Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/11/2012

Migrants morts en mer : le cri de Giusi Nicolini

 ...maire de l'île de Lampedusa, hier 19 novembre :

 


<< Je suis le nouveau maire des îles de Lampedusa et Linosa. J'ai été choisi en mai, et, le 3 novembre, 21 cadavres m'ont été consignés. Ce sont des gens qui se sont noyés pendant qu'ils essayaient d'atteindre Lampedusa et pour moi c'est quelque chose qui est insupportable. Pour Lampedusa c'est un fardeau énorme de tristesse. En traversant la Préfecture, nous avons dû demander de l'aide aux maires de la province pour pouvoir offrir un enterrement digne aux 11 derniers corps, parce que notre cimetière n'a plus de places disponibles. Nous créerons plus de places. Mais je pose cette question à tout le monde: quelle taille devrais-je donner au cimetière de mon île ?

Je ne peux pas comprendre qu'une telle tragédie puisse être considérée comme normale. Comment est-il possible de banaliser l'idée, par exemple, que 11 personnes, y compris 8 femmes vraiment jeunes et deux gosses de 11 et 13 ans, peuvent mourir tous ensemble, comme ça s'est passé samedi dernier, pendant un voyage qui aurait dû être le commencement d'une nouvelle vie pour eux ? 76 ont été sauvés mais il y en avait 115 en tout. Le nombre de ceux qui sont morts est toujours beaucoup plus grand que le nombre de corps qui sont rendus par la mer.

Je suis outré par l'impression de normalité qui semble s'être étendue à tout le monde comme une contagion. Je suis scandalisé par le silence de l'Europe, qui vient de recevoir le prix Nobel de la paix et qui reste silencieuse face à un massacre qui fait des milliers de victimes, comme une guerre. Je deviens plus convaincu que la politique européenne sur l'immigration considère ce sacrifice humain comme une façon de restreindre les flux migratoires, ou peut-être une dissuasion. Mais, si pour ces gens, le voyage sur les bateaux est la dernière possibilité d'espoir, je crois que leur mort en mer doit être une raison pour l'Europe de se sentir humiliée et déshonorée.

Dans toute cette page vraiment triste de l'histoire que nous sommes en train d'écrire, la seule raison que nous avons d'être fiers est offerte tous les jours par les hommes de l'Etat italien qui sauvent des vies humaines à une distance de 140 milles de Lampedusa, pendant que ceux qui n'étaient qu'à 30 milles des naufragés (samedi dernier) et qui auraient dû se hâter - avec les vedettes rapides que notre gouvernement précédent avait offertes à Khadafi - ont ignoré leur appel à l'aide. Ces mêmes vedettes rapides servent à arraisonner nos bateaux de pêche, même en dehors des eaux territoriales libyennes...

Tout le monde doit savoir que c'est Lampedusa, avec ses habitants, avec les unités consacrées à fournir assistance et hospitalité, qui donnent la dignité d'êtres humains à ces gens, et qui donnent par conséquent une dignité à notre pays et à la totalité de l'Europe. Mais si l'on veut faire comme si ces gens ne relevaient que de nous, ici, alors j'exige de recevoir des télégrammes de condoléances après que chaque noyé me soit consigné. Comme si les victimes avaient la peau blanche. Comme si chacun [de ces télégrammes] était envoyé par le fils de quelqu'un qui se serait noyé ici pendant ses vacances. >>


 

cimitero_lampedusa.jpg


 

17:00 Publié dans Europe, Société | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : migrants

Commentaires

AU MAIRE DE LAMPEDUSA

> Je présente mes condoléances au maire de Lampedusa et Limosa pour les onze morts de hier. Je ne peux pas soulager votre douleur. Je ne peux que vous dire que je la partage dans la mesure de mes moyens. Ils sont trop faibles pour vous soulager vraiment.
Je suis heureux d'avoir lu votre cri de douleur. Il marque que ces gens seront enterrés par quelqu'un qui traite ce drame de façon humaine. Votre réaction l'est totalement.
Je présente également mes condoléances aux familles et amis des victimes. Ils ont aussi droit à ma pensée émue.
______

Écrit par : DidierF / | 20/11/2012

C'EST UNE FEMME

> Petite précision, le maire est une femme: Giuseppina Maria Nicolini. Ce cri devrait être lu à Bruxelles, Strasbourg, dans nos hémicycles, sur les places publiques !! Merci en tout cas de le relayer.
______

Écrit par : OlivierB / | 21/11/2012

LES PAUVRES NE NOUS QUITTENT PAS

> Je compatis à la douleur exprimée par madame le maire de Lampedusa devant cette tragédie et ces morts qui n’en finissent plus d’aborder les rivages qu’elle a la charge d’administrer.
Qu’elle sache cependant que nous sommes confrontés tous les jours, en tant que citoyens européens, et moi-même en tant que parisien, au dépérissement lent et pitoyable de nombreuses personnes nichées aux coins des rues, sur les trottoirs de nos métropoles.
Nous y voyons vieillir et souffrir des hommes et des femmes, souvent d’origine étrangère et certes liés, pour nombre d’entre eux, à une pauvreté quelque peu instrumentalisée, qui viennent passer ainsi trois mois sur leur bout de trottoir, sont expulsés deux mois, puis reviennent inlassablement, tant qu’ils ont un cœur assez vaillant, pour réoccuper leur place attitrée.
Pour le maire de Lampedusa, la situation est plus tragique et dure, car il y a mort d’enfants, de femmes et d’hommes.
Mais notre situation n’est guère plus reluisante, car ces personnes essuyant la pluie et le froid et quémandant d’un mot, d’un sourire – où ils mettent quelquefois toute leur vie – leur obole nous jettent à la face la tentation égoïste qui est la nôtre de vivre autosuffisants et fiers dans le petit coin de paradis terrestre pour lequel nous luttons, jour après jour. Que ce soit à Lampedusa ou au cœur de Paris. Et nous devons accueillir cette réalité, aussi insupportable qu’elle nous paraisse – et d’autant plus quand nous ne pouvons rien y changer, « humiliés et déshonorés » –, comme une grâce que Dieu nous fait de tirer du mal et d’une situation objectivement mauvaise, par notre compassion, un peu de bien.
« Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous », nous rappelle le Christ (Jn 12:8). De Lampedusa à Paris, ils nous accompagnent, ils ne nous quittent pas. Ils font partie de nous.
______

Écrit par : Denis / | 21/11/2012

LES RESPONSABLES

> Qui est responsable de cette tragédie?
Souvent, c'est l'égoïsme des Etats développés qui est pointé du doigt : en n'ouvrant pas leurs frontières, ils condamnent ces malheureux à ce triste sort.
Mais la réalité semble plus complexe.
Les passeurs, qui font embarquer ces personnes dans des embarcations de fortune contre des milliers d'euros, sont responsables.
La corruption de certaines élites africaines, qui détournent à leur profit l'argent des ressources naturelles, et ne font rien pour développer leur pays, au potentiel parfois énorme, est aussi en cause.
Une certaine culture du laisser-aller en Afrique également,et les divisions qui sont sources de conflits dans de nombreux pays, doit aussi être blâmée.
Enfin, en Europe, la corruption et l'avidité des patrons-voyous, qui emploient des clandestins, et l'égoïsme et la paresse des partenaires sociaux, qui campent sur des droits acquis et confortent les patrons-voyoux dans leur démarche. Sans parler des associations pseudo-antiracistes qui entretiennent ce système poreux, boiteux, malsain.
Ajoutons le regard porté sur les uns et les autres, la rancoeur des africains et la condescendance des européens.
Mais les signes d'espoir sont là, et l'Afrique se réveille et se développe. La route sera longue pour tout le monde.
______

Écrit par : Clément Cassiens / | 21/11/2012

à Clément Cassiens

> Vos commentaires sont pertinents, Clément Cassiens, mais ils appelleraient quelques développements:
1) La responsabilité des Etats développés: c'est aussi la nôtre. C'est un secret de polichinelle que nos gouvernants ont fait de la fermeture hermétique des frontières de l'UE, un objectif politique prioritaire, poussés dans le dos par une opinion publique très largement anti-immigration, de plus en plus majoritairement et ouvertement raciste, et qui ne veut surtout pas se poser trop de questions quant aux raisons qui poussent tant d'hommes, de femmes et d'enfants à vouloir rejoindre - au risque de leur vie - les rivages de l'UE (c'est un non-sujet, y-compris dans la version 'polissée' du discours anti-immigration des cathos de droite 'décomplexés'); Cela se traduit concrètement dans nos politiques nationales et communautaires par une obligation de résultat imposée aux pays frontaliers de l'UE, sans que nous nous souciions trop des moyens utilisés pour ce faire et des "dégâts collatéraux"; ce fut le cas sous Khadafi - et cela n'aura pas changé avec le nouveau régime - dont on savait pertinemment que son régime refoulait des milliers d'Africains dans les sables du Sahara, sans eau ni nourriture; Un détail piquant, pendant la récente guerre en Lybie,les forces otaniennes se sont délibérément abstenues de toucher aux forces navales lybiennes, celles-ci devant ensuite servir au nouveau régime à poursuivre la traque des bateaux de clandestins. Ceux qui souhaiteraient approfondir la question liront avec profit le livre d'Eric L'HELGOUALCH: Panique aux frontières: enquête sur cette Europe qui se ferme. Paris: M. Milo, 2011.
2) "La corruption de certaines élites africaines, qui détournent à leur profit l'argent des ressources naturelles, et ne font rien pour développer leur pays, au potentiel parfois énorme"; Vous avez raison, c'est exact. Mais par qui ces élites sont elles corrompues ? Notamment par les multinationales, en ce compris les nôtres (même si elles se font peu à peu dammer le pion e.a. par leurs consoeurs américaines et chinoises). Nul besoin d'épiloguer sur les ravages provoqués par TOTAL et bien d'autres, le saccage de l'agriculture vivrière au profit de nos agro-industries, les dommages collatéraux des bio-carburants, le pillage des ressources halieutiques par les flottes de pêche européennes au large des côtes africaines.
On notera en incise que, si la plupart des dirigeants africains sont effectivement corrompus, c'est juste un petit peu plus visible que pour nos dirigeants, et ils sont corrompus par les mêmes acteurs (quid des allers-retours à répétition entre cabinets ministériels ou haute administration et pantouflage au sommet des boites du CAC40 ? C'est plus discret que les bons vieux pots de vins, mais tellement plus efficace...)
3) Certes, "la corruption et l'avidité des patrons-voyous, qui emploient des clandestins", mais combien de ces patrons-voyous fonctionnent comme sous-traitants de grosses boites qui sont autant de "pousse-au-crime", dans la mesure où les acheteurs de ces oligarques étranglent littéralement tant de nos PME, les obligeant à travailler à prix coûtant, ou à perte...Et quid des services d'inspection du travail et de répression des fraudes, et de leurs fonctionnaires supposés "contrôler" chacun plusieurs milliers d'entreprises...Ces dernières années n'ont certainement pas vu progresser la possibilité pour eux de contribuer à faire respecter nos lois, et c'est un euphémisme.
4) Quant à "l'égoïsme et la paresse des partenaires sociaux, qui campent sur des droits acquis et confortent les patrons-voyoux dans leur démarche", je suppose que vous voulez parler du petit monde du sommet de nos grandes entreprises, dont les membres empochent des "salaires" défiant l'imagination, véritable rentes de situation, ou effectivement "droits acquis" en dehors de toute justification économique un tant soit peu rationnelle. Vous n'ignorez pas que depuis les années '70, dans les pays de l'OCDE, c'est environ 30000 milliards de dollars de valeur ajoutée qui sont passés de la poche des salariés à celle des actionnaires, situation qui constitue une des causes indirectes principales de la "crise financière" que nous vivons depuis 2007...
5) Quand vous parlez des "associations pseudo-antiracistes qui entretiennent ce système poreux, boiteux, malsain", certes, on y trouve à l'occasion de la démagogie, mais aussi peut-être le meilleur de notre société. Quand on voit certains de ces militants porter assistance - parfois en cachette - à des clandestins qui vivent une immense détresse, dépourvus de tout, on ne peut s'empêcher de penser aux paroles: « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! »
Alors les justes lui répondront : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? »
Et le Roi leur répondra : « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
C'est à méditer, quelque complexe que puissent être les enjeux posés par l'immigration (et à cet égard, il n'est pas mauvais d'élargir un peu la perspective), je suis intimement convaincu que ces paroles s'appliquent à nous dans nos rapports avec les "clandestins" qui croisent - à l'occasion - notre route, ou encore, lorsque nous sommes dans l'isoloir; ils sont nos "prochains" hic et nunc.
______

Écrit par : J.Warren / | 21/11/2012

@ J. Warren.

> Merci d'avoir pris le temps de ces longs développements et pour la sincérité de vos réponses. Je suis parfois d'accord avec vous, parfois non.
1/ La France a accueilli 10 millions d'immigrés, certes pour des motifs pas toujours charitables, mais une fois pour toute, je refuse absolument qu'on traite les Français, qui sont le peuple le plus généreux du monde, de racistes. Le souci du contrôle des frontières est parfaitement légitime, surtout dans un contexte où notre culture disparait de pans entiers du territoire national.
2/ Je travaille avec l'Afrique et en Afrique et je puis témoigner que la corruption n'a pas besoin des occidentaux pour exister. S'il vous plait, abandonnez votre vision selon laquelle l'homme occidental serait toujours coupable de tout. Les jeunes générations n'ont pas à porter cela.
3/Vous avez raison, et j'ajouterai les règlementations très lourdes, sans doute adaptées à une entreprise du CAC 40, mais ubuesque pour une TPE. Combien d'emplois perdus à cause de cela.
4/Je suis d'accord, mais je pensais aussi à cette conception désastreuse du travail parfois portée sur les syndicats, qui voient le patron comme un adversaire, poussent les salariés à en faire le moins possible, et ignorent la sagesse immuable de la Genèse qui veut que l'Homme est le gardien du Jardin, et que s'il veut créer de la richesse, il faut tra-vail-ler, et non pas, pèle-mèle, accuser le patron, ou exploiter l'ouvrier chinois, ou encore imaginer que la machine fera tout à sa place (en brûlant de l'énergie fossile au passage). Le travail est sain, et la société des loisirs, sans avenir.
5/ Il y a sans doute des gens bien chez les antiracistes, mais je pense que les 491 adhérents de SOS racisme passent plus de temps à rameuter des voix au PS et à engranger des fonds publics qu'à se soucier des gens qu'ils sont censés défendre. En outre, leurs méthodes visent souvent à accuser les autres plutôt qu'à construire quelque chose par eux-mêmes. Je n'ai aucune considération pour ces associations qui légitiment ce système dont les noyés de Lampedusa sont les victimes.
En conclusion, je vous félicite pour votre compassion pour les clandestins (qui, au passage, arrivent sur notre territoire en violant la loi), et je vous propose d'étendre votre attention à :
- l'ouvrier français qui a dû fuir sa banlieue où il était le dernier blanc (lisez Fractures françaises de Christophe Guilluy),
- le français de moins de 40 ans, classe moyenne, qui n'a aucun espoir de s'acheter un logement et de fonder une famille, pendant que des logements sociaux sont attribués à vos "prochains" fraichement débarqués,
- le chômeur français viré car on a employé un clandestin à sa place, qui coûte moins cher et n'est pas syndiqué évidemment !
A laisser pourrir la situation, nous finirons par voir l'Europe se déchirer et cesser d'être l'Eldorado qui attire les clandestins. Nous n'aurons donc plus une fracture riches/pauvres, mais uniquement des pays pauvres... beau résultat.
Mais comme il faut être constructif, je rêve quand même de :
- une Afrique qui vivrait son propre destin, sans penser uniquement que son avenir est d'aller mendier du travail chez les Blancs,
- une Europe qui cesserait de se suicider, où on cesserait de culpabiliser les gens en les traitant perpétuellement de racistes, égoïstes, colonialistes, esclavagistes, etc.
- un système économique où on retrouverait la joie au travail, l'unité des travailleurs, où chacun travaillerait pour la gloire de Dieu mais ni pour le fric ni pour pendre le patron,
- une société où chacun aurait un avenir et où la génération 68 (je ne dis pas ca pour vous, cher PP...) cesserait, après avoir tué ses pères, d'étouffer la génération suivante.
______

Écrit par : Clément Cassiens / | 21/11/2012

Cher Clément,

> Merci d’avoir eu la délicatesse de parler de «sincérité» et non d’angélisme ou de « bons sentiments », mais vous savez aussi bien que moi qu’on peut être parfaitement et authentiquement « sincère » et dire n’importe quoi.
Il ne s’agit pas ici pour moi de « sincérité », mais bien de « vérité » et de « doctrine catholique » qui nous engage en conscience, même quand ce que dit l’Eglise ne nous plait pas. Il est sain et louable d’aimer la France et sa culture, mais le Christ ne nous a pas demandé de « défendre notre culture menacée », si belle soit-elle (et encore moins une vision fantasmée de la France des années ’60), il nous demande d’évangéliser notre prochain, quel qu’il soit, et cela suppose d’abord que nous l’accueillions et que nous le servions en frère, même quand cela risque de nous faire mal, ou d’entraîner un inconfort certain. Il y a des priorités dans l’ordre de la vérité et de la charité, lesquelles avancent main dans la main.
La réalité décrite à Lampedusa n’est ni un accident, ni un hasard, elle découle directement des actuelles politiques de contention de l’immigration – et de leur nécessaire mise en œuvre -, politiques auxquelles vous souscrivez sans état d’âme, et vous souhaiteriez peut-être même en 'remettre une couche'. Verser une petite larme devant ces corps, sans assumer cette réalité constitue une attitude à la Ponce Pilate.
Je vous engage à consulter le lien suivant, reprenant une série de contributions parues sur ce blog à propos de l’immigration, et du regard posé par l’Eglise sur cette réalité : http://plunkett.hautetfort.com/tag/immigration
Lisez d’abord ces interventions, les échanges qu'elles ont suscité, et on peut ensuite en reparler, si vous le souhaitez.
Je me permets de vous aiguiser l’appétit, en citant quelques-uns des intitulés de ces contributions.

Immigration : ce que dit l'Eglise catholique...n'a rien à voir avec un repli identitaire :
"Le pape Benoît XVI a lancé à l'occasion de la Journée mondiale des migrants et des réfugiés, un fervent appel pour qu'ils soient accueillis partout dans le monde.

USA : évêques catholiques contre loi anti-immigration. Combien de sites catholiques français s'en feront l'écho ?

« Immigration : l'attitude de l'Union européenne suscite l'indignation au Vatican », déclare Radio Vatican rendant compte de la position du cardinal Bertone pour qui « l'Europe a perdu son esprit de profonde solidarité »

Comment les catholiques doivent envisager la question de l'immigration ? Mgr Veglio réaffirme le devoir (non négociable) du témoignage de charité évangélique, hors de laquelle toute attitude prétendument "catholique" ne serait pas chrétienne :

Le Saint-Siège demande de ne pas "criminaliser les immigrés en situation irrégulière", rappelle Mgr Tomasi à Radio Vatican. Il appelle à la régularisation "de qui a un emploi"

Dialogue de sourds dans un parc avec un quadra parisien, chic et péremptoire, sur l’Eglise catholique, le social, l’immigration

L'immigration et l'Eglise catholique : orientations vaticanes
qui ne sont pas facultatives quand on se dit catholiques
______

Écrit par : J.Warren / | 22/11/2012

TERRA FERMA

> Ce drame m'a immédiatement fait penser au film "Terra ferma", que j'ai vu il y a quelques mois et qui fut pour moi un véritable choc, humain et spirituel.
Le film se déroule précisément dans l'île de Lampedusa, havre de paix pour les touristes bien-portants qui bougent leur cul au son de la musique latino, et soudain ramenés à ce réel qui dérange, celui d'un cri de détresse qui vient frapper à nos portes, dans des barques de misère venues d'Afrique.
Ce signe venu de loin va faire vaciller les consciences.
Je vous conseille vivement de le voir ici en lien en intégralité, dans sa version originale (italien), sans sous-titres, mais les images et les personnes parlent d'elles-mêmes. Ce film est par ailleurs d'une beauté visuelle et sonore rare...
http://www.youtube.com/watch?v=T-yRFfZA8kY
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 22/11/2012

Cher J.W,

D'abord un grand merci à PP qui nous ouvre les colonnes de son blog pour ce débat intéressant.
Je connais la position que vous défendez et j'en apprécie la valeur.
J'y vois toutefois deux limites.
1/ La première est un certain orgueil qui nous pousserait à nous imaginer que nous pourrions à nous seuls soulager toute la misère du monde, et que les "autres" (les habitants du Sud) seraient incapables, sans nous, de se tirer d'affaire. Elle transparait, pardonnez ma franchise, dans une position comme la vôtre qui ne renvoit jamais, par exemple, les Africains à leurs responsabilités. Mais les Africains ne sont pas de grands enfants que nous devrions prendre par la main. Ils sont nos égaux, et le "fardeau de l'homme blanc", c'est FI-NI.
2/ La seconde est la bonne conscience trouvée via la compassion de ces misères tragiques de nos frères lointains, sans voir ce qui se passe à votre porte. Qui est votre prochain? D'abord votre voisin, et avant d'aller faire de l'humanitaire à l'autre bout du monde, pensez à visiter la vieille dame qui vit seule en face de chez vous...
Pardonnez ma franchise envers le porteur de vérité que vous estimez être, mais vous faites partie de ceux qui légitiment ce système poreux qui pousse ces malheureux à mourir sur des épaves en Méditerranée. Violer la règle est un facteur de désordre qui ne peut apporter que des malheurs. Et si l'Eglise appelle à la compassion envers les migrants, même illégaux, elle n'a jamais incité à l'immigration clandestine.
Connaissant un peu l'Afrique, je peux vous dire que sur certains points, j'envie les Africains. Ils ont ce que nous ne possédons pas : la jeunesse.
Pour ma part, trentenaire dans un pays vieillissant et en faillite, aux frontières duquel campent des millions d'affamés, personnellement coupable, selon beaucoup, de tous les maux de l'histoire, héritier d'une culture mourante, sans perspective de pouvoir construire ma maison (la vraie, celle en pierre, d'un prix inaccessible) et donc ma famille, interdit de pensée par la génération précédente, je n'accepte pas, ne vous déplaise, de disparaitre silencieusement.
Certes je ne finirai pas noyé en Méditerranée et je fais partie des privilégiés de ce monde, et j'en rends grâce à Dieu. Mais vous ne me convaincrez pas que la charité que je dois à mon prochain suppose d'adopter une conduite suicidaire.
Bien cordialement,
CC.
______

Écrit par : Clément Cassiens / | 22/11/2012

Cher jeune Clément,

> ce n'est pas une attitude suicidaire, c'est la porte étroite de la Vie.
La mort à une certaine opulence et un certain confort matériel et intellectuel de fait déjà morts, pour entrer dans, quoi?, "Viens et suis-moi", l'imprévu de la Providence. Non pas en nous enfermant dans des citadelles assiégées, position intenable face à la pression démographique, mais en nous ouvrant à la jeunesse, oui vous avez raison, de nos frères de ce monde. Et s'ils nous massacraient un jour? Et bien que ce soit en témoins de l'Amour, non en défenseurs de privilèges. Alors le meilleur de notre Occident se transmettrait de nouveau par le sang des martyrs. Mais peut-être cela se fera-t-il beaucoup plus pacifiquement que nous l'imaginons. Ils ne sont pas encore nos ennemis, oh non! Mais nous avons déjà à les aimer. Ils sont comme vous, comme nous, les victimes de ce système ultra-libéral qui broie l'homme au nom du profit maximum. Notre ennemi est commun, et seuls ceux qui profitent du système ont intérêt à nous voir nous entre-tuer, afin de nous vendre des deux côtés leurs armes,leurs technologies, plus encore leurs rêves-propagandes multimédiatisés de société de consommation, et détourner d'eux notre juste rage.
______

Écrit par : Anne Josnin / | 22/11/2012

Chère Anne,

> Privé d'avenir, de pays, de perspectives, vous me demandez maintenant de mourir en martyr. Je vous en remercie mais un tel appel ne peut venir que de Dieu, pas d'Anne Josnin, aussi inspirée croit-elle être.
Votre erreur, et celle de J.W., est que vous faites porter aux autres le fardeau de votre générosité. Qu'attendez-vous pour nous montrer l'exemple, au lieu de demander aux autres de mourir en martyrs? Pourquoi n'abandonnez-vous pas votre confort tout de suite? La charité, c'est maintenant...
Votre seconde erreur concerne l'exercice de la charité. Si vous voulez aimer votre prochain, il faut vous aimer vous-même d'abord. A l'échelle des nations, pour aimer vos voisins, vous devez aimer votre patrie. Sinon, vous jetterez le bébé avec l'eau du bain. Votre très légitime souhait de changer notre système économique ne doit pas vous conduire à vous réjouir de la mort de notre monde. Et rappelez-vous que malgré tous ses défauts, notre monde a une qualité essentielle, c'est que chacun peut manger à sa faim. La misère, voilà l'ennemie !
Enfin, j'entends ce que vous dites concernant la situation démographique. Je connais le destin de tous les murs, depuis le mur d'Hadrien jusqu'à la ligne Maginot, en passant par les Limes et le mur de Cisjordanie. Mais les tendances évoluent, et la démographie s'effondre un peu partout (Maghreb, Iran, et évidemment Chine). L'avenir n'est pas aussi tracé que vous le pensez et nous ne sommes pas encore morts.
Vous (et J.W.) ne pouvez pas rejeter toute politique de contrôle des frontières, ni jeter la pierre à ceux qui pensent qu'un million d'immigrants supplémentaires tous les ans en France, c'est trop.
Un dernier mot pour remercier PP, à qui ce blog doit donner beaucoup de travail, de cet accueil. S'il le souhaite, il pourra vous communiquer ainsi qu'à J.W mon courrier électronique, afin que nous puissions continuer cet intéressant débat hors de son blog et alléger un peu sa lourde tâche.
Cordialement,
CC.
______

Écrit par : Clément Cassiens / | 27/11/2012

Les commentaires sont fermés.