06/03/2009
Cent-cinquantenaire de Darwin : sortir des fumées de la désinformation
Conférence internationale au Vatican sur l’évolution biologique, les faits et les théories :
<< Au Vatican, Mgr Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture, a ouvert mardi les travaux de la conférence internationale « L’évolution biologique, faits et théories : une approche critique 150 ans après L’origine des espèces ».
Le congrès, organisé par l'Université pontificale grégorienne en collaboration avec l'Université Notre-Dame (Indiana), et placé sous le haut patronage du Saint-Siège, entend marquer le bicentenaire de la naissance de Charles Darwin (1809-1882) et le 150e anniversaire de son livre L'origine des espèces.
« Il faut que scientifiques, théologiens et philosophes, croisent leurs regards », a déclaré d'emblée Mgr Ravasi, à l'ouverture des travaux, insistant une fois encore sur la nécessité d'un dialogue entre théologie et philosophie, et plus largement entre la foi et la science. Cette nécessité de « croiser les regards », a-t-il précisé en reprenant l'expression du père jésuite Marc Leclerc, biologiste et philosophe à la Grégorienne, et chargé de la direction des travaux de la conférence, doit se faire à deux niveaux : au « niveau subjectif », a expliqué Mgr Ravasi, car « il faut que théologiens et scientifiques se regardent à visage ouvert, s'écoutent, qu'ils aient des échanges sereins » ; et à un niveau « objectif », de manière à ce que « ces regards examinent la réalité sous différents angles, cette même réalité qui implique plusieurs lectures ».
A ce propos, Mgr Ravasi suggère une attitude de « noblesse » dans la manière d' « aborder chaque différence, de reconnaître la diversité des approches, de respecter les statuts épistémologiques ». « Nous ne devons pas céder à la misère de l' ‘hybris' intégriste, de l'arrogance exclusive », mais pour cela, il s'agit d'être conscients « non de posséder la vérité », mais d' « être dans la vérité », celle qui « nous transcende, nous dépasse, nous enveloppe ».
Pour Mg Ravasi, « le grand scientifique, le grand théologien, n'est pas celui qui donne toutes les réponses, mais celui qui se pose toujours les vraies questions, les questions nécessaires ».
« Si elle n'est pas pensée, la foi n'est rien, elle est vide », a-t-il insisté en citant l'affirmation de saint Augustin que Jean Paul II a reprise dans son encyclique Fides et Ratio. « Bien que leurs parcours soient différents, la foi et la raison se retrouvent sur un territoire analogue », a-t-il fait remarquer. « L'Intelligence a des parcours différents », il n'y a pas « un seul et unique parcours » : « il y a la rigueur scientifique, la logique formelle », mais aussi « d'autres parcours cognitifs et intellectuels, comme la philosophie et la théologie, mais aussi l'art et la poésie, chacun avec ses propres statuts, ses propres méthodes, sa propre cohérence ».
D'où l'importance pour Mgr Ravasi, de « comprendre également ce qui est à l'intérieur de la théologie » et de remonter à la pensée de saint Paul dont l'année 2008-2009 véhicule le message, 2000 ans après sa naissance. « Paul, a conclu Mgr Ravasi en citant les paroles d'Albert Schweitzer, a garanti pour toujours, dans le christianisme, le droit de penser : il fonde à jamais la confiance que la foi n'a rien à craindre de la pensée ». >>
Source : Zenit.
Commentaire – On attendra avec impatience les actes de cette rencontre internationale. Il faut en effet dissiper le nuage de désinformation qui enveloppe ces problèmes depuis plus de dix ans. D’où vient ce nuage ? De plusieurs boîtes à fumée.
L’une est le pôle « créationniste », terme impropre qui recouvre en fait le « fixisme », délire antiscientifique propre aux milieux fondamentalistes protestants ou musulmans [1] : il nie toute forme d’évolution, proclame que le dinosaure et l’homme ont cohabité, que le monde fut créé il y a six mille ans, etc.
L’autre boîte à fumée est la machine médiatique occidentale, qui fonctionne à pleines turbines pour imposer le « darwinisme » (?) comme pensée unique obligatoire : non en tant qu’hypothèse scientifique, mais en tant qu’idéologie du monde et de la société – justifiant, paraît-il, les nouvelles mœurs occidentales ! (Je ne l’invente pas : Le Monde le dit en toutes lettres).
Les deux boîtes à fumée fonctionnent ensemble. Le médiatique se sert du fondamentaliste pour disqualifier ceux qui admettent l’hypothèse métaphysique d’un univers créé par Dieu. Raisonnement : « Si vous croyez à la création divine de l’univers, alors vous êtes : a) des crétins qui s’imaginent que la Terre n’a que six mille ans et que le tyrannosaure jouait avec l’homme de Cro-Magnon [2] ; b) des nuisibles qui en réalité n’ont besoin d’un Dieu que pour avoir une morale sacrée, laquelle sert à empêcher les gays d’avoir des droits. »
Ce raisonnement est du terrorisme intellectuel. Il impose l’idée que l’hypothèse de la Création et celle de l’Evolution sont incompatibles. Or elles ne le sont pas ! Elles se concilient même tout à fait ; à condition que les scientifiques ne déraillent pas hors de la science (en déclarant « anti-évolutionniste » toute foi religieuse même si elle admet l'évolution), et que les théologiens ne déraillent pas hors de la théologie (en déclarant antireligieuses des hypothèses scientifiques qui ne le sont pas).
Comment assainir les positions respectives, et créer les conditions d’un dialogue salubre entre les sciences et la théologie ? C’est l’objectif d’une conférence comme celle qui vient de s’ouvrir à Rome…
01:22 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : darwin
Commentaires
DONNEE
> Oui, le fait de l'évolution des espèces est une donnée évidente et ne s'oppose en rien à la foi en un Dieu créateur, si l'on considère que la Création n'est pas terminée ; du reste, comme le dit St Paul, "la création toute entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement" (Romains 8, 22).
Ce qui est en cause, c'est l'explication darwinienne de l'évolution :
- d'une part si elle rend bien compte de la micro-évolution (à l'intérieur des espèces), elle rend difficilement compte de la macro-évolution (apparition de nouvelles espèces, qui se fait par mutations chromosomiques brusques et irréversibles et non par l'addition de petites mutations géniques et la sélection) ;
- d'autre part, l'explication de l'évolution seulement par le hasard et la sélection naturelle paraît bien insuffisante pour rendre compte de la complexité du vivant.
Il va être bien difficile de sortir des vaines dialectiques entre les fondamentalistes créationnistes et les dévots de Darwin et du darwinisme...
Écrit par : Michel de Guibert | 05/03/2009
DEBORDEMENT
> Je me souviens d'avoir lu un critique d'art, défenseur de l'art nouveau, qui vers 1900 s'affirmait darwinien comme d'autres auraient pu se déclarer nietzschiens, radicaux-socialistes ou je ne sais quoi d'autre.
A l'époque déjà, le darwinisme avait débordé la sphère proprement scientifique pour être mise au service de combats idéologiques.
Écrit par : Blaise | 05/03/2009
A SUIVRE DE PRES
> Cette initiative de Rome est vraiment très intéressante et je vais la suivre de près.
En premier lieu, il est certain que le monde matériel que nous voyons à tout instant autour de nous, est dans sa conception et son fonctionnement un véritable phénomène qui dévoile une débauche d’intelligence en mouvement. Et cette débauche d’intelligence , se retrouve aussi dans l’homme bien qu’à un niveau moindre en matière de réalisation ; aucune autre créature connue n’est capable d’aller sur la lune, de construire des voitures, d’édifier des ouvrages d’art ; force est de constater qu’il y a ici un fossé infranchissable entre l’homme et le monde animal. Il est impossible mathématiquement parlant que toute cette débauche d’intelligence soit le fruit du hasard. Ce n’est pas parce que l’auteur de toute cette incroyable réalisation est invisible qu’il faut en déduire qu’il n’existe pas ; quand on monte dans une Jaguar pourquoi alors ne pas prétendre qu’il n’a jamais existé de bureau d’études ?
Je crois que sur le sujet de l’évolution il y a une grande incompréhension et confusion.
L’ancienneté de la terre est certaine . Pour l’homme, il y a un point curieux qui ne cesse de m’intriguer, c’est celui de l’écriture car au-delà environ 3300 ans avant notre ère on ne trouve rien, ceux qui sont quelque peu lettrés savent bien que l’antiquité n’était pourtant pas pauvre en sommités intellectuelles.
Alors de deux choses l’une, ou l’homme s’est développé pendant des millions d’années en étant une véritable brute, pour ne pas dire un abruti, se déniaisant au fil des siècles sous le coup d’expériences laborieuses, ou l’homme a été créé d’un coup intelligent. Mais ce qui fait la différence entre l’homme et l’animal, c’est son esprit doté d’une intelligence qui lui est propre (on peut bien faire toute les contorsions que l’on veut en allant jusqu’au ridicule, par l’intelligence déployée dans ses œuvres et facilement constatable, l’homme n’a manifestement rien à voir avec l’animal sous l’angle de sa nature), quand au niveau biologique, il n’est guère étonnant qu’il
y ait une ressemblance très forte avec notamment des primates au niveau de l’ADN, ces derniers d’ailleurs peuvent bien avoir connu la station debout (couché ou roulé en boulle pour reprendre une boutade de Pierre Dac). Et d’ailleurs cette création de l’homme s’est faite à partir d’éléments de la terre, seulement le véritable point de différenciation relève de l’esprit, de l’âme et l’essence de cette dernière n’est pas observable par nos sens. Intuitivement, je pense que le nœud du problème est là et qu’en fait il n’y ait des contradictions qu’en apparence.
Dans une enquête policière, il faut un faisceau de preuves et ici, le phénomène de l’appariation de l’écriture constitue un indice qu’on ne peut négliger dans la réflexion sur l’ancienneté de l’être humain.
Car enfin, est-on vraiment sûr que les restes humains ayant une datation fort ancienne sont bien humains ? Une forte ressemblance biologique est-elle suffisante pour lancer une affirmation. Et à la limite, si la différence se fait au niveau de la nature de l’esprit lié au corps, deux corps peuvent bien être identiques mais correspondre en réalité à deux êtres totalement différents…
Est-on absolument certain qu’il n’y a pas eu des événements catastrophiques qui auraient pu modifier par exemple les conditions de désintégrations nucléaires (un peu comme la Bourse où certains ont extrapolé sur le passé pour des rendements à venir…), car si les méthodes de datation sont astucieuses et très précises (je pense au carbone 14) elles partent d’un présupposé de stabilité.
En fait, le problème vient sans doute de deux présupposés extrèmes de départ, à savoir : pour l’un l’idée de l’inconnaissable (soit le monde spirituel) est rejeté d’avance et pour l’autre un esprit borné qui refuse de considérer la qualité des découvertes scientifiques incontestables.
Cela va être passionnant à suivre, on n’a pas fini d’être surpris, comme cela a été le cas lors de la découverte des ces animaux fabuleux qu’ont été les dinosaures.
Écrit par : ego | 05/03/2009
UTILE
> Cette mise en garde est d'autant plus utile et le rappel de l'Eglise à la raison d'autant plus nécessaire que le darwinisme social s'insinue et inspire des lire des auteurs dont les livres se sont déjà vendus à deux millions d'exemplaires.
http://sartorius.lalibreblogs.be/archive/2009/01/13/richard-dawkins-et-le-darwinisme-social.html
Mein Kampf aussi, comme le petit livre rouge, ont été des succès de librairie...
A bon entendeur
Écrit par : Annie | 05/03/2009
PASSIF
> C'est vrai qu'il faut pouvoir développer plus de passerelles entres les différentes sciences, mais cela demande comme d'habitude beaucoup de temps tant le passif est lourd entre science et religion.
Et la dualité de l'information médiatique (blanc/noir, gentil/méchant) n'aide pas vraiment à une certaine forme de réconciliation, surtout effectivement que on aurait tort de sous-estimer les conséquences de déclarations comme celle de Sarah Palin dans l'opinion contemporaine.
Écrit par : Marc | 05/03/2009
ARTIFICIEL
> Il me semble que l'opposition science/religion a quelque chose d'artificiel et de fabriqué.
Bien sûr, la science pose des questions à la foi, que les théologiens s'efforcent d'élucider. Mais la confrontation de la foi aux défis nouveaux d'une époque est dans l'ordre des choses.
Cette opposition à deux termes oublie un troisième larron : celui qui, se faisant le héraut auto-proclamé de la Science, prétend combattre les ténèbres de la superstition. Dans une pareille configuration, il n'est plus possible de simplement regretter, dans un langage irénique - hélas trop fréquent -, les incompréhensions qui ont émaillé le rapport entre science et religion.
L'opposition science/religion recouvre un combat idéologique, d'où la montée aux extrêmes, aboutissant par exemple à la conception fixiste de la Création.
Écrit par : Blaise | 06/03/2009
LE MYTHE DU DIVORCE EGLISE-SCIENCE
> L'Eglise est à l'origine de nombreuses universités. Elle a offert à l'humanité une liste importante de savants et de découvertes essentielles qu'il serait intéressant de rappeler pour démontrer que le « passif » entre la religion et la science est en partie un invention dont le mythe ne profite qu'à l'idéologie positiviste dont les excès sont encore sensibles aujourd'hui :
http://www.zenit.org/article-17154?l=french
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2008/01/30/le-malaise-dans-la-civilisation-une-analyse-de-benoit-xvi.html
Ce positivisme est un des fondements du sécularisme que le pape déplore pour égarer l'homme, comme PdP nous l'a aussi rappelé :
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2008/01/24/benoit-xvi-le-secularisme-occidental-est-plus-sournois-que-c.html
Écrit par : Annie | 06/03/2009
SCIENCE ET FOI
> Après un siècle de positivisme, on admet généralement que la science affirme des certitudes, à l'opposé de la religion...
En fait, contrairement aux idées reçues, la science ne repose pas sur des certitudes, mais sur des doutes qui amènent à toujours reprendre et discuter les hypothèses.
C'est au contraire la Foi qui relève du domaine des certitudes !
Écrit par : Michel de Guibert | 06/03/2009
HARMONIE
> Connaissez-vous Lecomte du Noüy ? Dans un ouvrage intitulé "L'homme et sa destinée", paru en 1948, Lecomte du Noüy fait l'observation suivante : "Toutes nos lois scientifiques sont aujourd'hui fondées sur le hasard, c'est-à-dire sur l'hypothèse d'un désordre absolu à la base [...]. Or ces lois de la nature expriment à notre échelle d'observation, une harmonie remarquable. On peut donc dire que du point de vue de l'homme, l'Ordre est né du Désordre".
Il fait aussi remarquer que l'évolution aboutit, chez l'animal puis chez l'homme, à l'apparition de la pensée tandis qu'elle aboutit chez l'homme, ce point culminant de l'évolution, à l'apparition de la conscience et à celle de la reconnaissance du bien et du mal.
N'y aurait-il pas de quoi être émerveillé ?
Écrit par : Sophrone | 06/03/2009
EVOLUTION
> Je signale une excellente mise au point sur les termes du débat actuel sur l'évolution des espèces vivantes dans la revue "Sedes Sapientiae" de la Fraternité dominicaine Saint Vincent Ferrier de Chéméré le Roi:
- du point de vue des vraisemblances scientifiques,
- du point de vue métaphysique,
L'auteur, le Père de Blignières, conclut, sur les deux plans, à la vraisemblance de l'évolution et met en évidence les larges zones d' incertitudes, avec un sens très sûr de la mesure de la valeur des différents arguments.
Une bonne mise au point pour mesurer les termes du débat aujourd'hui.
(la même revue contient une excellente analyse du dernier livre de Dawkins.... sujet voisin: l'usage métaphysique actuel du darwinisme idéologisé, c'est navrant mais très actuel)
Écrit par : vicenzo | 09/03/2009
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