Au delà de nos luttes et de nos polémiques : la ''pauvreté des témoins de l'Evangile''

En lisant les témoignages

de la Communauté

de l'Agneau :

 

 

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Chrétiens laïcs dans une société en crise, a fortiori chrétiens dans les métiers de l'information ou de la communication, notre devoir est de prendre part aux débats. Eventuellement avec vigueur, en conscience.

Mais ce devoir d'état n'est qu'une interprétation – une application temporelle – de quelque chose de plus essentiel. Tout chrétien est un converti de chaque matin. La conversion est une adhésion filiale à Dieu. Certains ont pour vocation de témoigner plus complètement et plus directement de cette filiation du coeur.

Je dis cela parce qu'une amie, dont l'un des enfants est membre de la communauté monastique de l'Agneau, vient de me faire parvenir le livre [*] de témoignages des « petites soeurs et petits frères » de cette communauté. Fondée il y a plus de vingt ans, c'est une famille de moines et de moniales mendiants : réellement et concrètement mendiants, selon une règle de pauvreté particulièrement radicale. Dominicaine d'origine, née dans le milieu étudiant après 1968, la communauté a commencé par « expérimenter qu'il n'y a de révolution que dans la profondeur du coeur ». Formée dans l'étude des Pères (Ambroise, Augustin, Cassien, Sophrone, Maxime) et de Thomas d'Aquin, vouée à « accueillir la Tradition dans la nouveauté de l'aujourd'hui de Dieu », nourrie de « la liturgie du Concile », elle découvre que ce qui « triomphe secrètement du nihilisme ambiant » est « la vie : la vraie vie, aimante, qui fait vivre » et qui « jaillit de nos coeurs ». Ces jeunes moines bien formés se vouent aux « quartiers difficiles », à « l'impuissance que l'on expérimente auprès du pauvre » et qui laisse place à « l'amour que notre pauvre coeur ne peut pas produire, un amour jusque là inconnu : un autre coeur bat dans le nôtre, celui de Jésus qui aime le pauvre et le sauve en ne faisant qu'un avec lui, et ne faisant qu'un avec moi ». C'est le charisme originel de saint Dominique : « prêcher l'Evangile en ne faisant plus qu'un avec le Serviteur souffrant », « devenir mendiant au quotidien pour révéler l'Amour mendiant de Dieu qui va jusqu'à s'offrir en sacrifice... »

« Dieu dans sa Providence nous conduisait à travers une succession de petits événements... » En août 1975, la fondatrice de la communauté décide de prendre la route, de Vézelay à l'Aubrac, en auto-stop et sans argent ; au fil des rencontres (de hasard ou de Providence), elle admire la spontanéité avec laquelle les personnes rencontrées réagissent à cette façon d'être, conforme à l'esprit du début de l'ordre dominicain... « C'est l'Agneau, l'amour vulnérable de notre Dieu, qu'il appartient aux prêcheurs de dévoiler aux hommes. Désarmés et mendiants, vulnérables et pauvres, il nous faut proclamer "par la parole et par l'exemple" l'amour de notre Dieu qui s'est fait mendiant de notre amour. En notre chair, en notre personne... »

La Communauté de l'Agneau, « nouveau rameau de l'ordre des Prêcheurs », est instituée dans l'Eglise catholique le 6 février 1983. Elle rassemble aujourd'hui 120 soeurs et une trentaine de frères. Son évêque responsable est le cardinal Schönborn. « Des petites soeurs, des petits frères... Puis des familles, des jeunes, et encore des prêtres diocésains veulent vivre le mystère de l'Agneau dans leur vie quotidienne. Ils s'engagent dans la famille de l'Agneau tout en demeurant chacun là où Dieu les a plantés. La Communauté a essaimé en Europe, en Amérique latine, aux Etats-Unis. Des fraternités, ''simples pied-à-terre, pauvres au milieu des plus pauvres'', se trouvent au coeur des grandes villes... Frères solidaires de tout homme en sa pauvreté, en son indigence, [certains] qu'il n'y a qu'une terre sur laquelle peut fleurir notre vie religieuse, la miséricorde de Dieu ».

Leur « lieu d'apprentissage de la vie contemplative et de la vie fraternelle » est caché dans les collines de l'Aude, « à quelques kilomètres de Fanjeaux où saint Dominique vécut pendant dix ans » ; « des petits monastères de l'Agneau se construisent aussi à l'écart dans le silence et la solitude de quelque campagne comme à Choron en Pologne, mais encore en ville, comme à Grenade et Madrid (Espagne), à Santiago (Chili) et dans le nord de la France, à Béthune. Là, en ce désert, il nous faut demeurer près du Seigneur, en grande compassion, dans la contemplation du Serviteur souffrant et l'intercession pour le monde entier.  Dans tous ces lieux de vie, dans la ville ou au désert, nous aimons à célébrer de tout notre coeur la gloire de Dieu et son amour pour les hommes. Dans la beauté d'une ample liturgie, nous nous laissons recréer par la parole de Dieu. Et cette parole puisée, gardée dans notre coeur en tout temps, étudiée, méditée sans relâche, de jour et de nuit, devient comme une petite source, celle-là même de la prière du pèlerin. Prière perpétuelle... une petite source aux eaux débordantes. »

Il faut lire le livre, dont ce qui précède est la préface. Ce sont des récits de rencontres. Etonnants de simplicité. Encore plus étonnants par la profondeur de ce dont ils témoignent : non seulement dans les intentions de ces moines mendiants, mais surtout dans ce qu'elles font éclore chez ceux qu'ils rencontrent. Des rencontres sans aucune exclusive, sans a priori. Tellement simples qu'elles vont à la racine des êtres. Lire ces petits récits est une leçon d'humilité pour nous autres : ce que nous faisons dans le tumulte, jour après jour, a son utilité – sans aucun doute. Mais ce n'est pas l'essentiel. Puisse cette découverte changer notre regard sur notre propre mission.

 

 

[*] L'offrande du mendiant (récits)

Pour en savoir plus : [e-mail]

Communauté de l'Agneau, 5 rue Emile-Faguet, 86000 Poitiers