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28/10/2011

Romeo Castellucci (l'auteur du spectacle attaqué à Paris) : "malentendu épouvantable", explique-t-il

...dans Le Monde du 27/10 : « La foi est à mille lieues de l'idéologie », dit-il. N'est-ce pas sur ce terrain-là que devrait s'établir le véritable débat entre les catholiques et la culture contemporaine ? Extraits :


 

<< Vous placez sous le regard du Christ une situation triviale et éprouvante, qui voit un vieillard incontinent se répandre à plusieurs reprises...

 

Il est bien évident qu'il s'agit d'une métaphore. Je mets en place une stratégie spirituelle, un piège, qui consiste à commencer par une scène hyper-réaliste pour arriver à la métaphysique. Il faut passer par cette matière, par cette porte étroite, pour aller vers une autre dimension. C'est une matière théologique : même la merde a été créée par Dieu, il faut l'accepter sinon on reste dans une dimension unidimensionnelle de Dieu. A partir de cette situation hyperréaliste, le spectacle devient peu à peu une métaphore de la perte de substance, de la perte de soi, qui est à mettre en parallèle avec la condition du Christ, qui a accepté de se vider de sa substance divine pour intégrer la condition humaine jusqu'au bout - y compris la merde...

 

Vous semblez mettre en scène une interrogation, avec cette phrase extraite du psaume 22 de la Bible, "You are my shepherd" ("Tu es mon berger"), qui devient "You are not my shepherd"...

 

Le doute est le noyau de la foi. Même Jésus a douté, sur la Croix ("Mon Dieu, pourquoi m'as-Tu abandonné ?"). On est loin de la caricature terrible qu'offrent ces extrémistes, qui font montre d'une forme de certitude purement idéologique. Or la foi est à mille lieues de l'idéologie : une chose purement personnelle et intime, fragile, intermittente, qui consiste à croire en l'incroyable - la résurrection...

 

Quelle est votre relation à la religion chrétienne, qui occupe une grande place dans votre travail ?

 

Dans mes spectacles, que je parle du diable ou de Dieu, c'est toujours pour parler de l'homme. Sur le plan personnel, c'est tellement intime... Un jour je crois, le lendemain non, mais j'ai toujours été fasciné par l'image du Christ, par le mystère de cette beauté, par cet "Ecce homo" qui fait de Jésus un homme. Le visage du fils de Dieu, à travers l'histoire de la peinture, a modelé celui de l'homme. L'invention du visage par la peinture, c'est le Christ.

 

Vous lisez beaucoup de textes religieux ?

 

La théologie, c'est une forme de philosophie, c'est toujours la confrontation de l'homme avec Dieu. J'aime énormément la Bible, qui est un livre d'une beauté formelle extraordinaire, le livre qui est à l'origine de tous les livres - on ne peut pas comprendre la littérature américaine si on ne l'a pas lue, par exemple. Je lis aussi beaucoup les textes des premiers âges du christianisme, ceux des Pères du désert.

 

Etes-vous mystique ?

 

Non, pas du tout... Simplement, la religion fait partie de nos existences, elle est liée à des choses qui nous concernent tous : la peur de mourir, d'être abandonné...

 

Votre spectacle est loin de donner lieu à une interprétation unique...

 

Ce que je cherche, c'est à fendre en deux la conscience, à ouvrir une blessure pour que les questions puissent entrer profondément en nous. L'art repose entièrement sur cette condition de poser des problèmes, sinon il est purement décoratif. Dans notre monde, nous sommes gavés d'informations, mais quelles sont les informations justes dont nous avons besoin pour continuer à vivre ? >>

 

 

MON COMMENTAIRE

 A lire ces propos de Castellucci, on voit à quel point les manifestants sont hors sujet. Ils n'ont pas vu la pièce. Leurs quelques supporters prêtres ne l'ont pas vue non plus. C'est l'attitude de ces prêtres qui est consternante. Autant on ne peut attendre de groupuscules politisés qu'ils soient des témoins de l'Evangile (dont ils n'ont rien à faire), autant on l'attendrait de prêtres – en soutane ou pas. « Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte », dit la première lettre de Pierre (3, 15). Romeo Castellucci est typiquement quelqu'un qui « demande compte » à l'Eglise de l'espérance qui est en elle. L'Eglise lui répond-elle sur ce terrain et sous ce mode (évangélique) ? Oui en Italie, en Pologne, et même en France, à Avignon, où les bénédictins sont venus discuter avec Castellucci – il leur rend hommage dans son entretien. Mais pas à Paris... Dans la capitale, la visibilité catholique est squattée par les récents exclus du FN, désormais à la recherche de choses à faire. Puis-je me permettre de demander aux Bernardins et à l'archidiocèse ce qu'on attend pour rétablir la situation ?

 

 

Commentaires

"Y'A COMME UN DEFAUT"

> L'Eglise catholique à Paris a fondé les Bernardins pour engager le débat entre christianisme et culture contemporaine. Mais au premier problème (la pièce du Théâtre de la Ville par exemple), on n'entend plus les Bernardins, et les S.O. de l'extrême droite descendent dans la rue en criant "le catholicisme c'est nous". Y'a comme un défaut. On l'avait vu venir d'ailleurs depuis deux ou trois ans. Ils ne voient rien, les évêques ?
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Écrit par : Ronan / | 28/10/2011

EN FAIT

> En fait il faut bien voir voir que ce genre de mobilisations n'a pas vraiment pour but de protester au nom de Jésus, qui n'a rien demandé aux ultras (surtout pas de le soustraire au Golgotha). "Jésus sera en agonie pour nous jusqu'à la fin du monde", disait Pascal. C'est pas le souci des groupuscules. Ce qu'ils veulent c'est bastonner, sous n'importe quel prétexte. Ca me rappelle 1967, les manifs contre la pièce de Jean Genet 'Les Paravents' au théâtre de l'Odéon. Là les manifestants ne criaient pas "on insulte les chrétiens", ils criaient "on insulte les parachutistes". C'était la même chose dans leur tête. Chercher à tout prix des insultes pour pouvoir cogner l'insulteur. Peu importe le sujet.
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Écrit par : massoulier / | 28/10/2011

LE PSAUME 21 ET CASTELLUCCI

> "Mon Dieu mon Dieu pourquoi m'as tu abandonné" est le début d'un psaume que Jésus récite : le psalmiste part d'une complainte humaine pour terminer en exultation de grâce pour sa délivrance !
Je lis souvent ce contresens or je ne vois pas du tout où est le doute car le psaume 21 dont il amorce la récitation retrace certes de manière troublante son calvaire mais aussi son issue (il est ressuscité clamons nous !) et prophétise l'annonce apostolique.
Jésus ne l'as sûrement pas dis pour passer le temps et s'il ne l'a pas récité jusque bout nous ne pouvons tout de même pas lui en faire grief vu la situation pour le moins malcommode pour le faire.
"Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens à mon aide !
Préserve ma vie de l'épée,
arrache-moi aux griffes du chien ;
sauve-moi de la gueule du lion
et de la corne des buffles.
Tu m'as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée."

DV


[ De PP à DV - Voilà exactement le genre de choses qui pourraient alimenter le débat entre les catholiques et les gens comme Castellucci. À condition de bien vouloir laisser à la maison les oeufs, l'huile de vidange et les chapelets à cran d'arrêt. ]

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Écrit par : Damien Vigourt / | 28/10/2011

TOUS

> "Ne souffrez point que mon cœur se laisse aller à des paroles de malice pour chercher des excuses à mes péchés". Ne trouvez-vous pas que ceci s'applique aussi bien à certains manifestants qu'au metteur en scène ?
Nous avons tous une sacrée habileté à cacher nos turpitudes derrière des arguments somme toute assez spécieux.
je n'ai aucune sympathie pour ce metteur en scène qui me semble un excellent dialectitien. J'ai eu trop l'habitude de tenter de dialoguer avec des marxistes, en son temps, qui étaient très forts et très formés pour celà, habiles pour m'entrainer sur des terrains dangereux.
je me sens incapable de juger les motivations réelles ou supposées de ces catholiques qui manifestent. En revanche, je pense qu'ils se plantent au moins stratégiquement. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer qu'elle pourra être la lecture qui sera faite de ce type d'actions par nos concitoyens.
"Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc adroits comme les serpents, et candides comme les colombes"
En bref, je crois qu'il ne faut pas être candide face aux arguments très habiles de ce metteur en scène. Mais aussi, il s'agit d'être adroits comme des serpents; ce que ces manifestants ne sont pas, c'est le moins qu'on puisse dire.

GDC


[ De PP à GDC - D'accord avec vous sur le second diagnostic, mais moins sur le premier. Les gens qui connaissent Castellucci le pensent sincère.
On ne voit pas quelle turpitude pourrait être véhiculée par la pièce. Plutôt une angoisse sans fond...
Quand au marxisme,ce n'est vraiment pas le sujet ! ]

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Écrit par : gdecock / | 28/10/2011

À R.N.D., Mgr AUPETIT A DIT CE QU'IL FALLAIT DIRE

> Le point de vue de Mgr Aupetit :

http://www.radionotredame.net/rnd_player_plus.php?date=2011-10-28&url=http%3A%2F%2Fnotredameradio.s3.amazonaws.com%2Fpoint_de_vue_aupetit_20111028.mp3&title=Le+point+de+vue+de+Mgr+Aupetit
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Écrit par : isabelle | 28/10/2011

LE MALAISE INEVITABLE

> sans préjuger des réels questionnements que pose l'art contemporain (à travers Castellucci et Serrano), se pose néanmoins le problème de l'immédiateté des images et de leur non-neutralité en tant qu'oeuvres sacrées (plus ou moins réussies d'accord pour le crucifix en plastique de Serrano). Plonger un crucifix, fut-il moche, dans de l'urine, balancer des grenades sur une image du Christ, n'est pas la même chose que de le faire pour, par exemple, un panneau "Jésus Christ".
- ainsi, même pour une saine réflexion et mise en perspective de la souffrance ou de mystères de l'Incarnation, un tel malaise est inévitable (souvenons nous des martyrs à qui on demandait d'abjurer en piétinant...des images pieuses, justement! Certes, notre époque est plus complexe, ce n'était pourtant pas le Christ ni ses saints qui étaient ainsi piétinés et ils le savaient bien, mais la reconnaissance de la profondeur de leur foi et de leur témoignage nous oblige à reconnaître qu'un tel acte n'est pas anodin). Et par conséquent, une explicitation des intentions de l'artiste A LA PROPOSITION du spectateur pourrait être utile (plutôt qu'avoir les interviews APRES les débats/protestations).
- de plus, même si le Christ nous a prévenu que la Croix nous attendait, la superposition dans le temps de tels phénomènes, "spirituellement" justifiés ou pas (publicités, Golgotha picnic) habitue de plus en plus la société, l'inconscient collectif à la répétition de la dérision et sape le reste d'acquis culturel bien utile pour réévangéliser. (cf un très bon billet sur le Rouge et le Noir intitulé "Un si banal blasphème" que je n'arrive pas à retrouver)
- et encore, même dans l'art contemporain, je reste un peu lassé de ne voir que des oeuvres traitant de l'immense don du Dieu de nous rejoindre dans notre lourdeur par l'Incarnation et de l'exploration du Vendredi Saint. Qui nous redonnera la joie communicante du matin de Pâques, qui nous donnera un aperçu du Paradis?
- pour terminer, tout à fait d'accord sur le décalage et les moyens utilisés. Je préfèrerais bien plus une prière en silence sur la place du châtelet, voire, si Dieu est outragé, un happening en plein air (enregistrement diffusé, ou vrai choeur si certains parmi ces très énergiques jeunes gens le peuvent!) : vous pensez le Christ outragé? Chantez les réponses des Ténèbres!
"O vos omnes, qui transitis per via, attendite et viedete si es dolor similis sicut dolor meus".
La version de T L Vittoria est époustouflante pour faire ressentir notre tristesse de L'avoir nous même roué de coups, de crachats et cloué au bois de la Croix.

CM


[ De PP à CM - Bien d'accord avec vous. Mais on ne soigne pas un malaise par des hurlements... ]

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Écrit par : Charles-Marie / | 28/10/2011

MIRAGES

> Tout à fait d'accord avec gd. Son allusion au marxisme n'a que pour but de faire référence à la dialectique dont ils étaient friands.
Le propre d'un certain art contemporain est précisément d'utiliser le religieux pour le détourner à des fins idéologiques. Lisez Surgins "les mirages de l'art contemporain" par exemple.
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Écrit par : Ludovic / | 28/10/2011

SUBJECTIVISME INTEGRISTE

> Pourriez-vous au moins envisager que ces personnes soient profondément blessées, au point de lancer à leur tour, jeter par dépit leur dégoût. Que feriez-vous si votre meilleur ami, votre bien-aimé était lâchement tabassé. Vous perdez du temps dans des palabres intello. Je n'idolâtre pas du tout les propos limite discute de comptoir du metteur en scène, pas clair du tout. Ceux qui le supportent s'en moquent de ses salmigondis, ils se régalent de la provoc, car il n'y a que cela qui les intéresse, je pense. Et vous marchez à la suite.
Oui, je comprends que l'on en vienne à s'agenouiller à contre-sens avec son chapelet. Oui Jésus je T'aime et je pourrai donner ma vie pour Toi.
Dieu vomit les tièdes. Je vous trouve graves de réduire ces personnes à des benêts manipulés par des politiques . Je comprends que, pour vous, l y a les cathos politiquement corrects et il y a les autres.
Vous êtes trop dans le monde, trop dans le monde.
Oui face à la haine ambiante, notre seule arme est le chapelet.
Je ne vois aucune violence, j'ai regardé plusieurs vidéos et je me suis sentie soeur.
J'ai vu 1789. Je ne suis pas lefévriste et d'ailleurs ces querelles de chapelles m'indisposent.
Vous êtes pour la division. Je suis triste.

C.


[ De PP à C. :
- Vous faites de la rhétorique. Vous ne dites pas la vérité en vous déclarant triste ! Les gens blindés de certitude et de confiance en soi ne sont jamais tristes.
- Le cardinal archevêque de Paris donne tort aux manifestants. Jugez-vous qu'il n'est pas aussi catholique que vous ?
- Si oui, posez-vous la question : avoir une aussi haute opinion de vous-même est-il catholique ? Prétendre incarner la foi contre la hiérarchie catholique est-il... catholique ? ]

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Écrit par : colette / | 29/10/2011

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