04/09/2012
Twitter/Chatel/Peillon/"Pétain" : c'est le degré zéro
...partagé aujourd'hui par
toute la classe politique :
Vincent Peillon annonce qu'il veut promouvoir la morale à l'école. (Il veut dire : la morale libérale-libertaire, celle qui "libère" l'enfant de tout lien social).
Luc Chatel saute sur son twit et accuse Peillon de parler comme Pétain.
Pourquoi "Pétain" ?
Chatel sait que c'est que la pire chose à dire, et il a envie de dire la pire chose à un socialiste parce qu'il est candidat (comme tout le monde) au sein de l'UMP.
Chatel traitant Peillon de "Pétain" à cause du mot "morale", ça n'a évidemment aucun sens. (La morale de Peillon n'a rien à voir avec Vichy, et Chatel lui-même parlait de réintroduire la morale à l'école primaire quand il était encore ministre de l'Education). Mais ça fait longtemps que la classe politique ne se soucie plus du sens de ce qu'elle profère.
La classe politique n'a plus de raisonnements : elle utilise des éléments de langage.
"Eléments de langage" est un terme technico-opérationnel emprunté à la pub (comme tous les vocables de la novlangue actuelle), et qui ne veut donc rien dire. Un élément de langage, c'est un bruit accompagnant une posture.
Luc Chatel a émis à l'encontre de Peillon le bruit le plus désobligeant possible ("Pétain").
Peillon a répondu, non sans tact, qu'il était "un peu désolé pour Chatel qu'il ait fait ça". Mais Peillon en fera autant à la première occasion.
Tous les politiciens postdémocratiques en font autant. Hier c'était à longueur de journée. Depuis Twitter, c'est jour et nuit.
00:01 Publié dans Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : politique, postdémocratie, libéraux-libertaires
Commentaires
LA MORALE ?
> J'ai vu dans un autre blog un commentaire suggérant de réintroduire la morale pour résoudre je ne sais plus quel problème. La ligne en-dessous accusait ce commentateur d'être pétainiste, vichyste, fasciste, etc... Cette réaction est du même niveau. Monsieur Chatel a ici la même réaction. Il y a au moins deux personnes qui ont cette opinion. Vu les réactions, cette idée est partagée.
Pétain et son gouvernement étaient, selon mes souvenirs, pour un réarmement moral ou un truc analogue. Ils se sont retrouvés à la fin de la guerre du côté des perdants. Cela fait d'eux des gens mauvais selon ma compréhension des gens décrits plus haut.
Ce critère suppose que ce sont les hommes qui créent le bien. C'est bien s'ils ont du succès. Echouer devient la preuve que l'acte était mauvais. Les auteurs de l'acte en deviennent mauvais. Ils sont donc condamnés.
J'arrive ainsi à une séparation de l'humanité en bon et mauvais. Les bons ont tous les droits. Les mauvais ont tous les torts et peuvent être traités en conséquence. Le résultat est atroce.
Un exemple d'application de cette idée est le traitement subi par les juifs pendant la seconde guerre mondiale.
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Écrit par : DidierF / | 03/09/2012
GUAINO LE GAULLISTE
> Rompant avec le zéro pointé que méritent bon nombre des affidés de l’ancien président de la République, dont fait partie Luc Chatel (qui cultive une pensée de genre indéfini, comme la théorie du même nom) : la rentrée pas trop scolaire d’Henri Guaino.
Je ne l’ai entendu que brièvement sur Europe 1 ce matin, mais son désir d’en référer envers et contre tous (UMP compris) au gaullisme m’a réjoui (toute référence au grand Charles étant bonne pour le moral et même pour la morale), face au journaliste sceptique et relativiste de service (Bruce Toussaint).
S’il n’en restait qu’un (véritable gaulliste à droite) ce serait donc Guaino, qui vient d’annoncer sa candidature à la présidence de l’UMP.
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Écrit par : Denis / | 04/09/2012
MORALE INDIGENTE
> Mais quand même ... cette " morale laïque " qui se limiterait à améliorer le " vivre ensemble " risque d'être d'une indigence crasse, une sorte de code de politesse comme on a un code de la route. Que va-t-on devoir débiter comme vérités puériles ? Des préceptes liminaires du genre : dis bonjour à la dame, lave toi les mains, respecte le tri sélectif ou tiens toi à son temps de parole ... ne cogne pas ton voisin, ne viole pas ta voisine sinon j'appelle les flics !
Je pense que ce que la laîcité s'autorisera à dire sur ce sujet ne pourra qu'être pesamment consensuel et d'un niveau d'exigence très faible, ce sera à la fois rigide comme tout préceptes - même " laïcs " - et pitoyable quant à la recherche de vérité sur soi-même - démarche qui ne se commande pas de l'extérieur.
Je me marre d'avance en pensant aux couleuvres que vont devoir avaler les enseignants de cet ersatz laïc de la " morale. " Sans parler de l'efficacité douteuse de la mesure ... Encore un problème qui ne va pas faciliter le recrutement des enseignants !
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Écrit par : Roque / | 04/09/2012
L'EPOQUE
> Je suis justement en train de lire le chapitre sur Pétain du livre "historiquement correct" de Jean Sévillia. Cet historien montre si bien la réalité de l'époque, tout en l'inscrivant dans une continuité historique (c'est bête d'écrire cette phrase mais c'est tellement rare de nos jours d'avoir autre chose que du prêt-à-penser!).
Ce livre est une excellente parade contre la novlangue, tout comme "historiquement incorrect" du même auteur.
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Écrit par : Théophile / | 04/09/2012
@ DidierF
> Oui, bien sûr et il y a une bonne vieille formulation pour ce que vous écrivez: "Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire."
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/09/2012
LE PETAIN REEL
> A ceci près que la réalité du personnage Pétain et de son régime (voir les travaux des historiens depuis trente ans) n'a rien eu de commun avec un "redressement moral" !
Régime de l'équivoque et de l'imposture cachées sous les grands mots. Lire à ce sujet l'impressionnant roman d'Emmanuel Bove 'Le piège' (Gallimard-L'Imaginaire).
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Écrit par : louis rossel | 04/09/2012
PAS DUPES
> Ne pas être dupes de ceux qui sous couleur de "résister au politiquement correct" véhiculent une apologie (inavouée) du régime de Vichy. Ca existe encore en 2012.
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Écrit par : le balp / | 04/09/2012
DISCERNER
> S'agissant de Vichy, il faut discerner trois facteurs :
- l'idée que les gens ont commencé par s'en faire en 1940 (le fameux "bouclier"),
- le baratin de Vichy ("France éternelle" etc) affichant un monceau de bonnes intentions (et de moins bonnes),
- les actes concrets de Vichy : captifs dès le départ (l'engrenage de Montoire). Le "prince-esclave", selon la formule du P. Fessard.
On ne juge pas un régime sur son baratin, mais sur ses actes.
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Écrit par : Hildegarde / | 04/09/2012
LES ACTES
> Si on jugeait un régime sur son baratin, Sarkozy a sauvé l'économie française et nous n'avons pas trois millions de chômeurs à l'issue de son quinquennat.
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Écrit par : zebulon / | 04/09/2012
TROIS MILLIONS
> On va voir l'UMP dire que les 3 millions de chômeurs sont les fruits de "la gauche au pouvoir". C'est déjà le coup que les républicains US font à Obama qui a pourtant trouvé la crise en arrivant.
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Écrit par : poulain / | 04/09/2012
PEUT-ËTRE PAS INUTILE
> Même si je redoute ce que pourrait être un cours de morale laïque dans le secondaire, j'avoue avoir gardé un assez bon souvenir des cours de morale en primaire dans une école publique de campagne à la fin des années 60 (maintenant, estimez l'âge du capitaine).
Pour ce qui est de la morale du style "dis bonjour à la dame", bref de la politesse élémentaire, il n'est peut-être pas inutile de l'enseigner à nouveau ; cela se fait d'ailleurs en école d'ingénieur si j'en crois le fils d'un ami. On leur a expliqué en effet (j'ignore dans quelle discipline) qu'on se doit de dire bonjour en entrant dans une salle de réunion.
Enfin, concernant la référence à Pétain utilisée pour diaboliser l'adversaire, je trouve que c'est une injure plutôt inhabituelle dans la bouche d'un homme politique de droite. Tout f... le camp.
Cordialement.
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Écrit par : JMP / | 04/09/2012
GODWIN
> Peut-être Luc Chatel a-t-il, sans le savoir atteint le point Godwin: http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Godwin
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Écrit par : Nicolas Dangoisse / | 06/09/2012
SUR LA LIBERTE
> J'admets avoir répété ce que j'ai lu de l'époque. J'admets avoir répété des souvenirs de mes lectures sur cette époque. Il se peut que ces auteurs aient tort.
Pour ce qui est de la morale actuelle, j'ai fait une observation que je souhaite partager avec vous. Elle a la forme d'un texte.
"La liberté est le droit de tout faire tant que cela ne blesse personne d'autre", "Ma liberté s'arrête où commence celle de l'autre" sont deux définitions de la liberté au sens actuel du terme que je pense être admises très couramment.
Cette vision de la liberté contient au moins un problème énorme.
Tout ce que je ne vois pas ne touche pas ma liberté prise dans le sens ci-dessus. Tout ce que je ne ressens pas ne touche pas à ma liberté, toujours prise dans le sens donné ci-dessus. Tout ce qui m'échappe de quelque façon que ce soit ne me touche pas et ne peut donc pas du tout toucher cette liberté. Ça marche aussi dans l'autre sens.
Sur cette base, tout ce qui vous échappe ne touche pas votre liberté. Tout ce que je peux faire sans que vous le remarquiez en devient admissible, voire légitime. Si vous n'êtes pas vu et pas pris en train de le faire, vous pouvez y aller. Vous exercez votre droit à la liberté au sens donné ci-dessus.
Sniffer une ligne de cocaïne ne pose, dans ce cadre, aucun problème. Acheter de la drogue à quelqu'un qui m'en vend ne pose non plus aucun problème dans ce cadre. Le dealer fournit un client, satisfait son désir de drogue. Tant qu'il n'est pas pris, il ne gêne personne. Son activité est donc légitime. Cela permet aussi de résoudre le problème de la drogue en ne s'en occupant plus. Si plus personne n'est pris, plus personne n'en souffre de façon visible (choc pour les sensibilités), alors la drogue cesse d'être un problème. Moi, j'en ai un gros avec la liberté telle qu'elle est définie ci-dessus à cause de ça.
Un autre exemple est donné par la finance. Prenez un produit financier bien compliqué, bien tordu et vendez le. Selon la définition de la liberté donnée ci-dessus, tant que le client n'est pas forcé d'acheter ce truc sa liberté n'est pas atteinte. Lui vendre un truc plutôt bizarre est un acte fait entre deux personnes libres. C'est donc un acte parfaitement légitime. Si l'acheteur n'y comprend rien, c'est toujours légitime pour le vendeur car il n'a pas forcé l'acheteur. Si le produit est fait pour échouer et que l'acheteur l'ignore, c'est toujours légitime car l'acheteur peut s'informer et a choisi de ne pas le faire. La vente est donc légitime. J'ai un gros problème avec ça et ce qui le légitime. La notion de liberté telle qu'elle est donnée ci-dessus en fait partie.
Un troisième exemple est donné par la politique. Si vous niez toute erreur de votre part, tout échec de votre politique, vos adversaires auront les pires difficultés à montrer votre échec. Je pense ici à W Bush. Avec une bonne équipe de relations publiques, votre politique pourra, au grand maximum, devoir être défendue contre des adversaires exprimant une opinion partisane quand ce sera un échec abject ou un truc répugnant commis au sus et au vu de tout le monde. Bien d'autres tactiques arrivent au même résultat. Je pense à l'inéluctabilité de la finance, la menace protectionniste, la nécessité des réformes structurelles, aux peuples qui ont vécu au-dessus de leurs moyens, à l'antisémitisme de toute critique contre une banque très puissante, au caractère fascisant de tout souci de sa sécurité. J'en oublie. Toutes ces barrières permettent de nier les échecs en politique ou de protéger les clients du personnel politique.
Une attitude "Il est idiot de ne pas profiter d'une occasion" est aussi une application de cette liberté au sens du "pas vu, pas pris". Si quelqu'un ne protège pas sérieusement ses biens, il peut être volé. C'est légitime au sens de la liberté donné ci-dessus. Mieux encore, c'est de la faute du propriétaire qui ne sait pas se protéger.
Ce ne sont que quelques exemples des conséquences de cette vision de la liberté. Pour des individus totalement isolés, cette idée marche et est même très séduisante. Pour des individus dans un groupe, respecter cette liberté est d'agir hors de la vue des autres. Comme aucun frein intérieur ne peut intervenir dans cette vision de la liberté, le "pas vu, pas pris" joue pleinement.
Pire, je crois qu'il y a d'autres conséquences au concept de liberté tel qu'il est défini au début de ce texte. Je pense aux rapports de force (avec une assez grande faiblesse de la victime, l'agresseur ne verra jamais son forfait étalé au grand jour), aux méandres de toute administration (se défausser d'un échec sur le dos d'un lampiste) et du mensonge caractérisé (les fabricants de cigarette ont prétendu ignorer le lien entre leur produit et le cancer alors qu'ils avaient mené des essais animaux leur prouvant le contraire) qui mettent le coupable hors de portée de la victime.
Je crois avoir ici ce que l'absence de morale donne.
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Écrit par : DidierF / | 06/09/2012
JARGON DE CABINET
> "Eléments de langage" : ce terme vient-il directement de la pub ? N'est-ce pas plutôt du jargon de cabinet ministériel ? Cela fait 15 ans que j'entends cette expression , qui désigne un dossier constitué pour une autorité, afin de lui permettre d'aborder, en toute sérénité, une question qu'elle ne connaît pas avec quelqu'un qui est "dedans" depuis toujours. Quand l'autorité en question a des capacités d'analyse, de synthèse et d'assimilation supérieures au commun des mortels (ce qui est souvent le cas), le résultat est assez bluffant.
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Écrit par : Feld / | 11/09/2012
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