"Démocratie conforme aux marchés" (Merkel dixit)

Analyse de l'écrivain allemand Ingo Schulze :

...dans Libération de ce matin. Extrait :

<< Les banquiers et les boursiers, et leurs mandants, avaient encaissés pendant des années des profits exorbitants – sur le dos de la collectivité. Car c'est elle qui devait dès lors fournir l'argent que les banques n'avaient plus, mais dont elles avaient besoin pour survivre. Too big to fail – les contribuables otages des flambeurs. Mais ce qui est stupéfiant, c'est que cela n'a eu aucune conséquence. Dans les règles du jeu pour les banques, cela n'a rien changé. Que fallait-il donc qu'il arrive encore, pour stopper le pillage de la collectivité par une minorité de la minorité ? Pourquoi les représentants démocratiquement élus de la population ne la protégeaient-ils pas de telles pratiques ? La démocratie n'était plus que le déguisement d'une oligarchie de fait. […]

A l'automne de l'année dernière, la chancelière allemande a créé un concept tellement inouï qu'il eut un effet proprement libérateur. Angela Merkel a combiné l'épithète « conforme au marché » avec le mot « démocratie ». […] Ce concept de « démocratie conforme au marché » dit clairement où nous en sommes. Qui fait la loi, c'est soudain clair. Inutile de recourir à l'étymologie pour voir qu'une démocratie conforme au marché n'est plus une démocratie. […] 

Si nous voulons survivre économiquement, socialement, écologiquement et éthiquement, il faut des marchés conformes à la démocratie.

N'est-il pas monstrueux d'entendre dire, presque tous les jours, que les gouvernements doivent « calmer les marchés »* ? Par marchés, on entend dans ce cas les Bourses et les marchés financiers, dont les acteurs qui, dans leur propre intérêt ou celui de leurs mandants, spéculent pour faire le maximum de profit. Est-ce que ce ne sont pas eux qui ont soulagé la collectivité d'une quantité inimaginable de milliards ? Et c'est leur confiance que nos plus hauts représentants du peuple devraient s'efforcer de regagner ? C'est la collectivité, c'est nous qui devons fixer les règles selon lesquelles les marchés ont le droit de fonctionner. En fin de compte, c'est nous qui devons dire quelle société nous voulons. >>

 Les italiques sont du blog.

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* « Calmer » traduit le verbe allemand dont s'est servi Schulze. Mais l'expression française courante (en novlangue politico-médiatique) est :  « rassurer  les marchés ». Ce « rassurer » est pire que « calmer » : il nous faut « rassurer » les prédateurs qui nous mangent.