31/03/2010
"Pourquoi es-tu venu ?"
La question que peut se poser chaque chrétien :
Dans le récit de la Passion, deux paroles du Christ ne sont pas toujours commentées. Il dit : « mon ami » à Judas venu le livrer. Il lui dit aussi (c'est l'une des traductions possibles de Matthieu 26, 50): « pourquoi es-tu venu ? ».
« Mon ami », c'est le mot de l'amour inconditionnel : le désir de sauver le criminel avant, pendant et après son crime. (Aux yeux de Dieu nul n'est perdu).
La seconde parole devrait nous tenailler : « Pourquoi es-tu venu ». Cette nuit, à Gethsémani. Et naguère : le jour où il est entré dans le groupe des disciples, Judas voulait-il vraiment suivre Jésus, ou cherchait-il un moyen surnaturel de réaliser ses propres idées fixes – quitte à se sentir ensuite déçu, et à trahir, en se donnant peut-être de bonnes (et nationalistes) raisons de le faire ?
S'agréger à l'Eglise pour y diviniser nos propres idées en croyant ainsi les rendre « indiscutables » : c'est une tentation. Elle est infiniment absurde vis-à-vis de Jésus, et c'est peut-être elle qui a mené Judas à trahir (sans s'en rendre compte ?) à force de confusion mentale. Elle est circonstanciellement absurde vis-à-vis de notre époque : le label religieux n'ayant plus rien d'indiscutable aux yeux de nos contemporains, baptiser chrétiennes des idées partisanes ne leur apporte aucun pouvoir d'autorité ; même pas entre chrétiens : un baptisé ne pourra jamais imposer à un autre baptisé sa lecture déformante des évangiles.
Quels qu'ils soient, les clans au sein de l'Eglise sont autant de Judas potentiels. Cela se vérifie jusque dans la douloureuse épreuve présente où l'on voit certains tenter d'utiliser contre la structure sacramentelle de l'Eglise [*] le scandale pédophile, tandis que d'autres se taisent sur ce même scandale (et choquent ainsi les non-croyants), parce qu'ils n'ont pas été élevés dans l'idée que l'Eglise est peuplée de pécheurs.
Quant à ceux qui s'efforcent de n'épouser aucun clan, ils sont guettés par la tentation sournoise : distribuer l'éloge et le blâme comme s'ils étaient juges-arbitres. Il y a une façon dangereuse de nous vouloir fidèles, les pharisiens l'ont montré.
La Semaine sainte est le moment de quitter ces illusions. Cessons de nous regarder. Regardons la chambre haute, Gethsémani, le Golgotha et le tombeau vide. C'est là (non dans nos théories) que vivra le christianisme jusqu'à la consommation des siècles.
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[*] à la manière du Wir-sind-Kirche germanique, forme religieuse de l'ultralibéralisme.
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16:03 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chrsitianisme
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