez Mason, lui aussi membre de la junte ; et le politicien José Lopez Rega, chef de la sinistre AAA. Si le P. Vesin tient absolument à parler de liberté de conscience avec le pape, il aura là une occasion de s'instruire. Et d'instruire ensuite – maillet battant – sa loge des alpages.

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[1] Je ne parle pas du franc-maçon utilitaire (modèle courant, peu concerné par les enjeux spirituels).