14/04/2009
Effondrement d'un (piètre) montage médiatique : l'article de Josef Ratzinger n'avait rien à voir avec ce qu'affirme 'Rue 89' après le 'Spiegel'
Lire le texte intégral écrit (en 1995) pour la revue Communio :
http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/200...
En outre, lire ci-dessous l'analyse de La Croix (Isabelle de Gaulmyn) :
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2370817&a...
<< Une mauvaise polémique sur un texte du pape
<< Depuis quelques jours se développe sur des sites Internet une polémique absurde, faisant du cardinal Ratzinger un partisan de l’extrême droite nazie
Fin 1995, le cardinal Joseph Ratzinger publiait dans la revue de théologie Communio un article intitulé « Freiheit und Wahrheit » (« Liberté et vérité »). Ce texte, repris en 1999 dans l’édition française de la revue, sera réédité en 2003 dans un recueil par l’éditeur Herder (1).
En 1998, il a aussi été publié par un éditeur de l’extrême droite autrichienne, les Éditions Aula, dont la revue avait comporté, trois ans plus tôt, un article favorable aux thèses négationnistes : voilà qui suffit, pour le magazine Der Spiegel, à prouver la proximité intellectuelle entre Ratzinger et les néo-nazis !
L’hebdomadaire allemand prétend, en outre, que l’article du cardinal serait lui-même une violente critique de la démocratie, reflétant ainsi son accord implicite avec cette mouvance. L’information, sortie en pleine « affaire Williamson », circule actuellement sur des sites français comme Rue89, reprise en cascade par d’autres, sans plus de vérification, mettant ainsi en route une redoutable machine à amplifier la rumeur.
Difficile de contrôler toutes les publications
Depuis que Joseph Ratzinger a été élu sur le siège de Pierre, le problème de la publication de ses écrits revient régulièrement. En effet, le pape actuel a eu toute sa vie une intense activité littéraire comme théologien. Peu après son élection, la Librairie éditrice Vaticane a dû y mettre de l’ordre, à la suite de certains excès.
Comme toute personnalité intellectuelle connue, note Rudolf Voderholzer, responsable des archives Ratzinger à Ratisbonne, interrogé par l’agence de presse KNA, il lui est difficile de contrôler toutes les publications, face à des demandes quasi quotidiennes.
Le Spiegel reproduit la copie d’une autorisation donnée explicitement à Aula par le secrétaire particulier de Ratzinger à l’époque, Mgr Josef Clemens : une affirmation impossible à vérifier auprès de l’intéressé, absent de Rome ces jours-ci. Il est probable en tout cas que cette republication d’un article dans une publication d’extrême droite, qui reste marginale, si elle a été autorisée faute de vigilance par son secrétaire, est restée ignorée de l’auteur lui-même.
Plus inattendu, un éloge de Sartre
Encore faut-il lire tout l’article en question, et non des bribes sorties du contexte. En une dizaine de pages, le théologien allemand réfléchit aux conséquences de l’absolutisation de la liberté comme fin de la société.
Le raisonnement comprend une critique, non des Lumières, mais de ses dérives : « Il n’est absolument pas nécessaire de répudier l’héritage des Lumières en tant que tel », écrit Joseph Ratzinger.
Loin de dénoter une quelconque sympathie nazie, il renvoie dos à dos national-socialisme et communisme comme « les plus grands systèmes d’esclavage des temps modernes ». Le futur pape, pour définir la liberté, emprunte au philosophe Hans Jonas sa notion de responsabilité : « La croissance de la liberté doit être une croissance de responsabilité. » Et, plus inattendu, il fait un éloge de Sartre.
Tocqueville avant lui !
Plus généralement, le cardinal Ratzinger (mais Tocqueville avant lui !) a toujours pris ses distances avec un système qui ferait de la règle de la majorité démocratique le seul fondement de la loi, et plaidé pour d’autres sources de légitimité politique, à côté de celle-ci.
En effet, comme Allemand, il rappelle souvent que le national-socialisme est arrivé au pouvoir par les voies du suffrage universel. Voir alors, dans « Liberté et vérité », une légitimation des thèses nazies constitue une étrange conception de la vérité ! Le seul intérêt, au final, de cette mauvaise polémique est d’avoir permis de redécouvrir ce texte de 1995 qui, mettant en rapport liberté et vérité, garde toute son actualité.
Isabelle de GAULMYN, à Rome
(1) L’article incriminé figure dans un nouveau volume de La Communion de foi (t. 2 : Discerner et agir, Communio/Parole et Silence, 248 p., 22 €). >>
11:00 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : christianisme
Commentaires
PARISER LUFT
> Merci ! J'ai relu par deux fois ce texte, je cherche en effet l'attaque contre la démocratie, la destruction des Lumières , le pamphlet, la plume très à droite, la "pige chez les fachos"......
Si ça c'est un pamphlet, mais alors on ne peut absolument plus rien écrire. Il met en garde tant contre "le flirt vers les solutions autoritaires" que vers "la fuite et le vide devant une liberté incontrôlable", invitant au principe de responsabilité, "la croissance de liberté est croissance de responsabilité"...l'ethos rationnel, il va même jusqu'à citer l' "engagement passionné" d'Hans Küng pour l'éthique planétaire.
Il parle des vérités contenues dans les courants religieux, à aucun moment il ne parle même d'une Vérité unique et assénée. Chrétien dogmatique mais où cela ?? à aucun moment il n'est question de dogme...Même le passage sur l'avortement est trés intéressant d'un point de vue anthropologique.
Ce texte est étonnamment "rationaliste" mais aussi profondément nuancé, même sur le marxisme..qui possède un fondement moral, c'est dit ! ... mais il en pointe aussi remarquablement les limites ( du reste connues de tous) dans le sujet qui l'interesse :
"si le caractère moral du marxisme réside dans son exigence de solidarité et l'idée d'indivisibilité de la liberté, son annonce d'un homme nouveau est, elle, un mensonge, qui paralyse l'élan moral. Les vérités partielles sont ordonnées à un mensonge, et c'est la totalité qui est un échec. Le mensonge de la liberté anihile les éléments de vérité. La liberté sans la vérité n'est pas une liberté"
Il dit aussi en introduction:
"celui qui affirme être au service de la vérité par ses paroles et par ses actes doit se préparer à passer pour un fou ou un fanatique"
On ne saurait mieux dire. C'est pourtant la démonstration inverse qu'il établit dans tout son essai. Ni folie, ni fanatisme, au service prudent et raisonné de la vérité.
Il y a un moment où il parle aussi de la capacité de ceux qui décident "ce qui est moderne ou ne l'est pas, ce qu'un homme éclairé doit penser", leur capacité de "lyncher en place publique" celui qui ne va pas assez dans le sens du vent.
Tout à fait adapté à la situation actuelle !
Honte !
j'avais lu il y a quelque temps un article dans "Marianne" se demandant : "le pape Benoit XVI est-il trop intelligent ?" Question qui parait un peu incongrue, surtout qu'il y a un certain fossé entre l'humilité discrète et effacée de l'homme
et la vigueur de sa pensée, mais je vais finir par me le demander vraiment. C'est peut être son principal problème ! pas assez ras des paquerettes, prenant trop soin d'argumenter et de retourner les arguments avec une sagaçité certaine, d'aller aux fond des choses en bon universitaire, trop soucieux d'enseigner et de s'enseigner, pas assez englué dans un système de pensée pré-formaté..!
Quel gâchis !
Thierry
[De PP à T. - Eh oui, gâchis. Et pourquoi une partie de mes confrères ont-ils emboîté le pas (de l'oie) au 'Spiegel' ? Parce que le haro contre Ratzinger est une posture parisienne obligatoire ces temps-ci. A Paris rien n'est une question de vérité ou d'erreur ; tout est une question de posture. C'était déjà comme ça au XVIIIe siècle. (Ach, pariser Luft !). Cela dit les Parisiens n'ont fait cette fois que reprendre un bobard allemand, ce qui n'était pas le cas au XVIIIe ; plutôt en 1940-1944.]
Cette réponse s'adresse au commentaire
Écrit par : thierry | 15/04/2009
ALLEMAGNE 1933 : LE VOTE CATHOLIQUE
> Sur l'arrivée du pouvoir nazi en Allemagne en juillet 1932 : j'ai eu sous les yeux une carte qui reproduisait le vote catholique : le sud de l'Allemagne majoritairement n'A PAS voté pour le national socialisme. Et cette partie de l'Allemagne, d'où est originaire je crois Benoît XVI, est majoritairement catholique. Et ailleurs, les catholiques en majorité n'ont pas non plus dans les autres régions voté pour Hitler et ses thèses.
Quelqu'un se présentant comme sachant tout m'ayant affirmé le contraire, je suis heureuse de pouvoir apporter un démenti à cette idée politiquement correcte selon laquelle les cathos et leur pape seraient tous (ou presque) des négationistes et/ou de dangereux fascistes...
Écrit par : Martine | 17/04/2009
REAGIR
> Pour ceux qui désirent réagir à la résolution du parlement belge condamnant, après déformation, les propos du Pape: www.trop-is-te-veel.be (trop c'est trop).
Écrit par : Pascal | 18/04/2009
SON PROBLEME
> Le "problème" de Benoit XVI, c'est qu'après s'être adressé toute sa vie à l'intelligence, il doit à présent s'adresser aux journalistes. On peut donc comprendre qu'il ne soit pas encore habitué.
Écrit par : Christian | 17/06/2009
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