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03/07/2012

Les catholiques face au système néolibéral

christianisme,libéralisme,social

Dans  La Nef de l'été, un dossier sur L'impuissance du politique sous-titré Le vrai pouvoir est ailleurs :



 christianisme,libéralisme,social


« Ce sont les marchés qui élaborent la politique non seulement monétaire, mais encore économique au sens large, qui s'ingèrent indirectement dans la vie de tous les citoyens tenus pour responsables d'une dette que ces mêmes marchés ont orchestrée, et qu'ils font, comme tous les créanciers, payer au moins deux fois au débiteur. » (Jacques de Guillebon, La Nef, juillet-août 2012)

« Il est temps de noter le rôle dominant du libéralisme économique comme  véritable moteur  des autres formes et de méditer la tranchante sagesse d'un Jacques-Bénigne Bossuet : "Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes." » (Falk van Gaver, ib.)

C'est ce que notre blog expliquait depuis six ans. La prise de conscience ne cesse de monter ! Sous l'éclairage du Magistère*, des catholiques français discernent la vraie nature du système occidental : le profit spéculatif tyrannisant la société (à travers un politique devenu prince-esclave) – et diffusant son matérialisme mercantile, dont la culture de mort est un produit dérivé : une extension totalitaire du domaine des marchés. 

« Il est temps de prendre en compte l'unité du libéralisme, qu'il soit économique, politique, moral, social, "sociétal", etc, qu'il soit de "droite" ou de "gauche" », constate van Gaver dans ce dossier. Il souligne ainsi la nécessité de « dépasser la seule focalisation sur les "points non négociables"** et l'opposition stérile […] entre priorité bioéthique ("cathos de droite") et priorité socio-économique ("cathos de gauche"), et d'attaquer le libéralisme, le relativisme et l'hédonisme sous toutes leurs formes. » Sa conclusion : « Loin de s'en tenir à une attitude réactive, il nous faut reprendre l'initiative, en déployant une charité active, en actes, exigeante et multiforme, la seule qui reconquiert le terrain pas à pas, mètre par mètre, et surtout personne par personne. »

Van Gaver a raison : le retour opérationnel de l'Evangile, si j'ose dire, se jouera en actes évangéliques et personne par personne ; il ne se jouera pas dans des manifs hantées par le vieux rêve du "gouvernement chrétien" (censé faire à la place des personnes un travail qu'elles sont seules à pouvoir faire, et que le Christ leur a confié à elles – non à César).

Les chrétiens ne doivent pas ignorer la fameuse "dimension politique de la charité " ? Mais le politique, en 2012, ne se limite pas aux gesticulations partisanes. Il est de moins en moins dans les partis, vides de tout message, dénués de toute vision – mais organisés pour réduire au silence ceux qui n'adhèrent pas au matérialisme mercantile. C'est ce que constate pour sa part le dominicain Thierry-Dominique Humbrecht, auteur d'un livre intitulé justement L'évangélisation impertinente – Guide du chrétien au pays des post-modernes. Dans le dossier de La Nef, il écrit : «Nous allons de défaite en défaite. Ce n'est pas fini. Toutes les lois passeront de ce qui est annoncé et préparé depuis des années, pas besoin d'expliciter... » On sait que les Sarkozy et les Copé ne voient aucune raison fondamentale d'être contre le mariage gay ou l'euthanasie ; l'ombre de réticence qu'ils ont manifestée n'était qu'électorale, donc très éphémère ; Copé suggère qu'il faudra bien en venir là « quand les choses seront apaisées », ce qui signifie que la droite y serait venue en 2014 si elle avait gagné la présidentielle et/ou les législatives***. La droite autant que la gauche est au service de l'individualisme de masse, qui est l'idéologie du système économique.

Les chrétiens étant étrangers à cette idéologie, le P. Humbrecht ajoute : « Nous sommes devenus une minorité, ce dont nous commençons tout juste à prendre la mesure ». Cette situation nous interdit de jouer aux vieux propriétaires, illégitimement dépossédés d'on ne sait quels droits fonciers... Quant à ce qu'ici (dans ce blog) nous appelons la post-démocratie occidentale, ne nous contentons pas de le déplorer mais comprenons-en les causes au nombre desquelles il y a aussi « l'apostasie des chrétiens », souligne le dominicain : dans la mesure où nous oublions d'être « les collaborateurs de Dieu dans l'oeuvre de sa providence ».

Être les collaborateurs de Dieu ne veut pas dire « faire la volonté de Dieu que Dieu le veuille ou non » (André Frossard). Dieu ne nous veut pas nostalgiques. Pour connaître Sa volonté dans notre temps, rien ne sert de rabâcher les idées des années 1960 ou 1860 : les directions à prendre nous sont indiquées par l'Eglise d'aujourd'hui. Elle nous laisse le soin de traduire sa doctrine sociale en engagements concrets : des engagements "politiques", c'est-à-dire économiques et sociaux mais cohérents avec une tâche prioritaire : l'évangélisation.


La Nef, n° 239, juillet-août 2012.

Thierry-Dominique Humbrecht, L'évangélisation impertinente, Parole et Silence 2012.

 

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* Caritas in Veritate, le document de Justice & Paix sur le système financier, le livre des évêques de France Grandir dans la crise, etc.

** Focalisation opérée (dans leur seul intérêt) par ceux qui veulent défendre le libéralisme tout en déplorant certaines de ses conséquences... Ils influençaient la plupart des publications « papistes » françaises, mais la comédie touche à sa fin.

*** Pour avoir évoqué le bilan du sarkozysme, j'ai été accusé par des catholiques de droite d'avoir « appelé à voter Hollande » : ce qu'évidemment je n'avais pas fait. (Comment voter pour un homme qui va autoriser l'extraction du gaz de schiste ?) Mais les catholiques de droite, qui sont les plus naïfs et les plus irritables des citoyens, avaient décidé depuis trois mois que Sarkozy était le lieutenant de Dieu au doux royaume de France ; ne pas le célébrer avant le premier tour revenait donc à voter pour son adversaire : ce qui était félonie. D'où leurs imprécations. « Roncevaux, Roncevaux ! ô traître Ganelon ! »

 

Commentaires

C'EST CLAIR

> C'est clair. Mais il y a une ambiguité invétérée qui fausse les débats politiques entre catholiques en France : c'est ce présupposé que la politique catholique ne peut être que libérale. Présupposé inexact mais omniprésent, qu'on soit pour ou contre.
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Écrit par : Denis Le Billetel / | 03/07/2012

EN EFFET

> En effet, Sarkozy "caudillo por la gracia de Dios" : ça rappelle quelque chose, ça rappelle un grand livre qui parle de cimetières et de lune.
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Écrit par : JG / | 04/07/2012

CONTRE LE MENSONGE

> Ce qui est écrit dans la Nef est franchement réconfortant et courageux, au moment où nous subissons cette foudroyante offensive idéologique libérale, à laquelle tant de catholiques sont tentés de prêter une oreille si bienveillante, au nom du respect du code des bonnes manières : on ne dénonce pas ni l'on se s'indigne des pouvoirs dominants et de l'ordre en vigueur.
Au feu les sermons des hypocrites ! Oui, passons à l'attaque contre le mensonge.
Il faut être aveugle pour ne pas le voir : le libéralisme entre dans la phase totalitaire de son histoire. Il a pu très partiellement être compatible avec la démocratie, ce n'est définitivement plus le cas. La seule issue de sortie à la crise extrême que traverse le capitalisme depuis 5 ans, est une folle fuite en avant ultra-libérale, dans laquelle toute action politique devra se ranger, au garde à vous, à l'impératif d'une compétition acharnée et de tous les instants entre les hommes et entre les nations, à l'ordre sauvage de la guerre de tous contre tous.
La nouvelle vague libérale qui déferle sous nos yeux depuis à peine quelques semaines ou mois, prépare les esprits aux effets collatéraux (inéluctables dans cette perspective), que supposera l'orientation de toute politique à l'aune de cet impératif darwinien et eugéniste : l'extrême marginalisation et jusqu'à l'éradication des figures humaines les plus vulnérables ; la destruction du vivant en même temps que sa totale instrumentalisation et financiarisation.
Le massacre humain est largement entamé dans les contrées plus lointaines, sous la forme de cette «destruction massive » orchestrée par les spéculateurs, les multinationales, le FMI et autres banque mondiale, avec l'assentiment des états, telle que Jean Ziegler en a démonté un à un les mécanismes. Le massacre se rapproche de nous à grand pas.
Dans un monde orienté vers cet impératif guerrier, sur 8 milliards d'êtres humains, plusieurs milliards sont en trop.
La valeur de la vie humaine ne se mesurera plus que comme contribution ou frein à l'effort de guerre économique dans lequel cette idéologie monstrueuse travaille à enfermer notre destin collectif et nos vies personnelles. Les branches mortes faiblement productives (le sel de la terre) devront être coupées, car jugées inutiles.
L'ensemble du monde vivant ne sera plus appréhendé qu'à l'aune des sources de profits potentiels dont il est porteur, de l'intérêt rationnel qu'il représente ou non en termes d'ouvertures de nouveaux marchés.
Une part importante du monde catholique bascule sous nos yeux dans ce délire mortifère où le mystère de la Vie comme don absolument gratuit, comme source infinie d'émerveillement, est enseveli sous les tumultes de cet acharnement prométhéen à vouloir la contrôler, l'étouffer, la surveiller et la mettre au service de l'idole Mammon.
Les mêmes catholiques qui sombrent dans cette folie pure sont ceux qui partout se présentent, étendards hauts levés, comme les blancs chevaliers de la « défense de le vie » et de la cause de la dignité humaine, à grands renforts de citations de Benoît XVI et de la DSE, sans scrupule aucun.
Le propos que je cite ci-dessous est emblématique. Il est extrait d'un article publié ces jours-ci sur un site catho-libéral, fer de lance d'une opération de propagande détestable inlassablement menée en direction des milieux catholiques. C'est une horreur antéchristique.
En substance, l'écologie et le souci des plus pauvres, ça commence à bien faire. En temps de guerre, il y a de toutes autres priorités. Amen.
Citation :
"Comme en 36, chacun « fourbit ses armes », car chacun sait que les années qui viennent seront celles d’une compétition brutale, dans un cadre libéral intensifié, puisque la finance ne sera pas régulée demain matin, nous le savons bien, ni les frontières fermées. Rien n’empêchera le « zapping » de la finance et des investisseurs ici ou là, ni les délocalisations, ni l’entrée de produits bon marché que nos pouvoirs d’achat, en forte baisse, exigeront. Une « guerre mondiale économique » se prépare (elle existe déjà, mais va évidemment s’intensifier), une guerre sans merci pour les faibles et les incompétents, sans règles véritables et sans arbitres. Il n’y a pas besoin d’être très intelligent pour s’en rendre compte. Comme en 36, il n’y a qu’à regarder.
Face à cela, en France, que faisons-nous ? Alors que le chômage explose, que les profits de nos entreprises sont en forte baisse, que la concurrence internationale s’intensifie, nous choisissons, comme en 1936, de tourner le dos à la réalité internationale inquiétante et de faire le contraire de ce qu’il faut : embauche de nouveaux fonctionnaires, hausse du SMIC, surtaxation des dividendes et des riches, fragilisation du pacte européen et, last but not least, intention de réduire notre parc nucléaire, au moment où l’énergie bon marché est peut-être l’un de nos derniers atouts ! Et qu’on ne dise pas « ils le disent, mais ne le feront pas ». A la guerre, celui qui ne se motive pas, est déjà battu. (…) Aujourd’hui, la guerre mondiale n’est plus militaire, mais économique et commerciale. Demain, ce sera chacun pour soi. Il n’y aura pas de pacte atlantique pour nous sauver. Regardons la réalité en face, et préparons-nous : il est clair que nous allons payer très cher nos erreurs, que nous allons beaucoup souffrir. Faut-il cela pour perdre nos illusions, pour sortir de notre effroyable autisme ? »
Fin de citation.
Face à ces propos qui puent les relents nauséabonds d'une porcherie, je respire à poumons déployés ce bol d'air vivant, publié cette semaine sur ce blog, et qui renvoie à l'espérance chrétienne retrouvée dans la vie fraternelle :
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2012/06/29/un-antidote-a-l-individualisme.html
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Écrit par : Serge Lellouche / | 04/07/2012

LIEN

> Le lien donné par SL ne fonctionne pas sur son message. je le redonne ici :
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2012/06/29/un-antidote-a-l-individualisme.html#more
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Écrit par : Luça / | 04/07/2012

LE MOYEN EST DEVENU UNE FIN

> Si les Etats-Unis soutiennent l'Europe dans son combat contre la dette, c'est uniquement parce que l'Europe est l'arbre qui cache la forêt américaine.
Le capitalisme est bien tant qu'il est moyen, mais aujourd'hui il est devenu une fin, il n'y a plus de guide; les financiers sont les vrais décideurs, seul compte la rentabilité, la meilleure possible qu'on pourra présenter aux actionnaires. La machine, le produits, l'humain sont devenus les moyens.
Faudra-t-il une catastrophe pour que cela s'arrête.
Nous jouons aux "échecs", les chinois jouent au "jeu de go".
La force n'est plus militaire.
Quand ouvrirons nous les yeux ? Quand nous n'aurons plus un centime devant nous, mais seulement une montagne de dettes ?
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Écrit par : franz / | 06/07/2012

FRONTIÈRES

> Il y a une chose terriblement vraie dans l'article cité par S. Lellouche "nous choisissons, comme en 1936, de tourner le dos à la réalité internationale inquiétante" .
Et la réalité, comme en 1936 est l'environnement international qui nous place face à un choix que les catholique libéraux ont fait dans un sens qu'on doit désapprouver et pas seulement pour des raisons économiques, mais devant lequel les autres cathos renâclent.
Accepter ou non que le monde n'ait plus de frontières, accepter la mondialisation, par nature libérale, ou non.
Le site en question accepte la mondialisation et les efforts qu'entraînent cette compétition sauvage. Chez nous, qui contestons le libéralisme sans frein, ne continuons-nous pas en nos messes dominicales à ânonner des cantiques célébrant la chute des frontières? Il faut savoir ce qu'on veut.
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Écrit par : Pierre Huet / | 13/07/2012

à Pierre Huet,

> Par delà nos réflexes épidermiques, que met-on derrière "mondialisation" ou "frontières nationales"?
La mondialisation n'est pas par nature libérale, pas plus qu'elle n'est intrinsèquement synonyme de guerre de tous contre tous.
De la même façon, le "retour à la nation" et aux frontières ne serait pas en soit synonyme d'avènement d'une société fraternelle et juste.
Je crois que du point de vue chrétien, tout le rapport mondialisation-nations est entièrement à redécouvrir à l'aune d'une articulation de l'un et du pluriel, qui bien sûr, ici comme partout ailleurs (en chaque personne, dans les familles, dans les communautés, etc...) a à voir avec le mystère de la relation de l'Un et du pluriel, propre à la relation trinitaire.
Des nations qui se donnent les unes aux autres, qui déploient toute leur energie humaine et spirituelle au service des plus vulnérables d'entre elles. Sympathique utopie de doux rêveur, ou sens chrétien des relations internationales?
Nier la particularité des nations en se fondant dans le grand flux mondial, nier l'unité du monde en se barricadant dans nos nations closes sur elles-mêmes, voir dans la mondialisation le théâtre d'une guerre économique entre les nations, sont autant de pathologies, d'incapacité à poser dans ce domaine l'enjeu de la relation trinitaire.
Dans cet article de propagande que je cite, il me semble que du point de vue de la sensibilité chrétienne, le propos est ignoble non pas en ce qu'il ferait le choix de la mondialisation contre la nation, mais en ce qu'il travaille à orienter les esprits vers la compétition sauvage et généralisée entre les nations et les personnes, sorte de point oméga, justifiant la douloureuse mais incontournable (sic) eradication des inaptes au combat. Tel est le prix de la lutte pour la cause supérieur de la Croissance, désormais rigoureusement au même titre que l'horizon sublime du paradis socialiste justifiait bien deux ou trois dommages collatéraux. Le libéralisme est devenu un totalitarisme, par lequel le réel de la personne humaine est désormais soumis à la mobilisation générale (délire psychotique) pour La Cause.
Cette rhétorique est d'autant plus monstrueuse et perverse qu'elle se déploie en pointant "notre effroyable autisme", alors qu'elle en est le comble, et en se gargarisant de "réalisme", cette gravissime maladie mentale des "gens sérieux", qui en voie d'engloutissement dans le néant de leurs fantasmes infantiles jamais résolus ont perdu tout contact avec le réel.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 14/07/2012

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