14/04/2009
Benoît XVI rappelle que la résurrection de Jésus n’est pas "une théorie", et quel est son impact aujourd’hui
Contre vents et marées, Benoît XVI poursuit sa mission : repréciser ce qu’est la foi chrétienne…
Il remet en lumière le cœur de cette foi – éloigné dans la pénombre par le « postchristianisme » des années 1980.
Le dimanche de Pâques, devant deux cent mille pèlerins massés sur la place Saint-Pierre et jusqu’au Tibre pour la bénédiction répercutée par les télévisions du monde entier, le pape a mis les choses au point :
« La résurrection du Christ est notre espérance … La mort n'a pas le dernier mot, parce que, à la fin, c'est la Vie qui triomphe… Et cette certitude qui est nôtre ne s'appuie pas sur de simples raisonnements humains, mais bien sur un fait historique de foi : Jésus Christ, crucifié et enseveli, est ressuscité avec son corps glorieux. Jésus est ressuscité pour que nous aussi, en croyant en Lui, nous puissions avoir la vie éternelle…
« La résurrection n'est donc pas une théorie, mais une réalité historique révélée par l'Homme Jésus Christ à travers sa ‘pâque', son ‘passage' qui a ouvert une ‘voie nouvelle' entre la terre et le Ciel… Ce n'est ni un mythe, ni un rêve, ce n'est ni une vision, ni une utopie, ce n'est pas une fable, mais un événement unique et définitif : Jésus de Nazareth, fils de Marie, qui au soir du Vendredi saint a été descendu de la Croix et mis au tombeau, est sorti victorieux de la tombe…
« En effet, à l'aube du premier jour après le sabbat, Pierre et Jean ont trouvé le tombeau vide. Madeleine et les autres femmes ont rencontré Jésus ressuscité ; il a été reconnu aussi par les deux disciples d'Emmaüs à la fraction du pain ; le Ressuscité est apparu aux Apôtres le soir venu dans le Cénacle et ensuite à beaucoup d'autres disciples en Galilée. »
Benoît XVI a appliqué cet événement à la situation du monde d’aujourd’hui : « « L'annonce de la résurrection du Seigneur illumine les zones d'ombre du monde dans lequel nous vivons. Je pense particulièrement au matérialisme et au nihilisme, à une vision du monde qui ne sait pas dépasser ce qui est expérimentalement constatable, et qui se retrouve inconsolée dans la conscience du néant qui serait le point d'arrivée ultime de l'existence humaine ».
« C'est un fait que si le Christ n'était pas ressuscité, le ‘néant' serait destiné à l'emporter. Si nous retirons le Christ et sa résurrection, il n'y a pas d'issue pour l'homme et toute espérance demeure une illusion », a expliqué le pape. « Mais précisément aujourd'hui, éclate avec force l'annonce de la résurrection du Seigneur, et elle est la réponse à la question incessante des sceptiques... Ce n'est plus le néant qui enveloppe toutes choses, mais la présence amoureuse de Dieu », a-t-il précisé.
« S'il est vrai que la mort n'a plus aucun pouvoir sur l'homme et sur le monde, il subsiste cependant encore beaucoup, trop de signes de son antique domination », a ajouté Benoît XVI : « Si par la Pâque, le Christ a extirpé la racine du mal, il a toutefois besoin d'hommes et de femmes qui dans tous les temps et lieux l'aident à affirmer sa victoire avec les mêmes armes que lui : les armes de la justice et de la vérité, de la miséricorde, du pardon et de l'amour ».
Commentaire
Cette allocution répond notamment au malaise catho-français des deux derniers mois. Elle le fait à la manière ratzingérienne : en insistant sur l’essentiel, d’où tout le reste découle si on le reçoit avec l’esprit clair.
- Le pape souligne que la résurrection est un événement : il répond ainsi à un postchristianisme, encore répandu dans des milieux chrétiens occidentaux, selon lequel la foi au ressuscité n’est PAS un événement mais un mythe, un symbole d’autre chose. (Une chose beaucoup moins forte, d’ailleurs : une vague espérance indexée sur l’air du temps). Bien entendu l’événement de la Résurrection dépasse de toutes parts l’histoire humaine, puisqu’il ouvre sur l’éternel, qui englobe l’histoire ; mais il s’inscrit dans l’histoire, au matin d’un certain Troisième Jour, un certain mois d’une certaine année alors que Pontius Pilatus gouvernait la Judée. Si l’on est chrétien, on ne peut pas opposer ces deux dimensions, l’événement et l’éternel, parce qu’elles dépendent de la double nature de Jésus-Christ, humaine et divine. C’est le christianisme tout entier qui est impliqué ici. Comment un fait peut-il être en même temps « historique » et « de foi », comme dit le pape ? Parce que la foi chrétienne s'appuie sur un événement historique : le choc ressenti par les apôtres devant l'évidence de la Résurrection de leur maître. Sans cette évidence, pas de choc. Sans ce choc, pas de christianisme. Sans le christianisme, pas d'Eglise, et l'existence de croyants aujourd'hui devient inexplicable comme tout le reste.
- Le pape applique cette certitude à la situation morale et mentale de notre temps, marquée par le matérialisme et le nihilisme. Lorsqu’il parle de « matérialisme », il ne conteste pas la prise en compte de la matière (le christianisme est une religion de l’incarnation). Ce qu’il conteste, c’est l’idéologie de notre temps : ce que Jean-Paul II appelait matérialisme mercantile et qui est une violence faite au naturel – notamment matériel – par le profit économique [1]. Cette violence repose sur le nihilisme : attitude née du libéralisme des XVIIIe-XIXe siècles selon lequel la nature et l’homme, n’étant pas oeuvre d’un Créateur, n’ont pas de valeur en eux-mêmes. La nature est donc livrée à la violence rapace d’un système économique « perdant la raison » (Stiglitz), et l’homme se livre à l’illusion de se fabriquer lui-même, sans limites ni repères. Total : nihil, le néant. Or « c'est un fait que si le Christ n'était pas ressuscité, le ‘néant' serait destiné à l'emporter. Si nous retirons le Christ et sa résurrection, il n'y a pas d'issue pour l'homme et toute espérance demeure une illusion » (Benoît XVI).
- « Si par la Pâque, le Christ a extirpé la racine du mal, il a toutefois besoin d'hommes et de femmes qui dans tous les temps et lieux l'aident à affirmer sa victoire avec les mêmes armes que lui : les armes de la justice et de la vérité, de la miséricorde, du pardon et de l'amour ». Il faut lire avec attention cette dernière phrase. Elle énumère les « armes » dont les catholiques doivent se servir : toute autre arme serait non chrétienne et non catholique. Avant d’agir, le croyant doit se demander si c’est selon la justice (en tous domaines y compris économique), la vérité (non ses propres réflexes), la miséricorde (non le légalisme vomi par l’Evangile), le pardon (non l'esprit de revanche) et l’amour (non l’esprit de clan).
Merci au pape Ratzinger de donner, une fois de plus, des balises aux esprits catholiques. A nous d’en faire une information pour tous.
[1] Que les « purs » me pardonnent de critiquer ici l’idéologie économique (ce qui leur semble incongru). Je me permets de leur suggérer de s'informer sur leur religion, et de bien vouloir lire Centesimus annus, encyclique du pape Jean-Paul II. En attendant la prochaine encyclique de Benoît XVI.
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11:31 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
NOUS SOMMES HEUREUX
> Oui, c'est encore une fois une puissante et lumineuse parole de Benoît XVI - et j'ai aussi relevé hier, dans l'un de mes blogs, ces termes que vous soulignez et qu'il répète dans cette phrase :
"Que personne ne se mette en retrait dans cette bataille pacifique inaugurée par la Pâque du Christ, Lequel – je le répète – cherche des hommes et des femmes qui l’aident à affirmer sa victoire avec les mêmes armes, celles de la justice et de la vérité, de la miséricorde, du pardon et de l’amour."
Si nous avons à nous battre, c'est parce que les forces nihilistes du monde ne supportent pas, précisément, le fait de la Résurrection, si profondément subversif.
Oui, revêtus du Christ, nous sommes heureux et assurés de vaincre, sans oublier que le combat est rude.
"Revêtez l’armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable", dit Paul aux Éphésiens. "Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes. C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes."
Écrit par : Alina | 14/04/2009
Au risque de vous taquiner un peu avec mon commentaire d'hier et la réponse que vous m'en avez obligeamment fournie [ http://plunkett.hautetfort.com/archive/2009/04/08/apres-le-g-20-%E2%80%93-3-les-chretiens-dans-l-action-pour-la-justic.html ], j'ai bien lu avec attention cette dernière phrase que vous soulignez vous-même.
Cette attention ne commence-t-elle pas précisément par en noter l'ORDRE des armes citées par Benoît XVI ? Remarquez que la miséricorde ne vient "que" en troisième position, non pour la déprécier mais au contraire afin qu'elle ne trouve sa pleine valeur qu'en fonction des deux premières épées tirées du fourreau : la justice ET la vérité. (Associées de la sorte, considérons-les plutôt comme une seule arme... mais avec une double lame !)
Vous précisez à raison que "toute autre arme serait non chrétienne et non catholique." Je pousserai plus loin en me demandant si même ces armes-là sont encore chrétiennes et catholiques quand on les utilise dans un AUTRE ordre que celui qui est énuméré ici sous nos yeux, à la mode "Ratzinger". En d'autres termes, n'en émousse-t-on pas les lames en les caricaturant selon ce que vous développez entre parenthèses ?
La "violence faite au naturel" est plus palpable que l'autre : celle qui est faite au surnaturel. Mais précisément en est-elle comme un singulier écho, plus accessible à nos sens si aisément livrés aux illusions...
Par ailleurs, et pour ne pas quitter le sujet de cette note, les partisans du "mythe Jésus ressuscité" devraient se demander pourquoi l'Histoire a si bien retenu le nom d'un petit gouverneur romain de province lointaine qu'il est intégré au Credo. N'en a-t-elle pas oublié de bien plus prestigieux, et à l'autorité nettement plus affirmée ? Parce qu'en la matière, ce sacré Ponce Pilate s'est joliment fait manipuler par ceux qu'il était censé avoir sous sa coupe !... Comme "mythe", peut mieux faire.
Michel de Tiarelov
( De PP à MT - À taquin, taquin et demi. Feriez-vous partie de ceux qui craignent que l'on ""émousse" le spirituel dès qu'on l'engage dans des incarnations ? Ceux qui ont les mains pures parce qu'ils n'ont pas de mains ?]
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Écrit par : Michel de Tiarelov | 14/04/2009
PSAUME 84
> Citons ici le psalmiste :
"Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s'embrassent"
(Psaume 84, verset 11)
Écrit par : Michel de Guibert | 14/04/2009
LES ANGLICANS
> ça n'a pas grand chose à voir mais avez-vous des nouvelles des anglicans qui devaient rejoindre l'Eglise peu aprés Pâques ? Savez-vous si cela est toujours en bon chemin et d'actualité ? http://plunkett.hautetfort.com/archive/2009/01/29/historique-une-prelature-personnelle-diocese-sans-frontieres.html#comments
bernard
[ De PP à B. - Précisément, j'attends des informations fiables. Nous suivons de près ce dossier de la TAC. ]
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Écrit par : bernard | 14/04/2009
AFFREUX SOUPCON
> Grands dieux ! Comment voudriez-vous que je puisse jouer au taquin sans les mains ?
J'ose espérer ne pas faire partie de ceux que vous suggérez ! (Dieu merci, vous employez le conditionnel...) Disons que pour couper la poire en deux, je crains davantage les incarnations qui "émoussent" le spirituel auquel elles prétendent donner corps en le contredisant. Sur ce point, personne n'est à l'abri : votre serviteur pas plus qu'un autre. Il convient simplement de rester vigilants. À cet égard, le psaume 84 -cité par Michel de Guibert- est tout à fait le bienvenu !
Cela exprimé, je serais curieux de savoir ce qui vous a conduit dans mes propos à cet affreux soupçon ? Les interprétations des uns et des autres sont décidément pleines de surprises !...
Michel de Tiarelov
[ De PP à MT - Mais non, aucun soupçon ! Juste le désir de fournir au lecteur toutes les précisions, pour éviter justement les erreurs d'interprétation. ]
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Écrit par : Michel de Tiarelov | 14/04/2009
RESURRECTION, TRANSSUBSTANTIATION
> bonjour
merci pour ce texte. Je connais des chretiens en effet qui ne croient pas en la Resurrection, soit par rationalisme soit par orgueil. Autant je comprends qu'on puisse avoir des doutes sur la transsubstantiation, autant la Résurrection est le centre de la vie chrétienne : promesse tenue (des écrits) et promesse à venir pour tous. Ce grand renouvellement de la vie, une fois réalisé en Jésus, c'est cela qui fonde notre détachement par rapport à la matérialité dans la quelle nous sommes prisonniers. C'est pourquoi il y a un paradoxe à ne pas croire en la Résurrection au nom de la modernité...
merci pour ce texte
Sophie
[ De PP à S. :
- Merci de votre avis.
- "Doutes" est-il le terme approprié pour parler de la transsubstantiation ? Cette notion est une tentative de l'intelligence humaine pour essayer de penser l'impensable : le mystère de la Présence réelle eucharistique. "Ceci EST mon corps". Non le "symbole de", ou "la figure de" (cf le discours du Pain de vie), non une "présence" par l'imagination, le sentiment, etc : mais une présence "réelle" (quoique dépassant notre intelligence limitée), qui s'empare de l'homme tout entier, corps et âme ! Cette foi est le coeur du christianisme dès l'origine - cf. les lettres de Paul. Ne la laissons pas dans l'ombre. Pour les catholiques, c'est le trésor même de leur Eglise ! Rappelons-nous combien Luther aurait aimé pouvoir garder cette Présence, mais par quel processus de cérébralisation de la foi (Zwingli avant Calvin) les Réformateurs ont lâché prise... Aujourd'hui c'est le centre du problème entre frères séparés. Seul le Saint-Esprit y pourra quelque chose. ]
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Écrit par : sophie | 15/04/2009
Frère Aloïs, prieur de Taizé, écrit dans une belle méditation publiée par "La Croix" des 11-12-13 avril :
> "Nous aussi nous sommes comme Marie-Madeleine près du tombeau.
(...)
Le Christ nous appelle par notre propre nom. Il connaît chacune et chacun de nous personnellement. Il nous dit : 'Va vers mes frères et mes soeurs, dis-leur que je suis ressuscité. transmets mon amour par ta vie.'
(...)
Chacune, chacun de nous peut communiquer cette confiance dans le Christ. Et il se passe quelque chose de surprenant : c'est en transmettant le mystère de la résurrection du Christ que nous le comprenons de plus en plus. Ainsi ce mystère devient toujours plus central dans notre existence, il peut transformer notre vie."
Écrit par : Frère Aloïs dans La Croix / | 15/04/2009
LA RESURRECTION DU CHRIST
> Merci au pape Benoît XVI qui réaffirme si paisiblement les vérités de foi pour mieux nous les faire comprendre.
La résurrection est un événement historique de foi, donc transhistorique puisque cet événement unique retentit d’Adam jusqu’à moi à qui elle offre le Salut, Hic et Nunc.
Je regrette que les homélies de nos prêtres n’osent pas affronter ces vérités de foi afin de les expliquer avec la même tranquille assurance que Benoît XVI, surtout quand certains sondages montrent que seul 13% des catholiques croient en la Résurrection.
Je regrette qu’on n’use pas de similitudes à la manière de Saint François de Sales :
La matière en effet est elle-même capable de transformation inouïe :
-De la mine noire et profonde naît l’éclat du diamant
-la plante s’épanouie en fleurs parfumées et colorées
-la chenille se transforme en papillon
-(je vous laisse ici compléter les similitudes).
Pourquoi la matière spiritualisée, c’est-à-dire l’homme, ne serait-elle pas appelée, par grâce, à une transformation plus merveilleuse encore :
LA RESURRECTION DE LA CHAIR ?
[ De PP à L. - Attention à ne pas être injuste. La Résurrection a été prêchée dans de nombreuses paroisses françaises samedi et dimanche derniers. La situation en 2009 n'est pas celle de 1979, Dieu soit loué !]
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Écrit par : Leroy | 15/04/2009
@ PP et Leroy
> Cela me rappelle une certaine homélie d'un prêtre de ma paroisse il y a 3 ou 4 ans de cela lors d'une Vigile pascale.. où l'on chantait et proclamait "Le Christ est ressuscité, Alléluia" ! Que disait le sermon du prêtre ? Je ne me rappelle plus des termes exacts ... mais de ses paroles, je pouvais retenir ceci : le Christ n'est jamais vraiment ressuscité ! SIC. Cher Leroy, vous n'êtes pas si injuste que cela !
Écrit par : Antoine | 15/04/2009
BOUYER, THEOLOGIEN DU MYSTERE PASCAL
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2370904&rubId=43500
" La réédition intégrale de ses œuvres au Cerf témoigne de l'actualité de ce théologien majeur du XXe siècle. On hésite sur le titre à lui attribuer. L’œuvre de Louis Bouyer (1913-2004) est si étendue et si variée qu’elle ne se laisse pas classer sous une seule rubrique. Au regard des trois volumes de spiritualité (sur les trois états de vie : chrétien, moine et prêtre) réédités récemment et dont il a déjà été rendu compte ici (lire La Croix du 29 mai 2008), il se révèle un incontestable maître spirituel. La réédition de six autres volumes nous le fait découvrir aujourd’hui également comme un spécialiste de la liturgie. Il était par ailleurs un parfait connaisseur de Newman, anglican, converti comme lui au catholicisme.
Si variée qu’elle soit, l’œuvre ne témoigne pas moins d’une profonde unité d’inspiration, puisée dans la Parole de Dieu. Dès 1951, dans La Bible et l’Évangile, le P. Bouyer réagissait contre une vue trop conceptuelle de celle-ci. La Parole de Dieu, écrit-il, n’est pas «une addition extérieure de vérités… Il faut y chercher non une succession de concepts, mais l’approfondissement de vérités très simples, données dès le principe et qui font l’unité de la Parole divine.» Toute l’Écriture tient son unité du «grand dessein qui s’y déploie et de l’Unique dont le visage s’y découvre».
Pour saisir cette unité de dessein, il faut relire son premier ouvrage, Le Mystère pascal, présenté comme une «méditation sur la liturgie des trois derniers jours de la Semaine sainte» et qui conduit au foyer de la Révélation. Cet ouvrage lui valut aussitôt une grande notoriété, et pas seulement parmi les spécialistes. Il replaçait les festivités pascales au centre de la vie chrétienne. Elles sont, écrit-il, «et le foyer où tout converge, et la source de laquelle tout découle. Tout le culte chrétien n’est qu’une célébration continue de la Pâque.» La vie liturgique n’est qu’une «mise en œuvre du texte biblique». Ce livre, a-t-on dit, est une synthèse du christianisme.
Tout aussi novatrice est son approche de l’eucharistie, une vaste enquête à travers les prières eucharistiques les plus anciennes, dont le résultat aboutit à une sévère critique des théologies courantes. À ces théologies « sur » l’eucharistie, il oppose «la» théologie «de» l’eucharistie : «une théologie qui procède d’elle, au lieu de venir s’y appliquer du dehors, tant bien que mal, ou se réduire à la survoler sans jamais prendre contact avec elle». Le ton se fait alors volontiers polémique, surtout quand, aux lendemains de Vatican II, il se trouve face à des improvisations sans fondements, à ses yeux, dans la Tradition.
C’est encore à la liturgie que s’intéresse l’opuscule sur Architecture et liturgie, traduit de l’anglais. Sa réflexion porte ici non plus sur les rites, mais sur l’organisation de l’espace. Comme pour les prières eucharistiques, Louis Bouyer interroge la Tradition. Non pour la reproduire à l’identique, mais parce qu’elle «est un héritage de vie». «Dès que nous considérons les monuments du passé à cette lumière, nous pouvons comprendre la richesse immense, et non moins la vaste marge de liberté, que la tradition catholique met à notre disposition.»
Pour une vue d’ensemble du parcours de Louis Bouyer, on se reportera à Davide Zordan (1). Mais la meilleure introduction reste la lecture de son œuvre, d’un style toujours limpide. Plus qu’une présentation de sa propre théologie, essentiellement d’inspiration biblique, sa lecture ou relecture offre une solide initiation à l’intelligence de la vie chrétienne.
Marcel Neusch
(1) Connaissance et mystère. L’itinéraire théologique de Louis Bouyer, Cerf, 2008, 810 p., 48 €.
La Bible et l’Évangile (1951),
Newman. Sa vie, sa spiritualité (1952),
Le rite et l'homme (1962),
L’Eucharistie (1966),
Architecture et liturgie (1967) "
Écrit par : Redécouvrir L. Bouyer / | 16/04/2009
ENFIN
> C'est une excellente nouvelle! après Lubac, le Cerf se préoccupe enfin de rééditer Bouyer.
Excepté "La Bible et l'Evangile", "Architecture et liturgie", tout était épuisé, je crois bien.
Ajoutons "Le Trône de la Sagesse", qui enracine solidement dans l'Ecriture la dévotion mariale, et développe, à la lumière de ce mystère, une profonde réflexion sur la maternité, le mariage, la virginité.
Et dire que pour me procurer ce livre, j'ai dû le faire venir du Liban! vive internet...
Écrit par : Blaise | 16/04/2009
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