27/09/2011
Conrad Black, l'homme qui veut faire croire que Ratzinger n'est pas d'accord avec Benoît XVI
Mais qu'est-ce que Conrad Black ?
...surprise :
Selon les mémoires du milliardaire Conrad Black, délinquant financier, le cardinal Ratzinger aurait tenu en 1990 (dans un dîner de quatre personnes à Toronto) des propos déclarant « inassimilables » les immigrés en Europe.
La chose est proclamée sur un site américain, qui se répand en ricanements sur le thème : « l'Eglise catholique a bonne mine de ne pas nous soutenir en Irak, en Afghanistan, à Guantanamo et au Proche-Orient... alors que les mémoires de l'éminent Conrad Black, autorisées et hautement intéressantes à lire (authoritative and highly readable), révèlent ce que le pape actuel pense en réalité. »
Affirmation d'une rare grossièreté mentale.
En effet, même si Joseph Ratzinger avait tenu ce propos sur le désert démographique européen (et sa conséquence : l'immigration), ce sujet n'aurait aucun rapport avec la politique du Saint-Siège envers les guerres bushiennes ou le gâchis israélo-palestinien ; seuls des imbéciles peuvent faire cet amalgame.
D'autre part, un propos comme celui que Black prête à Joseph Ratzinger ne ressemble, ni dans sa forme, ni dans son contenu, à la pensée ratzingérienne. Black l'aurait su s'il connaissait cette pensée.
Je sais que les sites conservateurs US (et leurs clones français) dépeignent Black comme un « converti », « fervent catholique ». Mais pour un catholique, la conversion implique un changement radical de mentalité... Que Black ait fait ensuite de la prison [1] n'est pas le problème : c'est aussi arrivé à des personnages qui devinrent des saints. Mais ils avaient acquis l'humilité grâce à leurs tribulations, et ce n'est pas précisément le cas de Black. La presse anglo-saxonne trouve pénible sa façon d'arborer son catholicisme (poing sur la hanche), et surtout de refuser d'admettre avoir commis la moindre faute.
L'exhibition religieuse de Conrad Black, écrit un chroniqueur britannique, est une « apologie sans repentance » (« a non-apology apologia », jeu de mot intraduisible) :
« Le plus frappant à propos de cette dissertation n'est pas son emphase mais sa facticité. C'est supposé être une apologie de la foi, mais ce n'en est pas une. Son sujet n'est pas Dieu, mais Black. Entièrement dénué d'humilité, ça ne laisse pas entendre une seule note d'honnêteté spirituelle. Non seulement Black ne confesse rien, mais il dit n'avoir guère besoin de se confesser : '' J'ai reçu la communion au moins une fois par semaine depuis [ma conversion] et je me suis confessé quand je me sentais pécheur. Ce n'est pas une sensation trop fréquente.'' Contrairement aux simples saints, il n'a pas fait l'expérience d'une seule Nuit Obscure : « Je n'ai jamais eu quoi que ce soit qui ressemble au sentiment d'une chute ni d'un abandon, même quand j'ai été injustement inculpé, condamné et emprisonné... » Les témoignages de conversion de criminels sont parmi les plus riches récits de la culture chrétienne et beaucoup méritent la publication. Mais leur signe caractéristique est la repentance. Ce qui les rend à la fois authentiques et édifiants est leur témoignage d'autoréalisation douloureuse (nous voir tels que nous sommes, non tels que nous voudrions être), qui va main dans la main avec une plus grande connaissance de Dieu. Lord Black, au contraire, a produit un document beaucoup plus moderne : une apologie sans repentance. » [2]
Les mémoires d'un tel homme ont certainement de l'intérêt, comme un exemple du pittoresque sociétal au XXIe siècle. Il faut les lire au second degré. Surtout là où Conrad Black prétend convaincre l'univers que le pape est capable de dire une chose et de penser l'inverse...
Et quand Black est applaudi sur ce sujet par l'ultradroite libérale des deux côtés de l'Atlantique, on est tenté de dire : qui se ressemble s'assemble.
_________
[1] Wikipédia : « Depuis 2004, [Black] est au centre d'un scandale financier impliquant diverses transactions financières concernant les entreprises de sa holding, opérant principalement au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. La SEC américaine a entamé une enquête sur ses agissements et il lui est interdit d'effectuer des transactions financières visant les entreprises de son groupe. En novembre 2005, il est sous le coup d'un mandat d'arrêt lancé par la cour fédérale de Chicago aux États-Unis. Lui ainsi que deux autres responsables, Jack Boultbee et Peter Atkinson, sont accusés de fraudes pour un montant de plus de 80 millions de dollars US. Le 10 décembre 2007, il a été condamné à 78 mois de prison et une amende de 125 000 $ pour abus de biens sociaux et entraves à la justice. Son avocat a annoncé qu'il serait fait appel. Le 3 mars 2008 débute sa peine de prison dans un pénitencier de l'État de la Floride. Le 19 juillet 2010 il est libéré sous caution par une cour d'appel américaine en attendant le résultat de son appel pour sa condamnation en 2007 à six ans et demi de prison pour fraude financière . »
[2] Austen Invereigh, Guardian, 15 septembre 2009.
19:18 Publié dans Chrétiens indignés, Europe, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : conrad black, benoit xvi, immigration, europe
Commentaires
A PIC
> Si on adhérait à la théorie du complot, on aurait presque envie de dire que les affirmations de Conrad Black tombent à pic pour une certaine frange du catholicisme.
M.
[ De PP à M. :
- Elles tombent à pic pour deux franges du catholicisme, les deux symétriques inverses : ceux qui haïssent le pape ou l'idolâtrent pour la même mauvaise raison, en le prenant pour un réactionnaire.
- Quant à la frange d'ultradroite, même pas besoin de complot : étant une annexe de la "religious right" US, elle fonctionne en circuit fermé avec elle. Et Conrad Black est en train de devenir un totem de cette tendance. On a les héros qu'on mérite. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Mahaut / | 27/09/2011
POURQUOI RELAYER CES PAROLES EVENTUELLES
> Le fait de relayer ces paroles éventuelles ne semble avoir d'autre but que d'affaiblir l'autorité morale du Saint-Siège quant à ses prises de position passées, contraires à celles des USA, sur la guerre d'Irak, le système économique mondial injuste, le respect dû à la Création etc.
Il y aurait donc sur ces questions une forme de "sainte alliance" américaine entre conservateurs, contre une papauté à leurs yeux 'progressiste' voire 'socialiste' sur certains sujets, de la part de catholiques et d'évangéliques qui par ailleurs se détestent sur d'autres plans...
______
Écrit par : Emmanuel D. / | 27/09/2011
LES MAL ENTENDANTS
> Il suffit que Ratzinger ait dit qu'il y avait un enjeu spirituel à accueillir (c'est à dire aussi à annoncer le Christ) les musulmans pour que cela soit entendu par des personnes comme signifiant "inassimilable".
Bien évidemment, Ratzinger n'est ni des ultras d'un bord (qui disent "inassimilables") ou d'un autre bord (qui "Mahomet est un prophète").
______
Écrit par : ludovic / | 27/09/2011
PAS LA JOIE
> Le very dark Conrad Black, l'air sombre avec sa "bouche à 7h25"...il ne rayonne pas la joie.
______
Écrit par : Charles Vaugirard / | 28/09/2011
BLAIR WITCH
> Yep... Un converti du genre Tony Blair. C'est le projet Blair Witch ?
______
Écrit par : guy fawkes / | 28/09/2011
Les commentaires sont fermés.