"Une responsabilité immense par rapport au visage que nous donnons de l'Eglise"

L'abbé Grosjean analyse les manifestations de rue :

 

Dans le dernier numéro de L'Homme Nouveau, intéressant débat entre l'abbé Jacques-Hervé Grosjean et l'abbé Guillaume de Tanoüarn qui reviennent sur l'affaire Castellucci et l'affaire Garcia. L'abbé de Tanoüarn se faisant l'écho des arguments qui ont envahi les médias en novembre, n'y revenons pas.  Mais voici des extraits des propos de l'abbé Grosjean :

 « J'étais gêné par cette mobilisation autour du "blasphème". Ce concept est difficilement audible dans une société comme la nôtre. »

« J'ai lu, avant d'aller voir cette pièce [de Castellucci], des critiques qui n'étaient pas justes. Je pensais que l'on projetait de la merde sur le visage du Christ, et ce n'est pas ce que j'ai vu. »

« D'ailleurs, fallait-il réagir ainsi ? Castellucci et Garcia ont eu ainsi une publicité dont ils n'auraient jamais rêvé. Qu'y a-t-il de pire pour un provocateur que d'être passé sous silence ? »

« Je fais la distinction entre la douleur et la ferveur de beaucoup de croyants indépendamment de leur appartenance à telle ou telle chapelle et qui peuvent légitimement s'exprimer, et le combat de Civitas qui ne rend pas service aux catholiques en nous enfermant dans une logique de combat, y compris sous ce terme de ''christianophobie'' qui me semble piégé. Ce discours ne sert ni notre unité ni notre cause. D'ailleurs, je refuse le procès de catholicité dont on pu être victimes certains évêques, prêtres ou laïcs, comme si refuser le mode d'action de Civitas, c'était se réjouir de voir le visage du Christ dans la merde. »

« Nous devons tirer de ces affaires un plus grand désir de témoignage et nous défaire de la mentalité de citadelle assiégée, qui est clairement celle de Civitas. »

« Cette attitude de confrontation […], les slogans comme ''la France est chrétienne et doit le rester'', ce qui n'est pas à mon avis la question dans cette affaire, les sifflements, les cris, font du mal à la compréhension de ce que nous voudrions dire. Je prends l'exemple de la Marche pour la Vie. Au départ, c'était des fleurs de lys partout, une image politisée, des slogans hurlés : « avorteurs, assassins... » C'était caricatural et cela limitait la participation. Les organisateurs ont eu l'intelligence et le mérite de se poser la question de la forme pour que la façon de porter le message ne nuise pas au message lui-même. Résultat : aujourd'hui, le cardinal Vingt-Trois appelle à y participer¹, nous, prêtres diocésains, allons pouvoir y emmener nos paroissiens, et tous pourront s'y retrouver. »

Question : « Mais les médias disent toujours que nous sommes des fascistes... »  Réponse de l'abbé Grosjean : « Ils ne pourront plus le dire si le cardinal Vingt-Trois est là ! Et puis cela ne nous empêche pas de faire ce qui est en notre pouvoir pour que cela change. Les catholiques ont encore plus l'exigence de faire preuve de compétence et d'intelligence. »

L'abbé de Tanoüarn demande à l'abbé Grosjean : « Avez-vous rencontré Aain Escada ? » (!). Réponse : « Non, mais là n'est pas le problème. Beaucoup de chrétiens en ont marre d'être associés à ce mode de réaction. Un chrétien qui agit engage l'Eglise. L'unité se fera sur le désir commun des catholiques de témoigner positivement de leur foi, d'investir positivement la cité, le monde de l'art, en n'étant pas seulement contre mais en étant surtout pour. »

Sur l'idée de « christianophobie », l'abbé Grosjean répond : « Je pense que ce terme est piégé. […] Cette position de victime risque de brider notre enthousiasme à témoigner, alors que ces offenses devraient nous porter à le faire avec plus d'intelligence et de charité. Enfin, je ne voudrais pas que nous assimilions trop vite la christianophobie dont nous nous plaignons en France au martyre et à la haine qui tue des chrétiens dans certains pays, en Egypte, en Irak ou ailleurs. Les chrétiens qui souffrent aujourd'hui ne sont pas d'abord en France et c'est à eux que je pense en premier. »

Et il ajoute : « Nous ne pouvons pas nous plaindre de ce qui fait l'essence du catholicisme. Le Christ reste une figure de contradiction et je me réjouis de ce que, même chez ceux qui pensaient l'avoir enterré, le Christ reste Quelqu'un dont on parle. »

Et encore : « Ce témoignage [des chrétiens], s'il se déroule dans la rue, implique une responsabilité immense par rapport au visage que nous montrons de l'Eglise et des catholiques à un monde qui n'a plus la culture pour comprendre certaines nuances. Ce n'est pas être prisonnier du monde médiatique que de réfléchir, pour que ce que nous montrons ne soit pas un obstacle au partage de ce que nous croyons. »

Voilà comment parle un chrétien.

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1. À ma connaissance, le cardinal a simplement mentionné la marche dans son discours à l'assemblée de Lourdes. Mais c'était inédit.