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11/09/2012

La vérité sur les émigrés fiscaux

 émigrés fiscaux

          Ils émigraient déjà sous Sarkozy :



 

Gênée par la polémique Arnault, la droite réagit en ordre dispersé :

- les politiciens déplorent la décision du patron de LVMH, mais l'imputent au 75 % de Hollande ("économiquement irresponsable") ;

- les libéraux pur jus ne parlent que du 75 %. C'est évidemment pour le vitupérer, au nom de l'axiome libéral selon lequel : a) tout riche serait par nature un « créateur d'emplois » ; b) "imposer les riches serait les faire fuir, donc affamer tout le monde".

Déjà discutable en soi, cet axiome est doublement dépassé aujourd'hui :

1. comme le souligne Stiglitz*, la logique du système depuis vingt ans est de multiplier le nombre de ceux qui n'investissent que dans le casino spéculatif. La proportion de PDG créateurs d'emplois diminue d'année en année.

2. Aujourd'hui les nantis qui émigrent (et dont beaucoup n'employaient personne hormis valet, chauffeur et cuisinière) prétendent que c'est par répulsion envers ce Hollande qui est, comme on sait, un redoutable bolchevik. Mais les Français ultra-riches émigraient déjà sous Chirac ! Et même sous leur ami Sarkozy... Malgré le bouclier fiscal voté en leur faveur dès 2007, aucun émigré n'est revenu en France. Dans l'année 2008, apogée du sarkozysme triomphal, les Français ultra-riches (dont beaucoup d'invités de la fameuse soirée du Fouquet's) furent encore plus nombreux à partir pour la Suisse – ou pour Bruxelles, où la population plaisante ces "SDF " : "Sans Difficultés Financières".

L'émigration des ultra-riches exaspère le Français moyen. D'où le virage désespéré des sarkozystes à la veille de la campagne présidentielle, quand Laurent Wauquiez tenta de faire croire à l'existence d'une "droite sociale" en proposant de pénaliser lourdement les émigrants fiscaux**...

Mais c'était un peu tard.

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* cf. ma prochaine note (vers 18 h).

** Quant aux projets fiscaux de l'Elysée si Sarkozy avait gagné la présidentielle, ils n'auraient pas été différents du train de mesures annoncé par Hollande dimanche soir. (Avis à la droite catho, encore sous le choc après la défaite de son héros).


Commentaires

LES FRONTIÈRES ET LES PAUVRES

> Bien sur! Le hic dans tout ça c'est que :
1) Il n'est donc pas efficace de faire payer les très riches dont la fortune "anonyme et vagabonde" comme on disait est plus délocalisée que jamais. Après tout, nous avons fait tomber frontières et certains disent que c'est le souffle de l'Esprit, nous sommes tous frères, n'est ce pas. et puis, la Belgique c'est l'Europe!
2) C'est de plus en plus difficile de faire payer les pauvres, de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres.
3) Reste ceux qui gagnent encore honnêtement la vie de leur famille... Ces salauds-là, qui osent tirer une fierté de leur métier, on va leur en faire baver. Ah mais!
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Écrit par : Pierre Huet / | 11/09/2012

'LIBERATION'

> La une du Libé de lundi (« Casse-toi riche con ») a donné lieu à débat et tension en interne d’après le récit qu’en fait ce journal (http://www.liberation.fr/medias/2012/09/10/le-riche-con-provoque-du-buzz-et-une-plainte_845366 ). Mais le côté sainte-nitouche de Bernard Arnault dans l’affaire, réitérant en mineur son numéro de 1981 (exil de trois ans aux Etats-Unis) tout en protestant de son honnêteté de citoyen français assujetti à l’impôt, nécessitait une réaction.
Libé, en l’espèce, assume son statut de journal « de gauche », donc d’opinion, face à un homme – 5e fortune mondiale – habitué à ce que rien ni personne ne lui résiste.
Evidemment, l’insulte n’a jamais grandi personne. Mais quelle riche raccourci ! Tout y est : l’orphelin du sarkozysme – l’une de ses « liaisons (pas si) dangereuses » –, l’opinion dominante sur l’indécence d’un libéral refusant de se montrer solidaire dans la crise, le thème quasi-évangélique de la connerie du riche (il tire sa révérence, mais s’interroge-t-il sur le salut ?), enfin le tutoiement qui montre qu’Arnault faisait bien partie de la famille et l’insulte qui traduit la blessure ressentie… bref il y a du grain à moudre dans ce « casse-toi riche con ! ».
J’apprécie. Pas très chrétien ? Manquerai-je avec Libé à la douceur (l’ironie sœur de la colère) et à la modération dans mes jugements ? Sans doute, mais dans l’autre plateau de la balance, il y a la charité de la leçon infligée, l’extrême charité faite par Libé à un homme qui vaut 41 milliards et qui a poussé la bonne conscience jusque-là : jeter en pâture à l’opinion publique, en se désolidarisant d'une nation en crise, son sentiment d’être spolié par des mesures budgétaires et fiscales inspirées par une incontournable et indiscutable volonté de justice.
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Écrit par : Denis / | 11/09/2012

@ Denis

> Au fait, qui sont les actionnaires principal de "Libé"? Édouard de Rothschild (38,87 %).
Il est vrai que la fortune de sa famille est encore plus fluide et délocalisée que celle de ce retardataire d'Arnaud. On est de gauche ou on ne l'est pas.
Mais, dira-t-on une Société des rédacteurs veille à l'indépendance journalistique. Soit, mais la sagacité de Libé n'a-t-elle jamais des angles morts?
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Écrit par : Pierre Huet / | 11/09/2012

LA DECROISSANCE

> Joli coup de pub. Libé, le journal du libéralisme qui se donne des airs rebelles et sympa, qui crie "mort aux riches" avec Anne Lauvergeon dans son conseil de surveillance, a piqué son titre à 'La Décroissance', qui s'en prenait au plus célèbre exilé fiscal de tous les temps...
http://www.ladecroissance.net/?chemin=journal&numero=55
Ca a fait beaucoup moins de bruit, normal, dans La Décroissance, y a pas de pub.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 11/09/2012

@ Pierre et Serge

> La sagacité des journalistes de Libé a évidemment ses angles morts, que nous découvrirons à nouveau dans le débat sur le mariage homosexuel (si tant est que ce débat ait lieu). J’ai moi-même – à titre personnel – expérimenté la légèreté et l’esprit libertaire au dernier degré du journal (un « Carnet » où, à la demande d’un de mes frères, je faisais part du décès de notre père ; l’annonce voisinait avec un sujet parfaitement – texte et photo – pornographique ; Libé la classe… de fait, suite aux quelques observations que j’adressai sur ce voisinage à la commerciale concernée, le journal m’a remboursé – ce que je ne demandais pas). C’est vrai, « Libération » se donne volontiers des airs rebelles ! Et il arrive que ces airs transportent l’effluve d’une vérité, comme dans la « polémique Arnault ».
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Écrit par : Denis / | 11/09/2012

Cher Denis,

> Nous sommes d'accord sur le fond, mais je voudrai tout de même ajouter ces compléments.
Certes, la ligne éditoriale d'un journal comme Libé qui relève d'une stratégie savamment étudiée, n'efface pas pour autant la complexité et les ambivalences réelles de la « base » humaine et rédactionnelle face à ces stratégies. C'est en ce sens que je comprends l'anecdote très personnelle dont vous nous faites part.
Il me semble qu'il y a deux problèmes distincts : le message « casse-toi riche con », et le lieu depuis lequel il est exprimé.
Sur ce dernier point, en effet je crois beaucoup moins, dans cette "une" de Libé, à l'expression spontanée de rédacteurs prenant les devants et s'autorisant un crime de lèse-oligarchie, qu'à une pseudo-rébellion qui n'étonnerait personne de la part d'un journal objectivement vendu aux banquiers.
L'imbrication de ce média aux pouvoirs financiers et productivistes est devenue telle qu'il y a toutes les raisons de douter de la gratuité de ce coup de gueule anti-riche. Ce système est assez pervers pour lui-même organiser afin de mieux la contrôler, la critique radicale dont il pourrait être l'objet, immédiatement contre-balancée par une injonction paradoxale : ce matin dans Libé, on parle en toute tranquillité et en toute neutralité, comme une lettre à la poste, de la validation du plan de sauvetage européen (sic) par le tribunal constitutionnel allemand... On y écrit sagement : « Une issue différente aurait remis en question les avancées des derniers mois, avec des conséquences politiques et économique imprévisibles». Ouf ouf ouf ! Rien de plus comique que des rebelles au garde à vous, surtout deux jours après qu'ils aient montré leurs gros bras.
Sur la colère qu'exprime le message lui même, en quoi mettrait-elle en cause l'esprit de charité?
Face à l'insupportable, faudrait-il se résigner à un silence poli et complice pour se croire paré des plus hautes vertus de charité ?
Pour le coup, je trouve au contraire suspects d'une charité affadie et imprégnée de bien-pensance ces gens si bien, toujours prompts à agiter le chiffon du « manque de charité » quand ils s'indignent tellement plus de l'impertinente offense faite à ces monstres d'égoïsme, que des crimes contre la charité dont ces monstres sont coupables.
Ils feraient donc bien de donner la leçon de charité au Christ lui-même et à saint Jean le Baptiste qui traitait les pharisiens de race de vipères.
L'indignation à l'égard des mensonges et de la morgue arrogante de Bernard Arnault ou de Christine Lagarde, ne se substitue en rien à la question de leur salut, dont le mystère ne nous appartient pas, relevant de la seule justice dernière du Seigneur.
En matière de dénonciation, arrêtons avec nos faux scrupules qui trahissent nos vraies complaisances. Le très doux saint François de Sales écrivait ceçi : «j'excepte entre tous les ennemis déclarés de Dieu et de son Église, car ceux-là, il faut les décrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des hérétiques et des schismatiques, et les chefs d'icelles : c'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voire où qu'il soit».
Et puis ce chantage permanent à l'exil fiscal a trop duré. Avec cette affaire Arnault c'est vraiment l'occasion pour les chrétiens de signifier où est la vraie richesse, celle de notre foi, celle du partage et du don gratuit, celle qui irrupte des cœurs blessés, celle des trésors de vie dont les figures les plus vulnérables sont porteuses.
Les 41 milliards de dollars de Bernard Arnault, on en a pas besoin. D'ailleurs, ont-ils jamais servi autre chose que sa misérable soif de gloire et de puissance ?
Misères du libéralisme, richesses de notre foi. Dans ce renversement tant espéré, je me suis rarement autant réjoui qu'à la lecture du texte de notre amie Anne Josnin. Ca souffle aussi fort qu'au sommet du Menez-Hom en Bretagne, ouvert sur l'horizon du grand large. J'aime ça ! J'en propose ici la vivifiante lecture :
http://www.chretiensindignonsnous.org/2012/03/miseres-du-liberalisme-richesses-de-notre-foi/
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Écrit par : Serge Lellouche / | 12/09/2012

@ Serge

> Merci pour ce rappel à la charité. Avec cette belle référence au patron des journalistes et des écrivains, saint François de Sales : « C’est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voire où qu'il soit ». Une difficulté pour tous, gens de plume et chrétiens :
1/ nous ne sommes pas assez nombreux à voir le loup et pourtant il semblerait qu’il y ait de plus en plus de loups (plus que d’agneaux ?) ;
2/ nous devons apprendre à bien crier (après avoir prié !) pour faire entendre notre voix : ni hurlement/grognement, ni bêlement.
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Écrit par : Denis / | 12/09/2012

Cher Denis,

> :) J'avoue et confesse ma tendresse personnelle pour le bêlement :
http://www.reporterre.net/spip.php?article996 (appuyer sur "play")
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Écrit par : Serge Lellouche / | 12/09/2012

@ Serge Lellouche

> oui, vous soulevez une remarquable hypocrisie de la bien-pensance: il FAUT être "européen", et on fait toute une histoire parce que B. Arnault franchit la plus artificielle des frontières...
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/09/2012

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