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14/03/2011

Sloterdijk et Benoît XVI

Confrontation imaginaire (mais objective) entre le Rektor de Karlsruhe et l'auteur de Jésus de Nazareth / De l'entrée à Jérusalem à la résurrection :


 

Dans le Monde Magazine de ce week-end, Jean Birnbaum raconte la performance « théâtrale, acrobatique et philosophique » du 5 mars à l'Odéon, autour de Peter Sloterdijk (présent sur scène) et de son nouveau livre, un volume de 660 pages « consacré aux pratiques spirituelles ».

D'après ses admirateurs parisiens, Sloterdijk – Rektor de l'Académie d'art et de médias de Karlsruhe – serait « un Nietzsche assez détendu pour philosopher, non plus ''à coups de marteau'' mais de bulles de savon ». Et il miserait « sur l’advenue d’un capitalisme de la générosité'' » : sérieuse balourdise, de la part d'un intellectuel selon qui « le rire est la vertu cynique antique dont nous avons besoin »...

Sloterdijk était donc à l'Odéon le 5 mars. Dénonciateur des monothéismes (comme on le faisait dans les années 1980), il a exposé ses vues sur la religion en 2011. Selon lui, résume Birnbaum, elle n'est plus « une espérance abstraite, mais une sorte de fitness center : un ensemble d'exercices physiques que l'homme accomplit pour se dépasser lui-même. […] Les grands monothéismes ont épuisé leur puissance d'entraînement, et il est désormais possible de reprendre leur héritage dans une série de gestes libres. Un tel athlétisme de l'existence n'en demeure pas moins structuré par un impératif de verticalité : il s'agit toujours de viser les sommets de son propre devenir, d'atteindre un au-delà de soi, bref, de vivre moralement au dessus de ses moyens. »

C'est toujours la vieille erreur sur la nature du christianisme... En réalité, la foi au Christ n'est pas un « idéal » (« abstrait » ou non). Elle ne « vise » pas « les sommets du devenir de l'existence humaine ». Elle ne consiste pas à « vivre moralement au dessus de ses moyens ». Elle ne consiste d'ailleurs pas à « vivre moralement »... Dans son Jésus de Nazareth, pages 84-85, Benoît XVI souligne que le christianisme n'est pas « la voie élevée d'une exigence radicale dans laquelle se serait révélé un nouveau niveau d'humanisme dans l'humanité », ni une « élévation de l'agir moral », ni un « appel à un agir plus grand » : c'est un « nouveau fondement de l'être », et ce n'est pas nous qui nous le donnons, il nous est donné ! « La nouveauté ne peut provenir que du don de l'être-avec-le-Christ, du vivre-avec-Lui ». Être chrétien « est avant tout un don, qui se développe ensuite dans la dynamique du vivre et de l'agir avec ce don. »

Birnbaum met tout de même le doigt sur quelque chose en disant que, pour Sloterdijk, « l'homme est cet animal qui est mis au défi d'avancer parce qu'il est handicapé, cet infirme sommé de bondir hors de ses habitudes, hors de l'hébétude, à ses risques et périls ».

C'est aussi ce que dit la foi chrétienne.

Depuis la Genèse, on sait que l'homme est pétri de la même matière que les animaux, mais qu'il est handicapé par une mystérieuse fracture métaphysique, donc que son existence est un défi : celui des habitudes dont il doit se libérer...

A ceci près que, pour le chrétien, les « risques et périls» ne résident pas dans la libération mais dans l'habitude-hébétude, contre laquelle Benoît XVI érige la vertu de « vigilance » : « Ce qu'il faut comprendre par le mot ''vigilance'' : il ne s'agit pas de sortir du présent, de faire des spéculations sur l'avenir, d'oublier le devoir du moment présent ; bien au contraire, être vigilant signifie faire ici et maintenant la chose juste... Être vigilant signifie se savoir à présent sous le regard de Dieu et agir comme il convient quand on est sous son regard. »

Et la libération chrétienne se fait par adhésion individuelle à la personne du Christ, alors que pour Sloterdijk la libération s'opère par « l'effort surréaliste ». (Le terme « surréaliste » est révélateur : de quoi au juste s'agit-il de se libérer ?)

Significatif aussi le commentaire de Sloterdijk sur la parabole du funambule dans Zarathoustra : « On y constitue une communion d'un nouveau type : non plus un peuple de Dieu, mais un peuple itinérant, non plus une communauté de saints, mais un peuple des acrobates... L'élément qui anime cette Eglise restée invisible jusqu'à nouvel ordre, c'est le pneuma du danger approuvé. » Ces maîtres ne peuvent se passer de la référence chrétienne, quitte à l'inverser. Avec eux, le pneuma n'est plus le souffle du Créateur mais une posture de l'homme (l'approbation du danger : « l'air léger et pur, le danger proche et l'esprit plein d'une joyeuse méchanceté », dit aussi Zarathoustra). Cela dit, Sloterdijk se trompe en opposant « itinérants » et « peuple de Dieu », parce que c'est la même chose : « nous n'avons pas ici bas de cité permanente », dit Paul. Et il se trompe en opposant le saint et l'acrobate : l'acrobatie du saint diffère de celle que souhaiterait le Rektor, mais elle consiste en une « danse » de l'être tout entier, attiré hors de la servitude par la grâce divine.

Il  faut le regard de la foi pour voir cette dimension. Or Sloterdijk le snobe. Et Birnbaum l'exclut carrément (de façon autoritaire) : « Tandis que l'engagement spirituel effectue un retour spectaculaire sur le devant de la scène (géo)politique, nous sommes désormais incapables de prendre le fait religieux au sérieux. Certes, on veux bien admettre l'influence croissante de tel culte, la banalisation de tel rite, mais la foi, personne n'y croit », écrivait-il le 12 septembre 2010 dans le même Monde Magazine. Quand on prétend parler du fait religieux, comment peut-on se donner l'autorisation d'écrire « personne n'y croit » ? Est-ce que les deux milliards de chrétiens en 2011 ne sont « personne » ? L'humanité digne de ce nom se réduit-elle au Boboland ?

 

 

Commentaires

SLÔTERDEÏK

> Un Cynique étymologiquement signifie "qui vit comme un chien".
Ce monsieur nous permettra d'avoir d'autres ambitions, tout en ayant bcp d'affection pr ces créatures du Bon Dieu.
" 'la foi, personne n'y croit' : L'humanité digne de ce nom se réduit-elle au Boboland ?"
Invitons ce nouveau Diogène à sortir de son tonneau.
Si nous aussi ns voyions les choses uniquement à notre mesure, nous dirions que ce monsieur ayant un nom imprononçable (pr nous Français), ns ne pouvons par conséquent pas le nommer, pas en parler, donc il n'existe pas.
Le Cynisme existe encore de nos jours, on le voit notamment avec cette négation de l'existence de la personne humaine ; pour les héritiers du Cynisme il n'y a que ds individus, avec leurs désirs.
Le Cynisme est une des origines de la théorie du genre : la "personne humaine" n'existant pas, il n'y a pas d'hommes, de femmmes, il n'y a que des comportements sexuels qui dépendent de chaque individu.
Là encore on voit l'idée "le comportement fait l'humanité" admise par Marx, Sartre, pratiquée ds toutes les sociétés qui ne respectent que la force (cf Nietzsche), le nombre ou ne voient que la situation présente, condamnées qu'elles sont par leur absence de vision métaphysique de la personne.
Effectivement vivre ainsi, c'est vivre comme un chien.
Z.


[ De PP à Z. - Comment ça, imprononçable ? On dit : "slôterdèïk" ! Mais c'est aussi néerlandais pour les Allemands que pour les Français. ]

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Écrit par : zorglub / | 14/03/2011

VLIEGT DE BLAUWVOET

> Mais bien sûr, où avais-je la toeite ! Merci monsieur van Plunkoett mais vous m'excuserez : ik sprek g'een vlams.
signé,
Zoorgloeb

PS : il y a pire : vous avez déjà entendu du suisse allemand ?


[ De PP à Z. - Oui, chez le baron Stigmatt d'Huvysse. ]

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Écrit par : zorglub / | 14/03/2011

LE PEUPLE OÙ JE VIS

> Je ne vis pas dans le même monde que ce Monsieur Sloterdijk, mais je fais l'expérience inverse: le peuple où je vis a la foi, même s'il n'a plus les mots,et ne pratique plus que de manière clandestine, en mettant des cierges au fond des églises et devant les grottes de Lourdes de nos campagnes, parce qu'il croit que la messe dominicale et tout le "tralala" paroissial, ce n'est pas pour lui. Ce peuple-là n'a pas besoin de techniques pour rire et se hisser au-dessus de lui-même face aux difficultés de la vie, parfois face à l'acharnement du sort. Mais il n'a pas idée de sa vertu,et dit plus simplement: "il faut bien vivre!".
Comme je comprends Tolstoï quand il dit qu'il faut quitter les villes et vivre du travail de ses mains, en fraternité avec le peuple des campagnes! L'air est décidément vicié chez nos urbains oisifs(non qu'ils ne fassent rien, mais ils agitent du vent et croient nous fournir l'énergie qui fait tourner le monde, quand ils ne font que polluer)...
Je préfère la sagesse d'illettrés à la bêtise de certains intellectuels; le silence habité des uns au bavardage creux des autres.
______

Écrit par : Anne Josnin / | 14/03/2011

POUR LA PETITE HISTOIRE

> L'ouvrage du Saint Père a été vendu à 7.000 exemplaires en une semaine et entre à la troisième place du classement des meilleures ventes d'essai du magazine 'l'Express'.
______

Écrit par : Louis Chaise / | 20/03/2011

ARRÊTE LE PASTIS PETER !

> "il s'agit toujours de viser les sommets de son propre devenir, d'atteindre un au-delà de soi, bref, de vivre moralement au dessus de ses moyens..." Même un tel charabia n'arrive pas à masquer le vide abyssal de la "pensée" de Sloterdijk. Qu'il commence par lire les évangiles et ENSUITE il pourra gloser sur le christianisme.

P.


[ De PP à P. - Sauf qu'à Karlsruhe on boit du steinhäger plutôt que du pastis...]

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Écrit par : Perlinpinpin / | 20/03/2011

STEINHÄGER

> steinhäger, qu'ès aco ?

Gustave


[ De PP à G. - Eine mit Wacholder aromatisierte Spirituose.]

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Écrit par : gustave / | 20/03/2011

@ P.P.

> WACHOLDER ?
Was ist denn das

Baron Stigmatt d'Huvysse

C'est pas une maladie vénérienne au moins ! MDR

______

Écrit par : Perlinpinpin / | 21/03/2011

pour Louis Chaise :

> un tel classement ds l'Express doit faire enrager un certain Christophe !
______

Écrit par : zorglub / | 21/03/2011

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