04/04/2011
Débat sur l'air du temps : "La gauche libertaire a du mal à accepter le concept de limite..."
...mais la droite aussi, faut-il ajouter pour équilibrer l'entretien de Jean-Claude Guillebaud dans La Décroissance d'avril :
Extraits :
« La psychanalyse est aujourd'hui victime de deux attaques convergentes. D'une part, celle des "libertaires" qui voient en elle une sorte de reprise laïque de la morale catholique (Lacan était un grand admirateur de saint Augustin) ; d'autre part, celle des cognitivistes scientistes qui pensent que les troubles et les souffrances qu'elle soigne peuvent être guéris par la chimie ou la génétique... »
« Disons que la gauche "libertaire" a du mal à accepter le concept de limite que défend la psychanalyse. Je pense souvent à la belle phrase d'Albert Camus : 'L'humanité de l'homme vient de ce qu'il est capable de se dire non à lui-même', c'est-à-dire de gouverner ses pulsions au lieu d'être gouverné par elles. Un psychanalyste belge, Jean-Pierre Lebrun, pour qui j'ai une grande sympathie, a écrit un livre magnifique sur ce sujet : Un monde sans limite. Le titre définit, pour la combattre, l'utopie libertaire dans ce qu'elle a de plus irresponsable. »
Daniel Cohn-Bendit ou Noël Mamère « ont du mal à accepter ces travaux et ces réflexions sur la structuration du pyschisme humain. Ils sont assez largement contaminés par l'idéologie scientiste – et cognitiviste – qui ne veut voir dans le cerveau qu'un ensemble de connexions neuronales... Pour ces gens-là, des notions comme l'esprit ou l'âme n'ont aucun sens. Ils sont de purs matérialistes. »
« La décroissance met en avant, à juste titre, l'idée de limite. Elle s'impose et s'imposera de plus en plus à nous. La planète elle-même nous rappelle qu'il existe des '"limites" à la croissance et qu'il est fou de les ignorer... Les réflexions sur la décroissance sont aujourd'hui les plus réalistes, les plus conscientes du réel. »
Commentaire – Nier la notion de limite dans l'homme et dans sa planète, c'est le vice commun aux libéraux (d'où le mythe de la « croissance » illimitée) et aux libertaires (d'où le mythe de « l'auto-réalisation » indifférenciée et indéfinie) ; les uns et les autres idolâtrent les pulsions. C'est ce qui leur permit de copuler ensemble dans les années 1990. Aujourd'hui, sous les coups du réel, cette négation et ses mythes finissent par apparaître pour ce qu'ils sont : un délire. La notion de limite, pilier d'une vision réaliste plénière, revient par le constat du saccage de la planète – saccage opéré par le système productiviste et ses servants libéraux, et qui choque les écologistes. Mais ces derniers sont de leur temps : ils ont souvent le cerveau enfumé par ce qu'ils croient combattre. Au lieu de les injurier, aidons-les à chasser le libéral et le christophobe de leur tête ! (Je parle des vrais écologistes : pas du parti de ce nom, évidemment).
17:02 Publié dans Ecologie, Idées, Sciences | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : décroissance, écologie, daniel cohn-bendit, noël mamère, jean-claude guillebaud
Commentaires
JOURNEE ESCARGOT
> Aidons-les oui...
http://decroissance.lehavre.free.fr/journee-escargot-26juin10.htm
(cf. "messe à la consommation")
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Écrit par : Thomas / | 04/04/2011
LIMITES
> oui des limites s'offrent à nous, ...et j'ai bien écris "s'offrent à nous", et non pas "s'opposent à nous";
la limite recèle ces deux sens, mais le premier accepte la fin comme un don pour soi, dans notre ego, une grâce qui nous oblige à plus d'humilité, tandis que le second sens nous fait enrager, et ne plus retenir nos colères et nos sens !
nous ne sommes pas maître de tout, et heureusement, sinon nous serions de vrais dictateurs !!!
et d'ailleurs, la seule vraie limite qui nous rend fou ou confiant, c'est la mort.
mais qui donc peut rajouter une coudée à sa vie? personne!.....personne????.....pas d'accord, il y en a qui le peuvent! la preuve ici : http://www.zenit.org/article-27494?l=french
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Écrit par : jean-christian / | 05/04/2011
DES ANGES ?
> J'ai beaucoup aimé la petite boutade de Fabrice Hadjadj sur le matérialisme : le christianisme est profondément matérialiste, car c'est une foi en un Dieu incarné, la foi en la résurrection de la chair, et la prise en compte de l'homme dans toutes ses dimensions, y compris charnelle, c'est-à-dire... limitée.
Cohn-Bendit, et Mamère et tous les scientistes cognitivistes, voudraient être des anges, de purs esprits qui voudraient, à défaut de ne pouvoir se débarrasser de leurs corps, faire que leur corps se soumette à leur pure volonté. Et comme chacun sait, qui fait l'ange fait la bête ! Qui fait l'idéaliste fait le matérialiste ?
Jeux de mots mis à part, il me semble que la boutade d'Hadjadj sur le matérialisme est salutaire en ce qu'elle nous rappelle cette puissante originalité du christianisme : la résurrection de la chair.
C'est un point que la chrétienté a malheureusement eu trop tendance à oublier. Nous avons pendant trop longtemps conservé un héritage stoïcien dramatique concernant le rapport à la chair.
JBB
[ De PP à JBB - Le P. Bruckberger avait déjà développé ce thème, il y a quarante ans, dans son Histoire de Jésus-Christ. Il connaissait bien la question de la chair ; un peu moins celle des limites ! ]
réponse au commentaire
Écrit par : Jean-Baptiste Bourgoin / | 05/04/2011
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