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07/11/2010

"Pie XII et les juifs" à Paris : l'intervention de Gary Krupp

...président de la fondation new-yorkaise Pave the Way


 

<< Je voudrais tout d’abord remercier le Père Michel Viot d’avoir organisé cette conférence et d’avoir invité Pave the Way Foundation à y participer. Je suis heureux de partager avec vous tous ici présents et avec les autres conférenciers cette si importante série d’évènements qui ont apporté beaucoup, tant à notre activité qu’à la réalisation de nos objectifs.

 

Il y a dix ans, si vous aviez dit à mon épouse Meredith (Merry) et à moi-même que nous ferions ce que nous faisons aujourd’hui, je n’y aurais jamais cru. Comment cela a-t-il commencé ?

 

Le 29 Juillet 2000, je reçus un appel téléphonique du Nonce Apostolique auprès des Nations Unies, à l’époque l’archevêque Renato Martino. Son Excellence me faisait savoir que mes nombreuses années de bénévolat pour aider à équiper l’hôpital italien de Padre Pio (depuis devenu saint), le Pape Jean-Paul II, pour m’honorer m’a élevé au rang de chevalier dans l’ordre de Saint-Grégoire le Grand. Etant juif, je pris  cet honneur, rarissime, comme une obligation et une opportunité d’améliorer les relations entre les communautés des diverses croyances religieuses. Mon épouse Meredith et moi-même avons alors pris la résolution de changer nos propres vies pour nous investir dans la plus importante des causes.

 

En 2002, une groupe d’étudiants juifs m’ont demandé si je pouvais organiser un examen des manuscrits de Maïmonide se trouvant  à la Bibliothèque du Vatican. Ces étudiants disaient que pendant des années, l’accès à la Bibliothèque leur avait été refusé. Ils souhaitaient que je les aide afin qu’ils puissent obtenir une réponse positive. J’ai obtenu l’autorisation d’amener cette délégation internationale à Rome pour voir ces manuscrits. L’accueil qui leur fut réservé par les officiels du Vatican, avec une visite de la Bibliothèque, a été un moment de grande émotion. Après avoir vu un Rabbin Hasidique embrasser un cardinal, Merry et moi avons su que cet évènement changerait nos vies pour toujours. 

 

Merry et moi avons décidé de créer une fondation avec l’aide d’amis. Notre mission sera d’oeuvrer pour améliorer les relations, non théologiques,  entre les religions du monde en mettant en avant le côté historique, culturel, technologique et éducatif et ainsi identifier les obstacles entre les diverses formes de la foi afin de pouvoir les éliminer. Merry a choisi le nom de « Pave the Way Foundation ». Elle était d’avis que cette appellation était bonne car nous « préparions le chemin » pour des relations nouvelles et constructives.

 

 

Les médiations de Pave the Way

 

 

En progressant dans notre nouvelle mission, Pave the Way a découvert qu’un obstacle politique important existait entre Israël et le Saint-Siège. En août 2003, les négocations pour finaliser les relations sur le plan de la législation et de la fiscalité entre les deux Etats furent suspendus et cet arrêt des négociations fut très dommageable. En uitilisant notre réseau de relations aux Etats Unis, Pave the Way a contribué à faire redémarrer la médiation ; celle-ci est toujours en cours.

 

Le 18 janvier 2005 nous avons sponsorisé la plus importante audience privée entre les Juifs et le Pape Jean-Paul II. Ce furent 168 rabbins, des diplomates et dirigeants juifs reçus dans la salle Clémentine au palais papal pour simplement remercier le pape Jean-Paul II de ce qu’il avait fait pour la réconciliation entre les religions et l’assurer de nos bénédictions.

 

Nous sommes à l’origine du tout premier prêt de documents de la Bibliothèque du Vatican à l’Etat d’Israël. Les precieux manuscrits de Maïmonide arrivèrent en Israël, préparant la voie pour des prêts de l’Etat d’Israël au Musée du Vatican. Nous avons sponsorisé et fait la promotion d’importantes expositions dans différents Musées afin de les faire connaître à un large public.

 

En 2006 Pave the Way a eu connaissance de la vente du papyrus Bodmer. Ayant pu identifier le propriétaire la Fondation a pu acquérir le papyrus. Ce papyrus, écrit en 175 AD est le plus ancien manuscrit connu des évangiles de St Jean et St Luc et de la prière du Seigneur. Le 18 janvier 2007 nous avons présenté ce papyrus au pape Benoît XVI. Aujourd’hui il se trouve à la Bibliothèque Vaticane pour être un témoignage vis à vis du monde entier.

 

Nous avons oeuvré pour assouplir les restrictions concernant les déplacements au Moyen-Orient et ainsi favoriser le tourisme en Terre-Sainte au bénéfice aussi bien des Israëliens que des Palestiniens.

 

De même Pave the Way a permis de finaliser la reconnaissance par Israël du patriarche grec orthodoxe de Jérusalem. Nous avons aidé à apaiser les tensions entre les Eglises chrétiennes orthodoxes

 

Pave the Way a sponsorisé de multiples projets caritatifs au bénéfice de mères nécessiteuses juives, chrétiennes et musulmanes. Nous sommes en relation avec Wasatia, un groupe palestinien qui désire donner au peuple palestinien une troisième chance de paix avec Israël et de créer en Palestine un gouvernement dont l’action soit « transparente ».

 

 

L'enquête sur Pie XII

 

 

En tant que Juifs, ayant grandi à New-York, mon épouse et moi-même avions horreur d’entendre le nom du pape Pie XII (Eugenio Pacelli) parce que nous avions cru ce que nous pensions être une vérité historique. Nous pensions que le Pape Pie XII était « le Pape de Hitler », un antisémite véhément et un collaborateur des nazis, et que son seul souci était de préserver les biens matériels du Vatican et non la vie des Juifs. 

 

Un ensemble d’évènements providentiels nous amenèrent à nous rendre compte que notre vision du pape Pie XII était erronnée.

 

Lorsque le rabbin Joe Potasnik, président de l’assemblée des rabbins de New-York, me demanda d’aider l’écrivain juif Dan Kurzman à être reçu à Rome, je découvris par M. Kurzman le projet secret de l’assassinat du pape Pie XII. Cela me choqua beaucoup. Pourquoi Hitler assassinerait-il Pie XII s’il était un sympatisant des nazis et d’accord avec les conceptions anti-semites ? Cette question amena ma rencontre avec soeur Margherita Marchione qui me montra les documents qu’elle avait recherchés et les témoignages qu’elle avaient rassemblés et qui prouvaient exactement le contraire de ce que j’avais cru être la vérité. Dans l’intérêt de la justice et de la vérité, j’ai alors décidé que je n’avais pas d’autre choix que de creuser cette question.

 

En 2006 nous avons commencé notre quête de documents originaux et d’articles de journaux concernant le pape Pie XII. Nous avons interwievé des témoins occulaires qui vivaient pendant la guerre. Ce fut un choc car nous avons dû réaliser que les sentiments très positifs du Pape furent complètement travestis avec la parution, en 1963, d’une fiction en forme de pièce de théâtre appelée Le Vicaire. Nous avons le témoignage d’un éminent agent du KGB, le lieutenant-général Ion Pacepa, qui révéla que le financement, la rédaction et la production de cette pièce étaient un complot des Soviétiques pour détruire la réputation de l’Eglise dans une opération nommée Seat twelve (Siège 12). Cinq ans après la mort de Pie XII, cette pièce, présentée dans le monde entier, a été la plus grande tentative d’assassinat moral du XXe siècle.

 

Chaque dirigeant international, chaque organisation juive, personnalité importante juive et dirigeant en Israël à l’époque, qui ont vécu durant la guerre et qui ont été touchés par les efforts du Vatican, ont été empressés pour louer le pape Pie XII de manière inconditionnelle. Des personnalités comme Albert Einstein, Golda Meir, Le président de l’Etat d’Israël Chaim Weitzman, le Premier ministre David Ben Gourion, le grand rabbin Herzog de Palestine, les grands rabbins Zolli et Elio Toaff de Rome, toutes les communautés juives en Italie et bien d’autres étaient pleins d’éloges à l’égard de Pie XII.  Quel « coup de canon» a tout changé ? Tous ces gens qui ont vécu durant la guerre sont-ils naïfs ?

 

Jeno Levaï, historien et expert juif à propos de l’Holocauste en Hongrie, a succinctement fourni la raison concernant ce virage à 180 degrés : «  C’est une ironie regrettable que la seule personne dans toute l’Europe occupée qui a fait plus que tout autre pour arrêter l’horrible crime et amoindrir ses conséquences, soit aujourd’hui le bouc émissaire à cause de la faillite des autres ».

 

Lorsque nous avons commencé à publier cette information sur notre site Internet, nous avons été surpris de constater qu’aucun des critiques qui ont pris la parole ainsi que les institutions, ne se sont déplacés à Rome pour faire des recherches sérieuses de documents se trouvant dans les archives pour la période précédant 1939. Cette période qui contenait 65 %  des documents concernant le ministère de Pacelli a été totalement ignorée et cela même après que les archives furent ouvertes par le pape Jean-Paul II. Les critiques dirent alors « Nous réservons notre jugement sur Pie XII jusqu’à ce que les archives des années de guerre soient ouvertes ».

 

En 1981, la Bibliothèque du Vatican a publié 5125 documents de la section « années de guerre » Ils figurent parmi « Les Actes et Documents du Saint-Siège pendant la seconde Guerre Mondiale ». Pave the Way a numérisé les 9000 pages et les a rendues accessibles à tous les chercheurs en les mettant sur Internet. Ainsi, avec les autres archives, 95 % de cette période de la papauté peut être étudiée. Il est donc certain que la « légende noire » frappant Pie XII peut être élucidée moyennant quelques efforts et une recherche se référant aux sources originales.

 

L’ensemble des archives du pape Pie XII (1939 – 1958) n’ont pas encore été ouvertes car les travaux de reliure, de révision et de mise en catalogue de quelque 30 millions de pages de documents prendront des décennies. Le Pape Benoît XVI a pratiquement triplé l’effectif au Vatican pour achever cette tâche dès que possible.

 

Toute cette information réunie, Pave the Way a décidé alors de continuer la recherche de la vérité qui préoccupe un milliard de personnes dans le monde. Nous utilisons nos relations internationales pour identifier et mettre sur notre site autant d’information que possible afin de révéler les actions, avec preuves à l’appui, entreprises par le Saint Siège avant et durant la deuxième Guerre Mondiale et de distiller (spoon feed) cette information au monde entier.

 

 

Le symposium de Rome

 

 

Du 14 au 17 septembre 2008 nous avons sponsorisé un Symposium à Rome au cours duquel nous avons rendu accessibles tous les documents et vidéos à plus de quatre-vingts dirigeants et chercheurs juifs. Par ailleurs nous avons invité à Rome tous les critiques et institutions reconnus afin qu’ils fassent part de leurs contradictions aux experts du Vatican dans ce domaine. Les critiques ont boycotté nos efforts en prétextant que nous n’étions pas assez expérimentés pour tenir une telle conférence. Ils demandèrent également pourquoi nous souhaitions que ce symposium soit ouvert au public. Etrangement, en déclinant notre invitation, ils nous accusèrent d’avoir un Symposium à « opinion unique ». A la fin de la session, ceux des critiques qui avaient participé à la conférence dirent qu’ils avaient changé leur opinion sur le règne de Pie XII. 

 

Aujourd’hui, avec les recherches et l’aide de beaucoup d’étudiants, nous avons mis sur notre site plus de 40.000 pages de nouveaux articles et documents provenant de nombreux pays ainsi que de nombreux interviews et vidéos de témoins occulaires. Il en résulte que le pape Pie XII n’était pas le pape de Hitler et pas d’avantage un collaborateur des nazis. Il avait plutôt de l’affection et du respect pour le peuple juif et ce depuis sa prime enfance.

 

Ses relations avec le peuple juif sont nées durant son enfance auprès de Guido Mendes, un garçon juif orthodoxe.Il est possible que Mendes ait pu inviter le jeune Päcelli à son domicile où avec sa famille ils prirent le diner un jour de sabbat. Eugenio a aussi pu emprunter des oeuvres des grands rabbins. Il a appris à lire et à parler l’hébreu.

 

Son action pour aider les juifs commence dès qu’il devint Nonce Apostolique en Allemagne. Lorsque les Arméniens en Palestine ont été menacés par les Turcs ottomans en 1917, la communauté juive de Suisse appela à l’aide pour protéger les juifs de Palestine pour lesquels ils craignaient le même sort. En tant que Nonce Apostolique en Allemagne, l’archevêque Pacelli a intercédé immédiatement pour obtenir des garanties de la part des allemands pour assurer leur protection, fut-ce au moyen des armes (l’Allemagne était alors l’alliée de la Turquie). 

 

Le grand rabbin Weber de Munich demanda à Pacelli en 1917  son aide pour la relâche des palmes utilisées pour la fête de Sukkoth ; celles-ci avaient été  intentionnellement retenues par le gouvernement italien. Pacelli demanda l’intercession du Vatican pour ainsi favoriser les rapports entre catholiques et juifs. 

 

En 1917 et 1925, Pacelli a rencontré personnellement Nahum Sokolov, alors président de l’Organisation sioniste mondiale, pour discuter de la possibilité d’une patrie juive en Palestine. Pacelli a réagi immédiatement pour ménager à Sokolov une audience avec le pape Benoît XV. 

 

En 1926, Pacelli pressa les catholiques allemands de rejoindre l’organisation pour l’installation des juifs en Palestine. Lorsque l’Italie a promulgué les lois raciales en 1938, Pacelli les condamna et écrivit pour dire son désaccord avec le gouvernement italien qui importait l’antisémitisme allemand. Il fit beaucoup d’efforts pour trouver des juifs qui avaient été atteints par les lois raciales. Comme secrétaire du Vatican, il a oeuvré pour faire avorter une loi visant l’abolition de la loi concernant l’abattage casher des animaux. Il était d’avis que cette loi serait une réelle persécution pour les juifs.

 

Un article d’un journal palestinien mentionne que le pape Pie XII déclara en public à un jeune juif qui participait à une réunion en 1941 : « soyez fier d’être juif ». Selon un article de presse à Jerusalem, en 1945 le pape Pie XII a rencontré 80 rescapés juifs de l’Holocauste. Il leur a dit : « bientôt vous aurez une patrie juive. » Cela trois ans avant la création de l’Etat moderne d’Israël. Avec le vote des Nations Unies en novembre 1947 pour la division de la Palestine, Pie XII n’a pas fait d’objections aux dix-sept pays catholiques qui ont affirmé leur intention de voter en faveur de la création de l’Etat moderne d’Israël.

 

Selon l’historien et diplomate juif Pinchas Lapide dans son livre Trois Papes et les Juifs, les actions du Pape Pie XII ont sauvé environ 882.000 juifs en Hongrie, France, Belgique, Italie, Roumanie, les Balkans, la Pologne, les Pays-Bas et la Slovaquie. A la mort de Pie XII en 1958, il y avait beaucoup de personnes en Israël qui ont souhaité « une forêt Pie XII », soit 860.000 arbres devraient être plantés dans les collines de Judée !

 

 

Pacelli contre Hitler

 

 

L’opposition vigoureuse de Pacelli vis à vis de Hitler et du national-socialisme était très claire dès le début de Hitler en Allemagne. Dans quarante des quarante-quatre discours prononcés durant qu’il était Nonce en Allemagne, soit entre 1917 et 1929, Pacelli critiqua le national-socialisme. Le 1er Mai 1924, il écrivit que le national-socialisme était la plus grande hérésie de notre temps, e,t trois jours plus tard : « l’hérésie du national-socialisme place l’idolâtrie de la nation et de la race au dessus de tout, au-dessus de la vraie religion, au dessus de la vérité et de la justice ». En 1929, Pacelli confia à sa gouvernante, Soeur Pascalina Lehnert, que « Hitler détruit tout ce qui ne lui est pas utile ; il est capable de piétiner les corps et d’éliminer tout ce qui lui fait de l’obstruction ». 

 

L’Eglise s’opposa au national-socialisme dès le début et les évêques allemands refusèrent la communion aux membres du « parti de Hitler » et condamnèrent les nazis dès 1930.

 

Lors de l’élection de Pacelli comme Pape, une lettre confidentielle, datée du 3 mars 1939 et émanant du Département des Affaires Etrangères des Etats-Unis d’Amérique était adressée à Washington. Elle provenait du Consul américain de Cologne. La lettre informait le gouvernement américain de l’attitude de Pacelli envers le national-socialisme et Adolf Hitler. Le diplomate avoua être surpris par l’ampleur de l’opposition de Pacelli envers ce régime. Pacelli dit au diplomate que Hitler était un individu sans scrupules auquel il ne fallait pas faire confiance, incapable de modération.. Pacelli dit encore qu’il est d’accord avec la position des évêques allemands envers les nazis, même si la vie de jeunes catholiques en Allemagne était menacée. Il fit aussi référence aux évêques allemands qui, en 1930, excommunièrent tous ceux qui rejoignaient le parti nazi, portaient son uniforme ou son drapeau.

 

En 1944, le chef de la Gestapo Ernst Kaltenbrunner donna des détails sur la tentative d’assassinat de Hitler. Pacelli et son secrétaire, le Père Leiber ont été cités comme co-conspirateurs. Cela était exact, vu que Pacelli et le Père Leiber étaient constamment informés du déroulement de la tentative du coup d’Etat et affirmaient qu’ils aideraient pour la négociation de la paix seulement après un changement de régime en Allemagne.

 

Le 26 Juillet 1942, l’archevêque Johannes De Jong, d’Utrecht, a dénoncé publiquement la déportation des juifs hollandais dans une lettre pastorale lue dans toutes les églises de Hollande. Cette protestation publique contribua à l’accélération des arrestations de juifs et en représailles punitives à l’arrestation de juifs convertis. Pie XII réalisa rapidement que toute attaque publique contre les crimes des nazis entrainait de la part des Allemands l’accélération des violences envers les victimes. Selon trois témoins au sujet des réactions des nazis envers les catholiques hollandais, le pape Pie XII brûla le projet d’un discours qu’il avait préparé. Il dit que si les nazis tuaient des milliers de juifs suite aux remarques d’un archevêque, ils en tueraient une quantité bien plus grande si les remarques étaient faites par le pape.

 

Pave the Way a mis sur Internet le témoignage donné en 1972 par le général Karl Wolff, haut dirigeant SS et adjoint de Heinrich Himmler pour l’Italie. Ce haut gradé donne des détails sur les ordres reçus de Hitler pour envahir le Vatican, enlever le pape et tuer les membres de la Curie. Le général Wolff, tout comme le gouverneur militaire de Rome le général Rainer Stahel et l’ambassadeur d’Allemagne Ernst von Weizsäcker, réalisèrent que si Pie XII était enlevé et tué, il y aurait des émeutes très importantes et que cela créerait aussi de grandes tensions parmi les militaires allemands. Ils firent tout ce qu’ils purent pour convaincre Hitler de ne pas arrêter le pape. Weizsäcker a même envoyé des télégrammes à Berlin qui étaient intentionnellement rédigés pour calmer Hitler.en le dissuadant d’entreprendre une action dont les conséquences seraient très négatives pour l’Allemagne. Albrecht von Kessel, collaborateur de Weizsäcker a défini par la suite ces télégrammes comme des « mensonges stratégiques ».

 

D’après des notes manuscrites de Mgr Domenico Tardini, le 6 septembre 1943, Pie XII convoqua les cardinaux à une rencontre lors de laquelle il les informa qu’il sera probablement enlevé, voire tué. Il demanda aux cardinaux d’être prêts à quitter le Vatican de suite après l’invasion de l’Etat Pontifical. Ils devront se rendre au Portugal où il devront élire un nouveau Pape et former une nouvelle Curie. Pie XII écrivit sa lettre de démission et la plaça dans son bureau. Il dit que lorsqu’ils viendront pour se saisir de lui, il saisiront Eugenio Pacelli et non le Pape Pie XII.

 

Le Pape était conscient que s‘il était enlevé, il y aurait des émeutes qui ne feraient qu’augmenter la misère et que d’innombrables civils seraient dirigés vers les camps de concentration et ce dans tous les pays occupés. De manière stratégique, il utilisa la menace d’une dénonciation publique, ce qui a sauvé, le 16 octobre 1943,. 7.000 à 12.000 juifs de Rome. Le Grand Rabbin du Danemark, Melchior, dit que si Pie XII avait parlé, bien plus de six millions de juifs auraient été massacrés.

 

Le Vatican était infiltré par des espions et environné de forces hostiles.Le pape était bien conscient du plan de le kidnapper et de tuer les membres de la Curie Romaine. Même dans ces conditions extrêmes, Pie XII a agi personnellement et souvent de façon directe pour sauver autant de juifs que possible.

 

Le 16 octobre 1943 à l’aube, l’arrestation des juifs de Rome a débuté. Le pape Pie XII commença par protester auprès de l’ambassadeur d’Allemagne, Weizsäcker. Craignant que cela n’ait aucun impact, il envoya son neveu Carlo Pacelli auprès de l’évêque Aloïs Hudal qui avait des contacts avec les dirigeants nazis à Rome, afin que celui-ci préparât une lettre demandant la fin des arrestations. Il craignait cependant que cette lettre n’arrivât trop tard pour être prise en compte. Pie XII décida alors d’envoyer son ami et confident, le supérieur général des salvatoriens, le Père Pankratius Pfeiffer, rencontrer le gouverneur militaire de Rome, le lieutenant général Rainer Stahel. Le Père Pfeiffer lui remit la lettre de Mgr Hudal ainsi que la déclaration d’intention selon laquelle Pie XII dénoncerait publiquement les arrestations si les autorités allemandes poursuivaient cette opération. La crainte qu’une telle dénonciation publique pousse Hitler à bout et l’amène à activer le plan d’invasion du Vatican, fit réagir le général Stahel. Il imagina une « raison militaire » pour stopper les arrestations. Il téléphona directement à Heinrich Himmler qui ordonna leur arrêt à l’heure de midi le jour même de leur mise en action. Par la suite, lorsque Himmler découvrira le stratagème, le général Stahel sera sanctionné et envoyé sur le front de l’Est.

 

Le pape envoya alors des prêtres de confiance et des amis dans tous les couvents et monastères de Rome et des environs pour ordonner la levée de la règle de clôture. Il ordonna aux institutions ecclésiastiques, aux églises et aux écoles, d’ouvrir leurs portes à tous les réfugiés qui se présenteraient pour demander asile. Le pape envoya également des instructions cryptées pour sauver les juifs dans d’autres régions d’Italie. Afin que ces directives ne puissent tomber aux mains des nazis, ces documents devaient être détruits aussitôt lus.

 

Pave the Way Foundation a découvert les actions secrètes menées directement par Pie XII qui a sauvé plus de 11.000 juifs en les envoyant en République Dominicaine entre 1939 et 1945. Le pape adressa des télégrammes cryptés au général Trujillo, le dictateur de la République Dominicaine, au moins deux fois par an pendant cette période, pour obtenir 1.600 visas chaque année, permettant aux juifs d’Europe de gagner la République Dominicaine. 

 

Aujourd’hui de nombreuses institutions disent que le pape a uniquement aidé les juifs convertis, car beaucoup de documents font état de « juifs catholiques » ou « catholiques non-aryens ». Nous avons retrouvé trace de «  lettres urgentes » de Pacelli, datées du 30 novembre 1938 (seulement trois semaines après la « Nuit de Cristal ») et du 9 janvier 1939 adressées à 65 nonces et autres évêques de par le monde catholique, demandant 200.000 visas pour des « catholiques non-aryens » en Allemagne. Ceci est une phrase codée utilisée pour désigner les juifs persécutés. Personne n’imaginait qu'il puisse y avoir 200.000 juifs convertis en Allemagne en 1938. La lettre écrite en 1939, en latin, demanda le respect de leur preceptes religieux, de leurs livres et institutions confessionnelles La formulation d’une telle demande n’aurait jamais été faite pour des catholiques. Lorsque des convertis sont baptisés, ils sont simplement « catholiques » et non « catholiques juifs ». De telles dénominations n’ont jamais été utilisées avant ni par la suite dans une correspondance du Vatican.

 

Il est très important de tenir compte des conditions dans lesquelles le Saint Siège et le pape Pie XII ont dû « fonctionner » pendant la deuxième guerre mondiale.On peut comprendre alors combien héroïques ont été beaucoup de ces actions de sauvetage et de protection.

 

Il faut aussi noter que la plupart des critiques, ayant attaqué l’attitude de Pie XII pendant les années difficiles, n’ont pas vécu à cette époque et n’ont pas connu les horreurs d’une guerre. Ils ne comprennent pas ce que cela représentait de regarder la mort en face tous les jours ou le danger de transporter une note cryptée dans la poche. Les critiques croient que si cela n’était pas écrit, cela n’est pas arrivé. Il est toujours très facile de dire «ils auraient pu faire ceci ou faire cela ».

 

Dans la tradition de notre foi, la plus haute forme de charité est la charité anonyme où le bénéficiaire ne sait jamais qui l’a aidé. Voilà de quoi Eugenio Pacelli est "coupable" ; mais comme les historiens et les étudiants continuent a examiner de nouveaux faits avec documents à l’appui, cela ne pourra que faire éclater la vérité.

 

Je termine par la citation du rabbin le plus vénéré au travers des âges, Maïmonide, qui disait : "Ce n’est pas parce que tout le monde croit qu'une chose est vraie, que cette chose est vraie» ; et : "Ce n’est pas parce que personne ne croit qu'une chose est vraie, que cette chose n’est pas vraie." 

 

Si vous êtes intéressés par d’avantage de détails sur ce très important sujet, je  vous suggère de lire le livre qui vient d’être revu par le Pr Ronald Rychlak : Hitler, the War and the Pope  ("Hitler, la Guerre et le Pape")

 

Je vous remercie pour votre attention et votre écoute.

 

 

 

Gary KRUPP

Fondateur de « Pave the Way Foundation”


 

Commentaires

PIE XII

> Un grand merci M.de Plunkett pour cet extraordinaire document que tout le monde devrait connaître mais qu'ignorera la presse!Dire qu'il y a des catholiques assez sots pour se rendre intéressants en "dénonçant" la proclamation des vertus héroïques de Pie XII par Benoît XVI, qui connaît tous ces faits et sait très bien ce qu'il fait comme toujours.
(L'émission d'ARTE sur la diplomatie vaticane a fait le service minimum sur Pie XII!).
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Écrit par : Lucie S. / | 07/11/2010

J'EN REVIENS

> Passionnante et libératrice conférence, dont je reviens! Merci à tous ceux qui y ont travaillé.
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Écrit par : Pierre Huet / | 07/11/2010

L'ACTION DE PIE XII

> Je suis juif par ma mère (Pologne, puis Pays-Bas) et catholique par la grâce de l'approche de la guerre en France. Envoyé par le "comité antifasciste", j'ai fait partie du service d'ordre défendant la pièce "Le Vicaire" (je ne suis plus tout jeune !) J'ai complètement changé d'avis depuis le livre du rabbin Dalin il y a quelques années, mais j'ai quand même été sidéré par le soutien de M. Krupp et de Serge Klarsfeld "à 200 %" de Pie XII. J'ai même eu un peu honte quand M. Krupp nous a dit que nous pouvions comme catholiques être fiers de l'action de Pie XII. Cela reste douloureux. J'ai un rapport très émotionnel et aimant avec "nos frères ainés" dans la foi. Je me demande quand même pourquoi Benoit XVI a fait état des "vertus héroïques" de Pie XII alors que les archives vaticanes sur ce point ne seront complètement publiques que dans 4 à 5 ans et non 3 comme cela a été dit lors de ce très intéressant séminaire.

R.


( De PP à R. - Les "vertus héroïques" sont un terme de procédure canonique, une étape des procès de béatification ; ce n'est pas le pape qui en décide mais les "juges" de ces procès contradictoires. Un procès en béatification ne porte pas sur le bien-fondé de l'action de Pie XII pendant la guerre, mais sur sa vie spirituelle. Cela dit, Benoît XVI sait ce qu'il en a été de cette action. Il est donc très tranquille sur la question. )

cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Roque / | 08/11/2010

LE DEBAT

> Merci à vous, Patrice de Plunkett, de diffuser sur votre blog qui connait une large diffusion l'intervention de Gary Krupp pour qui j’effectuais hier la traduction simultanée.
Je tiens à souligner que les interventions de Me Serge Klarsfeld et du Prof. Philippe Chenaux furent elles aussi de grande qualité, notamment du fait qu’elles étaient dépassionnées.
Pour la Pave the Way Foundation ce fut une grande joie et un honneur de pouvoir intervenir lors cette conférence, quasiment une première dans le monde francophone.
Par rapport à un commentaire précédent, je voudrais remarquer qu’il n'est pas rare -hélas- dans le monde catholique que des personnes se sentent mal à l'aise quand on loue l'action de l'Eglise.
Ce sont alors des personnes extérieures à elle qui ont la droiture et l'honnêteté intellectuelle pour dire qu'il ne faut qu'il ne faut pas laisser la lumière sous le boisseau…

Cordialement,

Pablo-Manuel Villarreal
Pave the Way Foundation - Genève


( De PP - Merci de votre appréciation. Je suis prêt à publier aussi les autres interventions... si on me les fait parvenir ! )

réponse adressée au commentaire

Écrit par : Pablo-Manuel Villarreal / | 08/11/2010

VERITE HISTORIQUE

> Merci de la publication de cette conférence. Bien que catholique, je n'ai jusqu'à présent reçu comme informations apparaissant "fiables", que des critiques plus ou moins virlentes contre Pie XII, le pape "germanophile". Je souffrais des dénonciations de l'attitude de Pie XII, mais encore plus parce que je les croyais fondées. Je ressentais les démentis de l'Eglise comme des discours inspirés plus par la piété, que par le souci de la vérité historique.
je n'ai pas moi-même eu l'occasion de me confronter aux sources citées par le conférencier, mais son travail m'a convaincu. J'aurai apprécié que d'autres que lui empruntent le même chemin de mise en lumière des faits, pour permettre de restaurer la mémoire de Pie XII, et à travers lui, de remettre en lumière la fidélité de l'Eglise.
En France, mis à part le Père Saliège et quelques autres, les responsables de l'Eglise se sont, comme la majorité des français ralliés au maréchal et ont couvert, sinon approuvé, les persécutions contre les juifs. Des chrétiens individuels ont eu des attitudes très courageuses, et pas seulement ceux que l'on connait : Témoignage chrétien, des jésuites, et des protestants, ont agi pour sauver des juifs.
Les chrétiens ne sont pas seuls en cause, je me souviens qu'après guerre, et pendant assez longtemps, les seuls déportés dont on parlait étaient les résistants et surtout les communistes. Il a fallu pluiseurs années pour que le pays prenne en considératon la véritable tragédie des déportations vers les camps de la mort des populations juives.
Les chrétiens, dans leur masse, ont pensé comme l'opinion générale des français. Seuls quelques personnes chrétiennes, ou non, connaissaient les faits, et avaient conscience de l'ampleur du désastre.
Faire connaître pour un large public la position réelle de Pie XII me paraît essentiel pour contribuer à réconcilier les français, chrétiens ou non chrétiens avec l'histoire de l'Eglise.
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Écrit par : de Préneuf / | 08/11/2010

@ de Préneuf :

> il faudrait que vous lisez l'intervention de Klasfeld. Cela vous guérira un peu plus de quelques certitudes qui vous habitent encore et qui sont fausses d'après lui.
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Écrit par : Roque / | 08/11/2010

TROP GRANDE CIRCONSPECTION ?

> J'invite tous ceux et celles qui s'intéressent à la question soulevée dans cette page à prendre connaissance de l'ouvrage de Peter Godman intitulé "Hitler et le Vatican" (Éditions Perrin. 2010). Il en ressort que le Vatican était tiraillé entre trois tendances par rapport aux nazis et que Pie XII n'était pas du tout un ami ou un admirateur de Hitler, mais que sa circonspection fut sans doute trop grande. L'article publié ici nous aide à mieux comprendre pourquoi. Non, Pie XII, pas plus que son prédécesseur, ne fut le pape de Hitler.
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Écrit par : Pierre K. Malouf / | 14/11/2010

PIE XII

> Pie XII, un don pour le XXème siècle - Benoît XVI

https://www.youtube.com/watch?v=7zUqVsaS_Hs
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Écrit par : francine Carpentier / | 08/09/2013

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