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29/10/2025

Est-il encore possible d'enrayer le culte des fractures et la dislocation sociale contemporaine ?

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Deux articles de quotidien donnent un double exemple du "fétichisme de dissociété" qui s'est emparé des pays riches : 


Le culte pervers de toutes les fractures emporte les sociétés occidentales. C’est aussi l’une des raisons de la panne de république en France : quand chaque ligue d’appétits partisans brandit ses “lignes rouges” comme des tabous, même le vote d’un budget de la nation devient impossible à atteindre. (D’autant plus que la classe politique – de la gauche à la droite – masque la vraie nature du système financier qui mène le monde au crash ; mais c’est un autre problème).

Revenons au fétichisme des “différences” dont on fracture la société. J’ouvre le supplément d’un quotidien. J;y trouve deux grands articles. Le premier affirme : “Dans un climat de poussée viriliste, de plus en plus de femmes renoncent aux relations avec les hommes”. Le second article estime que les 15-28 ans rejettent ce que disent les gens nés dans les années 1980-1990, qui rejettent ce que disent les gens nés dans les années 1950… Résultat de cette vague de phénomènes centrifuges : une société en voie de pulvérisation dans tous les domaines. Selon l’essayiste Vincent Coquebert, “on constate un éloignement progressif des catégories de population. Côté démographique, la natalité chute alors que le célibat grimpe. Et ce statut ne manque pas d’être célébré comme une libération...” C’est un désastre Coquebert voit un effet indirect du système économique : “La crise financière de 2008 a réactivé l’idée d’une concurrence individuelle féroce en assénant le coup de grâce à l’un des mirages de la modernité : la promesse que demain serait meilleur qu’aujourd’hui. Beaucoup ont eu le sentiment de ne plus avoir prise sur leur vie. Ce qui les a poussés à se replier sur le moi, comme dernier bastion de pouvoir. La frustration et le désarroi économique se sont transformés en ressentiment identitaire…”

Et tout ça se transforme en posture défensive d’isolement. On se réfugie dans des univers numériques, eux-mêmes régis par des réseaux sociaux dont les offres, par polarisation algorithmique, vous enferment dans des bulles. D’où l’épidémie de solitude qui devient aujourd’hui un fléau social. Ces bulles de repli sur soi sont largement fabriquées par le marketing commercial, qui ajuste ses objectifs de vente de produits et de services en jouant sur le culte du moi individuel et sur les fossés psychologiques entre générations. Le marketing joue aussi sur le déracinement chronologique, souligne un sociologue : “Notre société fait de l’ancien quelque chose d’automatiquement obsolète, et cela invalide l’idée même d’expérience des aînés.” Autrement dit : rupture des transmissions, des continuités et des systèmes de sens. Les macrons heureux gambadant parmi la disruption...

Face à cela, que faire pour retrouver un horizon commun ? Il faudrait que le politique renoue avec sa raison d’être et que les politiques s’arrachent à la mentalité marketing, explique Coquebert : qu’ils“cessent leurs discours catégoriels” et construisent “une vision positive” en s’adressant à “l’ensemble de la population”. Est-ce encore possible ? Il faudrait que les politiques opèrent sur eux-mêmes une transition radicale, fassent l’effort de devenir lucides, et retrouvent une conscience civique vivante dont ils n’ont plus idée aujourd’hui.

 

 

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Commentaires

RECTIFICATION

Bonjour,
"La crise financière de 2008 a réactivité l’idée d’une concurrence individuelle" : réactivé plutôt, non ?
Sinon, excellent article comme d'habitude.
C'est toujours un plaisir de vous lire.
Bien cordialement
Agur

[ PP à A. – Bien sûr, erreur de frappe ! Je rectifie.]

Réponse au commentaire

Écrit par : Agur / | 29/10/2025

LES ACTES FONDATEURS MAUVAIS

> L'abandon par les politiques de la préférence puis de la souveraineté nationale (et tous les PR et partis au pouvoir à partir de Giscard l'ont soutenu), ont été les actes fondateurs de ce passage à une société ouverte à tous les vents mauvais : concurrence sans foi ni loi entre industries puis entre individus, perte d'une vision du futur et de moyens de production partagés au niveau de la Nation, d'où les conséquences inévitables qu'on subit hélas maintenant. Le pire c'est qu'il n'y a aucun espoir de voir un parti vouloir et être capable de corriger cette chute. Le plus probable c'est un effondrement (type Grèce ou Argentine), qui touchera aussi d'autres pays, suivi d'une reconstruction d'un autre système (mais qui ne satisfera sans doute pas tout le monde...). On sait que toutes les civilisations sont mortelles.
______

Écrit par : BCM / | 29/10/2025

EN LUI SEUL NOUS SOMMES UN

> Cher Patrice,
Merci pour votre excellent article.
N'est-il pas incroyable, ou prophétique (?), qu'en ces temps de divisions (du "diviseur" ?), l'Eglise continue à construire des ponts, en développant les dialogues oecuménique d'une part, et interreligieux d'autre part. Quels signes !
Tout aussi incroyablement prophétique, la devise de Léon XIV :
« En Celui qui est Un, nous sommes Un ».
Amitiés,
______

Écrit par : Isabelle Meyer / | 03/11/2025

DÈS LE XVIIIe SIÈCLE

> Il y avait déjà l'idée très libérale que "Il n'y a pas de vérité : chacun a sa vérité". Dès le XVIIIe siècle le libéralisme mettait à l'honneur l'égocentrisme, qui avait toujours été combattu auparavant. Revenir là-dessus ne se fera pas en un jour.

Albert


[ PP à A – Relire à ce sujet l'effroyable poème de Voltaire "Le Mondain" (1736) :

“ Il est bien doux pour mon cœur très immonde
De voir ici l’abondance à la ronde,
Mère des arts et des heureux travaux,
Nous apporter, de sa source féconde,
Et des besoins et des plaisirs nouveaux.
L’or de la terre et les trésors de l’onde,
Leurs habitants et les peuples de l’air,
Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde.
O le bon temps que ce siècle de fer !
Le superflu, chose très nécessaire,
A réuni l’un et l’autre hémisphère.
Ô le bon temps que ce siècle de fer..."

C'était déjà la Mondialisation Heureuse.]

réponse au commentaire

Écrit par : Albert / | 07/11/2025

LA DÉLIAISON LIBÉRALE

> Oui, la dissociété dysfonctionnelle et dysharmonique décrite par l'économiste Jacques Généreux en 2017. Vous aviez présenté son ouvrage sur ce blog. Ça n'a fait qu'empirer depuis, avec le pouvoir élu cette année-là... Le libéralisme définit l'individu comme existant par lui-même en-dehors de tous les liens sociaux (la déliaison). Cela crée une société liquide et informe, c'est-à-dire sans structures et sans limites, sans mémoire et sans avenir. On peut appeler ça le nihilisme.
Et le marketing commercial segmente la culture, le marketing politique fragmente l'électorat en antagonismes partisans, surtout depuis que le pouvoir n'a plus d'universel partageable à proposer.. Les classes sociales deviennent étanches et étrangères les unes aux autres : à chacune son idéologie.
Le Diviseur conquiert le monde.
Mais aussi nous sommes chacun divisé intérieurement, dans notre psyché. La modernité est l'ère des idéalismes et des idéologies, qui sont des collections d'idées ne pouvant jamais atteindre la cohérence (même cette idéologie prétendue scientifique par ses zélateurs). L'image d'un idéalisme ou d'une idéologie pourrait être la chimère, cet être imaginaire composé de parties d'êtres réels - taureau, lion, aigle, serpent, femme, homme, ... - que représentaient les Egyptiens et les Grecs de l'antiquité.
Comment des personnes divisées dans leur intériorité pourraient-elles ne pas être divisées entre elles ?
Seule la Révélation est cohérente. Lorsque Jésus prie dans le chapitre 17 de l'Évangile de Jean "Que tous soient un", il demande autant l'unité intérieure de la personne et l'unité de la communauté.
Comment marcher vers l'unité de la société ? Peut-être (ma proposition) en commençant par reconnaître la nature humaine, universelle et irréductible, qui est donnée et acceptée, et qui est fondée sur la relation.
Non, tout n'est pas que culture et construction sociale, tout n'est pas à relativiser et déconstruire.
______

Écrit par : Pierrot / | 16/11/2025

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