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27/08/2009

Un manifeste protestant évangélique en faveur de l'encyclique sociale de Benoît XVI

STKR_CJP-2[1].jpgDe quoi renverser l'idée (médiatique parisienne) selon laquelle les évangéliques américains sont tous inféodés à l'ultralibéralisme :


 Texte du manifeste

Faire la vérité, dans l'amour :

une réponse évangélique à Caritas in Veritate

 

Les récents événements mondiaux nous ont éveillés à l’importance d’une réflexion chrétienne soutenue, sur la nature et le but de la vie économique : à la fois dans nos sociétés et dans les autres régions du monde. Par conséquent, et en tant que protestants évangéliques, nous applaudissons la publication de l'encyclique Caritas in Veritate du pape Benoît XVI. Nous appelons les chrétiens partout où ils se trouvent, et tout particulièrement nos confrères évangéliques de l’hémisphère Nord, à lire, à travailler et à répondre à Caritas in Veritate qui identifie le double appel à l’amour et à la vérité dans nos vies de citoyens, d’entrepreneurs, de travailleurs et, plus fondamentalement, chez les disciples du Christ que nous sommes. Dans la mort et la résurrection du Christ, Dieu enlève tout ce qui barrait la route des relations droites : entre Dieu et le monde, entre les humains, et entre l'humanité et le reste de la création. Le développement humain fait partie de cette ré-instauration de toute chose dans une relation droite.

Nous recommandons la manière dont cette encyclique envisage le développement économique comme authentique chemin pour l’épanouissement de l’homme. Caritas in Veritate, dans la ligne de l'encyclique du pape Paul VI Populorum Progressio, pose que le développement concerne la transformation des personnes, des institutions, et de leurs relations internes et mutuelles. Nous nous joignons à son appel en faveur d'une nouvelle vision du développement qui reconnaisse la dignité de la vie humaine dans sa plénitude, et qui inclue le souci de la vie de la conception à la mort naturelle ; de la liberté religieuse ; de l'allègement de la pauvreté ; et de la protection de la création.

Caritas in Veritate propose un modèle intégral de développement dans le contexte de la mondialisation : « l'expansion d'une interdépendance à l'échelle du monde ». Nous affirmons, avec cette encyclique, que la mondialisation doit devenir « un processus d'intégration centré sur la personne et orienté vers la communauté ». L'encyclique note avec raison que la mondialisation a déjà libéré des millions de gens de la pauvreté, en premier lieu par l'intégration des économies des pays en développement dans les marchés internationaux ; l'inégalité de cette intégration est la cause de profonds soucis dûs à l'injustice, à la pauvreté, à l'insécurité alimentaire, au chômage, à l'exclusion sociale – notamment celle des femmes dans de nombreuses régions du monde – et du matérialisme qui continue à ravager les communautés humaines, avec des conséquences destructrices pour notre maison commune planétaire.

Dans Caritas in Veritate nous trouvons une analyse des affaires mondialisées qui rejette la bipolarisation simplificatrice entre marché libre et interventionnisme d'Etat. Comme l'enseigne l'encyclique, « des relations sociales authentiquement humaines, d'amitié, de solidarité et de réciprocité, peuvent aussi être conduites dans le cadre de l'activité économique, et non pas seulement hors de celle-ci ou ''après'' elle ». La vie économique n'est ni amorale ni autonome. Les institutions économiques, y compris les marchés eux-mêmes, ont à être animées de l'intérieur par des relations de solidarité et de confiance. Le profit, nécessaire à la vie économique, ne saurait être le seul objectif d'un véritable épanouissement économique humain. Nous appuyons donc l'accent mis par Caritas in Veritate sur l'entreprise sociale, autrement dit l'activité des affaires guidée par un principe mutualiste transcendant l'opposition profit / non-profit, et poursuivant plutôt des objectifs sociaux tout en couvrant les coûts et en ménageant les investissements. Plus généralement, nous pressons les évangéliques de réfléchir à ce que dit le pape Benoît quand il appelle les entreprises à reconsidérer leurs parties prenantes et la portée morale des investissements. Nous aurions même souhaité que l'encyclique critiquât encore plus fortement l'érection de l'argent au rang d'idole, qui a pour résultat l'actuelle domination des marchés financiers sur les autres éléments de l'économie mondialisée.

Nous faisons nôtre l'affirmation selon laquelle une économie de la Charité implique le déploiement de myriades de communautés humaines et d'institutions : non pas seulement l'Etat et le marché, mais les familles et les innombrables réseaux de relations de la société civile telles que les associations de proximité, les conseils municipaux, les syndicats professionnels, les petites entreprises, etc, propices à la floraison locale des talents et des ressources. Un soutien des pouvoirs publics qui admette de se limiter est nécessaire pour ouvrir la voie à un développement plus intégral. « Humaniser » ou « civiliser » la mondialisation ne demande pas nécessairement plus de gouvernement, mais un gouvernement meilleur : le règne de la loi, non des individus ; de fortes institutions ; le retour d'un équilibre entre les intérêts en compétition ; l'éradication de la corruption. Rendre la mondialisation éthique demande un commerce plus équitable et plus libre, qui aiderait les pauvres du monde à s'intégrer avec succès à une économie globale florissante. Rendre la mondialisation éthique demande aux Eglises évangéliques, partout dans le monde, que nous réalisions l'appel de faire la vérité dans l'amour, répondant ainsi à la grande mission : « de tous les peuples faites des disciples. »

L'encyclique souligne que les Etats n'abdiquent pas, et ne doivent pas abdiquer, leur devoir de faire prévaloir la justice et le bien commun dans le domaine économique. Nous partageons l'inquiétude de ce document quant au déclin des systèmes de sécurité sociale et du pouvoir des syndicats, et quant à la pression, socialement destructive, de la mobilité des emplois. Nous partageons aussi sa préoccupation quant à un Etat-providence dégradant le pluralisme civique et social. Nous convenons donc que la subsidiarité et la solidarité doivent marcher ensemble, comme le propose Caritas in veritate.

Nous faisons écho à l'appel en faveur de meilleurs modèles de gouvernance mondiale, financière et politique, en hésitant à accepter sans critiques les modèles que représentent l'ONU, le FMI, l'OMC et la Banque mondiale : assurer le bien commun mondial nécessite effectivement et désormais une action politique, mais les nouveaux modèles de gouvernance mondiale devront procurer la participation, la transparence et la responsabilité ; ils devront aider à renforcer l'Etat-nation face au pouvoir de la finance globale.

Avec Caritas in Veritate, nous nous assignons la tâche de ne pas nous voir comme des « victimes » de la mondialisation mais comme ses « protagonistes » – afin de travailler à la solidarité mondiale, à la justice économique et au bien commun, normes qui transcendent et transforment les mobiles du profit économique et du progrès techniques. Nous appelons à un sérieux dialogue entre tous les chrétiens et avec beaucoup d'autres pour traduire ces objectifs en réalités pratiques. >>

Signataires :

  • Adel Abadeer, Associate Professor of Economics, Calvin College (Grand Rapids, MI)

  • Roy Berkenbosch, Director, Micah Center, King's University College (Edmonton, AB)

  • Elwil Beukes, Professor of Economics, The King's University College (Edmonton, AB)

  • Daniel K. Bourdanné, General Secretary, International Fellowship of Evangelical Students (Oxford, UK)

  • James Bradley, Professor of Mathematics & Statistics Emeritus, Calvin College (Grand Rapids, MI)

  • Paul Brink, Associate Professor of Political Studies, Gordon College (Wenham, MA)

  • Joe Carter, Web Editor, First Things (Manassas, VA)

  • Jonathan Chaplin, Director, Kirby Laing Institute for Christian Ethics (Cambridge, UK)

  • J. Daryl Charles, Director and Senior Fellow, Bryan Institute for Critical Thought & Practice (Dayton, TN)

  • Richard Cizik, President, The New Evangelicals (Washington, DC)

  • Bruce J. Clemenger, President, Evangelical Fellowship of Canada (Markham, ON)

  • Jean & E. Floyd Kvamme Professor of Political Economy, Wheaton College (Wheaton, IL)

  • Justin D. Cooper, President, Redeemer Adel AbadeerUniversity College (Ancaster, ON)

  • Paul R. Corts, President, Council for Christian Colleges and Universities (Washington, DC)

  • Janel Curry, Byker Chair in Christian Perspectives on Political, Social, and Economic Thought, Calvin College (Grand Rapids, MI)

  • Calvin B. DeWitt, Professor of Environmental Studies, University of Wisconsin-Madison (Madison, WI)

  • Brian Dijkema, Labour Activist (Ottawa, ON)

  • Joel Edwards, International Director, Micah Challenge (London, UK)

  • Jacob P. Ellens, Vice President, Academic, Redeemer University College (Ancaster, ON)

  • Bruce Ellis Benson, Professor of Philosophy, Wheaton College (Wheaton, IL)

  • Janet Epp Buckingham, Director, Laurentian Leadership Centre (Ottawa, ON)

  • James Featherby, Fellow, London Institute for Contemporary Christianity (London, UK)

  • Harry Fernhout, President, The King's University College (Edmonton, AB)

  • Brian T. Fikkert, Associate Professor of Economics & Community Development, Covenant College (Lookout Mountain, GA)

  • Richard L. Gathro, Dean, Nyack College (Washington, DC)

  • Ivy George, Professor of Sociology and Social Work, Gordon College (Wenham, MA)

  • Michael W. Goheen, Geneva Professor of Worldview and Religious Studies, Trinity Western University (Langley, BC)

  • Bob Goudzwaard, Emeritus Professor of Economics and Cultural Philosophy, Free University of Amsterdam (Netherlands)

  • Andy Hartropp, Research Tutor in Development Studies, Oxford Centre for Mission Studies (Oxford, UK)

  • Peter S. Heslam, Transforming Business, University of Cambridge (Cambridge, UK)

  • John Hiemstra, Dean, Faculty of Social Science, The King's University College (Edmonton, AB)

  • Roland Hoksbergen, Professor of Economics and International Development, Calvin College (Grand Rapids, MI)

  • Dennis Hoover, Vice President for Research and Publications, Institute for Global Engagement (Washington, DC)

  • Robert Joustra, Researcher, Cardus (Hamilton, ON)

  • Timothy A. Kelly, Director, DePree Center Public Policy Institute (Pasadena, CA)

  • David T. Koyzis, Professor of Political Science, Redeemer University College (Ancaster, ON)

  • Tracy Kuperus, Associate Professor, International Development Studies, Calvin College (Grand Rapids, MI)

  • Jamie McIntosh, Executive Director, International Justice Mission Canada (London, ON)

  • Ruth Melkonian-Hoover, Assistant Professor of Political Studies, Gordon College (Wenham, MA)

  • George N. Monsma, Jr., Professor of Economics, Emeritus, Calvin College (Grand Rapids, MI)

  • Stephen V. Monsma, Research Fellow, The Henry Institute, Calvin College (Grand Rapids, MI)

  • Richard Mouw, President, Fuller Theological Seminary (Pasadena, CA)

  • Bryant L. Myers, Professor of International Development, Fuller Theological Seminary (Pasadena, CA)

  • David K. Naugle, Professor of Philosophy, Dallas Baptist University (Dallas, TX)

  • David Neff, Editor in Chief, Christianity Today (Carol Stream, IL)

  • Ray Pennings, Director of Research, Cardus (Calgary, AB)

  • Michael Pollitt, Reader in Business Economics, Judge Business School, University of Cambridge (U.K.)

  • Dan Postma, Managing Editor, Comment Magazine (Hamilton, ON)

  • Vinoth Ramachandra, Author, Subverting Global Myths (Colombo, Sri Lanka)

  • Jonathan S. Raymond, President, Trinity Western University (Langley, BC)

  • Paul W. Robinson, Director, Human Needs and Global Resources Program, Wheaton College (Wheaton, IL)

  • Duncan Roper, Former Professor of Mathematics, University of Western Sydney (now resident of Martinborough, NZ)

  • Michael Schluter, Chairman, Relationships Foundation International (Cambridge, UK)

  • Chris Seiple, President, Institute for Global Engagement (Washington, DC)

  • Timothy Sherratt, Professor of Political Studies, Gordon College (Wenham, MA)

  • Ronald J. Sider, President, Evangelicals for Social Action (Philadelphia, PA)

  • James W. Skillen, President, Center for Public Justice (Washington, DC)

  • John G. Stackhouse, Jr., Sangwoo Youtong Chee Professor of Theology and Culture, Regent College (Vancouver, BC)

  • Glen Harold Stassen, Lewis B. Smedes Professor of Christian Ethics, Fuller Theological Seminary (Pasadena, CA)

  • Elaine Storkey, President, Tearfund (London, UK)

  • Alan Storkey, Economist (Cambridge, UK)

  • Gideon Strauss, President (designate), Center for Public Justice (Washington, DC)

  • Robert Sweetman, Academic Dean and Acting President, Institute for Christian Studies (Toronto, ON)

  • Steven Timmermans, President, Trinity Christian College (Palos Heights, IL)

  • Michael Van Pelt, President, Cardus (Hamilton, ON)

  • Jim Wallis, President, Sojourners (Washington, DC)

  • Alissa Wilkinson, Associate Editor, Comment Magazine (Brooklyn, NY)

  • Paul Williams, David Brown Family Chair of Marketplace Theology and Leadership, Regent College (Vancouver, BC)

July 27, 2009



Respond:
Contact Robert Joustra,
Cardus researcher:
rjoustra@cardus.ca

 

14:28 Publié dans Oecuménisme | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : christianisme

Commentaires

SUR JIM WALLIS

> La signature de ce manifeste par Jim Wallis, fondateur du mouvement des "Sojourners", est significative. Je me permets de reproduire ici ce que j'écris de lui et de ses amis dans mon enquête "Les évangéliques à la conquête du monde" (Perrin 2009) :

" Il y a aussi des évangéliques « de gauche »

" Aux Etats-Unis, l’alliance des chrétiens évangéliques et de la droite républicaine – nouée à la fin des années 1980 – avait commencé à se disjoindre vers 2005, avec l’enlisement du second mandat de Bush. Cette évolution a été accentuée par la catastrophe économique de 2008, imputée à l’équipe républicaine par la majorité des Américains. [...] En 2007, un dossier retentissant de 'Time' avait annoncé l’apparition d’une « gauche religieuse » dans les rangs évangéliques. Un de ses leaders était le révérend Jim Wallis. Son mouvement et son magazine – "Sojourners" – étaient partis en campagne pour « réveiller » les évangéliques américains. Il n’y a pas que le problème de l’avortement ou du mariage gay, expliquait-il : il y a aussi les problèmes des pauvres, des malades, des chômeurs et des immigrés, que la Bible mentionne deux mille fois comme méritant l’amour et la solidarité… En effet, les « évangéliques de gauche » ne sont pas moins « biblicistes » que ceux de droite. Ils affirment même l’être plus : nous prenons en compte toute la Bible, disent-ils, « alors que la droite laisse tomber ce qui ne convient pas à ses polarisations ! »
Jusque là, la politique des évangéliques se résumait à manifester contre l’avortement et le mariage gay. La droite a donc accusé Wallis de vouloir détourner les énergies militantes loin de ces deux combats. Wallis a répondu que la Bible faisait un devoir de pratiquer la justice sociale :
– Deutéronome 15, 11 ! Le commandement « d’ouvrir sa main » revient tout au long de l’Ecriture, et les prophètes vitupèrent l’exploiteur et l’indifférent. Pas de bénédictions divines si vous ignorez les pauvres ! 
La droite a riposté en rappelant que Wallis avait milité dans la gauche étudiante quand il était à l’université du Michigan, et qu’il avait fondé son organisation « socialiste » alors qu’il était encore à l’école de formation des pasteurs évangéliques dans l’Illinois, en 1971…
« So what ? », ironise le révérend.
L’argumentation de Wallis irrite la droite : il veut voir le verre à moitié plein, quand elle veut le voir à moitié vide ou cassé en mille morceaux. Lorsque Barack Obama remporta l’élection présidentielle de 2008, les conservateurs prirent le deuil à cause de son engagement en faveur de la « liberté d’avorter » ; Wallis renversa la question, mettant Obama en face de sa promesse d’aider économiquement les femmes pauvres à avoir leurs enfants :
– Sur cette politique qui réduirait le nombre d’avortements, il va devoir tenir parole.... »
En 2004, alors que la plupart des évangéliques américains s’apprêtaient à voter pour Bush au nom des bonnes moeurs, Wallis avait dit :
– Sur l’homosexualité, la Bible ne contient que douze versets. Ill y en a des milliers sur la pauvreté, j’aimerais qu’on en parle un peu !
Alors que les évangéliques de droite multipliaient les campagnes de "Call" ("Appel") pour demander des élus conservateurs, Wallis lançait un "Call to Renewal", contre la pauvreté. En 2007, il annonçait dans 'Time' que les évangéliques désertaient la droite religieuse « en foule » et qu’on voyait renaître un christianisme "mainstream" ("de courant central"). [...] Quelques mois plus tôt, Wallis publiait un best-seller intitulé "Le Grand Réveil", sous-titré : "Revivre la foi et la politique dans l’Amérique d’après la « droite religieuse »". Deux ans avant, il avait publié un autre best-seller : "La politique de Dieu : pourquoi la droite a tort et la gauche ne comprend rien".
– La foi était annexée par la droite et écartée par la gauche ; il faut maintenant la récupérer », déclare le pasteur Wallis.
A ses côtés, on trouve des pasteurs comme Brian McLaren, l’un des chefs de file du mouvement des "Emerging Churches", ou Gabriel Salguero, du "Latino Leadership Circle" ; des historiens-théologiens comme Diana Butler Bass ; des essayistes comme Gareth Higgins ; et des militants chrétiens de l’action sociale, comme Mary Nelson ("Bethel New Life" à Chicago) ou Shane Claiborne, dont les idées – redistribution, pacifisme, résistance à la société de marché – sont un sujet de colère pour la droite républicaine. Claiborne travailla avec Mère Teresa. Il anime une communauté protestante néo-monastique à Philadelphie… Ce n’est pas la seule : un peu partout aux Etats-Unis, on voit apparaître de petits groupes de jeunes évangéliques qui tentent de vivre en communauté avec une sorte de règle, en se donnant des rites empruntés à l’anglicanisme, au catholicisme, à l’orthodoxie. Par exemple à Seattle, les adeptes de la "Church of the Apostles" de Fremont Abbey, les jeunes de la "Quest Church", et d’autres noyaux expérimentaux du même genre : les "Associés de la Graine de Moutarde" ou les "Colocataires de Bartimée" qui s’installent en immeubles de cohabitation…
Significative, cette façon évangélique de réinventer le monachisme sous des formes inédites : à mi-chemin entre la communauté alternative écolo et le couvent catholique ! Ces jeunes veulent expérimenter par eux-mêmes des intuitions séculaires : « Une Eglise du futur pour une foi ancienne », disent ceux de Fremont Abbey. Parmi ces expériences, les plus réussies combinent le local et le réseau virtuel avec des groupes communautaires, des cafés et des centres d’hospitalité. Beaucoup ont une règle de vie pour exprimer ce que veut dire le fait d’être chrétien dans un contexte postmoderne… Les communautés néo-monastiques tentent de mettre en oeuvre une culture du mysticisme dans le contexte du XXIe siècle, et de modéliser des expressions de la foi chrétienne compatibles avec cette culture. »
Ces hommes et ces femmes militent pour une Eglise « ré-inventée » : un christianisme mystique engagé dans les réalisations sociales. Ils récusent « l’évangélisme conservateur » à cause de son fondamentalisme et de son inaptitude à dialoguer avec les gens d’aujourd’hui. A leur avis, l’erreur fatale de la droite religieuse est de s’être liée à un parti séculier. Pourquoi l’a-t-elle fait ? parce qu’elle confondait évangélisation et influence politique. Cette erreur a six conséquences, expliquent les militants des "Emerging Churches"  : « Compromettre le travail missionnaire ; dévier la notion chrétienne de ‘justice’ au profit du conservatisme ; donner aux pauvres l’impression que le christianisme est réservé aux nantis ; faire comme si les gens d’aujourd’hui avaient une quelconque connaissance de la foi chrétienne, alors qu’ils en ignorent tout ; donner une image « agressive et coléreuse », en laissant croire qu’on est là pour condamner des gens et non pour leur apporter une Bonne Nouvelle. Et, au total, s’acharner à vouloir lier le chrétien à un système social régi par Mammon ! »
Ces « évangéliques de gauche » imputent à l’évangélisme « de droite » de sérieux défauts, aggravés par le néo-pentecôtisme et l’Evangile de la Prospérité :
– Le culte de l’émotionnel, voué à s’user ; et l’attente de l’Apocalypse, impatience frisant la névrose. 
Que faut-il faire, demande le mouvement "Emerging Church" ?
– Chercher la sérénité, au lieu de paniquer comme des parents en colère. Renoncer à l’arrogance morale : ne parler de vérité qu’avec humilité, et en respectant les points de vue d’autrui. S’éloigner du pouvoir politique, aller vers les périphéries du système social. Accepter de n’être qu’une voix parmi les autres. Accepter d’être des témoins, non des gens d’influence. Ne plus être une institution mais un mouvement. Ne plus voir la mission comme un programme à gérer, mais comme l’âme et la raison d’être de notre présence… » 
Ces évangéliques reprochent aussi à la droite religieuse son inféodation de aux puissances d’argent. Dès les premières années 2000, ils accusent les télévangélistes conservateurs les plus bruyants : ceux-ci, disent-ils, reçoivent « des sommes énormes » de groupes industriels, notamment de l’armement et de l’électronique, de la Gulf Oil, du groupe d’aluminium Alcoa, etc ; ce qui explique leur train de vie de milliardaires et leurs flottes de jets privés.
Mais ne croyez pas, rectifient les « évangéliques de gauche », que nous soyons simplement rebutés par la droite religieuse. Ce que nous disons et ce que nous voulons est positif : c’est le fruit de nos engagements dans la société du nouveau siècle, radicalement différente de ce qui l’a précédée – et vouée à l’être de plus en plus. Le monde nouveau (« postmoderne », dit Brian McLaren) appelle une façon nouvelle de parler de la foi. Jusqu’où faut-il aller ? Ces évangéliques proposent une "generous orthodoxy" : une façon "généreuse", donc convaincante, de témoigner de ce en quoi l’on croit. Il faut avoir "en haute estime" à la fois l’humanité d’aujourd’hui et le message de l’Evangile, disent-ils : plutôt que d’asséner aux gens les Dix Commandements,  mieux vaut raconter la parabole du fils perdu, qui montre le besoin humain d’être pardonné. Ou celle du bon Samaritain, qui montre que la vraie foi est compassion et non pas ritualisme…
Les "Emerging Churches" ne vont pas brandir la foudre pour défendre la morale. Selon elles – et ceci choque les évangéliques conservateurs –, la mission passe avant : le langage à tenir n’est pas celui des Pharisiens ou des Sadducéens de l’Evangile, avec leurs règles de pureté, mais celui du Christ « qui s’identifie aux exclus sociaux et aux souffrants ».
Le pasteur baptiste Tony Campolo, de Philadelphie, est à la fois de gauche et pro-life : chose rare. Mais il est la bête noire des évangéliques de droite, parce qu’il se proclame « completely » pro-life : contre l’avortement et l’euthanasie, mais aussi contre la peine de mort et la guerre. Et il estime que « Jésus est présent dans toute personne » : proposition conforme à l’évangile, mais qui déchaîna en 1983 la fureur d’organisations évangéliques comme la "Campus Crusade for Christ" ou "Youth for Christ", qui résilièrent l’une et l’autre ses tournées de conférences et de prédication. Ce qui leur évita d’entendre des propos aussi coruscants que celui-ci :
– J’ai trois choses à vous dire aujourd’hui. La première, c’est que pendant que vous dormiez la nuit dernière, trente mille enfants sont morts de faim. La deuxième, c’est que vous n’en avez rien à foutre. La troisième, et la pire, c’est que vous êtes plus choqué de m’entendre dire « foutre » que d’apprendre que trente mille gamins sont morts.
A une émission satirique de télévision, en 2006, Campolo déclare : « Jésus transcende la politique partisane. C’est ce qui cloche avec la droite religieuse : ils ont fait de Jésus un républicain, alors qu’il ne l’est pas. »
Le sarcastique pasteur de gauche a passé huit années (les deux mandats de George W. Bush) à adjurer les évangéliques de comprendre que leur mission n’était pas de faire une « guerre » politisée, aux côtés d’idéologues de droite, mais de vivre selon l’évangile, pour faire connaître le Christ aux gens. Le monde est complexe, répétait Campolo : si vous voulez que votre foi lui apporte des solutions, commencez par mieux connaître votre foi – et par mieux connaître le monde. "

Écrit par : PP | 27/08/2009

EXPERIMENTAL

> Les néoprotestants parlent souvent de "christianisme expérimental". je trouve l'idée enthousiasmante. Au lieu de tourner en rond dans des polémiques du siècle dernier, expérimentons la puissance novatrice de l'évangile ! Ou alors ne nous étonnons pas de voir la catholicité rétrécir d'année en année dans ce pays de France !

Écrit par : Solenn, | 27/08/2009

DEMOCRATES ET REPUBLICAINS

> Attention à ne pas trop caricaturer le parti républicain qui est traversé par de multiples tendances et qui n'est pas la caricature que l'on présente parfois. Si les catholiques pratiquants et les évangéliques ne se sentent pas proches des démocrates c'est tout simplement parce que ce parti est comme le ps français un parti préoccupé exclusivement par les phénomènes sociétaux, qu'il représente les classes aisées liberales libertaires et que sans le vote des minorités il serait d'un point de vue social caricatural!
Je vous rappelle cher Patrice que les traders n'ont pas voté républicain lors des dernières élections!

Écrit par : jean-claude, | 27/08/2009

RENOUVEAU

> "Significative, cette façon évangélique de réinventer le monachisme sous des formes inédites : à mi-chemin entre la communauté alternative écolo et le couvent catholique !"
Voilà qui fait penser au Renouveau Charismatique français; par exemples
http://books.google.fr/books?id=OuErLMi_VTQC&pg=PA64&lpg=PA64&dq=%22renouveau+charismatique%22%2B%22hippie%22&source=bl&ots=N8ZwhxYzu5&sig=pFl2r29e886LmfIikASWKK_tQwI&hl=fr&ei=pbOWSsSfNOXPjAednvy_DA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3#v=onepage&q=%22renouveau%20charismatique%22%2B%22hippie%22&f=false

ou encore :
http://books.google.fr/books?id=OuErLMi_VTQC&pg=PA173&dq=%22renouveau+charismatique%22%2B%22Mai+68%22#v=onepage&q=%22renouveau%20charismatique%22%2B%22Mai%2068%22&f=false

Sinon, quelque chose qui n'a rien à voir, mais à ne pas manquer sur Zenit; il s'agit d'une information intitulée :Benoît XVI et Obama : La religion, de facteur de conflit à facteur de paix
http://www.zenit.org/article-21809?l=french

Écrit par : Nicolas Dangoisse, | 27/08/2009

QU'EST-CE

> Solenn, que voulez-vous dire par "puissance novatrice de l'évangile" ? Etre chrétien, n'est-ce pas en faire l'expérience à partir du moment où on décide de suivre le Christ ? Qu'est-ce qu'un christianisme dans lequel on ne ferait plus cette expérience ?

Écrit par : Laura, | 28/08/2009

à JEAN-CLAUDE

> Je ne noircis pas ce parti américain : ce que vous lisez dans mon livre est le point de vue d'Américains eux-mêmes, non le mien. C'est aussi un point de vue de chrétiens, peu édifiés par ce qu'ont fait les républicains depuis trente ans. Vous avez lu le titre du livre de Walllis : "La droite a tort et la gauche ne comprend rien". C'est clair.

Écrit par : PP | 28/08/2009

DE MOINS EN MOINS WASP

> Cher Patrice
Cela c'est certain, le problème du parti républicain c'est qu'il continue à développer un programme économique qui ne correspond plus à la composition sociologique de son électorat. Mais il y a des débats sur ce problème et la montée en puissance des cathos dans ce parti changera la donne. Car le parti républicain est de moins en moins WASP et cela je trouve qu'on ne le souligne pas assez.

Écrit par : jean-claude, | 28/08/2009

PREPARATION

> Toutes ces choses sont une préparation de l'autorité de l'antichrist; et il serait important de reprendre l'intégrité et l'intégralité des messages de Yeshoua : matthieu 24 & 25 etc.....

Écrit par : Labrosse | 31/08/2009

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