Non, l'individualisme n'est pas catholique

À propos des confusions US :

 

Paul Ryan (l'homme qui « prend au sérieux la doctrine sociale de l'Eglise » !) s'avoue fils d'une pensée aux antipodes du catholicisme : celle d'Ayn Rand, l'utopiste athée de l'ultralibéralisme et de l'hyper-individualisme.

Ryan déclare : « Si je devais créditer une personne pour mon engagement au service du public (?), ce serait Ayn Rand. »

Il ajoute : «  Ne vous trompez pas, le combat que nous menons est une lutte de l'individualisme contre le collectivisme ».

Un catholique récuserait la dialectique « individualisme-collectivisme »... La pensée catholique, c'est la subsidiarité, associant le rôle social des corps intermédiaires (que dissout l'individualisme)* et le rôle régalien de l'Etat, que nient Ryan et son clan de teapartystes et de libertariens.**

La grossièreté de l'idéologie du GOP vient de la main-mise d'un réseau sur le parti. Inondé d'argent par les fondations « conservatrices » (relais d'intérêts industriels), ce réseau surfe sur l'angoisse d'une certaine Amérique « qui voit un monde s'effacer, un statut – celui de la classe moyenne – s'éroder, et une domination politique battue en brèche par les changements démographiques*** ». Or : 

- le « monde effacé » est celui dont les USA se voulaient le leader, concept qui n'a plus de sens ;

- le « statut de la classe moyenne » s'érode, mais c'est sous la pression du capitalisme financier (qui ne laisse que l'endettement aux familles moyennes pour tenir leur place dans la société) ;

- quant aux « changements démographiques », ils viennent de la natalité vigoureuse des immigrés latinos aux USA ! Pourquoi cet élan génésique n'enchante-t-il pas la droite américaine « pro-vie » ? (Elle ne s'enchante pas plus de l'ascension économique d'ex-pays pauvres, phénomène lié à leur forte démographie...) Soupçonnons un certain manque de sincérité dans les slogans de l'ultra-droite, aux USA et ailleurs.

 

_________

* « Dans son libre Bowling alone, le sociologue Robert Putnam montre que les Américains ont laissé se déliter l'ensemble des institutions qui organisaient leur vie sociale. [Eglises, associations de parents d'élèves, clubs de bowling etc.] Au cours des cinquante dernières années, ce tissu social a été détricoté. On va jouer seul au bowling, les associations de parents d'élèves ont été divisées par deux, tout comme la participation aux élections... Résultat : le pourcentage des Américains se disant heureux a chuté d'un tiers. » (Daniel Cohen, auteur d'Homo economicus, Albin Michel 2012).

** Leur slogan : « réduire le gouvernement à une taille si petite qu'on puisse le traîner dans la salle de bains et le noyer dans la baignoire ». L'élégance de propos mesure l'altitude d'esprit.

*** Philippe Boulet-Gercourt, correspondant à Washington du Nouvel Observateur (30/08).

 

 

  Big Sister is watching you

Ayn Rand. Venue d'URSS aux USA en 1926, athée militante, doctrinaire de l'individualisme et de l'égocentrisme, elle  a écrit les trois livres sacrés de la future mythologie ultralibérale : les romans The Foutainhead (1943) et Atlas shrugged (1957) et un essai à la gloire de l'ego : The virtues of selfishness (1964). En 1947, elle a participé à la paranoia maccarthyste en dénonçant des cinéastes devant la "commission des activités anti-américaines". Sa devise personnelle : rien ne peut m'arrêter.