Les hardeuses, les sportifs, Secret Story : modèles du "nouvel homme nouveau" ?

C'est : a) ce que craint Robert Redeker, b) ce sur quoi les libéraux n'ont rien à dire, c) ce à quoi riposte le catholicisme, quand on le connaît :

 

Pour des catholiques, il y a deux façons de voir la doctrine sociale de l'Eglise :

- On peut la lire, avec des lunettes déformantes, comme si nous vivions encore dans le passé : quand le socialisme d'Etat semblait menacer l'avenir. C'est la lecture des libéraux : ils ne citent de la DSE que les passages critiquant l'étatisme, alors qu'aujourd'hui l'Etat politique est dans le coma.

- On peut aussi lire sérieusement, complètement, la DSE telle qu'elle est : alors on découvre qu'elle s'applique de manière magistrale à la situation de notre époque (qui est sous le joug du capitalisme fou et de son idéologie libérale-libertaire).

Sur un aspect essentiel de cette idéologie, le philosophe Robert Redeker publie (Le Monde du 19 août) un article incisif : «  Le nouveau corps de l'homme entre sport, publicité et pornographie (Dans l'egobody moderne, la pensée et le moi se dissolvent dans le corps) ». Extraits :

  «  Le corps nouveau fut un mythe prométhéen du XXe siècle. Le corps nouveau contemporain, celui qui envahit nos écrans, nos rues et nos plages, s'édifie à mille lieues de ces mythes... Le corps du mythe totalitaire fut forgé par la politique, il exprimait le triomphe de la volonté politique... [Aujourd'hui, au contraire], la dictée du corps [vient] de la publicité : tout ce qui est mis en scène devant un public dans un espace collectif ouvert (sport, télévision, show-business, érotisme commercial, cinéma)...

« Cette mutation n'aurait pas été possible sans le passage à la société de consommation...

« Le corps nouveau, celui de chacun de nos contemporains, est avant tout le corps devenu ego... Les acharnés des sites de rencontres sur Internet, les stars du football aussi bien que les exhibitionnistes de Secret Story, identifient leur moi avec leur corps... En moins d'un siècle, entre 1950 et aujourd'hui, le corps a absorbé l'ego. Tout l'intérêt que notre époque porte aux sportifs écussonne cet engloutissement du moi par le corps...

« A la télévision, la publicité est le moment matriciel : l'ensemble des programmes, en particulier les plus forts et les plus prescriptifs, c'est-à-dire le sport, les variétés musicales et la pornographie, se trahissent aisément comme étant des sous-produits de la publicité... Ces programmes sont des produits dérivés de la publicité, dans laquelle réside l'essence de la télévision, et dont la transformation de l'homme (le repli du moi sur le corps) est le mode d'opérer... Le sport, la publicité et la pornographie, ne sont pas des zones secondaires de notre modernité, de simples divertissements.... Ils sont plutôt le logiciel programmatique du corps humain à venir. Matriciels, voyons en eux le berceau de l'homme du XXIe siècle. Un point commun les rassemble : l'âme et le moi, appelés à perdre leur indépendance, s'y dissolvent dans le corps. Et si egobody - '' moi, c'est-à dire mon corps'' - était, sur le modèle des sportifs et des hardeuses, le nom du nouvel homme nouveau ? »

 

 

Vision assez sombre. A moins que... Redeker connaît mal le christianisme (il le croit dualiste, manichéen, réduisant le péché à la « chair » corporelle), mais il voit dans « le déclin de la religion en Europe » la cause de ce basculement idéologique  : l'idéologie du corps. En ce cas, la seule chance d'échapper à cette idéologie serait une nouvelle évangélisation. C'est l'issue logique que contient, entre les lignes et inconsciemment, l'article du philosophe.

 

Subsidiairement : Redeker, comme Stiegler, Brune et beaucoup d'autres, désigne la société de marché (« la société de consommation », « la publicité ») comme la matrice de cette déshumanisation. Il souligne que l'Etat n'est plus le problème, nulle part en Occident.

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