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17/11/2010

Sarkozy, Chazal, Roms, pape... et pics d'audience

20090919_claire_chazal.jpgDeux séquences révélatrices :


 

Loin de nous l'idée de défendre Nicolas Sarkozy, ni surtout de justifier le « coup des Roms » de l'été dernier – dont on sait à quoi il faisait diversion. Les évêques ont dit là-dessus ce qui devait être dit. On ne peut que désapprouver la réponse de Sarkozy, hier soir, invoquant Benoît XVI pour parler d'identité nationale... à propos des nomades : absurde mélange de sujets, et honteuse utilisation du voyage à Rome du mois dernier. (Il fallait s'y attendre. On sait la méfiance que nous inspirait – en tant que catholiques – ce voyage).

Cependant il y a eu un autre moment révélateur, au cours du débat télévisé. Ce moment mettait en tort les journalistes, et particulièrement Mme Chazal.

Ce fut encore à propos des Roms. Mme Chazal venait de dire que Bruxelles avait accusé Sarkozy. Celui-ci a riposté que la Commission avait levé l'accusation. Mme Chazal a alors regardé Sarkozy d'un air vaseux, puis lui a dit : « ...mais au bout d'une semaine ! » Oui, a rétorqué Sarkozy : une semaine d'agitation entretenue par vous ! Mme Chazal avait l'air de plus en plus perdu. Sarkozy, cruel : « La Commission a effacé l'accusation, oui ou non ? » « Euh, oui... » Sarkozy : « Eh bien voilà ! » (Je restitue de mémoire). Mme Chazal regardait dans le vide, si totalement décontenancée que ses confrères ont changé de sujet.

Que révélait cette séquence ? La clé de fonctionnement de la machinerie télévisuelle. Les présentateurs sont payés pour faire de l'audience, pas pour analyser. L'audience s'obtient par des effets de tohu-bohu. Mme Chazal se souvenait du tohu-bohu (qui avait duré « une semaine »), et du point de départ du tohu-bohu (Mme Reding grondant que Paris recommençait la Shoah). Mais Mme Chazal avait perdu de vue la fin de ladite semaine (le communiqué de la Commission éteignant la polémique)... Pourquoi l'avait-elle perdu de vue ? Parce que Mme Chazal est programmée pour se souvenir des montées d'audience, pas des redescentes. Simple question de fonctionnement de la machinerie. D'où son air hagard, quand Sarkozy l'a obligée à se remémorer ce qu'elle avait zappé depuis longtemps.

La postdémocratie, c'est la démocratie chassée du politique et laissée aux médias, donc réduite aux excitations.

Cela dit, si la démocratie fut chassée du politique, ce n'est pas de la faute des médias. C'est de la faute des politiques.

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Commentaires

CHIFFRE

> L'exécutif, le législatif et le judiciaire sont séparés des uns des autres et régis par la constitution, qu'en est-il du pouvoir médiatique?
ils ne sont pas là pour dire la vérité, mais pour faire du chiffre.
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Écrit par : jean christian / | 17/11/2010

BIDON

> Question : est ce que les médias n'encouragent pas à chasser la démocratie en organisant des débats bidons, en ne transmettant que les info qu'ils jugent intéressantes, en évoquant que rarement des initiatives positives etc ?
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Écrit par : FL / | 17/11/2010

PIRE

> Pour enrichir votre mémoire de l'échange avec Mme Chazal, cher PP, je me souviens d'un passage encore plus humiliant pour elle, car la forme était à la hauteur du fond de l'humiliation.

N. Sarkozy : "La Commission a effacé l'accusation, oui ou non ?"
Mme Chazal : "..."
N. Sarkozy : "La Commission a effacé l'accusation, oui ou non ?"
Mme Chazal : "..."
N. Sarkozy : "Pardonnez-moi, je n'ai pas entendu votre réponse"
Mme Chazal : "o..ui"

Mme Chazal s'est fait engueuler, comme j'engueule mon fils de 6 ans quand je le prends à désobéir effrontément. Le fameux "Pardon, mais je n'ai pas entendu" face au gamin à qui on demande "Est-ce que je ne t'avais pas dit de ne pas faire ça ?" et qui n'ose pas répondre est là l'équivalent d'une réprimande qui aurait tout aussi bien être une bonne fessée. En tout cas, c'est bien comme ça qu'elle a du le prendre.
Ceci dit, tout comme vous j'ai trouvé pitoyable le président sur la question de l'immigration et la négation de son rôle dans la stigmatisation des Roms. Mais plus pitoyable encore, malheureusement, le déplorable niveau d'analyse des personnes qui l'interrogeaient. Comment ont-ils pu, sans rien dire, lui laisser affirmer, comme si c'était convenu, que la gestion de l'immigration était naturellement l'affaire du ministère de l'intérieur, comme si la base élémentaire de la gestion des flux migratoires ne devait pas être les organisations internationales, et la politique qu'on contribue à mettre en place au sein de ces organisations. Défendre, avec un silence consternant en face, que la gestion de l'immigration est juste une question interne, c'est juste effarant. Il n'a rien compris, rien écouté, au contraire de ce qu'il prétend.
Par contre, j'étais agréablement surpris de ces projets en matière de fiscalité, puisqu'avant même qu'il en parle, j'en étais justement arrivé à la conclusion que plutôt que de taxer le patrimoine, il faudrait taxer les revenus du patrimoine. En même temps, il n'y a pas besoin d'avoir fait sciences po pour trouver ça, mais au moins on aboutit à une alternative au pack ISF + bouclier fiscal. Après, je ne suis pas à même de juger de ce qu'il entend faire pour harmoniser la fiscalité avec l'Allemagne... j'attends de voir.
Son insistance à vouloir mettre fin aux protectionnismes en mettant de la régulation sur les marchés est assez enthousiasmant aussi, en particulier pour faire cesser la spéculation sur les matières premières. Ceci dit, les premières mesures qu'il évoque me semblent être surtout des petites mesurettes poltronnes, et j'ai un peu fait "flop" quand il n'a évoqué que ça. Mais l'intention exprimée est plaisante.
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Écrit par : Joël Sprung / | 17/11/2010

LE MECANISME

> Excellente analyse ; le même mécanisme fonctionne à propos de l'Eglise: on est programmé pour se souvenir des polémiques lancées, non pour se rappeler la déconstruction de ses polémiques. Ce qui reste finalement dans la mémoire collective, c'est que le pape (ou l'Eglise) est négationniste, protecteur de pédophile, islamophobe, etc
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Écrit par : Mike / | 17/11/2010

> Bravo. Pas mieux !
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Écrit par : Scrameustache / | 17/11/2010

RIRE EN LIGNE

> Le sujet ne serait pas si grave, on en rirait encore.
Cette séquence avec Claire C. est en ligne à la 6ème minute environ ici :
http://videos.tf1.fr/infos/2010/l-integralite-de-l-interview-de-nicolas-sarkozy-2eme-partie-6149569.html
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Écrit par : xav007 / | 17/11/2010

GRENOUILLE

> A vous lire cher PP je pense à l'expérience (interdite depuis longtemps) de la grenouille qu'on décervelle avec une aiguille à tricoter ( avec une antenne de radio ou télévision cela marche aussi!!) puis dans laquelle on fait passer du courant; elle tressaute à chaque décharge(pic d'audimat), donnant l'illusion d'être encore en vie... notre démocratie en est-elle-là?
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Écrit par : Anne Josnin / | 17/11/2010

Les commentaires sont fermés.