06/09/2012
Pourquoi Obama arme Netanyahou
En stage professionnel dans un think-tank conservateur à Washington, un lecteur de ce blog nous envoie ses réflexions :
LES ETATS-UNIS ET ISRAËL :
IMPRESSIONS D’OUTRE-ATLANTIQUE
I. Une relation qui semble indestructible
L’appui inconditionnel de la droite américaine
À l’égard de Barack Obama, accusé d’avoir gâché les possibilités de son mandat, la frustration générale se double d’une hystérie chez les républicains : tous affirment que le sortant est le président « le plus (au choix : 'socialiste', 'irréligieux', 'pro-avortement', 'pro-mariage gay', 'anti-business', 'anti-Israël') de l’histoire américaine ». Le challenger républicain Mitt Romney n’est soutenu que par le sentiment du « tout sauf Obama ».
Si Romney n’est pas populaire parmi les républicains, en revanche Benjamin Netanyahou (« Bibi » comme on l’appelle) l’est passionnément. Elevé aux Etats-Unis, étudiant puis avocat d’affaires à Boston, diplomate à Washington, Netanyahou maîtrise parfaitement les codes et les rouages de la société américaine et des réseaux du pouvoir. Par ses relais interposés, il a suscité aux USA pendant les années 1990 les think-tanks néoconservateurs1Institute for Advanced Strategic and Political Studies et Project for a New American Century, qui dénonçaient les accords d'Oslo et vouaient Arafat et l’Irak aux gémonies. En 1996, Netanyahou arrive au pouvoir en Israël. A partir de 2011, il tente de rééditer son lobbying américain pour mettre un terme aux velléités « pacifistes » de Barack Obama2.
Le parti républicain, porté par les ultra-sionistes évangéliques (voir ci-dessous), s’engage alors dans une surenchère verbale en reprenant mot à mot les arguments des dirigeants israéliens. Obama est accusé de mettre Israël en danger par son appel à revenir aux frontières de 1967 et à freiner la colonisation. Les actions du Hamas lui sont également imputées : pour le sénateur républicain Rand Paul3 comme pour Mitt Romney, les bombardements « quotidiens » de Gaza sur Israël sont encouragés par la politique de « compromission » du président américain. Enfin, sa gestion du dossier iranien est réputée désastreuse, le vrai remède étant de frapper « préventivement ».
En outre, Barack « Hussein » Obama est accusé de soutenir les islamistes révoltés en Syrie. Sur ce point, les républicains sont incohérents, puisque Mitt Romney se dit prêt à une intervention militaire contre le régime d’Assad.
Jesus Connection
Aux Etats-Unis, 70 % des citoyens juifs (1,75 % de la population) votent démocrate (30 % votant républicain), mais c’est au parti républicain que se situent les plus ardents défenseurs de la politique Netanyahou, incarnés par la galaxie de communautés protestantes que les Européens appellent « évangéliques » et que les Américains nomment « fondamentalistes »4.
Situés majoritairement dans le Sud et représentant 30 % de la population, les foondamentalistes se distinguent par leur ferveur, leur militantisme et leur écrasant parti-pris républicain depuis la fin des années 1970. Outre la « défense des valeurs morales », ils forment un bloc dévoué au gouvernement actuel d'Israël, qu’ils soutiennent de leurs nombreuses structures – ainsi la fameuse International Christian Embassy Jerusalem (ICEJ), qui organise chaque année une « fête des Tabernacles » pour ses militants américains mais aussi européens, africains et asiatiques. Cette nébuleuse a un visage emblématique : celui de John Hagee, pasteur pentecôtiste de Cornerstone Church (20 000 fidèles) à San Antonio, Texas. Après avoir mis en place en 1981 la « Nuit pour honorer Israël », il se rend régulièrement dans l’Etat hébreu et devient un interlocuteur privilégié de la droite israélienne ; en 2006, il crée le lobby Christian United For Israel (CUFI). En 2012, la tournée israélienne de CUFI à Jérusalem comprenait un rassemblement au Conference Center en présence de Benjamin Netanyahou. À Washington, CUFI est un interlocuteur incontournable au Congrès (et un pilier du parti républicain) ; son congrès annuel avait lieu pendant mon séjour dans la capitale, et j’ai pu rencontrer des membres de l’organisation. J’ai vu l’un d’eux prendre la parole lors du Eagle Forum (congrès des jeunes dirigeants républicains) pour fustiger « le pape Pie XII et sa collaboration avec le nazisme », – ignorant délibérément que le Mémorial de Yad Vashem avait changé d'opinion à ce sujet.
Les thèses de CUFI pourraient être résumées ainsi :
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les Juifs auront un rôle central dans la fin du monde5 . L’Etat d’Israël de 1948 est l’accomplissement des prophéties bibliques, il est donc sacré.
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Les nazis n'ont fait qu'imiter (à une plus grande échelle) les « papistes » et les protestants historiques..
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L’Autorité palestinienne est une menace pour les Israéliens, et doit être réduite. La colonisation ne doit être stoppée sous aucun prétexte.
L’influence des réseaux fondamentalistes ne doit être ni sous-estimée, ni surestimée. Politiquement, ils sont cantonnés au parti républicain, mais constituent une base militante solide et très active. Il est difficile de débattre avec ces individus, dont les opinions sont très arrêtées : « la théologie est non négociable ! relisez la Bible ! »… Quelques-uns d'entre eux peuvent néanmoins être troublés en constatant, chez les colons extrémistes en Israël, une montée d'hostilité envers les chrétiens et les juifs messianiques.
II. Des critiques isolées mais sévères
En 2007, deux éminents professeurs de relations internationales, John Mearsheimer, de l’université de Chicago, et Stephen Walt, de l’université Harvard, publiaient un ouvrage qui déchaîna les passions : The Israel Lobby and US Foreign Policy. Selon ces deux auteurs, l’alliance israélo-américaine aurait des conséquences graves pour les Etats-Unis : elle susciterait l’anti-américanisme, attiserait le terrorisme, brouillerait Washington avec le monde arabe. Elle soumettrait en outre la politique étrangère américaine à un « lobby » composé non seulement de juifs américains, mais d’évangéliques sionistes et de néoconservateurs... Cet ouvrage-choc souleva la colère du leader de l’Anti-Defamation League (ADL), Abe Foxman, qui accusases auteurs d’antisémitisme, comme il le fit avec Jimmy Carter. Les deux chercheurs, qui préconisent par ailleurs une approche pacifiée des relations avec l’Iran, ont été traités de « collabos ». Mais leur propos fait son chemin.
En effet, la boulimie guerrière des années Bush a entraîné chez certains républicains une tentation de repli (« bring our troops home ! ») attisée par l'un des courants de l'utralibéralisme : les libertariens, opposés aux aventures militaires trop coûteuses. Ainsi, le CATO Institute, think-tank libertarien de référence à Washington, suggère de fermer les bases de l’US Army à l’étranger et de cesser de se préoccuper des conflits en cours (« nous avons deux océans et une bonne pratique des armes à feu pour nous protéger nous-mêmes ! »). Ils évitent cependant de s’attaquer de front à la relation entre les Etats-Unis et Israël. Le seul à l’avoir fait, le député texan Ron Paul, un des doyens du Congrès et figure du mouvement libertarien, fut violemment attaqué lors des primaires à la candidature présidentielle, entre fin 2011 et début 2012. Son discours était le suivant : cessons de soutenir à bout de bras Israël, l’Iran n’est pas une menace vitale pour les Etats-Unis, la présence militaire américaine au Moyen-Orient encourage le terrorisme... C’était une véritable rupture mentale en matière de politique étrangère. Le groupe de pression AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) invita à son gala annuel tous les membres du Congrès... sauf Ron Paul et un député démocrate d’extrême-gauche. Le milliardaire de Las Vegas Sheldon Adelson, propriétaire de journaux israéliens, organisa un caucus pour la primaire républicaine à Las Vegas en expulsant les partisans de Ron Paul, qualifiés de « Paulestinians ». Paul se défend en affirmant respecter les principes du sionisme, qui enjoignent à l’Etat hébreu d’être pleinement indépendant des influences étrangères. En privé, il est très critique. Il m’a dit lors de notre rencontre au Congrès : « Le pire est le sionisme chrétien de dirigeants d’empires télévisés qui contredisent le Prince de la Paix ! »
Pour l’instant, cette remise en cause de l’alliance spéciale avec Netanyahou n’est partagée que par la nouvelle gauche démocrate, pro-palestinienne, et par Ron Paul. D’où ce paradoxe au sein du parti républicain : le libertarianisme ultralibéral triomphe dans le cœur des militants, qui restent toutefois figés sur les dogmes néoconservateurs en politique étrangère (appui inconditionnel à la droite israélienne, et exportation de la démocratie par les armes).
Si les républicains emportent la Maison-Blanche en novembre 2012, il est fort à parier que Romney mettra ses pas dans ceux de la droite israélienne, comme il vient de le faire lors de son déplacement à Jérusalem pour séduire l’électorat évangélique.
Si Obama est réélu, rien n’indique qu’il ne cédera pas aux pressions pour attaquer l’Iran : mais cette intention est plus floue chez lui que chez les républicains.
1 Courant idéologique né au milieu des années 1970 parmi des intellectuels issus de la gauche (Paul Wolfowitz, Richard Perle, Robert Kagan).
2 Barack Obama a toutefois donné des gages à l’AIPAC début 2012 sur l’Iran, conduisant Netanyahu à abandonner l’idée de ne travailler qu’à sa défaite.
3 Fils du député du Texas Ron Paul, dont nous parlerons plus loin.
4 Apparue au début du XXe siècle en réaction au protestantisme libéral, elle insiste sur la lecture littérale de la Bible.
5 Les évangéliques fondamentalistes proclament que le retour des Douze Tribus d’Israël en Terre Sainte suscitera la venue du Christ et la conversion des juifs. Mais CUFI ne reprend pas publiquement cette théorie.
L'article ci-dessus nous est adressé par un lecteur de ce blog.
17:27 Publié dans En 2012, Monde arabe | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : états-unis, parti républicain, romney, obama
Commentaires
FINISH THE JOB
> Finish the job ??? Parce que le "job" est "finished" en Afghanistan ??? et en Irak ???
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Écrit par : marbog / | 06/09/2012
AUX U.S.A. ?
> Il circule ceci sur plusieurs sites web:
http://www.planetenonviolence.org/Aux-USA-On-A-Deja-Prevu-Un-Moyen-Orient-Sans-Israel_a2750.html
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Écrit par : Pierre Huet / | 06/09/2012
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