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07/07/2010

Retour des ottomans, malaise de l'UE

220px-Osmanli-nisani.svg.pngCe qui se passe à Ankara

désoriente Bruxelles et Washington :


 

La rupture progressive de la Turquie et d'Israël n'est pas un « alignement d'Erdogan sur l'islamisme » : sous apparence d'islamisme (avec Téhéran et Gaza), c'est une résurgence de la géopolitique ottomane. Ankara ne rompt pas avec Israël pour le plaisir. Cette rupture fait partie d'un recentrage général de la politique étrangère turque.

La Turquie de 2010 renoue avec celle d'avant 1914 : elle veut reprendre son rôle séculaire au Proche-Orient et en Asie centrale.

Vues sous cet angle, les négociations Ankara-Bruxelles apparaissent aujourd'hui pour ce qu'elles sont : une simple opération latérale, visant à conforter la vraie géopolitique turque. Idem envers les Etats-Unis... Dans ces deux cas, Ankara n'est pas le demandeur, c'est Washington et Bruxelles qui ont besoin d'Ankara : Washington à cause de l'Otan (Irak, Afghanistan, Russie etc) ; Bruxelles pour suivre Washington.

Désorientée par ce spectacle, la presse parisienne demande leur avis aux « mon-cher » (comme dit Erdogan) : de vieux diplomates turcs, vestiges des temps de la guerre froide... Ils sont atterrés, bien sûr, par le néo-ottomanisme du gouvernement AKP. On ne les avait pas éduqués dans ces idées-là.

Les dirigeants européens se frottent les yeux : un pays sachant qui il est et renouant avec son histoire, c'est obscène, on croyait que ces choses-là avaient cessé, que le destin des peuples était confié définitivement aux marchés financiers ! Toute la construction européenne avait été déviée dans cette perspective ; l'entrée de la Turquie dans l'UE devait consacrer la fin de l'Histoire, la fin des diversités de civilisations, le monde devenant babélien... Soudain on voit le contraire : les dirigeants turcs ne veulent pas servir à démontrer que l'islam est soluble dans la société de marché ; ils se servent de l'islam pour rendre à l'Etat turc sa sphère d'influence géopolitique.

« Je n'accepte pas l'idée d'une sphère d'influence russe », rabâche Mme Clinton à l'intention de la Géorgie, pays annexé à la sphère d'influence américaine. Elle va devoir accepter l'idée d'une sphère d'influence turque. C'est la mort du mythe de Fukuyama (le monde comme marché unique sous gérance US) : le monde du XXIe siècle sera multipolaire.

Et comme ce fut toujours le cas, la seule Internationale qui tienne sera le christianisme. Sa géopolitique à lui est planétaire et singulière : c'est celle du Christ sauveur de toute l'humanité, qui n'est « une » que sous son regard. Là, nous sommes loin des rivalités terrestres.

 

10:39 Publié dans Europe | Lien permanent | Commentaires (11)

Commentaires

> Retour au réel !
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Écrit par : Pierre Huet / | 07/07/2010

EPEE ET BOUCLIER

> J'apprécie cet article sur la Turquie qui rejoint totalement le point de vue que je développe lorsqu'on m'interview sur mon dernier ouvrage "Barberousse, le maître de la Méditerranée" (publié par les éditions Balland). Récemment encore, dans son éditorial du matin sur France Inter, Bernard Guetta développait cette idée que la Turquie s'est lassée de piétiner aux portes de l'Europe et, se souvenant de sa puissance lorsqu'elle était l'empire ottoman, se tourne de plus en plus vers les pays qui étaient autrefois sous sa domination, afin de jouer un rôle de soutien qui la pose en médiateur entre l'Orient et l'Occident. Barberousse, l'homme lige de Soliman et la bête noire de Charles Quint, avait tout compris. Mon livre devrait vous intéresser si vous ne l'avez déjà lu.
Bien cordialement.

Geneviève Chauvel


(PP à GC :

- Bonjour !

- En effet, votre livre m'intéresse beaucoup.

- Je crois que Guetta, pour une fois, n'est pas dans le sujet. La Turquie d'Erdogan ne se "lasse" pas d'attendre à la porte de l'Europe : le processus de discussions Ankara-Bruxelles
se poursuit, comme si les dangers du Proche-Orient n'existaient pas aux yeux de Bruxelles.
En réalité, la posture "européenne" d'Erdogan n'est qu'un bouclier ; son épée est la géopolitique néo-ottomane. Les deux vont ensemble dans sa stratégie. C'est cela que les dirigeants européens sont incapables de comprendre, étant lobotomisés dans ces domaines. )

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Écrit par : Geneviève Chauvel / | 08/07/2010

LE XXe SIECLE S'EFFACE

> Pensez-vous que ce soit le début d'un plus vaste retour à avant 14, et qu'on verra réapparaître les notions d'empire?
Pour moi ce phénomène aurait alors commencé avec la réunification de l'Allemagne, qui s'est faite en marge de la politique européenne, et qui est l'événement majeur de l'Europe à la fin du vingtième siècle,quand les agitations bruxelloises ne seraient que divertissement au regard de l'histoire.
Le démenbrement probable de la Belgique alors ne signerait pas la naissance des "euro-régions" de nos utopistes, mais l'effacement des Etats récents au profit des plus anciens, et d'autres Etats, (comme la Grèce?), devraient alors se faire du souci...
Chassez l'histoire de l'enseignement, et elle reviendrait dans les événements? Il va alors falloir ressortir nos vieux manuels pour comprendre cet effacement du XXème siècle et de sa logique des blocs...
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Écrit par : Anne Josnin / | 08/07/2010

LE TEMPS DES NATIONS

> La Turquie "est de retour" au moyen-orient. Preuve est donnée que les civilisations évoluent selon des temporalités lentes, irréductibles aux soubresauts de l'histoire immédiate, quand bien même s'étalent-ils sur plusieurs générations, ce qui représente un court instant à l'échelle du temps humain. Atatürk n'a pas fait du passé "table rase". La Turquie est orientale et musulmane. Elle en retrouve aujourd'hui une fierté, elle a raison et nous devrions la remercier: il n'y a pas de pire mépris de l'autre que de refuser de se présenter à lui tel que l'on est vraiment. Puisse l'Europe s'inspirer de cet exemple!
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Écrit par : grzyb / | 08/07/2010

@ PP

> Le christianisme, « seule Internationale qui tienne ». Le fait est là. Quant à la sphère d’influence ottomane, il me semble qu’elle a bien régressé depuis la bataille de Lépante (1571), à laquelle la France ne participa pas en raison de sa politique d’alliance avec la Turquie, engagée depuis François Ier. Une politique qui a connu des hauts et des bas, jusqu’à aujourd’hui. Sans doute ne valait-elle, au-delà de la confrontation avec les autres puissances européennes et des échanges commerciaux, que pour protéger quelque peu les chrétiens d’Orient. Ce qui est aujourd’hui le cadet des soucis de nos gouvernants, tant français qu’européens. Quant à nous chrétiens, il me semble que nous devons soutenir avec fermeté ceux qui luttent pour que soient respectées leurs libertés de conscience et de religion et les conséquences induites par l’exercice de ces libertés dans leur vie de tous les jours, tant au Proche qu’au Moyen Orient. De ce point de vue, le pouvoir turc actuel a un sacré bout de chemin à parcourir, quoi qu’en dise l’Oncle Sam.
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Écrit par : Denis / | 08/07/2010

BONNE NOUVELLE ?

> Hé oui, très bon article. Mais la Turquie a t-elle les moyens de sa prétention ? Pour l'instant sa force ne réside que dans l'audace et l'insolence sans avoir une réelle crédibilité. L'accord nucléaire passé avec l'Iran n'a eu aucun impact. Dans l'affaire de la flotille, l'ONU n'a pas suivi la Turquie et Israël refuse de s'excuser avec la bénédiction américaine.
Finalement, plus la Turquie s'élève et plus elle est humiliée par les autres nations. Une bonne nouvelle au moins puisqu'elle n'entrera pas en Europe de si tôt, même si à terme cela va d'avantage compliquer les choses au Moyen-Orient et en Asie occidentale.
Toutefois, comme vous le dites très bien PP, derrière cette apparente multiplicité des pôles d'influence géopolitique se cache une situation très simple à comprendre : Jésus vs Satan/vanité humaine.
"Car celui qui n'est pas avec moi est contre moi." (Jésus)
"Je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée." (Jésus)

Psalmiste



(PP à P. :

- Oui, mais Jésus a dit aussi "qui n'est pas contre moi est avec moi".

- Quant au glaive, c'est celui qui va "à la jointure" de l'âme et de l'esprit en chacun : non le glaive militaire (cf Pierre à Gethsémani). Se souvenir toujours de cela ! J'appelle votre attention sur le synode des 150 évêques du Proche-Orient cet automne : son document préparatoire dénonce (entre beaucoup d'autres problèmes) l'hérésie d'Armageddon, consistant à dévier la théologie chrétienne au profit de Netanyahu-Liebermann. )

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Écrit par : Psalmiste / | 08/07/2010

PAS POLITIQUE

> "Je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée" n'est effectivement pas un texte politique. A partir de sa source araméenne, la traduction est "je ne suis pas venu apporter le consensus, mais le discernement" : pas d'unité sur des bases floues (UE), mais par la recherche de la vérité (traduction Pierre Perrier).
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Écrit par : Roque / | 08/07/2010

L'HERESIE D'ARMAGEDDON ?

> Psalmiste à PP et Roque :
Evangile Selon Matthieu Chap 10, v 34 à 36 : "Ne pensez pas que je vienne jeter la paix sur la terre. Je ne viens pas jeter la paix, mais l’épée. Oui, je viens diviser l’homme et son père, la fille et sa mère, la bru et sa belle-mère. Les ennemis de l’homme seront les gens de sa propre maison.(Trad. litt. Chouraqui)
C'est vrai que ces mots de Jésus sont déroutant. Mais Jésus ne promeut pas la guerre (nous ne luttons pas contre la chair et le sang), il dit que sa venue va causer des divisions et des conflits (et c'est le cas!).

PP, vous relevez effectivement la double implication "celui qui n'est pas contre moi est pour moi" et "celui qui n'est pas pour moi est contre moi". Une implication réciproque c'est une équivalence. Un seul choix : être avec Jésus ou être contre Jésus. Le conflit et la division commencent dans cette impossibilité de neutralité, tant en nous même que dans la politique (au sens platonicien du terme).

PS : je ne comprends pas bien la définition de "l'hérésie d'Armageddon" dénoncée par les évèques du PO...

Psalmiste



[PP à P.:

1 - Instrumentum Laboris du synode, point 32 :

"Certains groupes fondamentalistes chrétiens justifient par l'Ecriture Sainte l'injustice politique imposée aux Palestiniens, ce qui rend la position des chrétiens arabes encore plus délicate."

2 - Appel des théologiens - arabes - de Terre Sainte (catholiques, orthodoxes, évangéliques luthériens, épiscopaliens), 11 décembre 2009 :

" De plus, nous voyons certains théologiens occidentaux vouloir donner eux aussi une légitimité théologique et scripturaire à l'injustice commise à notre égard. Selon leurs interprétations, les promesses [divines] sont devenues une menace pour notre existence, et la bonne nouvelle même de l'Evangile est devenue pour nous une annonce de mort. Nous invitons ces théologiens à approfondir leur réflexion sur la Parole de Dieu et à rectifier leurs interprétations, de façon à voir dans la Parole de Dieu une source de vie pour tous les peuples."

Aux Etats-Unis, beaucoup de fondamentalistes protestants soutiennent politiquement l'extrême droite israélienne par désir de guerre. Ce désir est l'hérésie d'Armageddon (du nom du lieu de la bataille allégorique évoquée dans l'Apocalypse, 16, 16). Cette hérésie est l'aboutissement de l'erreur dénoncée ci-dessus. Elle appelle à une gigantesque bataille finale, celle du camp du Bien (qui serait Israël et l'Amérique) contre un camp du Mal (qui serait les Arabes) : carnage eschatologique qui aura lieu, disent-ils, à "Armageddon".
Le verset de Jean est impossible à interpréter. Y voir une annonce pour aujourd'hui relève donc de l'hérésie. Lui donner un contenu militaire contemporain relève du crime. C'est une prostitution spirituelle.
Dans 'Jesus Camp', film américain de Heidi Ewing (2006) sur le mouvement de la révérende Becky Fischer aux Etats-Unis, on voit des gamins en treillis militaire (avec peintures de camouflage sur la figure) exécuter une danse de guerre en scandant "Armageddon ! Armageddon !" devant deux cents autres enfants en transes. Je précise que Becky Fischer a visionné et approuvé le film.
Le mouvement de Mme Fischer n'est pas isolé, loin de là. Nombre d'organisations de la même mouvance existent et agissent, sur le plan international autant qu'aux USA. Et en Israël même... Dans des villes de ce pays, on voit des escouades d'illuminés "chrétiens" arpenter les rues en vouant les Arabes au lac de soufre.
A leurs yeux, un Arabe ne peut pas être chrétien.
D'où le malaise très grave que ces groupes introduisent en Terre Sainte.
Et d'où le fait que le document du synode proche-oriental mentionne ce problème, parmi tous ceux qui menacent les chrétiens de la région. ]

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Écrit par : Psalmiste / | 09/07/2010

ARABES ?

> Bonjour,
Dans votre commentaire vous écrivez "Arabe" avec une majuscule, le texte du synode fait référence aux "chrétiens arabes" (et donc 'arabe' est indiqué avec une minuscule). Pour me permettre de mieux suivre pouvez-vous m'indiquer si les deux termes sont bien synonymes?
Cordialement,

iader


[ De PP à I. /
- S'agissant de la Terre Sainte, on n'y trouve pas de Berbères.
- Certes nombre de Libanais se considèrent comme Phéniciens, non comme Arabes, mais c'est un autre problème...
- Par ailleurs, peu de chrétiens d'origine européenne font partie d'Eglises proche-orientales arabophones.
- Disons que le terme "arabe" (ou "Arabe") est le plus simple pour désigner les chrétiens autochtones. Dont les chrétiens occidentaux ignorent parfois l'existence... Cela explique certaines divagations, qui font bon marché de ces frères chrétiens pris entre le marteau israélien et l'enclume du Hamas. ]

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Écrit par : iader / | 09/07/2010

TERRE SAINTE ET SAINT-SEPULCRE

> Merci pour ces précisions sur l'hérésie d'Armageddon. A l'évidence ces gens là n'ont pas bien compris l'évangile ni lu la Bible à coeur ouvert. Je regrette qu'ils déshonorent l'évangélisme, le protestantisme et encore plus le christianisme.
Soyez certain que je n'ai jamais voulu dire cela. le champs lexical guerrier est assez présent dans nos milieux (comme dans la bible) et il est regrettable que certains le prennent au pied de la lettre. J'en veux pour preuve avoir dans ma famille des membres de l'ordre du Saint-Sépulchre.
Quant au documentaire "Jesus Camp"... il relate des pratiques communautaires carrément sectaires qui sont dommageables à l'intégrité des évangéliques alors même qu'ils restent très très minoritaires aux USA et quasi-inexistant en Europe. Mais catholiques comme évangéliques, nous sommes habitués aux journalistes qui ne perdent pas une occasion de rapporter une dérive exceptionnelle et laisser entendre que c'est une généralité.

Psalmiste


[ De PP à P.:

- Cher Psalmiste, ne vous fiez pas aux apparences. Nullement militariste (comme vous avez dû le constater), je suis membre de l'Ordre du Saint Sépulcre depuis sept ans ! Je peux vous garantir que l'esprit guerrier est absent de ses directives.

- Pas plus que l'Ordre de Malte, l'Ordre du Saint Sépulcre n'a quoi que ce soit de militaire aujourd'hui (sinon une symbolique purement spirituelle de tradition chevaleresque). Il dépend du Saint-Siège. Sa mission, dans un esprit conforme à Vatican II, est de soutenir matériellement et moralement les chrétiens autochtones de Terre Sainte dans leur lutte pour la survie.

- Témoin le dernier numéro du bulletin semestriel de l'Ordre... Je peux vous le faire parvenir si la chose vous intéresse. Vous pouvez aussi vous informer au sujet de l'Ordre en cliquant sur la catégorie "Terre Sainte" de ce blog, colonne de gauche. ]

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Écrit par : Psalmiste / | 12/07/2010

PIERRE PERRIER

> Question à Roque : où avez-vous trouvé la traduction de la Bible de Pierre Perrier s'il vous plaît ? J'ai lu ses ouvrages sur la tradition orale et je suis extrêmement intéressée par d'autres ouvrages de sa main !
Au sujet des chrétiens d'Orient, l'Oeuvre d'Orient soutient également les chrétiens du Moyen-Orient en général et donne de nombreuses informations sur le sujet. Voir sur leur site Internet : www.oeuvre-orient.fr

Pema
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Écrit par : Pema / | 13/07/2010

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