14/09/2012
Conférence sur l'environnement à Paris : va-t-on continuer à fuir les responsabilités...
...derrière le sophisme de la "prise de risques" ?
L'hémicycle du Conseil économique et social.
On connaît la chanson. Du déni de l'amiante ou du tabac cancérigènes au déni du CO2 dans le changement climatique, certains l'ont chantée pendant dix ans*: il fallait avoir « confiance », l'Etat ne devait pas brimer « la liberté », la « compétitivité » exigeait la « prise de risques », etc. Mais les faits sont têtus. Les données médicales font honte aux négateurs de l'amiante et du tabac. Les négateurs du réchauffement (souvent les mêmes) sont réduits au silence par les constats géophysiques.
« Prendre des risques » est un sophisme, quand il s'agit de foncer en aveugles sans avoir procédé honnêtement aux test scientifiques indispensables. Or le business et les politiques continuent sur leur lancée : présentant leurs propres intérêts comme « bons pour tout le monde », ils maintiennent, ou réactivent, des projets démasqués comme nuisibles depuis plusieurs années.
Ainsi le projet (Vinci+Suez) de second aéroport nantais. Les populations le rejettent. Son promoteur Ayrault a feint de le geler avant la présidentielle, mais Mme Vallaud-Belkacem déclare que « ça se fera ». Envers et contre les gens...
Ainsi également du gaz de schiste. Cédant aux protestations populaires, Sarkozy avait feint de lui dire non ; de nombreux indices (dont l'hilarité de M. de Margerie) indiquaient cependant que ce serait oui si la droite gagnait ; Hollande avait donc dit non pendant la campagne présidentielle. Aujourd'hui les petites phrases d'Ayrault et Montebourg font deviner que ce sera oui. Pour préparer l'opinion, on voit se succéder à la télévision et à la radio les amis de l'industrie d'extraction, qui chantent – sur un ton plus « jeune » – la vieille chanson d'Allègre : ayez confiance, prenons des risques, l'économie l'exige, les enquêtes sur les méfaits de l'extraction ne sont pas recevables, d'ailleurs ce qui est dangereux aujourd'hui ne le sera plus demain, etc. Comme si des nuisances constatées dans les grands espaces nord-américains n'allaient pas s'aggraver exponentiellement dans le champ clos de la Seine-et-Marne...
La « conférence sur l'environnement » se tient pour 48 heures au Conseil économique et social, à Paris. Le gouvernement y invite les ONG. Elles parleront. Mais on imagine mal M. Ayrault cédant sur son ayraultport, M. Montebourg renonçant à transformer la Brie en gasland, M. Le Foll s'attaquant réellement aux pesticides, Mme Touraine dénonçant vraiment le rôle des pollutions dans l'explosion des cancers et des maladies chroniques*** ; et plus généralement, le pouvoir politique (de gauche ou de droite) acceptant l'idée que les effets ont des causes, et que le productivisme industriel avec son mythe de la croissance – engrenage du « toujours plus » – est le convoi fou de Runaway Train, poussé-tiré par ses deux locomotrices et fonçant vers le crash. Ne comptons pas sur nos dirigeants pour admettre cette perspective.
Relisons en tout cas l'encyclique de Benoît XVI Caritas in veritate. Elle nous apprend à placer nos espoirs ailleurs que dans le système actuel.
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* non sans trucages et invectives.
** pollution des nappes phréatiques, intoxication chimique, séismes etc.
*** cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires dues aux particules fines : 24 millions de Français touchés, 83 % des dépenses de santé.
11:13 Publié dans Ecologie, Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : écologie, environnement, hollande, ayrault, montebourg
Commentaires
LES CHEMINS DE FER
> le grand truc en ce moment sur les radios "économiques", c'est de dire que refuser le gaz de schiste est aussi bête que refuser les chemins de fer en 1840. L'argument est stupide puisque les deux choses n'ont rien de commun sur le plan géophysique. Mais bien sûr ça marche.
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Écrit par : Andy Capp / | 14/09/2012
suite de Andy Capp
> Ou dire que c'est aussi bête que refuser les tracteurs à l'époque industrielle. Sauf que aujourd'hui, on revient aux chevaux pour draguer les rivières, tirer des charrettes etc. C'est efficace, convivial et apaisant.
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Écrit par : FL / | 14/09/2012
LES BANANES
> La propagande pro-schiste est d'un niveau intellectuel et moral aussi bas que la campagne Maastricht en 1992 : "vous aimez manger des bananes ? alors votez pour le traité sinon il n'y aura plus de bananes sur les marchés." Entendu ça mot pour mot. En plus c'était un journaliste (pas un militant de parti) qui parlait ! (à une dame faisant ses courses, en radio-trottoir dans le Pas-de-Calais).
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Écrit par : Agathe Cormélon / | 14/09/2012
COMBIEN DE TEMPS
> Finalement, pas de gaz de schiste: "la fracturation hydraulique, seule technique aujourd'hui connue, n'est pas exempte de risques lourds pour la santé et l'environnement". On va voir combien de temps ça va tenir, mais, au moins, ça a été dit.
Mahaut
[ De PP à M. - Mais les amis de l'industrie expliquent tout de suite que "les recherches vont trouver rapidement d'autres méthodes" et qu'en attendant il faut y aller. Je l'entendais encore dire sur BFM tout à l'heure... Et c'est l'intime conviction d'Ayrault, Montebourg et quelques autres. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Mahaut / | 14/09/2012
JEU CONCOURS
> Faisons un jeu concours à qui entendra le premier à la radio l'histoire du crottin de cheval et du moteur à explosion. On va nous la resservir. Cette foutaise circulait déjà en 1970 (là c'était contre le club de Rome).
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Écrit par : ned / | 14/09/2012
HOLLANDE OBLIQUE
> Je lis dans mon quotidien que Hollande, dans son discours à la conférence sur l'environnement, "n'a pas voulu trancher le débat qui agite le gouvernement et la majorité sur l'exploration des gaz de schiste" - évidemment, puisque ses ministres sont pour, à commencer par l'imposteure Batho (qui milite aussi pour l'ayraultport et le nucléaire). Hollande refuse de parler de "moratoire" alors que c'est cela seul qui compte. Tant qu'il n'y aura pas de moratoire, Total et les autres bousilleurs pourront renégocier de soi-disant "permis d'exploration" qui se convertiront automatiquement en permis d'exploitation, sous camouflage d'améliorations technologiques bidonnées.
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Écrit par : voran / | 14/09/2012
> Indice supplémentaire donné par les médias : "l'entourage du chef de l'Etat" refuse de donner des précisions. Bien sûr.
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Écrit par : Sept-Epées / | 14/09/2012
HOLLANDE
> Certes, mais le président Hollande a tenu des propos que les opposants au gaz de schiste ne manqueront pas de ressortir si le besoin s'en fait sentir.
M.
[ De PP à M. - Les députés se méfient : cf la note que je viens de mettre en ligne (16/09) sur la proposition de loi PS qui va être déposée pour court-circuiter Ayrault. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Mahaut / | 16/09/2012
ET LES 40 AUTRES PERMIS ?
> Pas folle la guêpe : en annonçant tambours battants l'abrogation de sept permis, François Hollande se paye le luxe (et nos têtes !) de ne rien dire des près de quarante autres encore valables, et de ne pas préciser que les sept demandes refusées étaient des demandes de nouveaux permis et non des permis déjà accordés.
Le dossier gaz de schistes n'est évidemment pas clos en France. Ou comment donner l'illusion de la fermeté tout en laissant de subtiles ouvertures dans lesquelles les industriels s'engouffreront tôt où tard. Ces gens là ne lâchent jamais rien, tant qu'on ne leur assène pas le coup de massue derrière la tête dont le sens politique du bien commun imposerait qu'on le leur inflige.
http://www.reporterre.net/spip.php?article3209
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Écrit par : Serge Lellouche / | 17/09/2012
ET L'AYRAULTPORT ?
> "- Madame la ministre, une idée forte pour commencer le débat national sur l'énergie serait de commencer de poser la question de la consommation et des besoins. Est-ce qu' on pourrait pas aussi envisager de poser la question des besoins sur les projets d'aéroports par exemple ?
- ....
- Madame la ministre ?"
Question bateau, réponse Batho : http://www.reporterre.net/spip.php?article3202
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Écrit par : Serge Lellouche / | 17/09/2012
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