04/03/2013
Follement surpayés (et pas si utiles) : les Ubu dorés exaspèrent le citoyen suisse
...mais ne choquent pas l'Elysée-Matignon :
Cette nouvelle navre nos libéraux de droite, qui avaient deux articles de foi : a) "la Suisse est un modèle", b) "quand les riches maigrissent, les pauvres meurent" ! Par une majorité de près de 68 % au référendum d'hier, les Suisses viennent d'exiger le plafonnement des rémunérations des dirigeants d'entreprises cotées en Bourse. Les actionnaires auront un droit de veto sur les montants des salaires ; les primes d'arrivée et indemnités de départ seront interdites.
Nos libéraux ne pourront pas dire que cette loi est fabriquée par "des idéologues ignorant tout de l'entreprise", puisque le projet a été introduit par un entrepreneur (devenu sénateur).
Ils ne pourront pas non plus dire que les rémunérations-monstres n'étaient pas liées à l'ultralibéralisme : la quasi-faillite d'UBS en 2008 est venue des placements à risques impulsés par les banquiers pour augmenter leurs bonus. Ce fut d'ailleurs le point de départ de la colère des citoyens. Une colère renforcée en février 2013 par le scandale Vasella (le patron de Novartis qui partait avec 60 millions d'euros - auxquels l'indignation publique l'a contraint à renoncer).
Quant au dernier argument, il a été avancé par le lobby Economiesuisse mais balayé par le référendum. "Si les 'golden hello' et 'golden goodbye' sont abolis, les grands managers s'expatrieront", affirmait le lobby. "Et alors ?", ont répondu (en gros) les citoyens.
Deux observations cependant :
- rien ne dit que les actionnaires s'opposeront aux rémunérations-monstres, tant que leur intérêt sera privilégié massivement par la « gouvernance » des entreprises ;
- le citoyen suisse est plus courageux que le pouvoir libéral-socialiste français... qui ne veut pas entendre parler d'un plafonnement des revenus, même ubuesques.
12:52 Publié dans La crise, Société | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
ÇA NE RÈGLE PAS TOUT MAIS ÇA Y CONTRIBUE
> Ce référendum règle un problème majeur : Il est tout de même inconcevable que les actionnaires n'aient pas leur mot à dire sur le salaire du PDG. Et pour la majorité des actionnaires, leurs intérêts, ceux de l'entreprise et ceux des salariés convergent.
Il reste néanmoins le problème du statut de la société par actions dans lequel l'assemblée générale des actionnaires a une responsabilité limitée mais des pouvoirs illimités.
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Écrit par : Baratheon / | 04/03/2013
BLANCHIMENT
> Que les grands managers s'expatrient dans ces Etats détenus par des pirates depuis plusieurs siècles : les micro-Etats caraïbéens.
Le problème de la Suisse va cependant au-delà de cette simple problématique des rémunérations abusives ... C'est la plaque tournante du blanchiment en Europe. Et là ... pas sûr qu'il y ait de votation pour revenir dans l'honnête avant longtemps.
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Écrit par : spooner / | 04/03/2013
AUX ÎLES
> Quand on voit les bourdes stratégiques commises par des "managers" qui s'étaient préalablement fixé eux-même leur rémunérations, on ne peut que souhaiter qu'ils aillent voir aux Iles Caïman si leurs actionnaires et leurs employés y sont.
D'autant que ces bonus et stock-option sont, par leurs mode de calcul même, des tentations permanentes à un pilotage à court terme gonflant des profits momentanés au dépend d'une saine direction.
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/03/2013
@ PP
> L’Elysée-Matignon, vous êtes sûr ?
Je les vois déjà… la paire Hollande-Ayrault se déhanchant sur la « sweet soul » de cette fameuse discothèque des années 70/80 en recevant les « golden hello and goodbye » des banquiers qui ont financé leurs campagnes !
Mais soyons justes : le Premier ministre vient de dire son satisfecit devant le résultat du référendum suisse.
Denis
[ De PP à Denis - Il avait aussi annoncé une réforme bancaire. Elle fait ricaner le monde entier. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Denis / | 05/03/2013
BOÎTE
> La boîte de nuit comme image de la "gouvernance" postmoderne ? bien vu.
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Écrit par : Anthony Devred / | 05/03/2013
TEMOIGNAGE D'UN LECTEUR SUISSE
En plus de vos observations, j'aimerais en faire quelques autres, en tant que lecteur suisse de votre blog.
– Thomas Minder, l'homme qui a lancé cette initiative populaire, est un homme de droite, et même d'un parti parfois considéré comme d'extrême-droite. Il a lancé cette initiative après que son entreprise a presque fait faillite, parce qu'une grande entreprise suisse ne voulait pas lui payer ses factures. Au même moment, cette grande entreprise versait des dizaines de millions de bonus à ses employés. On peut difficilement donner un meilleur exemple du choc entre l'économie réelle et l'économie-casino dont vous parlez souvent.
– Daniel Vasella montre bien à quel point ces grands patrons vivent dans un autre monde. Lorsqu'il a renoncé, sous la pression populaire, à ses 60 millions d'euros, il a dit que son erreur avait été de ne pas se rendre compte que cette somme pourrait poser problème. Cela alors qu'il ne restait que quelques semaines avant la votation, et que c'était un sujet de discussion quotidien en Suisse.
– Tous les cantons suisses ont voté oui. Pourtant, les élites politiques recommandaient presque toutes le non. Elles promettaient que le contre-projet indirect (une loi qui serait entrée en vigueur en cas de refus de l'initiative) serait plus efficace et plus juste. Cette tactique du contre-projet, souvent utilisée contre des initiatives dont les termes sont la plupart du temps excessifs, a cette fois-ci été balayée par la population. Cette défiance à l'égard des hommes politiques, rare en Suisse, est un signe intéressant, d'autant plus que la Suisse est un pays qui n'a presque pas connu la crise.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il est difficile de juger les résultats concrets de l'adoption de cette initiative. Son importance symbolique ne doit toutefois pas être sous-estimée.
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Écrit par : DG / | 05/03/2013
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