Déblayons les quiproquos entre catholicisme et culture contemporaine

Article de Nancy Huston et Michel Raymond (Le Monde de ce week-end) : intéressant et curieux. Cependant...

 

En page Décryptages du Monde des 19-20 mai, long article de la romancière parisienne Nancy Huston et du scientifique Michel Raymond, spécialiste de la biologie évolutionniste. Intitulé Sexes et races, deux réalités, ce texte anti-réductionniste déclare : « réduire tous nos comportements à la nature ou à la culture est une impasse.»

Extraits :

<< ...Penseurs et philosophes contemporains semblent avoir adopté pour devise la célèbre formule "commençons par écarter tous les faits". [...] Certains domaines sont tout simplement désossés de toute influence biologique ; la thèse qui en résulte n'est pas bien différente d'une mythologie moderne. Ainsi de l'idée selon laquelle toutes les différences non physiologiques entre hommes et femmes seraient construites ("la théorie du genre", introduite depuis peu dans les manuels scolaires français). Dans le monde vivant, mâles et femelles diffèrent toujours biologiquement, y compris pour une partie de leurs comportements, car chaque sexe a une façon spécifique de se reproduire, ainsi chez les gorilles, chimpanzés et bonobos, dont nous sommes les plus proches cousins. Quelle force mystérieuse aurait effacé ces différences dans notre espèce à nous ? Les faits, quand on cherche à les connaître, nous montrent que déjà à la naissance – donc avant toute influence sociale – filles et garçons n'ont pas les mêmes comportements. Et comment ne pas reconnaître que le pic d'hormones de la puberté, que partagent les adolescents humains avec les adolescents chimpanzés, a une origine biologique et un effet marqué sur les comportements ? A cela s'ajoute bien évidemment une forte intervention sociale, qui aura le plus souvent tendance à exacerber les différences biologiques... >>

Nancy Huston et Michel Raymond ouvrent ainsi dans Le Monde le débat que ce journal  a esquivé  (sur l'ordre de M. Pierre Bergé) jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait validé la loi Taubira ! Publier ce texte non seulement trop tard, mais le jour même de la promulgation de la loi, est un véritable mépris du public. Mépris d'autant plus affiché que Le Monde publie dans ce même numéro, à la une, un éditorial triomphant dans lequel il accuse tous ceux qui critiquent la loi Taubira d'avoir « fait remonter à la surface une homophobie et une intolérance qu'on croyait d'un autre âge » : formule pénalement menaçante, à la discrétion du Syndicat de la magistrature. Ainsi la classe dominante affiche sa satisfaction et nous prévient qu'à partir d'aujourd'hui, ça va barder pour ceux qui n'étaient pas d'accord.

Nancy Huston et Michel Raymond feront partie des accusés. Peut-on en déduire que ces deux auteurs sont alliés naturels des foules LMPT, parmi lesquelles le peuple chrétien ? Pas si simple. Poursuivons la lecture de leur article. Ayant qualifié de « mythe moderne » l'idéologie gender, ils croient pouvoir ajouter :

<<...Ces mythes modernes ont en commun avec les religions de reposer sur la dénégation tranquille de faits physiques et biologiques avérés et irréfutables. Ils ont aussi en commun avec les religions de nous flatter et nous rassurer sur notre statut "unique", "choisi", "élu" parmi les espèces terriennes : loin de faire partie du règne animal et de la nature, nous assurent-ils, les humains jouiraient d'un statut à part. [...] Nous, on est supérieurs ! On décide de notre propre sort ! >>

Où la romancière et le scientifique voient-ils que la religion catholique «  repose sur la dénégation tranquille de faits physiques et biologiques avérés et irréfutables » ?

Où voient-ils que le statut « unique » de l'humanité, dans la perspective judéo-chrétienne, autorise la négation des identités sexuées et les délires d'artificialisation ? Huston et Raymond semblent les seuls à ignorer que les catholiques manifestent contre l'artificialisation, pour les identités sexuées.

Et ils n'ont pas l'air de savoir ce qu'il y a dans la Bible. Le livre de la Genèse (2,7) montre le Créateur faisant l'homme « avec de la poussière de la terre » et le désignant, comme l'animal, par l'expression « être vivant » (« souffle de vie » en hébreu). La Bible insiste ainsi sur le lien animal-homme : si supériorité de l'homme il y a, ce n'est pas en se coupant du reste de la création – mais en le prenant sous sa responsabilité selon la directive divine. Le récit biblique ne contredit, ni l'unité matérielle du vivant, ni l'idée d'évolution des espèces. Mieux encore : quand Huston et Raymond écrivent : « l'être humain est un animal pas comme les autres », ils disent à peu près ce que dit la Genèse, et l'on se demande pourquoi ils reprochent aux « religions » de donner aux humains « un statut à part ».

La réponse est simple : polémiquant avec une élite française libérale-libertaire, donc cathophobe, Huston et Raymond croient la prendre à revers en assimilant la mythologie du gender à la pensée religieuse...

Cela dit, leur intention principale n'est pas de s'en prendre aux religions mais de dénoncer l'idéologie du gender. Tenons compte de ça, mettons-le à leur actif, mais éclairons-les sur un judéo-christianisme qui pense en fait la même chose qu'eux : et soulignons que c'est une convergence normale puisque la réalité est la même pour tout le monde – ou plus exactement, pour tous ceux qui ne la nient pas.